Le mois passé, nous vous avons présenté quelques résultats marquants du volet belge francophone de l’enquête internationale HBSC relative aux comportements de santé des jeunes scolarisés. Nous abordons brièvement aujourd’hui l’ensemble de cette étude de grande envergure.
La première mouture de l’enquête remonte à 1983-1984 et fut réalisée avec l’Angleterre, l’Autriche, le Danemark, la Finlande et la Norvège. L’objectif était alors de mener une étude internationale utilisant un seul et même questionnaire afin de pouvoir effectuer des comparaisons entre les pays participants.
Très vite, l’OMS a soutenu cette initiative et décidé d’en faire un projet de collaboration avec d’autres pays. Au fil des ans, l’enquête s’est étendue à travers l’Europe et l’Amérique du Nord. Elle couvre maintenant plus de 40 pays et régions (1) et permet de collecter tous les quatre ans, grâce à des questionnaires auto-administrés en classe, des données de santé chez les adolescent(e)s de 11, 13 et 15 ans.
Candace Currie, professeur de ‘Santé des enfants et des adolescents’ à l’Université de St Andrews, en Écosse, est la coordinatrice internationale de l’enquête HBSC depuis 1995. Le 5e rapport international, publié en 2012 par l’OMS Europe, présente les conclusions de l’étude de 2009/2010 à laquelle ont participé plus de 200.000 jeunes.
L’étude s’intéresse non seulement à leur santé, mais aussi à leur bien-être, à leur environnement social, scolaire et familial, ainsi qu’à leurs comportements en matière de santé. Elle analyse par ailleurs les influences socio-démographiques sur leur santé. Enfin, elle fournit une base de données solide permettant de soutenir les efforts nationaux et internationaux visant à renforcer les initiatives en faveur de la santé et du bien-être des jeunes.
Place aux déterminants sociaux de santé
L’enquête internationale montre que beaucoup de jeunes en Europe et en Amérique du Nord ne sont pas en aussi bonne santé qu’ils pourraient l’être, et que les inégalités sociales de santé sont, d’une manière globale, largement répandues de façon plus ou moins importante selon les pays.
Elle met en avant les points suivants :
– les comportements dommageables pour la santé ont une prévalence croissante avec l’âge et sont inversement proportionnels à l’aisance familiale;
– les garçons et les filles adoptent des comportements sains ou nuisibles pour la santé différents. Certaines différences se manifestent ou augmentent pendant l’adolescence, et contribuent potentiellement aux inégalités entre les hommes et les femmes à l’âge adulte;
– les tendances relatives à la santé varient entre les pays, suggérant que les contextes sociaux, culturels et économiques à l’intérieur des pays peuvent influer sur la santé des jeunes et sur leurs comportements liés à la santé, créant des inégalités en matière de santé entre les pays et les régions.
Le 5e rapport international montre que s’attaquer aux déterminants sociaux des inégalités en matière de santé pendant l’enfance et l’adolescence peut aider les jeunes à optimaliser leur état de santé et de bien-être, et empêcher que ces inégalités ne se prolongent à l’âge adulte, avec toutes les conséquences négatives pour les individus eux-mêmes et pour la société.
«La santé et l’équité en santé ont une place importante dans le développement de tous les pays», explique Zsuzsanna Jakab, directrice régionale de l’OMS pour l’Europe, dans l’introduction du rapport international. «C’est pourquoi la promotion de la santé de la population, les déterminants sociaux de santé et la diminution des inégalités de santé sont les objectifs de l’OMS en Europe d’ici 2020. L’enquête démontre qu’une mauvaise santé ne peut être simplement expliquée par des microbes et des gènes déficients. La santé dépend des circonstances dans lesquelles vivent les jeunes, du niveau de richesse de leur famille, de l’accès qu’ils ont aux soins de santé, de leur école et des occasions de loisirs, de leur maison, communauté, ville et village. La santé, c’est aussi le reflet de caractéristiques individuelles et culturelles telles que le statut social, le genre, l’âge, la nationalité, la valorisation et la discrimination. Bref, la santé de l’individu, comme de la population, est fortement influencée par les déterminants sociaux.»
Selon Candace Currie, «ce rapport est unique au monde, car il brosse un tableau détaillé de la santé et du bien-être des jeunes, et il est essentiel pour la somme d’éléments probants qu’il propose sur lesquels peuvent se fonder des politiques. Face aux inégalités en matière de santé de l’enfant et de l’adolescent, des politiques et des mesures internationales et nationales sont nécessaires pour donner à tous les jeunes l’occasion d’optimaliser leur santé et leur bien-être actuels et futurs. Les programmes de promotion de la santé devraient tenir compte de l’âge, du sexe et des différences socio-économiques, et devraient viser à instaurer une situation équitable pour tous les jeunes.»
C’est pourquoi Zsuzsanna Jakab affirme qu’il est «primordial d’identifier et de créer les conditions dans lesquelles chaque population peut faire prospérer la santé, de s’assurer que la promotion de la santé et la réduction des inégalités de santé deviendra la responsabilité des gouvernements, et de mettre la santé au cœur du développement durable des populations à travers l’Europe».
Soutenir tous les ados, sans distinction
Selon Candace Currie, certains aspects révélés par l’enquête sont assez préoccupants : «Il s’agit des changements observés en termes de santé mentale et, en particulier, l’impact de l’aisance, sans oublier non plus les différences apparaissant entre les sexes. Nous devons nous demander pour quelle raison la société ne soutient pas autant les jeunes de familles moins nanties, ou tout simplement les filles. Nous devons nous demander ce qu’il faut faire pour créer des environnements favorables, permettant aux jeunes de grandir et de jouir d’une bonne santé. Il ne s’agit pas seulement d’en faire des adultes en bonne santé, mais aussi des adolescents comblés et bien portants, qui sont notamment heureux et performants à l’école, qui se font des amis et possèdent des compétences sociales. Ils ont besoin d’être encadrés à cette fin.»
Source: interview de Candace Currie ‘Santé de l’enfant et de l’adolescent. Faut-il se soucier des adolescents?’, sur http://www.euro.who.int/fr
(1) Les régions et pays suivants sont couverts par le rapport international de l’étude HBSC de 2009-2010: Allemagne, Angleterre (Royaume-Uni), Arménie, Autriche, Belgique francophone, Belgique néerlandophone, Canada, Croatie, Danemark, Écosse (Royaume-Uni), Espagne, Estonie, États-Unis d’Amérique, Ex-République yougoslave de Macédoine, Fédération de Russie, Finlande, France, Grèce, Groenland, Hongrie, Irlande, Islande, Italie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Norvège, Pays de Galles (Royaume-Uni), Pays-Bas, Pologne, Portugal, République tchèque, Roumanie, Slovaquie, Slovénie, Suède, Suisse, Turquie et Ukraine.