Les inégalités sociales de santé, largement documentées, sont aujourd’hui reconnues comme un problème majeur de santé publique. Malgré les efforts de nombreux acteurs dans la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, elles persistent et parfois même s’accentuent.
Pour sa dernière grande activité publique sous la direction de Luc Berghmans, l’Observatoire de la Santé du Hainaut nous a convié à une après-midi studieuse le 25 mars dernier, dans le cadre enchanteur du Bois d’Havré (près de Mons) inondé de soleil.
Une bonne centaine de personnes s’y sont retrouvées pour entendre Pierre Lombrail, professeur de santé publique à Paris 13 et actuel président de la Société française de santé publique.
En moins d’une heure, il nous brossa avec humour un bel état de la question, avec rappel de la nature de la problématique, compréhension de ses causes et ébauches de solution. Avec quelques formules chocs comme par exemple à propos des traitements aux patients de milieux défavorisés : «Quand j’avais soigné mes patients, je faisais semblant de croire qu’ils allaient mieux… »
Ou encore, à propos des assurances mutuellistes de France, cette constatation : les moins aisés doivent consacrer 14% de leurs revenus aux couvertures complémentaires à la sécu, là où les plus aisés n’ont besoin que de 3% de leurs moyens financiers.
Il rappela aussi les vertus de l’universalisme des services à la population, mais un universalisme proportionnel aux désavantages vécus par un nombreux public. Une idée-force qui n’était pas pour déplaire à son hôte d’un jour !
La place nous manque pour résumer la table ronde qui s’ensuivit, animée par Chantal Vandoorne, chargée de stimuler un panel de haut vol, jugez-en plutôt : Luc Berghmans bien entendu; Philippe Lorenzo, directeur de l’Instance régionale d’éducation pour la santé de Picardie; Michel Beauchemin, directeur de l’Agence de la santé et des services sociaux de la Capitale-Nationale Québec; Philippe Defeyt, président du CPAS de Namur; Pol Gerits , président du groupe de travail belge sur les inégalités de santé; et Christine Mahy, la directrice du Réseau wallon de lutte contre la pauvreté, toujours aussi percutante dans sa défense des plus nobles causes.
Aux esprits chagrins qui diront «Encore les inégalités, vous n’avez vraiment rien de mieux en magasin ?», ces experts répliquaient d’une même voix qu’aujourd’hui plus qu’hier, elles doivent «être vues, connues et reconnues» (M. Beauchemin). Et combattues notamment avec l’appui des «experts du vécu, ces militants en capacité d’influencer la mise en œuvre de solutions» chers à C. Mahy.
Et les uns et les autres de plaider à juste titre pour l’inclusion sociale, à l’image des organisations sociales belges se mobilisant dans notre pays à la veille des élections.
Avec pour conclure ce jugement sans appel de Pierre Lombrail nous invitant à changer de paradigme : «Nous continuons à parler de santé comme si l’essentiel ne se jouait pas ailleurs». Bien entendu, il ne fut pas seulement question d’inégalités de santé ce jour-là, et Yves Coppieters, président de l’École de santé publique de l’ULB, ne manqua pas de nous présenter une étude de cas bien de circonstance, en parcourant avec la vélocité qui le caractérise les quarante années du futur retraité au service d’une conception progressiste de la santé (1).
Et bon vent à son successeur, Michel Demarteau !
(1) Luc Berghmans a accepté de continuer à suivre les rencontres annuelles du comité stratégique de notre magazine, au cours desquelles ses encouragements et ses suggestions sont toujours très appréciées. Qu’il en soit remercié !