Mars 2018 Par Benedicte SCHEEN Yves COPPIETERS Initiatives

Le Plan prévention et promotion de la santé en Wallonie – Proposition pour l’opérationnalisation

Mars 2018 – Une proposition d’opérationnalisation du Plan prévention et promotion santé en Wallonie a été remise en janvier 2018 à la Ministre wallonne de la santé, ainsi qu’à l’ensemble des acteurs qui ont contribué à son élaboration. Yves Coppieters et Bénédicte Scheen, de l’Ecole de Santé Publique (ESP) de l’ULB présentent dans cet article le processus d’élaboration ainsi que les principaux axes pour l’opérationnalisation et les recommandations formulées. Le secteur wallon est en attente des réactions et des suites données à cette proposition. A suivre…Le Plan wallon de prévention et de promotion de la santé a pour ambition d’étendre son dispositif jusqu’à l’horizon 2030. Sa finalité est d’améliorer l’état de santé, le bien-être et la qualité de vie de la population wallonne. L’objectif de cet article est de rappeler les différentes étapes qui témoignent de l’avancement et de la mise en œuvre de ce Plan très attendu par les acteurs de terrain en Wallonie.

1er acte : les priorités de santé

En février 2017, le Ministre wallon en charge de la santé a présenté au Gouvernement la première partie du Plan Prévention et Promotion de la SantéNote bas de page, à savoir la définition des priorités en santé. Cette première partie, élaborée avec la collaboration de l’AViQ, de l’Observatoire Wallon de la santé et des services communautaires de promotion de la santé, a procédé à une analyse des contextes institutionnels et épidémiologique, des indicateurs de santé et des principaux déterminants de la santé pour la Région.En s’appuyant sur cette analyse, le Plan identifie cinq axes thématiques prioritaires en raison de leur importance en termes de santé, de leur gravité et de leurs possibilités d’éviction ou de réduction par le biais de stratégies de prévention et de promotion de la santé.

1. La promotion des modes de vie et des milieux favorables à la santé

2. La promotion d’une bonne santé mentale et du bien-être global

3. La prévention des maladies chroniques

4. La prévention des maladies infectieuses y compris la politique de vaccination

5. La prévention des traumatismes non intentionnels et la promotion de la sécuritéLe document définit également 11 objectifs stratégiques transversaux auxquels devront répondre les actions de la partie II du Plan, consacrée à son opérationnalisation. La prise en compte de ces objectifs est essentielle afin de faire face aux défis actuels en matière de santé en Wallonie et pour produire des actions de prévention et de promotion de la santé efficaces.Objectifs stratégiques transversaux :

  • Promouvoir la santé dans toutes les politiques

  • Adapter les stratégies pour faire face aux inégalités sociales de santé

  • Favoriser l’accessibilité et veiller à une bonne couverture territoriale en matière de prévention et de promotion de la santé

  • Veiller à l’efficience des actions et instaurer une culture d’évaluation continue

  • Intégrer les priorités de santé dans une approche selon le parcours de vie

  • Intégrer les priorités de santé dans une approche selon un continuum

  • Renforcer l’action communautaire (bottom-up), promouvoir la participation citoyenne et l’empowerment

  • Développer le travail en réseau et le partenariat intersectoriel

  • Créer des environnements favorables à la santé (milieux de vie)

  • Inscrire la promotion de la santé dans une perspective durable

  • Promouvoir l’innovation au service de la santé

2ième acte : l’opérationnalisation

La déclinaison des axes stratégiques thématiques en mesures concrètes a fait l’objet d’une deuxième partie du Plan. Afin de constituer celle-ci, l’Ecole de Santé Publique (ESP) de l’ULB a reçu pour mission en juin 2017 d’appuyer méthodologiquement des concertations d’acteurs et d’élaborer une propositionNote bas de page de Plan opérationnel sur base de leurs productions.

