Avril 2007 Initiatives

Un décuplement des moyens consacrés à la prévention est nécessaire

Ces 20 dernières années, les mentalités ont fortement évolué: loin de la lutte contre le tabac des débuts, les efforts en matière de prévention et de sensibilisation à une gestion du tabagisme ont aujourd’hui pour objectif de dénormaliser le tabac, de réduire le tabagisme passif en divers lieux de vie (famille, travail, loisirs, restauration) et de privilégier le bien-être et la qualité de vie pour tous à travers la mise en place d’une société responsable et respectueuse des besoins de chacun.
Dans les années 50, environ 70% des hommes et un peu moins de 20% des femmes fumaient régulièrement. Pour les hommes, ce pourcentage a décru régulièrement pour atteindre les 40-45 % dans les années 1970-80, 35 % au milieu des années 1990, avec depuis une certaine stagnation du nombre de fumeurs et une augmentation du tabagisme des jeunes. Environ un Belge sur quatre (24%) (1) est aujourd’hui fumeur. Cette réduction est le fruit d’efforts conjugués en matière d’information, d’accompagnement et d’encadrement législatif. Nous savons qu’il faut, pour réussir à obtenir une réduction importante du tabagisme, plusieurs voies: information, réglementation, aide médicale, travail coordonné des politiques relevant de compétences diverses.

Des moyens insuffisants pour la prévention

Mais il s’agit d’aller plus loin dans la prévention du tabagisme. Force est alors de constater que les moyens alloués à la prévention et à l’accompagnement demeurent insuffisants pour faire reculer davantage encore le tabagisme. En 2004, les autorités ont investi 0,23 euro par habitant dans la prévention du tabagisme, alors que toutes les données montrent qu’il faut dix fois plus pour mener une politique efficace, soit 23 millions d’euros par an.
Ces moyens supplémentaires sont nécessaires à plus d’un titre.
Aujourd’hui, 15% des fumeurs sont prêts à se lancer dans une tentative de gestion de leur tabagisme voire de cessation tabagique. Ceci constitue un processus à long terme. Les laisser sans aide substantielle signifie, d’une part, diminuer fortement leurs chances de réussite et, d’autre part, risquer de les voir postposer leur tentative pourtant porteuse de réduction des risques.
Par ailleurs, le tabagisme des jeunes a doublé en dix ans pour atteindre aujourd’hui 26% des 15-24 ans (29% même selon les données récentes de la Fondation contre le cancer). La réduction du tabagisme chez les jeunes demeure toujours un défi de taille pour la santé publique.

Le FARES en bref

Depuis la création de son service de prévention du tabagisme, en 1986, le Fonds des Affections Respiratoires (FARES asbl), a contribué à coordonner de multiples campagnes de prévention et de gestion du tabagisme en divers lieux de vie de la Communauté française de Belgique.
En participant à diverses plates-formes d’échanges aux plans européen, fédéral communautaire et régional, le FARES a veillé à favoriser la concertation et l’implication de nombreux professionnels de santé. Ceci s’est traduit progressivement au travers d’une approche promotrice de santé visant tant le développement de pistes de prévention auprès des jeunes que la prise en charge de la gestion du tabagisme dans une perspective de bien-être et de qualité de vie pour tous et respectueuse des choix de chacun.
Ainsi le FARES développe 7 projets spécifiques en la matière.
Une approche de promotion de la santé s’appuyant sur quatre pôles:
-une recherche-action «Tabac – recherche et développement de pistes de prévention dans différents milieux de vie des jeunes: maillage de réseaux locaux»;
-un accompagnement de professionnels impliqués dans des milieux de vie des jeunes;
-la poursuite de la recherche-action «En Région bruxelloise, usages du tabac et du cannabis chez les adolescents les plus fragilisés dans leurs différents milieux de vie. La question de la gestion et du sevrage: esquisse de réponse via la prévention par les pairs»;
-un centre de référence documentaire et une bibliothèque.
La protection du non-fumeur sur base de la législation belge en vigueur. Le service a développé dans ce cadre des actions dans 2 domaines particuliers:
-le tabac et la grossesse (collaboration au projet Euro scip III : situation belge, rédaction et diffusion d’une lettre d’information en rapport avec la grossesse et la petite enfance auprès de professionnels de la santé, formation à l’entretien motivationnel);
-la gestion du tabagisme en entreprise (recherche de compromis en vue de restreindre les effets du tabagisme passif).
La cessation tabagique . Dès 1984, le FARES a initié la création de structures d’aide au sevrage appelées «Centre d’Aide aux Fumeurs» (CAF), dont il assure actuellement la coordination. Depuis 2005, le FARES coordonne un programme d’accompagnement de la femme enceinte et de son partenaire à la gestion de leur tabagisme.
Le Service Prévention Tabac propose également des formations :
-en tabacologie, depuis 2001, en partenariat avec les 3 grandes universités francophones, la Société scientifique de médecine générale et la Fondation contre le cancer. Celle-ci est ouverte à tous les professionnels de santé.
-à l’entretien motivationnel ouvert à tous les professionnels (de la santé, du milieu scolaire, etc.).
La représentation au sein de réseaux: ENSP (Réseau européen de prévention du tabac), ENYPAT (réseau européen de prévention du tabac auprès des jeunes), «Hôpitaux promoteurs de santé», «Hôpitaux sans Tabac», Coalition nationale contre le tabac (rôle de lobbying, actions concertées lors de la «Journée mondiale sans tabac»), Réseau bruxellois de documentation en santé (RBDSanté), Réseau de partenaires tabac et promotion de la santé.
Une bibliothèque accessible du mardi au vendredi de 9h.00 à 12h.00 sur rendez-vous, et de 13h.30 à 16h.30: livres, articles, revue de presse sur abonnement, périodiques. Adresse électronique: bibliotheque@fares.be. Tél.: 02 514 66 65.
Un site http://www.fares.be , riche et complet, avec des informations en ligne, de la documentation, des nouvelles, des documents à télécharger…
Coordonnées: FARES, rue de la Concorde 56, 1050 Bruxelles. Tél. 02 512 29 36. Fax 02 512 32 73. Courriel: prevention.tabac@fares.be. Internet : http://www.fares.be .

