Bien qu’en réelle diminution, les accidents cérébrovasculaires provoquent toujours une morbidité et une mortalité très élevées. Coup d’œil sur une étude épidémiologique belge réalisée en 1998 et 1999.
Les accidents cérébrovasculaires font partie des quatre principales causes de décès en Europe et ceux qui y survivent sont souvent confrontés à une période de revalidation longue et difficile, la plupart étant atteints de problèmes fonctionnels graves nécessitant une assistance voire un placement en institution.
Afin d’évaluer l’incidence et la mortalité de ces maladies en Belgique, ainsi que leur évolution, le réseau des médecins vigies a procédé à l’enregistrement de l’ensemble des incidents cérébrovasculaires (ICV) – y compris les récidives – que le médecin généraliste a diagnostiqué lui-même ou dont il a été informé en 1998 et 1999. 768 ICV ont ainsi été enregistrés, dont 511 cas d’accidents cérébrovasculaires (ACV) et 257 cas d’accidents ischémiques transitoires (AIT).
Incidence
L’incidence annuelle par 100.000 habitants a été estimée à 185 pour les ACV et à 93 pour les AIT, sans différence significative entre les femmes et les hommes. Les AIT seraient par contre significativement plus élevés en Région wallonne qu’en Région flamande.
Après extrapolation de ces données à l’ensemble de la population, on compterait chaque année en Belgique 18.875 habitants touchés par un ACV, soit une baisse sensible (surtout chez les patients de 60 ans et plus) par rapport aux résultats enregistrés en 1984. Selon les auteurs, cette diminution «laisse entrevoir l’influence des mesures préventives secondaires, éventuellement complémentaires aux mesures préventives primaires et aux changements des conditions de vie. (…) Une diminution de la proportion des fumeurs dans les groupes d’âge plus élevés, une amélioration du traitement de l’hypertension et du diabète et l’usage croissant de substances hypocholestérolémiantes provoquent une diminution de l’incidence de l’ACV, principalement chez les patients ayant des antécédents cardiaques.» Ils supposent par ailleurs «que la diminution de l’incidence de l’ACV peut être attribuée dans une large mesure à l’usage de l’aspirine en prévention secondaire».
Prise en charge médicale
La gravité d’un ICV est difficile à évaluer pour les patients et leur entourage, soulignent les auteurs. Toujours est-il qu’au moment de l’incident, le premier médecin appelé est le plus souvent le généraliste. «Cela souligne une fois de plus la confiance dont témoignent les patients à l’égard de leur médecin généraliste», remarquent les auteurs.
Beaucoup de patients ayant eu un ICV sont hospitalisés, surtout pour un ACV. Cependant, une partie non négligeable de ces patients (plus d’un patient sur cinq ayant eu un AVC) n’est pas hospitalisée. Certains seront accueillis provisoirement ou même définitivement par leur famille, avec les conséquences au niveau financier et organisationnel que l’on devine.
Chez un patient sur quatre, la cause de l’ICV reste inconnue un mois après l’incident. Lorsqu’elle est connue, il s’agit d’une lésion ischémique chez plus de la moitié des patients, et d’une lésion hémorragique chez un patient sur dix.
En matière d’affections prédisposantes, le rapport relève une hypertension artérielle dans presque la moitié des cas d’ICV et chez plus de la moitié des patients ayant eu un ACV. Quant au diabète, il touche deux fois plus les patients ayant eu un ACV que ceux ayant eu un AIT. Enfin, un historique d’ACV semble aussi être une prédisposition importante, surtout chez les hommes.
Morbidité
Les séquelles des ICV peuvent être graves et sont fréquentes. Ce rapport cite les troubles de la conscience (généralement de courte durée), les déficits fonctionnels (plus fréquents en cas d’ACV et plus fréquents chez les hommes), les troubles de la parole (graves chez un patient sur quatre et plus fréquents en cas d’ACV), les troubles de la déglutition, l’incontinence, et les récidives. Près d’un patient sur trois ayant survécu à un ACV a récidivé dans l’année qui a suivi. Une proportion qui augmente avec l’âge.
Mortalité
Tout comme la morbidité, la mortalité des ACV est importante. En 98 et 99, 28% des patients ayant eu un ACV sont décédés dans le mois suivant l’incident, soit une légère hausse par rapport aux chiffres de 1984 (19%), mais ces derniers ne prenaient pas en compte les récidives. Un an après l’incident, près de la moitié des patients ayant eu un ACV sont décédés, comme en 1984. A noter que la mortalité est généralement plus élevée en Région wallonne, mais cette différence n’est significative que pour les décès après un et six mois.
Un diabète, un historique d’ACV, un ACV hémorragique, un coma, des troubles de la déglutition et une incontinence urinaire sont des déterminants importants de mortalité liée à un ACV. Ils diminuent les chances de survie.
«Comparés aux données de l’Organisation mondiale de la santé, les chiffres de mortalité liés aux ACV en Belgique (88 par 100.000 habitants) se situent entre les valeurs européennes les plus élevées (228 en Bulgarie) et les plus basses (33 en Suisse).
Bien que le nombre de patients victimes d’un accident cérébrovasculaire ait diminué depuis 1984, les ACV restent, manifestement, une cause de morbidité et de mortalité importante, avec un impact tant sur le patient que sur sa famille et la société qui l’entoure.
Myriam Marchand
«Epidémiologie des incidents cérébrovasculaires en Belgique – Enregistrement par le réseau belge des Médecins vigies en 1998 et 1999», Dirk Devroey, Viviane Van Casteren, Frank Buntix, décembre 2003, IHP/EPI REPORTS N°2003 – 025.
Histoire d’y voir clair
Il existe deux formes d’ accidents cérébrovasculaires (ACV) : la thrombose (caillot qui obstrue une artère dans le cerveau et empêche le sang d’irriguer le cerveau) et l’hémorragie (rupture de la paroi d’une artère dans le cerveau provoquant une hémorragie dans le tissu et les cavités du cerveau). Les conséquences d’un ACV dépendent de la localisation et de l’ampleur de la zone atteinte dans le cerveau. Dans le pire des cas, le patient décède. Dans le cas contraire, il peut s’agir d’une hémiplégie totale avec ou sans coma, d’une dysarthrie ou d’une aphasie, d’une hémiparésie, de troubles de la vue, d’incontinence, de dysphagie, de dépression, de troubles du comportement ou de légers troubles neurologiques peu apparents.
Les manifestations cliniques de l’ACV perdurent pendant plus de 24 heures, au contraire des accidents ischémiques transitoires ( AIT ) définis comme des insuffisances circulatoires cérébrales provisoires avec symptômes neurologiques ne persistant pas plus de 24 heures.
On regroupe les ACV et les AIT sous la dénomination commune d’ incidents cérébrovasculaires ( ICV ).