Août 2005 Initiatives

Protéger la santé des jeunes

Récemment encore, le CRIOC a révélé des chiffres qui montrent qu’une action des pouvoirs publics est nécessaire (1): 10% des jeunes de 11-12 ans affirment consommer de l’alcool, et 68% d’entre eux y ont déjà goûté. Vers 17-18 ans, le chiffre de la consommation atteint 70%.
Depuis quelques années, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et les services compétents de la Commission européenne se penchent sur la consommation d’alcool, particulièrement chez les jeunes, et sur les liens entre la publicité et la consommation de ces boissons.
L’OMS aainsi organisé, en 2001, une conférence sur «Les jeunes et l’alcool», au cours de laquelle il a clairement été mis en évidence que la publicité augmente la consommation. « La jeunesse constitue la cible privilégiée du marketing de l’industrie de l’alcool », y déclarait la directrice générale de l’OMS.
Elle a ainsi cité des études démontrant qu’une augmentation de la consommation d’alcool avait été observée chez les jeunes exposés à seulement cinq minutes de publicité pour l’alcool à la télévision. Elle a également cité des statistiques selon lesquelles un décès sur quatre en Europe chez les hommes âgés entre 15 et 29 ans – un sur trois dans certains pays – était dû à l’alcool.

La publicité réglementée dans d’autres pays européens

Un bref regard sur nos pays voisins montre d’ailleurs que, bien souvent, la publicité pour l’alcool y est réglementée. Quelques exemples:
– en France, la loi Evin, édictée en 1991, limite considérablement la publicité pour les produits alcoolisés;
– en Italie, à la télévision d’Etat, la publicité pour l’alcool est prohibée avant 19 heures;
– en Suède, toute publicité pour l’alcool, à l’exception des bières légères, est interdite;
– en Espagne et en Autriche, la publicité pour les boissons alcoolisées connaît aussi des restrictions.

Qu’en est-il en Belgique?

La Belgique se caractérisait jusqu’ici par une absence totale de réglementation.
Dans ce contexte, certains acteurs ont déjà pris spontanément des initiatives pour encourager une consommation responsable.
La loi du 24 janvier 1977, modifiée en 1997, habilite par ailleurs le Roi à prendre des mesures limitant ou interdisant la publicité pour l’alcool.

La nouveauté: une Convention reconnue par la loi

Il y a quelques mois, le Ministre Rudy Demotte a souhaité réfléchir à la question, en collaboration étroite avec le secteur des producteurs, mais aussi avec les distributeurs, les consommateurs, les fédérations HORECA et le Jury d’éthique publicitaire.
Dans le cadre de ces discussions, il a été décidé une manière originale et coopérative de réglementer cette question:
– une convention est conclue entre les fédérations, le secteur de la distribution, le secteur HORECA, les consommateurs et le Jury d’éthique publicitaire;
– parallèlement à cette convention, un projet de loi particulier est également proposé afin d’habiliter le Ministre de la Santé à reconnaître cette convention et à donner valeur réglementaire et force obligatoire à ses dispositions.

Publicité

La convention réglemente d’abord la publicité pour les boissons alcoolisées.
Tout d’abord, elle s’applique à l’ensemble des produits contenant plus de 1,2% d’alcool par volume. Toutes les boissons alcoolisées sont ainsi traitées sur pied d’égalité, quelle que soit la manière dont elles sont produites.
La publicité y est définie de manière large: toutes les formes de communication visant à promouvoir la vente du produit sont visées.
La publicité pour l’alcool ne peut ni associer la consommation à la réussite sociale, sexuelle ou professionnelle, ni dénigrer l’abstinence ou la consommation modérée.
Elle ne peut inciter à une consommation irréfléchie ou exagérée.
La convention comprend un important chapitre consacré aux mineurs: la publicité ne peut jamais les viser ou utiliser des moyens qui aboutissent à les viser spécifiquement.
La mise sur le marché de produits contenant de l’alcool doit être effectuée de façon à éviter toute confusion entre ces produits et ceux qui ne contiennent pas d’alcool.
Elle ne peut faire référence aux recommandations d’un professionnel de la santé, ni s’adresser spécifiquement aux femmes enceintes.
Elle ne peut établir de lien entre la consommation du produit et la conduite d’un véhicule ou la performance sportive.
La mention de la teneur en alcool doit être effectuée de façon claire.
Pour mieux protéger les enfants, la convention établit une interdiction de publicité pour ces produits 5 minutes avant, pendant et 5 minutes après les émissions qui leur sont destinées.
Il ne pourra y avoir aucune publicité dans les publications destinées aux enfants.
Toute publicité pour une boisson alcoolisée est interdite lors de la diffusion d’un film destiné aux enfants (cinéma).

Vente

La convention réglemente aussi la mise sur le marché pour les boissons alcoolisées. A titre d’exemples:
– les boissons alcoolisées devront être commercialisées de manière telle qu’il ne puisse y avoir aucune confusion par rapport aux autres boissons;
– la vente de boissons alcoolisées ne peut se faire dans des distributeurs automatiques dans ou à proximité des écoles, des locaux de clubs de jeunes et des mouvements de jeunesse.

Tous les acteurs sont concernés par la loi

Cette convention permet que des règles claires et précises soient établies, et qu’elles s’appliquent à tous, notamment afin de reconnaître les efforts des acteurs les plus pro-actifs.
La convention confie un rôle important au Jury d’éthique publicitaire , qui a d’ailleurs participé activement à l’élaboration du texte de la convention.
Le contrôle du respect des dispositions de la convention sera assuré par le JEP, au sein duquel les associations de consommateurs disposeront d’un droit de regard.
C’est une évolution fondamentale. Composé aujourd’hui des annonceurs, des agences de publicité et des médias, le JEP a en effet déjà pu, depuis plusieurs années, montrer son engagement dans le domaine de l’éthique publicitaire, en mettant fin ou en empêchant le déroulement de campagnes contestables sur le plan moral ou même légal.
Le Jury d’éthique publicitaire est aujourd’hui en pleine réforme, de façon à élargir tant sa composition que son champ d’action. Des discussions sont en cours pour que les consommateurs y soient représentés.
Il s’agira d’une avancée significative, démontrant la volonté, à la fois du JEP et des associations de consommateurs, de s’associer pour que la publicité – pour l’alcool plus précisément – soit la plus éthique possible.
La base légale (qui insère un article dans la loi de 1977 relative à la protection de la santé des consommateurs en ce qui concerne les denrées alimentaires et les autres produits) qui accompagne la convention permet au Ministre de la Santé de reconnaître la convention.
En effet, il est important que ces règles s’appliquent à tous et pas uniquement aux «plus responsables» des acteurs concernés et que si les moyens mis en place de façon conventionnelle ne suffisent pas, le contrôle puisse être effectué par les autorités publiques en charge de la santé.
D’après un communiqué du Ministre de la Santé Rudy Demotte
(1) Voir l’enquête du Centre de recherche et d’information des organisations de consommateurs sur «Les jeunes, l’alcool et le tabac» remise le 9 décembre 2003, disponible sur le site http://www.oivo-crioc.org .