Le 13 décembre dernier, les Femmes Prévoyantes Socialistes (FPS) organisaient un forum politique des usagers, sur le thème du droit à une alimentation de qualité.
Après un bon petit déjeuner dans le (trop) petit hall de la salle de formation des Mutualités socialistes wallonnes à Namur, la journée a débuté par une introduction de leur Secrétaire générale, Dominique Plasman et Pierre Baldewyns, Responsable du Service de promotion de la santé de l’Union nationale des mutualités socialistes. En ouverture, le groupe FPS de Belgrade a interprété une surprenante chanson, pour une alimentation accessible à tous, sur l’air du bien connu ‘Le travail, c’est la santé’, se terminant par un militant «jusqu’au bout, le poing levé, pour dire stop à la malbouffe» . Dans la même lignée, le groupe de Flémalle nous a proposé une saynète au délicieux accent liégeois sur le gaspillage et la société de consommation : deux personnages futuristes, ne s’alimentant qu’avec des pilules, se retrouvaient propulsés à notre époque où ils observaient, dépités, la manière dont nous gaspillons des aliments pourtant si appétissants… Une originale entrée en matière.
L’Europe dans nos assiettes
Ensuite, Martin Wauthy, Directeur du marketing à l’Union nationale des mutualités socialistes, nous a présenté quelques résultats du Thermomètre Solidaris, un vaste programme d’enquêtes sociales et politiques qui a notamment révélé que 58% des personnes interrogées pensent que la publicité les pousse à mal manger et que 55% des consommateurs estiment que les pouvoirs publics ne font pas ce qu’il faut pour protéger le consommateur des risques alimentaires. Des chiffres pour le moins interpellants !
C’est après deux chansons des Gargantu’crasses (1) que les choses sérieuses ont commencé. Une table ronde intitulée ‘L’Europe dans nos assiettes’ réunissait à la fois experts, militants et politiques. Pendant les exposés, le public a pu profiter des dessins bien à propos de l’excellente Cécile Bertrand, une illustratrice pleine d’imagination.
La première intervenante, Brigitte Duquesne, docteure en médecine vétérinaire (ce qui fit sourire l’assemblée) et auteure de plusieurs ouvrages sur la consommation alimentaire, nous a rappelé que la consommation de calories augmente dans la population belge, et qu’ainsi progresse le surpoids dans notre pays (1 Belge sur 2 serait concerné).
Elle conclut son discours en encourageant les membres de l’assemblée à être acteurs de changement en devenant ‘conso-penseurs’, plutôt que ‘conso-mangeurs’ car «Manger sain et local, c’est poser un choix».
Ensuite, c’est avec humour que Marc Tarabella, député européen, nous a entretenus des progrès déjà effectués en matière d’étiquetage des produits. Au même moment, l’illustratrice nous proposait une caricature de celui-ci, avec l’embonpoint qu’on lui connaît, s’adressant à l’assemblée «Faites ce que je dis, pas ce que je fais» (en matière d’alimentation donc). Bien vu !
Stéphane Desgain (CNCD, Centre national de coopération au développement), a réveillé l’assemblée avec tout l’engagement et le militantisme qui le caractérisent et un brin de provocation. Il a affirmé que le surpoids des Belges évoqué par le Dr Duquesne, n’était pas uniquement le fruit de notre sédentarité mais aussi le résultat des efforts de l’industrie qui se bat bec et ongles pour développer son business, au détriment des consommateurs. Quant au gaspillage, il n’a pas hésité à qualifier les citytrips aux quatre coins du monde de «débiles», arguant ainsi que le gaspillage domestique n’était pas le seul sur lequel il convenait de se pencher.
Enfin, Renaud Baiwir (Responsable de la Cellule Agriculture au Cabinet du Ministre Di Antonio), a clôturé les interventions avec un discours dénonçant le productivisme à outrance ( «l’agriculture est une marchandise comme une autre» ), en prônant le ‘manger local’.
Il est dommage que le timing ait été si serré, le modérateur des débats devant régulièrement couper la parole aux personnes souhaitant s’exprimer dans la salle, créant ainsi bon nombre d’apartés. Au moins, le débat avait le mérite de susciter l’expression.
