« La fatigue en classe, la nouvelle maladie du 21ème siècle dans les écoles ? » Voilà la question mise en débat lors de la conférence du même nom ce 14 septembre à Bruxelles. Cette dernière a été organisée par l’Ecole du sommeil en partenariat avec Question Santé, le SIPES et l’OMS. L’objectif était de mettre en perspective les différents liens qui peuvent exister entre un rythme de sommeil perturbé et les conséquences négatives sur le travail scolaire. Pour ce faire, les résultats de la dernière étude de l’Health Behaviour in School-aged Children (HBSC) portant sur la question ont été présentés.
Les objectifs de l’étude
Les différents objectifs de l’étude HBSC réalisée en fédération Wallonie-Bruxelles étaient :
- « Décrire les comportements de santé des jeunes scolarisés en FWB, leur bien-être et leur état de santé
- Analyser les évolutions de ces indicateurs au cours des enquêtes
- Comparer la situation des jeunes en FWB par rapport à ceux des autres pays participant à l’enquête
- Identifier les disparités démographiques, scolaires et sociales afin de cibler les interventions de promotion de la santé »
L’enquête HBSC c’est une étude qui se réalise tous les 4 ans et ce depuis 1986 dans une quarantaine de pays ou de régions. En Fédération Wallonie-Bruxelles elle concerne les jeunes scolarisés de la 5ème primaire à la dernière année du secondaire soit un échantillon composé de 14 000 jeunes qui ont entre 10 et 22 ans. Elle touche à différents thèmes liés à la santé comme le bien-être (les relations familiales, le bien-être en milieu scolaire, la confiance en soi, …), les comportements en lien avec la santé (la vie relationnelle, affective et sexuelle, la consommation de tabac, la pratique du sport, …) ou encore l’état de santé plus globale comme la santé perçue.
Des résultats qui interpellent
Quatre grands axes majeurs de la problématique du sommeil ont été plus finement analysés :
- les heures de sommeil,
- la cassure du rythme circadien pendant le weekend,
- les difficultés pour dormi,
- fatigue matinale.
Les heures de sommeil
Dans le graphique présenté ici on peut clairement remarquer que la durée de sommeil durant la semaine évolue en fonction de l’âge. Plus l’âge augmente, plus la proportion de jeunes qui dorment en moyenne 9 heures ou plus par nuit diminue. Environ 20% des élèves de 5ème et 6ème primaire n’ont pas ces 9 heures de sommeil en semaine, et cette proportion atteint les 40% lors du passage en 1ère secondaire ! Face à ces chiffres qui évoluent drastiquement, rappelons qu’une période de sommeil de 9 heures correspond à une nuit de 22 à 7 heure…
Cassure du rythme circadien le weekend
Les jeunes ont tendance à briser leur rythme de sommeil : étant en manque de sommeil la semaine, ils se rattrapent en dormant davantage le weekend. Or, majorer sa durée de repos de 2 heures durant cette petite période ne permet aucunement de compenser des nuits trop courtes en semaine. Ce déséquilibre appelé la « dette de sommeil » serait même contreproductif.
Cette habitude concerne plus ou moins 20% des plus jeunes de 5ème et 6ème primaire, augmente chez les adolescents et connait un pic à 48% chez les élèves de 5ème secondaire. Là encore, le passage en secondaire marque une nette augmentation de cette tendance.
Des difficultés pour dormir
Les « difficultés pour dormir » englobent plusieurs situations comme un obstacle à l’endormissement, des réveils nocturnes, un environnement peu propice au sommeil (la présence de bruit, de lumière, une chambre partagée, …), on peut supposer que ces causes externes et internes co-existent.
Sur ce graphique, on peut lire des chiffres frappants puisqu’en moyenne 30% des élèves déclarent avoir des difficultés pour dormir plusieurs fois par semaine, voir tous les jours pour la moitié des jeunes.
Par ailleurs, il existe une disparité entre les sexes, les jeunes filles étant en effet plus sujettes aux difficultés à dormir que leurs homologues masculins. Présentes en Belgique et à l’international, ces difficultés sont d’autant plus marquées en fédération Wallonie-Bruxelles où, à l’âge de 13 ans, on objective 38% des filles ayant des difficultés pour dormir contre 24% chez les garçons. Analysées d’un point de vue international, ces difficultés augmentent significativement avec l’âge, passant de 20% des filles à l’âge de 11 ans à 28% à l’âge de 15 ans. Notons qu’en Fédération Wallonie-Bruxelles, l’effet de l’âge est gommé pour les jeunes filles sans explications supplémentaires.
La fatigue matinale
Cette fatigue matinale est une des conséquences d’une mauvaise qualité de sommeil. Elle peut être à l’origine de difficultés de concentration en classe, de comportements inappropriés ou encore de difficultés d’apprentissage. Dans l’enquête HBSC, pour l’ensemble du public étudié, plus d’un jeune sur deux déclare ressentir plusieurs fois par semaine un état de fatigue dès le réveil.
Suite à une analyse multivariée des données disponibles, on n’observe pas de différences entre genres ou liées au niveau socio-économique. Par contre, la fatigue matinale est plus présente dans les familles recomposées ou monoparentales. Si l’étude n’explore pas scientifiquement la question de la composition des familles, des hypothèses peuvent être avancées. Par exemple une plus grande difficulté d’organisation au sein de ces familles ou encore un climat socio-affectif différent. Il existe également un lien avec la sédentarité et plus particulièrement l’utilisation des écrans : les jeunes qui utilisent les écrans (TV, ordinateur, internet, jeux) plus de 3 heures par jour ou qui pratiquent une activité sportive moins de deux fois par semaine sont d’avantage sujets à cette fatigue matinale. L’école du sommeil souligne que la problématique des écrans est déjà présente chez les enfants dès la troisième année primaire. Elle avance également le cercle vicieux des réseaux sociaux qui envoient des notifications durant la nuit. La tentation est donc grande pour le jeune d’interrompre son sommeil pour les consulter. Ces interruptions qui ne demandent parfois que quelques secondes ont pourtant un effet délétère sur la qualité du sommeil car elles brisent les cycles, ne permettant pas au jeune d’atteindre le sommeil profond et réellement réparateur qui s’installe en fin de cycle.
Le milieu scolaire joue également un rôle ici : on observe une corrélation marquée avec l’appréciation de l’environnement scolaire ou la relation avec les professeurs. Des enfants appréciant peu leur école ou leurs professeurs déclarent davantage de fatigue matinale.
Enfin, comme identifié dans les autres axes, on constate aussi que la fatigue matinale augmente en même temps que le niveau scolaire.
Des pistes pour demain
À la vue des différents éléments présentés dans l’étude HBSC, on peut supposer que certains facteurs en plus de coexister, se renforcent les uns les autres. Par exemple, augmenter la durée d’utilisation des écrans réduit le temps à consacrer à une activité sportive et induit donc plus de sédentarité et ainsi de suite. Il s’agit là d’axes intéressants à étudier dans le futur au même titre que d’autres facteurs potentiellement liés tels que l’alimentation, l’absentéisme scolaire, les comportements à risques, …
A la fin de la conférence des pistes d’action ont étés proposées :
- Réduire le temps passé devant les écrans
- Favoriser la pratique d’un sport au moins 3fois/semaine
- Promouvoir une durée de sommeil adéquate et garder le rythme le weekend
- Favoriser le bien-être à l’école
Pour aller plus loin…
Les résultats complets de l’enquête sont disponibles sur le site http://sipes.ulb.ac.be/ .