Février 2015 Par P. LORENZO S. BROUSSOULOUX V. TINTINGER Initiatives

Évaluation du dispositif École 21: des pistes pour sa pérennisation

École 21 est un dispositif expérimenté à partir de 2008 dans le cadre du projet franco-belge Générations en santé, co-financé par le programme européen Interreg IV France-Wallonie-VlaanderenNote bas de page et les institutions locales (provinces en Belgique, agences régionales de santé et collectivités locales, en France).

Pendant les quatre années de cette expérimentation, une vingtaine d’établissements scolaires belges et français, du primaire et du secondaire, ont été accompagnés par les services de promotion de la santé des provinces (Hainaut, Namur, Luxembourg) et par les Ireps (Nord – Pas-de-calais, Picardie, Champagne-Ardennes) pour développer des projets associant les valeurs et les objectifs de la prmotion de la santé et ceux du développement durableNote bas de page.

Le bien-être est au cœur du dispositif. Il concerne autant l’amélioration du cadre de vie que des relations interpersonnelles entre élèves, ainsi qu’entre les élèves et les enseignants.

Le double ancrage d’École 21 a conduit à l’élaboration de projets variés dans les établissements pilotes. Par exemple, la création d’un jardin potager est un projet que l’on retrouve dans plusieurs établissements. En effet, sa mise en œuvre permet de prendre en compte simultanément des objectifs de promotion de la santé et de développement durable; la réalisation d’un tel projet dépendra fortement du contexte dans lequel l’établissement évolue.

L’évaluation proprement dite a débuté en 2012, soit à un an du terme du projet, par la création d’un groupe de travail composé d’opérateurs belges et françaisNote bas de page d’École 21 avec la participation de l’Inpes. L’enjeu de l’évaluation était d’identifier les éléments sur lesquels s’appuyer pour pérenniser le dispositif, voire le déployer au-delà de la zone d’expérimentation.

L’évaluation a été menée à partir de l’outil de catégorisation des résultats (OCR) de projets de promotion de la santé et de préventionNote bas de page et sur le modèle développé par NutbeamNote bas de page. Elle a pris pour objet les conditions d’implantation d’École 21 et non pas les actions mises en œuvre dans les établissements ou une mesure de leur impact sur la santé des élèves.

Sur le plan méthodologique, des données quantitatives et qualitatives ont été recueillies. Un questionnaire a également été envoyé à tous les établissements engagés dans le dispositif (13 retours sur 19). Vingt-deux entretiens semi-directifs ont été réalisés, tant auprès des opérateurs belges et français (n=9) qu’auprès d’établissements scolaires (n=13) de part et d’autre de la frontière. Enfin, une analyse documentaire a été réalisée à partir des comptes rendus des réunions des différents comités structurant le dispositif et des documents de cadrage initiaux décrivant le projet École 21.

L’évaluation a permis de mesurer les facteurs facilitant ou freinant de la mise en place d’École 21.

Une structuration nécessaire

L’inscription du dispositif École 21 dans un programme européen doté d’une enveloppe financière pluriannuelle au montant connu a largement contribué à sa promotion auprès des écoles et à son implantation. Cela a de surcroît favorisé la concertation entre les différentes parties prenantes tout en les légitimant dans leurs actions. Le financement accordé a porté sur la coordination des opérateurs français et belges (financement des réunions des différents comités structurant le dispositif) et l’accompagnement des établissements scolaires par les opérateurs.

Plusieurs comités de pilotage, de surveillance ou d’information avaient été imaginés lors de l’écriture du dispositif.

De tous ces comités, agissant au niveau transfrontalier, national ou local, l’évaluation révèle que deux d’entre eux se sont avérés opérant : le comité franco-belge et la plate-forme transfrontalière. Les comités français et belges, après avoir chacun été réunis une fois, ont été abandonnés car les points abordés dans chacun des comités étaient semblables et parce que la plupart de leurs participants se retrouvaient dans le comité franco-belge.