Actuellement, les jeunes filles sont tout autant que les garçons une cible de sensibilisation prioritaire d’autant que, parmi les fumeurs, on observe une augmentation des «grands fumeurs» (plus de 20 cigarettes par jour). Il est absolument capital d’intensifier la prévention à leur égard en vue d’atteindre les objectifs de l’OMS d’ici 2015: 80% de non-fumeurs chez les 15 ans et plus, et 100% ou presque chez les moins de 15 ans. Du reste, il ne faut pas négliger le désir d’arrêter de fumer déjà présent dans l’esprit de certains jeunes. Ainsi, selon l’enquête «Santé et bien-être des jeunes» (HBSC – 2002), en 4e secondaire, 76% des jeunes fumeurs désirent cesser de fumer.

Bénéfices de la prévention du tabagisme

Le tabac demeure aujourd’hui la première cause de mortalité. Les méfaits du tabagisme représentent entre 12 et 15 % du coût des soins de santé, soit environ deux milliards d’euros par an auxquels il faut ajouter les frais indirects liés à la perte de productivité, l’absentéisme, etc. Relevons ici que devant le risque cardio-vasculaire, l’arrêt du tabac est la mesure la plus sage et celle qui a le rapport coût-efficacité le plus intéressant.
En effet, la prévention du tabagisme offre, à bénéfice égal, l’avantage d’une excellente maîtrise des coûts pour la société. Les coûts liés au traitement ou à la prévention d’autres affections sont nettement supérieurs, allant jusqu’au décuple et plus, pour obtenir le même résultat en terme de survie pour le patient. Le coût moyen de la cessation tabagique par année de vie gagnée varie entre 832 et 5.194 euros, alors qu’il peut atteindre 27.400 euros pour le traitement de l’hypercholestérolémie et 18.600 euros pour le traitement de l’hypertension.

Stratégie du FARES et de la VRGT

(2)
Une stigmatisation du comportement et une focalisation exclusive sur l’abstinence tabagique serait vaine. Chacun est responsable de ses choix et de ses projets de vie. Promouvoir un bien-être et une qualité de vie revient, tant pour le FARES que la VRGT, à informer et sensibiliser les jeunes le plus tôt possible et à motiver les fumeurs désireux d’amorcer un changement de comportement, en augmentant leur confiance et leur capacité d’y arriver et en les épaulant à cet effet. Ceci repose sur une sensibilisation accrue de l’ensemble des professionnels de santé et de l’éducation pour renforcer l’accessibilité et la proximité d’une aide à la gestion du tabagisme.
Le contexte est aujourd’hui relativement favorable pour intensifier la prévention du tabagisme en Belgique:
-le cadre législatif évolue dans le sens d’une dénormalisation du tabagisme;
-les structures d’accompagnement se professionnalisent et augmentent progressivement sous la forme de centres d’aide aux fumeurs et de nombreuses consultations spécialisées dans les hôpitaux universitaires et autres;
-une ligne Tabac Stop (0800 111 00) existe depuis mai 2004, dont il est fait mention sur les paquets de cigarettes;
-le nombre de professionnels spécifiquement formés en tabacologie augmente: 175 tabacologues et 150 travailleurs médico-sociaux de la petite enfance ont été formés par le FARES et la VRGT à ce jour. Par ailleurs, on peut se réjouir que cette approche s’inscrit désormais dans de nombreux cursus de professionnels de santé notamment dans le cadre du plan fédéral et du Plan wallon sans tabac;
-l’accompagnement pharmacologique évolue également comme en atteste l’arrivée sur notre marché du premier médicament spécifiquement développé pour la cessation tabagique. Cette nouvelle molécule dénommée varénicline, s’annonce jusqu’à 4 fois plus efficace qu’un placébo(3).
Ce contexte ne suffira sans doute pas à atteindre les objectifs fixés par l’OMS. Pour ce faire, les moyens d’action en matière de prévention du tabagisme et d’accompagnement des fumeurs sont à renforcer en veillant à s’attacher au rôle que joue la consommation dans la vie de chaque consommateur pour pouvoir mieux l’aider à rompre avec celle-ci si ce désir de changement est amorcé. Par ailleurs, la prévention auprès des jeunes nécessite de prendre en compte leur contexte et leur projet de vie et pas exclusivement leur consommation.
D’après un communiqué de presse du FARES
(1) Données de l’Enquête de santé par interview 2004. Une estimation récente (octobre 2006) de la Fondation contre le cancer donne 29% de fumeurs quotidiens (ndlr).
(2) VRGT: Vlaamse vereniging voor respiratoire gezondheidszorg en tuberculosebestrijding.
(3) Dans sa livraison d’octobre 2006, l’excellente revue Prescrire est plus réservée, qui estime que ce médicament n’apporte pas de progrès significatif par rapport à la nicotine, qui a l’avantage d’être disponible sous de multiples formes et dosages (ndlr).