Alimentation et précarité
Après la table ronde, quelques FPS nous ont lu des extraits de leurs ‘contes alimentaires’, et d’autres nous ont proposé une version (karaoké !) entraînante du ‘Zizi’ de Pierre Perret sur le thème de la consommation alimentaire «Tout, tout, tout, vous saurez tout sur ce qu’on mange» . Sympathique conclusion de la matinée, qui s’est terminée par de chaleureux applaudissements.
Le temps de midi a été l’occasion de flâner dans la salle, sur le stand ‘Goûtez-moi ça’ (2) ou entre les panneaux photos présentant des initiatives régionales sur le thème de la journée. Avant de passer au réfectoire, nous avons reçu des graines issues d’un jardin communautaire, jugées ‘illicites’ par la récente directive européenne sur les semences, plaçant celles-ci sous le contrôle direct des titres de propriété de l’industrie, exigeant leur enregistrement. Une belle initiative de protestation citoyenne.
L’après-midi a recommencé avec une chanson des ‘Choukes de Bruxelles’, sur les invendus alimentaires et le gaspillage.
Une seconde table ronde ‘Précarité et alimentation’ était proposée l’après-midi. Faustine Régnier, docteure en sociologie et chercheuse à l’Institut National de la Recherche Agronomique en France, nous a entretenus des modèles alimentaires et de leurs conséquences sociales, et des inégalités liées au poids alimentaire dans le budget des ménages. Ainsi, elle nous a appris que celui-ci représentait 14% du budget global dans les familles dites aisées contre 19% dans les familles plus modestes. C’est pourquoi modifier les comportements alimentaires (consommer davantage de fruits et légumes par exemple) représente pour ces familles un important risque budgétaire.
Elle a aussi évoqué la question de la norme de poids et de la stigmatisation de l’obésité, pourtant de plus en plus présente dans les milieux socio-économiquement défavorisés. Un exposé intéressant et une sélection de chiffres spectaculaire.
Ensuite, Florence Kroff (FoodFirst Information and Action Network Belgium) (3) a évoqué le ‘droit à l’alimentation’, qui n’est pas seulement le droit d’être nourri, mais celui de bénéficier d’une alimentation adéquate. Elle a profité de l’occasion pour demander aux politiques de ne pas aborder l’alimentation seulement sous l’angle du ‘nombre de calories’, mais aussi de prendre en compte les considérations agricoles.
Impliquer grandes surfaces et petits commerces
C’était ensuite à Frédéric Daerden (Bourgmestre d’Herstal) de prendre la parole. Il a été applaudi avant même de parler et s’est vu offrir, par un groupe local, un bracelet de choux de Bruxelles et un chapeau particulier qu’il n’a pas manqué de porter pour poser, au grand bonheur de ces dames. Il a ensuite relaté, avec un accent qui n’était pas sans nous rappeler celui de feu son père, l’expérience intéressante de sa commune dans laquelle les grandes surfaces et les associations locales ont collaboré pour organiser un don d’invendus.
Mireille Latour, Coordinatrice de l’équipe régionale de Présence et action culturelles (PAC) Liège, a présenté en images l’initiative du brunch ‘Invendu mais pas perdu’ grâce auquel des invendus alimentaires non périmés ont pu être redistribués. Cette action avait pour objectifs à la fois de sensibiliser le public à la problématique des invendus et de valoriser les acteurs du secteur de l’aide alimentaire. Ainsi, 500 assiettes ont pu être servies à 400 personnes (parmi lesquelles 70% de bénéficiaires de l’aide alimentaire), grâce à 40 petits commerces et grandes surfaces. Un exposé plutôt enthousiasmant.