Ce dernier a fonctionné comme un comité de pilotage institutionnel pour le projet. Ce fut un lieu d’information, de valorisation et de visibilité des actions des écoles. C’est aussi au niveau transfrontalier que s’est effectué le repérage des écoles dans le dispositif. Au niveau de la région, ou de la province pour la Belgique, le dispositif École 21 prévoyait l’organisation d’un comité régional dont le rôle était de coordonner les actions menées à l’échelle du territoire académique, de permettre des échanges entre les établissements École 21, d’établir des liens avec les intervenants xtérieurs. L’évaluation a montré que ces comités ont été très peu réunis, tant du côté français que du côté belge, en raison de l’existence du comité franco-belge, jugé plus opérationnel. Cependant, dans l’hypothèse d’un déploiement du dispositif École 21, et en dehors du programme Interreg IV, la mise en place d’un comité régional garde a priori toute sa pertinence.

De façon complémentaire, la plate-forme transfrontalière, réunissant les seuls opérateurs, a assumé le rôle d’un comité par la supervision et la coordination des activités et en en permettant la réalisation. Elle a servi d’espace d’échange et de prise de décisions. Ce fut la colonne vertébrale du dispositif École 21.

C’est également au niveau européen qu’étaient prévues les modalités de communication du dispositif : un concours de logo a été organisé auprès des écoles engagées afin de créer une charte graphique École 21. Cette action a été perçue très positivement et a permis de créer une dynamique autour du projet dans les établissements. Cela a également contribué à rendre visible le dispositif et a favorisé le sentiment d’appartenance à un réseau d’écoles.

En revanche, le site Internet École 21 et la lettre électronique ont été finalement peu utilisés par les écoles et même les opérateurs. Souvent, les établissements ont créé leur propre rubrique École 21 sur leur site.

Un accompagnement incontournable par un tiers extérieur

L’évaluation montre que l’accompagnement des établissements a été le facteur clé de la mise en œuvre du dispositif et de sa réussite globale. La posture des opérateurs n’a pas été de «faire à la place de», mais bien d’être en appui à l’équipe projet École 21, lorsqu’il y en avait une, ou à tout le moins au référent École 21 de chacun des établissements. Il ne s’agissait pas pour les opérateurs de se substituer aux équipes internes des établissements, mais bien d’accompagner l’émergence d’une dynamique.

Cet accompagnement a d’abord consisté en la réalisation d’un état des lieux, première étape du dispositif, puis à la définition du plan d’action et, enfin, au suivi des actions. L’évaluation rapporte que les rencontres opérateurs/équipes des établissements se sont faites à la fréquence dune rencontre mensuelle à un échange tous les deux mois. Entre ces temps de rencontre, les contacts par mail et par téléphone étaient fréquents. Ce soutien a été unanimement apprécié par les équipes des établissements.

Le projet prévoyait un type de structuration et l’adoption d’une méthodologie permettant l’implantation du dispositif dans l’établissement et assurant la qualité des actions entreprises. Dans chaque établissement, une équipe École 21 a été identifiée. Dans la plupart des cas, le dispositif a été présenté en France au comité d’éducation à la santé et à la citoyenneté (CESC), qui a pu tenir lieu de comité de pilotage local. En Belgique, le conseil de participation qui existe dans les écoles et qui peu ou prou joue le rôle du CESC n’a jamais été mobilisé et un groupe ad hoc a été constitué. Il ressort cependant qu’au-delà, l’implication du chef d’établissement est essentielle et incontournable pour légitimer le projet dans l’établissement. Mais si l’accord du chef d’établissement est indispensable, en ce qu’il permet d’impulser une dynamique, il est nécessaire qu’il puisse identifier des relais au sein de l’équipe éducative. Le dispositif initial prévoit que le chef d’établissement nomme un référent École 21 au sein de l’équipe éducative. Cela a été réalisé dans tous les établissements. L’évaluation montre que le référent assure la coordination de la mise en œuvre des actions ainsi que leur cohérence. Il peut également avoir un rôle d’intermédiaire entre les différentes parties prenantes du projet.

Le deuxième point sur lequel a porté l’évaluation concernait la mise en pratique des différentes étapes de la méthodologie de projet. Si la phase de diagnostic a été systématiquement réalisée dans tous les établissements, ce n’est pas le cas pour les autres étapes de la méthodologie de projet qui ont été plus ou moins mises en oeuvre. Enfin, tous les établissements ont participé aux deux journées de regroupement. Ces rassemblements ont été appréciés parce qu’au-delà de leur aspect convivial, ils ont été l’occasion de valoriser les actions mises en œuvre dans les établissements.