Méthodologie

Malgré un calendrier très serré, la phase d’opérationnalisation s’est basée sur un processus participatif, cherchant à mobiliser de la façon la plus large possible de nombreux acteurs du secteur de la prévention et de la promotion de la santé actifs en Région wallonne.À partir des cinq axes prioritaires, 11 groupes de travail thématiques (GT) ont été définis par le Cabinet et la Région :

GT 1 : L’alimentation et activité physique

GT 2 : La lutte contre le tabagisme

GT 3 : La promotion du bien-être et d’une bonne santé mentale

GT 4 : La prévention de l’usage addictif d’alcool et d’autres substances psychoactives

GT 5 : La prévention du suicide

GT 6 : Le diabète de type II, les maladies cardiovasculaires et les maladies respiratoires

GT 7 : Les cancers

GT 8 : La vaccination et la prévention des maladies infectieuses

GT 9 : La santé sexuelle et reproductive et les IST

GT 10 : La prévention des traumatismes non intentionnels et la promotion de la sécurité

GT 11 : Les personnes âgées et la promotion et prévention pour le maintien à domicileCes GT ont rassemblé dans leur composition plus de 150 partenaires : acteurs des différents secteurs concernés, professionnels de la promotion de santé et de la première ligne de soins, acteurs issus du monde associatif, représentants des pouvoirs locaux, bénéficiaires et acteurs des milieux de vie, membres de l’AViQ ainsi que d’autres parties prenantes provenant du milieu universitaire, des observatoires et des services communautaires de promotion de la santé.Il faut mentionner que les GT 1 et 2, coordonnés respectivement par l’APES-ULiège et le FARES, avaient commencé dès 2016 à produire une programmation spécifique à la demande du Cabinet du Ministre Prévot, préalablement au lancement des autres GT qui ont débuté en septembre 2017.Concernant les 9 autres GT, l’utilisation d’un guide de planification conçu par l’ESP et l’appui technique et logistique de l’AViQ ont permis de mobiliser et structurer les apports des différents acteurs lors de 27 réunions de concertation tenues en l’espace de deux mois. Chaque groupe a ainsi produit des objectifs de santé, des objectifs opérationnels ainsi que des actions à mettre en place pour améliorer l’état de santé et le bien-être de la population wallonne dans les 12 prochaines années.Un Comité de pilotage s’est constitué pour assurer le bon déroulement de cette deuxième phase du Plan de prévention et de promotion de la santé en Wallonie et superviser de manière générale les productions des groupes.

Structuration et objectifs du Plan opérationnel

La proposition de Plan opérationnel intègre les différentes dimensions de la promotion de la santé et de la prévention en se basant sur les concepts de bien-être, de qualité de vie et de santé « positive », intégrant l’ensemble des objectifs stratégiques transversaux repris ci-dessus. D’autres principes fondamentaux transcendent la programmation tels que l’action directe sur les déterminants de la santé, une vision globale de la santé, la responsabilisation sociale plutôt qu’individuelle ainsi qu’une approche sociétale inclusive.La proposition est structurée en 6 axes ayant trait aux priorités identifiées dans la première partie du Plan. Les axes proposés ont cependant quelque peu évolués par rapport à celle-ci : la thématique des assuétudes a été isolée dans un axe et se situe au croisement des modes de vie et du bien-être et l’axe 5 traitant initialement des maladies infectieuses a vu s’élargir son champ pour aborder des questions relatives à la santé sexuelle et reproductive.Outre la programmation opérationnelle composée d’une centaine d’objectifs et de plus de 350 actions, la proposition de Plan comporte également des compléments au diagnostic épidémiologique de la partie I du Plan ainsi que des principes d’intervention spécifiques par axe.

Proposition de programmation opérationnelle

Image - unnamed fileLes actions proposées dans la partie II du Plan souhaitent couvrir les différents milieux de vie dans lesquels il est opportun d’agir et rencontrer les besoins du « grand public » et de certains publics cibles. Ces milieux de vie et ces publics sont divers et les propositions d’actions reprises sont dès lors non-exhaustives et seront amenées à évoluer en suivant le caractère dynamique du Plan.Les actions du Plan sont en majorité issues d’actions existantes mais il faut souligner que de nombreux acteurs ont vu dans le Plan l’opportunité de créer, d’innover et aussi de renforcer et de pallier certains manques ressentis actuellement en Wallonie en termes de prévention et de promotion de la santé. Nous pouvons citer en exemple l’indispensable mise en réseau des acteurs, le renforcement des compétences des professionnels et l’implication des bénéficiaires et de leurs aidants proches dans les actions.Soulignons aussi que cette proposition aborde les compétences santé de la Région wallonne, mais s’inscrit d’emblée dans une vision intersectorielle, via la mobilisation de toutes les compétences concernées au niveau de la Région, mais aussi aux niveaux communautaire et fédéral.