Christine Mahy, Secrétaire générale du Réseau wallon de lutte contre la pauvreté, a rappelé, lors d’une remarquable intervention, l’importance de revenir à l’Humain se trouvant derrière les problématiques abordées. Elle a expliqué de manière très touchante que ce que chacun met dans son caddie, dans son assiette, et comment il le fait, est fort intime, qui qu’on soit. Elle faisait le constat que plus on descend dans les niveaux de revenus et les classes sociales, plus des esprits ‘bien-pensants’ s’autorisent à aller voir comment ça se passe et à porter des jugements négatifs. Au nom du fait que ces personnes bénéficient de l’aide publique peut-être…
Enfin, Alain Cheniaux, Secrétaire général de la Mutualité socialiste du Brabant wallon, a rappelé à son tour quelques éléments prégnants du Thermomètre Solidaris. Ainsi, d’après l’enquête, la population déplore l’opacité du secteur alimentaire et a perdu confiance dans la grande distribution et les pouvoirs publics. 71% des personnes issues de milieux défavorisés déclarent que les produits qu’ils achètent ne sont peut-être pas fiables ! Face à ce constat, Alain Cheniaux a encouragé les pouvoirs publics à lever ce manque de transparence, tant au niveau de la production que de la distribution, et à favoriser les circuits courts.
La journée s’est terminée par une chanson sur les plats préparés interprétée par un groupe local de femmes dont l’une des voix rappelait furieusement celle d’ Annie Cordy.
Cette journée intéressante a été longue et dense, les intervenants se succédant à un rythme soutenu. Les différentes interventions des groupes locaux ont heureusement quelque peu allégé le programme et nous ont permis de tenir plusieurs heures sans pause, dans cette salle bondée et surchauffée… Ces initiatives qui d’emblée pouvaient paraître dépassées ont véritablement montré l’implication des sections locales dans ce travail autour de l’alimentation et du gaspillage et ont permis une jolie mise en valeur de leurs activités, particulièrement appréciées par les 150 personnes présentes ce jour-là.
Un petit bémol toutefois. Alors qu’on parle de transparence, d’inégalités, d’accessibilité pour les plus défavorisés, n’aurait-il pas convenu d’abord qu’on simplifie le propos ? Car la journée semblait elle-même créer un clivage entre les universitaires, ceux qui détiennent le savoir, et un public très populaire (à l’image des FPS) qui n’a sans doute pas compris tous les enjeux de la journée. Dommage. Heureusement, les animations, chansons, saynètes et autres activités ont sans nul doute été plus instructives pour ces personnes que les longs discours…
Les Femmes Prévoyantes Socialistes (4)
Regroupant 11 régionales et plus de 200 groupes locaux, les Femmes Prévoyantes Socialistes organisent de nombreuses activités d’éducation permanente sur l’ensemble du territoire de la Fédération Wallonie-Bruxelles. En tant que mouvement mutualiste, elles militent et portent des revendications politiques pour une société plus égalitaire.
Concrètement:
– information et sensibilisation conférences, études et analyses, campagnes de sensibilisation (stress au travail, dépistage du cancer du sein, tabagisme …);
– mobilisation colloques et évènements, revendications politiques (droit à l’avortement, violences faites aux femmes…);
– actions d’éducation pour la santé, centres de planning familial (coordination et promotion de l’action des centres de planning FPS et des centres IVG situés à Bruxelles et en Wallonie);
– un réseau d’écoles de promotion sociale (enseignement accessible à tous, proposant un éventail de formations qualifiantes dans des domaines variés et débouchant sur des titres certifiés par la Fédération Wallonie-Bruxelles, service aux personnes, langues, gestion, alphabétisation…).
Pour lire les interventions de la journée http://www.femmesprevoyantes.be/activites/colloques/colloques-evenements-passes/Pages/forum-alimentation.aspx
Contact FPS, Place Saint-Jean 1-2, 1000 Bruxelles. Tél. 02 515 04 01 – Fax 02 515 18 81- Courriel fps@mutsoc.be
(1) Groupe local de Philippeville
(2) Voir ‘Goûtez-moi ça!’, l’article de J. d’Ornesson paru dans Éducation Santé n° 285, janvier 2013. http://www.educationsante.be/es/article.php?id=1544
(3) Organisation internationale consacrant son travail au droit à l’alimentation pour tous ( http://www.fian.be )
(4) Extrait du site des FPS http://www.femmesprevoyantes.be