Moyens financiers trop limités

Dans sa configuration première, le projet prévoyait un financement des actions dans les établissements scolaires. La demande de financement par le Feder a dû cependant être revue à la baisse avant la validation définitive du projet. Ce financement a été supprimé, les opérateurs escomptant trouver des financements en région, ce qui ne fut pas réellement le cas partout. Les entretiens menés auprès des écoles ont donc légitimement pointé cette absence de financement accordé directement aux établissements.

Mais ce qui semble avoir été le plus pénalisant est l’impossibilité de financement de déplacements des établissements afin de pouvoir faire se rencontrer élèves et équipes École 21. Ce point a été signalé dans tous les entretiens. Or, tant les équipes des établissements que les opérateurs ont souligné combien ces échanges auraient pu conforter le sentiment d’appartenance à un dispositif et aurait permis de créer un ‘réseau’ d’établissements mus par une même dynamique. In fine, la poursuite du dispositif École 21 dans les écoles engagées est largement adossée à la possibilité de tels échanges.

Cependant, et pour compenser ce défaut d’échange, deux rassemblements de l’ensemble des écoles ont été organisés en 2011 et 2012. Ces deux journées, qui en plus de permettre un échange de pratiques et une valorisation des actions entreprises par les établissements, ont été remarquées par les participants pour leur convivialité et leur ouverture.

En conclusion, École 21 est un dispositif très largement apprécié par les équipes des établissements qui l’ont expérimenté. La plupart d’entre elles souhaitent poursuivre la dynamique initiée bien que les financements européens se terminent. L’implantation d’un dispositif de ce type repose sur plusieurs éléments clés, tels que l’adhésion du chef d’établissement et la nomination d’un référent École 21 au sein de l’établissement ou aussi l’accompagnement méthodologique en particulier pour réaliser la phase diagnostic préalable à la mise en place des actions mais aussi pour le suivi des actions. Le cadre d’un financement pluriannuel assuré, s’étendant de la coordination aux actions dans les écoles, est un élément catalyseur.

Aujourd’hui, le dispositif École 21 poursuit son implantation. En transfrontalier, École 21 est l’un des axes du projet Thiérache santé prévention (Interreg IV). En Picardie, le dispositif est promu dans le cadre d’une convention signée entre le rectorat de l’académie d’Amiens, l’Agence régionale de santé et la Direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt.

Cette convention porte sur le déploiement d’actions en matière de nutrition. Or, la nutrition a été l’un des axes forts d’École 21, par la diffusion de messages portant sur la consommation de fruits et de légumes, la création de jardins potagers ou l’utilisation de circuits courts en matière d’achats alimentaires dans plusieurs établissements…

Une manière de faire vivre conjointement la promotion de la santé et le développement durable !

Article suscité par notre présence au Congrès ADELF-SFSP Santé publique et prévention, qui s’est déroulé du 17 au 19 octobre 2013 à Bordeaux. Voir le texte de Carole Feulien ‘Trois jours à Bordeaux, entre soleil et prévention…’, Éducation Santé n° 295, décembre 2013, p. 2 et 3.

Ce projet a été financé à 50 % par Interreg IV (Feder), et à 50 % par les collectivités locales et institutions régionales ou provinciales.

Pour plus détails, nous vous renvoyons aux articles de Denis Dangaix ‘École 21 un moyen pour sensibiliser les collectivités territoriales’, La Santé de l’Homme, janvier-février 2011, n°411, p. 43 et 44 et celui de Virginie Tintinger, Philippe Lorenzo et Sandrine Broussouloux ‘Promotion de la santé et développement durable dans les collèges en France et en Belgique’, La Santé en action, mars 2014, n°427, p. 38 et 39.

Pour la France, les Ireps de Champagne-Ardenne, Nord – Pas-de-Calais et Picardie, le rectorat de l’académie d’Amiens; pour la Belgique, les provinces de Hainaut, Luxembourg et Namur.

http://www.inpes.sante.fr/outils_methodo/categorisation/V6%20guide_fr.pdf

Nutbeam, Don (2000): Health literacy as a public health goal: a challenge for contemporary health education and communication strategies into the 21th century, in Health promotion international 15, 259-267.