AXE 1 : La promotion des modes de vie et des milieux favorables à la santé

Cet axe comporte un premier volet sur la promotion d’une alimentation équilibrée et durable, du mouvement et d’une activité physique régulière issu des travaux menés par l’APES-ULiège. Un des principaux objectifs de ce volet s’attache à protéger la santé et la qualité de vie des wallons et wallones dans un contexte de transition des modes de vie en soutenant l’innovation sociale et en accompagnant une transformation culturelle et démocratique des rapports individuels et collectifs à l’alimentation et l’activité physique. Parallèlement, il s’agit également de développer des mesures législatives, réglementaires et organisationnelles qui modifient les déterminants de l’alimentation et de l’activité physique, dans le but de faciliter l’accès de tous à une alimentation équilibrée, à des milieux de vie et à des offres propices à l’adoption d’un style de vie actif.Le second volet de cet axe est dédié à la lutte contre le tabagisme et provient du dispositif stratégique wallon de prévention et de gestion du tabagisme élaboré par le FARES. Les objectifs de ce volet visent la prévention, l’accompagnement et la promotion de santé ainsi que la promotion d’environnements plus favorables à la santé. Les objectifs visent en effet de réduire l’initiation tabagique chez les jeunes de 11 à 24 ans, d’accroître la cessation tabagique chez les jeunes et les adultes et de contribuer à diminuer l’exposition des personnes à la fumée de tabac et vape.

AXE 2 : La prévention des usages addictifs et la réduction des risques

Les stratégies mises en avant dans cet axe portent sur les usages, qu’ils soient ou non problématiques, de l’ensemble des substances psychoactives légales et illégales (alcool, médicaments psychotropes, cannabis, cocaïne, héroïne, etc.) ainsi que les comportements de « consommation » sans produit qui peuvent également faire l’objet d’un usage abusif ou addictif (jeux d’argent, jeux vidéo, Internet et nouvelles technologies de l’information et de la communication, etc.). Afin de couvrir cet axe, trois objectifs majeurs ont été définis : améliorer la qualité de vie des consommateurs et diminuer les conséquences problématiques liées aux consommations de produits licites et illicites et les conduites addictives sans produit ; promouvoir une politique intégrée et globale favorisant la concertation avec les différents niveaux de pouvoirs pour faire progresser les politiques publiques en matière de consommation et d’addiction et renforcer les connaissances, compétences et savoir-être des professionnels, en lien avec les consommations.

AXE 3 : La promotion d’une bonne santé mentale et du bien-être global

« La promotion de la santé mentale consiste à favoriser l’acquisition d’une santé mentale positive en encourageant la résilience individuelle, en créant des environnements de soutien et en étudiant l’influence des déterminants (sociaux, culturels, économiques, politiques et environnementaux) plus généraux de la santé mentale. Elle vise à améliorer les facteurs de protections qui aident les personnes, les familles et les collectivités à faire face aux évènements, ainsi qu’à renforcer les conditions – comme la cohésion sociale – susceptibles de réduire les facteurs de risque de problèmes de santé mentale. »Note bas de page C’est notamment sur cette définition choisie par les acteurs concertés que repose la programmation de ce volet qui a pour objectif de favoriser et promouvoir le bien-être de toute la population et également de réduire le taux de tentatives de suicide ainsi que le taux annuel actuel de décès par suicide.

AXE 4 : La prévention des maladies chroniques

Les maladies chroniques ciblées par cet axe sont les maladies respiratoires, les maladies cardiovasculaires, le diabète de type II ainsi que les cancers. Ces pathologies sont en grande partie évitables par des actions sur les facteurs de risque et de protection communs : l’alimentation et la nutrition, l’activité physique et la lutte antitabac. Ces actions sont principalement couvertes par l’axe 1 du Plan qui promeut des modes de vie et des milieux favorables à la santé. Cet axe propose donc une programmation orientée davantage vers des stratégies de prévention secondaire, tertiaire et quaternaire avec un premier objectif de réduction de la morbidité globale et la mortalité prématurée du diabète de type II, maladies cardiovasculaires et maladies respiratoires et un second objectif de réduction du nombre des cancers, de la morbidité et de la mortalité imputables aux cancers.

