Décembre 2003 Par M. PETTIAUX Réflexions

Vingt ans après le lancement du slogan ambitieux et mobilisateur ‘La santé pour tous en l’an 2000’, l’OMS nous rappelle dans son Rapport sur la santé dans le monde 2002 que le tabagisme est toujours en tête des facteurs de risque majeurs.
Si on considère le récent plan français anti-cancer, où le tabagisme figure en bonne place, un investissement de 1.640 millions d’euros est prévu sur 5 ans, en principe financé par les hausses de prix du tabac. Ce plan prévoit une panoplie de mesures associant prévention, interdiction et fiscalité.
La Belgique, est-elle en retard? La réponse doit être nuancée.
La FARES, Fondation contre les affections respiratoires et pour l’éducation à la santé, organisme reconnu et soutenu partiellement par les pouvoirs publics, demande depuis de nombreuses années des moyens supplémentaires pour renforcer la prévention du tabagisme dans tous ses aspects, notamment, par la création d’un fonds public de prévention (à ne pas confondre avec un fonds privé sponsorisé par les industriels de la cigarette!). Rappelons que la Belgique consacre à cette question à peine quelques centaines de milliers d’euros chaque année, alors que l’Académie royale de médecine estime qu’il faudrait au moins 12.500.000 € !
Malgré la modestie des moyens mis en œuvre, des initiatives sympathiques ont été prises récemment par la Communauté française (notamment en matière de dénormalisation) et la Région Wallonne (en matière d’aide au sevrage), en fonction de leurs compétences respectives et après de larges concertations. C’est encourageant.
Il n’en reste pas moins vrai que notre pays, un des derniers de la classe européenne, n’a toujours pas ratifié la première Convention cadre de lutte contre le tabagisme. Cela devient lassant de le rappeler, mais ce n’est pas ma faute! (1) .

Le saviez

vous

?
Parmi les 15 pays de l’Union européenne, 12 ont signé la convention-cadre. Les trois pays qui n’avaient pas encore bougé fin septembre, l’Allemagne, la Belgique et le Portugal, sont les trois où la ‘prévention’ financée par l’industrie du tabac est encouragée par les pouvoirs publics.
Joli, non?

Sauver des vies et préserver les recettes fiscales

Le tabagisme n’est évidemment pas un problème de santé publique étranger à toute dynamique sociale et économique! Dès lors, l’Etat peut et doit légitimement rechercher et soutenir les programmes d’action efficaces établissant des compromis entre recettes fiscales à sauvegarder et diminution du coût social du tabagisme.
Dans de nombreux pays, les pouvoirs publics ont pris diverses mesures fiscales et législatives pour lutter contre la consommation de tabac. Ceux qui ont adopté un programme complet de lutte contre le tabagisme (interdiction de la publicité du tabac, sérieuses mises en garde sur les emballages, restrictions à l’usage du tabac dans les lieux publics, augmentation des taxes sur les produits du tabac, interdictions de vente aux mineurs, programmes d’éducation sanitaire et de sevrage tabagique, etc.) obtiennent des résultats. Les gouvernements qui désirent choisir des interventions couplées correspondant le mieux à leur situation s’intéresseront tout particulièrement à des facteurs tels que l’acceptabilité culturelle, les effets sur la santé de la population et les coûts.
Bien sûr, les campagnes contre le tabagisme se justifient d’abord par le souci d’éviter les maladies et les décès prématurés dus à la cigarette. Leurs enjeux et leurs motivations dépassent toutefois l’objectif de santé publique. Du point de vue économique, elles suscitent d’énormes conflits d’intérêts.
Réduire la consommation de tabac revient, évidemment, à rogner sur les bénéfices des multinationales de la cigarette peu décidées à se laisser faire! (2) Les Etats ne sont pas moins concernés. Habitués de longue date à tirer de substantiels revenus fiscaux du tabac, ils se trouvent dans la position schizophrène de combattre d’une main ce dont profite l’autre (75% environ du prix de vente des cigarettes est constitué de taxes). Sachons par exemple que 3,2% du budget de la France, soit 10 milliards d’euros provient des taxes sur le tabac et qu’en Belgique, 2,6% du total des recettes fiscales provient des taxes liées au tabac. Vous imaginez la catastrophe pour les finances publiques si tous les fumeurs arrêtaient du jour au lendemain!
Relevons pour terminer la conclusion du Bureau fédéral du plan, dans son Rapport fédéral sur le développement durable , qui consacre un chapitre entier à la santé et aux pollutions de l’air dont le tabagisme prend une part importante: « Il faut pour réussir une campagne antitabac, une dizaine de voies en même temps (information, réglementation, aide médicale pour ceux qui veulent arrêter de fumer, soutien aux organisations d’aide au sevrage…) et donc il faut faire travailler de façon coordonnée des politiques relevant de compétences diverses (commerce, agriculture, santé curative, santé préventive, sensibilisation, fiscalité,…). C’est difficile partout et surtout en Belgique où ces compétences sont réparties entre divers niveaux de pouvoir (3)
Ce n’est pas une raison pour désespérer!
Michel Pettiaux , FARES

Initiative parlementaire

Le Dr Catherine Doyen Fonck , députée cdH à la Chambre des Représentants, propose un ‘plan de lutte global et cohérent’ contre le tabagisme. Nous y reviendrons dans notre [L=https://educationsante.be/article.php?id=147]prochain numéro[/L] .


(1) A ce propos, l’appel lancé voici quelques semaines (voir Education Santé n° 181, août 2003) a retenu l’attention du Ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, Rudy Demotte , qui, dans un courrier du 7/11/2003 nous assure qu’il ‘travaille actuellement à la préparation d’un plan global et intégré afin de lutter contre le tabagisme. Il me semble en effet essentiel d’avoir une telle approche afin d’éviter la prise de mesures successives dont l’impact serait à chaque fois limité.
Dans ce cadre, il est certain que, parmi les mesures que je compte proposer, figure la signature de la Convention-cadre au siège de l’ONU à New York.’
(2) Et qui se portent d’ailleurs fort bien, réalisant des performances boursières très supérieures à la moyenne.
(3) S. VARLEZ, La santé et les pollutions de l’air , in Le Bureau fédéral du plan, pp. 32, 8 mars 2002,

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