Janvier 2005 Par P. MOONENS Tribune

Quelques mois après que le Ministre des Affaires sociales et de la santé ait lancé une initiative destinée à améliorer l’accessibilité financière des jeunes à la contraception (1), les firmes productrices de la plupart des pilules contraceptives utilisées dans notre pays ont décidé de soustraire leurs produits du système de remboursement, ce qui a pour effet d’augmenter immédiatement le prix à charge des couples de 20%, et de faciliter d’autres augmentations de prix à l’avenir.
Voilà un bel exemple de cette ‘responsabilité sociale’ dont se vante l’industrie du médicament à longueur d’années! Ci-dessous, vous lirez le coup de colère du Dr Moonens , président de la Fedération laïque de centres de planning familial (FLCPF).

Lettre ouverte aux firmes pharmaceutiques

Casser le remboursement des pilules? Vous n’avez pas tous les droits!

Vous n’avez pas le droit, au nom de vos objectifs de profits immédiats, d’empêcher l’accès à la contraception aux couples qui n’ont pas les moyens de cracher au bassinet.
Trente euros l’ordonnance n’est pas à la portée de toutes les bourses. Il est des mois où les fins de mois sont difficiles.
Ne nous inventez pas une fictive volonté de «développer des nouveaux produits». Votre recherche ne se met à l’œuvre que si le profit est garanti.
De toute façon, la recherche scientifique dans le domaine de la contraception est amortie. Que ce soit en patch, en anneau vaginal ou en implant, les molécules sont connues depuis bien longtemps. Seule «nouvelle» molécule, la pilule aux vertus… diurétiques!
Séchez vos larmes de crocodiles, on sait que vos budgets de recherche n’arrivent qu’au tiers de vos budgets publicitaires. Il suffit d’assister aux congrès que vous arrosez de cocktails succulents pour comprendre ce qui vous mobilise. Combien de délégués commerciaux par médecin prescripteur?
Où est la recherche indépendante de vos firmes commerciales?
Vous n’avez pas le droit, au nom de vos actionnaires ou de la «libre» concurrence débridée, de renvoyer à l’avortement les femmes qui ne peuvent suivre l’escalade de vos prix de vente. Ne pas accéder à la contraception a des conséquences douloureuses qui en termes de vécu n’ont pas de prix.
Enfin, en tant que citoyen, je ne vous reconnais pas le droit de saboter l’action de nos élus.
Qu’une société envoie vers ses citoyens le message que nos enfants ne sont pas le fruit du hasard, le cheveu tombé dans la soupe du destin, mais les fruits de notre amour, de l’intérêt que nous portons à l’avenir, est un message de vie, de liberté et d’espoir en un monde meilleur. Que cette société puisse décider de rembourser les moyens contraceptifs par le biais de la sécurité sociale est nécessaire au bon fonctionnement de la cité et de la démocratie.
Protégeons nos enfants, construisons notre avenir!
Vous n’avez pas le droit, au nom de vos intérêts mercantiles, d’empêcher ce message politique et ce choix de société d’exister. La décision de rembourser tel ou tel produit de votre production pharmaceutique est un devoir politique et non un gadget commercial soumis aux seules «lois du marché».
Comme militant parmi d’autres pour un monde plus digne, je soutiens les tentatives du Ministre des Affaires sociales et de la Santé publique de contrer ces abus de pouvoir que tentent de nous imposer quelques multinationales de l’industrie chimique.
Au-delà de ce soutien, les femmes sauront choisir les contraceptifs produits par les firmes éthiquement plus respectables. Mon rôle, en tant que médecin et au nom de la Fédération laïque de centres de planning familial, est de les guider dans ce choix et de sensibiliser les prescripteurs à favoriser les contraceptifs des firmes qui n’abusent pas de leur position de quasi-monopole.
Dr Moonens , FLCPF
Site internet: http://www.planningfamilial.net
(1) Voir notre article ‘Un meilleur accès à la contraception pour les jeunes’ , n° 192, juillet-août 2004.