AXE 5 : La prévention des maladies infectieuses et la promotion de la santé sexuelle et reproductive

Pour améliorer la santé et le bien-être et éviter l’apparition ou l’aggravation de problèmes de santé en matière de maladies infectieuses, cet axe du Plan se dote d’une stratégie globale alliant la prévention des maladies infectieuses, la promotion de la santé affective, sexuelle et reproductive et la réduction des risques. Cette partie du Plan veut contribuer à une politique globale et cohérente en faveur de la santé et du bien-être par des objectifs de réduction du risque infectieux dans une perspective de santé globale tout au long de la vie, de promotion des attitudes positives à l’égard des mesures préventives applicables aux maladies infectieuses auprès de la population et des professionnels, de réduction de l’incidence des IST dont le VIH et les hépatites en Wallonie et enfin, d’amélioration de la santé et les droits sexuels et reproductifs de la population en favorisant les conditions d’une sexualité épanouie et responsable.

AXE 6 : La prévention des traumatismes non intentionnels et la promotion de la sécurité

Cet axe couvre d’une part la prévention des traumatismes non-intentionnels et la promotion de la sécurité et d’autre part la promotion et la prévention pour le bien-vivre des personnes âgées. Bien que cette dernière thématique ne soit pas en rapport direct avec l’intitulé de l’axe, il a semblé approprié de la placer ici car elle aborde des éléments en lien avec les chutes des personnes âgées, qui sont des traumatismes non-intentionnels. Plus largement, elle présente les stratégies qui contribuent à vision globale et positive du vieillissement. Les objectifs de cet axe se concentrent donc sur ces deux thématiques et visent l’amélioration de la sécurité physique et psychologique, objective et ressentie, des personnes dans leurs environnements pour assurer leur santé, parallèlement avec la promotion du vieillissement en santé des aînés ainsi que la promotion du bien-être et de la qualité de vie des personnes vieillissantes pour soutenir leur inclusion dans la société.

Perspectives

La proposition de Plan présente en guise de derniers chapitres un cadre de gestion détaillé ainsi que des recommandations pour la suite.Différents objectifs sont mis en évidence pour opérationnaliser et implémenter le Plan sur tout le territoire Wallon jusqu’en 2030. Parmi ceux-ci, il s’agit notamment de mettre en place d’un cadre d’implémentation, de gestion et de suivi, de récolter et d’analyser les données ainsi que d’évaluer et mettre à jour le Plan. L’accent est également placé sur la communication vers la population, en ce compris les publics spécifiques, à propos du Plan et de son cadre de mise en œuvre.À ce stade et sur base du travail réalisé, des recommandations aux futurs gestionnaires et responsables du Plan ont été formulées :

  • Continuer le processus participatif engagé avec les parties prenantes. Il est en effet nécessaire de finaliser la phase de validation des propositions reprises dans le rapport par les acteurs ayant participé aux groupes de travail thématiques. Par ailleurs, il faudrait également penser l’élargissement de la participation aux acteurs concernés mais non concertés à ce jour.

  • Renforcer les actions du Plan. Il s’agirait notamment de développer davantage d’actions impliquant les bénéficiaires et celles consacrées aux déterminants environnementaux de la santé et de renforcer les actions liées aux services en promotion de la santé.

  • Continuer l’opérationnalisation des actions reprises dans le Plan. Proposer une politique de santé à horizon 2030 à partir de trois journées de travail participatif par thématique était une mission plus qu’ambitieuse. Si la proposition de Plan identifie des objectifs à atteindre et des actions à mener pour améliorer la santé des Wallons d’ici 2030, elle ne documente pas systématiquement les éléments précis de leur opérationnalisation tels que les estimations de coûts et de ressources nécessaires ou les acteurs responsables. Ce travail pourra néanmoins être continué en 2018 sous l’impulsion de l’AViQ et des gestionnaires du Plan. Il est important de préciser que cela devrait être effectué en cohérence avec les modalités de financement stipulées par le nouveau décret organisant la promotion de la santé en Wallonie.

  • Assurer un encadrement scientifique pour la suite du processus de l’opérationnalisation du Plan. En effet, il est selon nous très important de garder une démarche méthodologique rigoureuse dans le suivi, l’accompagnement des acteurs et l’évaluation continue.

Si la proposition remise à la Ministre wallonne en charge de la santé est approuvée, l’année 2018 sera alors consacrée à la mise en place du dispositif d’appui aux actions de ce Plan. Celui-ci devra proposer un cadre favorable à l’implémentation du Plan, fixer les modalités opérationnelles et de gestion et permettre de finaliser pleinement les composantes. Tout cela s’inscrivant dans une vision de santé publique, c’est-à-dire le développement d’un Plan intégré, cohérent, coordonné, qui s’inscrit dans la continuité, agit simultanément sur différentes dimensions et favorise la pleine participation et l’implication des bénéficiaires.