Mois après mois depuis 35 ans, la revue Prescrire aide des dizaines de milliers de soignants à choisir au mieux parmi les options de soins disponibles. Le numéro spécial d’août 2015 de la revue Prescrire explorait ce qui constitue un progrès décisif au profit des patients.
Dans les faits, les véritables progrès thérapeutiques sont minoritaires, et parfois difficiles à repérer. Certains progrès semblent « évidents », quand ils permettent de prolonger la vie, sans détériorer sa qualité de manière disproportionnée ; de réduire une souffrance ; d’éviter des complications ou des effets indésirables graves. Ce fut le cas des premiers antirétroviraux, puis des premières « trithérapies » pour le traitement des patients porteurs du HIV.
Ces progrès ont été le fruit d’importants investissements publics dans la recherche. Les progrès dont ont bénéficié des patients atteints de certaines maladies rares sont aussi le résultat de volontés publiques fortes, et d’une régulation favorable aux progrès.
D’autres progrès sont moins flagrants, mais utiles, par exemple quand ils visent à mieux protéger les personnes : ajout d’un bouchon-sécurité au conditionnement d’un médicament dangereux pour réduire le risque d’ingestion accidentelle par un enfant ; dispositif de mise en sécurité d’une aiguille pour réduire le risque de piqûre accidentelle d’un soignant. Ces progrès sont le résultat du travail d’équipes, au sein des firmes ou des agences, qui pensent à l’amélioration de l’emploi des médicaments.
D’autres progrès, liés à des médicaments anciens qui ne sont plus protégés par un brevet, ne sont guère valorisés, hormis quelques exceptions. Pourtant, poursuivre l’évaluation de ces médicaments, optimiser leurs posologies, rechercher des formes mieux tolérées, inventer des conditionnements plus adaptés, sont autant de sources de réels progrès pour les patients.
Mesures sociales et environnementales parfois très efficaces
Disparition des nécroses de la mâchoire dans les usines d’allumettes, diminution de l’incidence des goitres, baisse du nombre de personnes tuées sur les routes : trois exemples d’amélioration de la santé de la population sans médicament.
Le recours aux professionnels de santé, aux médicaments et autres soins médicaux sont des moyens parmi d’autres pour obtenir des progrès de l’état de santé de la population, à plus ou moins large échelle. Les exemples sont nombreux. Dans les trois cas présentés dans le numéro spécial d’été de Prescrire, des mesures de prévention sociales ou environnementales ont été source de grands progrès.
À partir des années 1830, la fabrication de nouvelles allumettes au phosphore blanc provoque chez les ouvrières des nécroses de la mâchoire, une maladie aux conséquences lourdes. Fondé en 1892, le syndicat ouvrier des manufactures d’État fait pression sur le gouvernement en lançant des grèves. L’État trouve une solution technique de remplacement, puis interdit l’utilisation du phosphore blanc en 1906. Les nécroses de mâchoires disparaissent.
Au 19e siècle, les carences sévères en iode concernent de nombreux pays. On les repère par leurs manifestations les plus visibles : le goitre et le crétinisme. Aux États-Unis d’Amérique, les médecins proposent d’enrichir le sel alimentaire en iode, non pas par une mesure contraignante, mais en s’appuyant sur le volontariat des fabricants, qui participent de fait pleinement à la campagne.
Au début des années 1950 en France, les assureurs lancent en accord avec la gendarmerie nationale des actions de prévention routière et contribuent à la collecte de données sur les accidentés. À partir des années 1960, la question de l’insécurité routière, de plus en plus médiatisée, devient prioritaire dans l’agenda politique. De nombreuses mesures sont alors prises au fil des ans, avec une réduction importante du nombre de morts sur la route.