Juillet 2020 Par Christian NILE Réflexions

Différents professionnels actifs dans le domaine de la vie relationnelle, affective et sexuelle des personnes en situation de handicap, en souffrance psychique et avec des aînés ont uni leur(s) expérience(s) autour de la question.

COVID et POST-COVID : quelle place pour la vie relationnelle, affective et sexuelle (VRAS) ?

Quelques mois déjà que nous sommes entrés dans l’ère du Coronavirus… que de bouleversements dans la vie de tous, mais aussi et plus particulièrement dans la vie des personnes qui, pour des raisons diverses, vivent dans un lieu d’hébergement souvent collectif. Un lieu où leur capacité à vivre leur propre vie s’est révélée encore plus complexe qu’à l’ordinaire : maisons de repos pour les personnes âgées, centres d’hébergement pour les personnes en situation de handicap, sections psychiatriques pour les personnes en souffrance psychique, service de logements supervisés, services d’aide à la vie journalière… Des lieux qui ont un point commun : ils accueillent tous des personnes qui, dans leur vie et pour leurs choix quotidiens, dépendent d’autres individus.Parmi ces personnes accompagnées, il y a notamment :

  • celles qui ont vécu en famille, pour lesquelles cela a pu être un moment de retrouvailles, mais aussi celles qui dans leurs familles ont rencontré une situation plus tendue, parfois même explosive, car le répit n’était plus possible, ni pour leurs familles, ni pour elles-mêmes. Or ce besoin de répit était parfois à l’origine de leur présence en institution ;
  • celles qui ont été plongées dans des conditions plus strictes là où le Covid 19 a sévi et qui ont parfois dû vivre isolées en chambre ;
  • celles qui, en situation de grande dépendance physique, ont dû se contenter des soins primordiaux. Elles ont parfois été privées de leurs activités et leur vie sociale, déjà souvent appauvrie, a été considérablement réduite ;
  • celles qui ont été confrontées à la mort et qui n’ont pas les outils pour y faire face ;
  • celles dont les institutions ont vécu dans le stress, lié à la présence du virus, aux craintes du personnel ou des directions, voire parfois aux conflits au sein des équipes.

Depuis lors, un message quasi unique est véhiculé : la distanciation sociale, érigée au statut de loi sans aucune dérogation. Légitimement utilisée comme rappel pour le citoyen en général, la nécessaire distance de 1 mètre 50 pourrait être réductrice et enfermante pour les personnes évoquées.Certaines personnes ont été soumises à des mesures de confinement renforcées par rapport au reste de la population. Ces mesures de confinement, comprenant des restrictions de liberté et l’instauration d’une distanciation physique, ainsi que leur maintien probable sur une période longue, conduisent à une limitation des relations sociales ou à des changements majeurs dans celles-ci.Le confinement, dont le but est de protéger la vie des plus fragiles d’entre nous a son grand paradoxe : certains, enfants, adolescents, personnes vieillissantes, personnes fragilisées psychiquement, socialement ou cognitivement, personnes en situation de handicap sont autant d’individus pour lesquels la désocialisation et un changement brutal des routines peuvent se révéler néfastes pour cette même santé que nous cherchons à protéger.

Et maintenant…

Certains ne disposent pas de ressources suffisantes pour se relever d’un déconfinement inadéquat.Tout cela risque d’avoir des conséquences sur le plan affectif et relationnel tant pour les personnes accompagnées que peut-être aussi pour certains professionnels. Au cœur de la crise sanitaire, certaines personnes en situation de handicap ou âgées constatent que la dynamique consistant à leur donner la parole risque d’être mise de côté dans le cadre d’un déconfinement centré sur la protection plus que sur l’autodétermination.Qu’en sera-t-il désormais dans nos institutions, si les temps de la découverte et de l’apprivoisement sont interdits, dans une logique sécuritaire, où la santé se réduit au biologique et où elle n’est plus prise dans l’ensemble de ses composantes, dont la santé sexuelle ?Des gestes affectueux, contenant ou d’apaisement sont indispensables pour tous, en particulier pour les personnes souffrant d’angoisse, présentant des comportements à problèmes ou désorientées.Celles qui vont réintégrer leur institution après trois mois de vie en famille et qui devront y reconstruire leur place.Quelle place, au temps du COVID et post-COVID, pour ce toucher hors contrôle sanitaire? Ce toucher qui permet une meilleure conscience de soi par le contact avec l’autre? Ce toucher qui, pour être porteur, ne peut être aseptisé ?Quelles conséquences pour chacun et chacune d’entre nous, conséquences psychiques, relationnelles, corporelles ? Conséquences qui seront plus profondes pour les personnes fragilisées par l’âge, le handicap, la réalité sociale mais aussi les enfants et les adolescents au niveau de la construction de leur identité, et enfin pour chacun et chacune d’entre nous. S’il était et est toujours indispensable de se mettre à distance et se « cacher » derrière un masque, quelles seront les conséquences de ce comportement dans l’avenir ? Pour toutes ces personnes, le corps occupe une place très importante dans leur vie.

Agissons !

L’après COVID avec la réouverture progressive et prudente se prépare, mais elle ne pourra se faire sans l’apport d’experts plus en lien avec les secteurs psychologique, psycho-pédagogique et sociologique, mais aussi avec des apports plus philosophiques et éthiques permettant de re-questionner le rapport à l’autre et à soi, la place du corps et de ses expressions toniques et émotionnelles à la lumière du coronavirus. Faisons en sorte que chacun, femme, homme, enfant, adulte, aîné, soit reconnu comme personne à part entière, être désirant et désiré. Osons ramener la vie là où elle a été chassée par la peur. Osons redonner sa force de vie à la sexualité accueillie dans sa globalité : affective, relationnelle et sexuelle.Dépassons nos résistances : les personnes qui vivent avec un handicap, les personnes âgées, les personnes en souffrance psychique nous confirment de plus en plus nettement qu’elles sont semblables à nous et que si elles ont à être protégées, c’est seulement à hauteur des risques réels qu’elles encourent.C’est ainsi qu’il faudra globalement veiller au respect de la qualité de vie et cela englobe notamment :

  • une reprise des activités, des groupes de paroles autour de la vie relationnelle, affective et sexuelle ;
  • de permettre aux personnes qui développent des sentiments amoureux de s’apprivoiser, de se rapprocher, de se toucher, alors que la distanciation sociale sera encore de mise durant les prochains mois, et peut-être même les prochaines années… ;
  • pour les personnes en situation de handicap, il important de recommencer les soirées adaptées en discothèques dont elles raffolent ou encore les après-midis de rencontres entre célibataires de plusieurs institutions, les initiatives ainsi que les speedating qui étaient en train de se développer ;
  • de permettre finalement à tout le monde de réaliser ses besoins de rencontres avec l’extérieur, d’élargissement du champ social.

Redonnons vie à la vie !

Christian Nile est référent Vie Relationnelle Affective et Sexuelle à l’AVIQ et l’article que vous venez de lire est un condensé des écrits déjà réalisés que vous pouvez retrouver dans leur entièreté sur la page AVIQ enVIE d’amour.
N’hésitez pas à alimenter les réflexions de ce groupe en partageant vos émotions, vos remarques, positives ou négatives, et vos témoignages, personnes accompagnées, familles et travailleurs du secteur. En connaissant mieux le concret de votre vécu autour des questions de vie relationnelle affective et sexuelle, il sera plus aisé de mieux comprendre vos attentes à ces niveaux.
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