Dans les espaces urbains marqués par la précarisation, les sphères de l’intime se fragilisent.
Le nouvel essai de Pascale Jamoulle (‘Drogues de rue’, ‘La débrouille des familles’, ‘Des hommes sur le fil’ réédité récemment en poche chez La Découverte ) explore la vie émotionnelle, affective et sociale de personnes de toutes origines, souvent marquées par l’épreuve de l’exil, dans un quartier ‘chaud’ de Bruxelles, où les relations hommes/femmes, les quêtes affectives et sexuelles sont d’une grande complexité.
L’auteure y a longuement fréquenté des prostituées, des errants avec ou sans papiers, des jeunes issus des anciennes et des nouvelles migrations, turques en particulier. Elle restitue ici leurs histoires et contextes de vie, qui contribuent à façonner leurs rapports au corps, à l’autre sexe et à la solitude.
Éprouvés mais altiers, marginalisés mais créatifs, brisés mais tenaces, les interlocuteurs de l’ethnologue font face à l’insécurité sociale et intime. Celle-ci peut devenir une quête initiatique, où s’invente une autre vie urbaine, souterraine et alternative. Il en va ainsi de la prostitution, libre et courtisane, vécue comme un métier de service; des squats semi-organisés qui protègent de la rue et de l’isolement; des couples mixtes et des inventions transculturelles qui décloisonnent les ghettos urbains.
À travers la vie intérieure et secrète de ses interlocuteurs, Pascale Jamoulle nous invite à découvrir les mondes off des grandes métropoles, à voir comment s’invente la mondialisation par le bas de l’échelle sociale.
Pascale Jamoulle, Fragments d’intime, Amours, corps et solitudes aux marges urbaines, La Découverte, Collection Alternatives sociales, 2009, 264 pages, 22 euros.