Le 19 mai dernier, une centaine de mandataires communaux et d’intervenants en promotion de la santé s’étaient donné rendez-vous à Namur pour débattre de la prévention du tabagisme.
Le sujet ne brille pas par son originalité, mais la confrontation d’approches parfois complémentaires, parfois opposées est toujours stimulant.
La Ministre de la Santé de la Communauté française, Nicole Maréchal , a rappelé d’entrée de jeu que la culpabilisation des fumeurs, qui est de plus en plus de mise aujourd’hui , n’est pas sa tasse de thé, et plaidé pour qu’en cette matière comme d’ailleurs dans l’approche des assuétudes en général, les principes de la promotion de la santé soient pris en considération: respect des engagements collectifs, éclairage des choix individuels, prise en compte des multiples déterminants de nos comportements de santé,…
Cela ne veut pas dire pour autant qu’il faut se contenter d’observer sans broncher les statistiques de consommation en hausse, en particulier chez les jeunes (2), et l’échec relatif de campagnes mises en place avec des moyens dérisoires (3).
Claude Javeau , professeur à l’Institut de sociologie de l’ULB, a replacé ensuite le tabagisme dans le contexte d’une société post-moderne, prônant un individualisme largement modelé par le marché, et dont le discours à première vue séduisant, atteint facilement les jeunes, de plus en plus malléables.
Dans son intervention, Philippe-Jean Parquet , chef du Service d’addictologie du CHRU de Lille, a affirmé que la prévention du tabagisme pose le problème de la légitimité de la prévention, s’inquiétant des dégâts que peut entraîner la prédominance de la valeur santé dans notre mode de vie, fustigeant au passage les ‘ayatollahs de la prévention’.
Toujours aussi provocant, et troublant d’ailleurs plus d’un participant, il n’a pas hésité à taxer la lutte antitabac de ‘connerie de grande envergure’, qui ignore que ce qui compte d’abord c’est d’aider les gens à acquérir des capacités à conduire leur vie, à s’informer en citoyens responsables avant de poser des choix.
On n’avait pas tout entendu! Le Dr Jean-Charles Rielle , responsable du Centre d’information pour la prévention du tabagisme (CIPRET) à Genève, nous a narré avec une rare force de conviction sa lutte incessante contre l’industrie du tabac et ses alliés souterrains en Suisse, parmi les pouvoirs publics, dans les services de recherche universitaire,etc. On se serait cru en plein polar comme dans ‘Révélations’, l’excellent film de Michael Mann.
Ne nous trompons pas de cible, dit-il, aidons les fumeurs en les respectant d’abord, mais n’ayons aucune faiblesse vis-à-vis de l’industrie. Avec à l’appui de sa démonstration le récit en images de la façon dont il a contaminé un congrès des industriels du tabac en inondant la ville de messages non-fumeurs.
Déjà passionnantes en soi, les interventions de la matinée ont été ponctuées par d’excellents sketchs mis au point pour l’occasion par la Compagnie maritime , dont les trois comédiens ont fait ressortir de façon amusante les dégâts d’une forme d’hygiénisme poussée à l’absurde.
L’après-midi fut consacré à deux ateliers qui permirent aux participants de faire part de leurs expériences et de leurs interrogations, en particulier sur la gestion du tabagisme en milieux de soins et en entreprise. Moment d’échange utile, mais un peu convenu après le feu d’artifice de la matinée.
Pour en savoir plus
La FARES a publié pour l’occasion une farde contenant quelques informations utiles: prévalence, aspects socio-économiques, types de dépendance, tabagisme passif, législation belge, ressources diverses (aide aux fumeurs, documentation, réseaux européens).
FARES, rue de la Concorde 56, 1050 Bruxelles. Tél.: 02-512 29 36. Fax: 02-512 32 73. Mél: fares@euronet.be. Internet: http://www.fares.be
Christian De Bock
(1) Il suffit de voir maintenant les travailleurs fumeurs en grillant une devant la porte de leur entreprise, suivant en cela l’exemple venu des Etats-Unis pour s’en convaincre. L’exclusion, même temporaire, est-elle la meilleure solution?
(2) Une journée d’études leur sera spécifiquement consacrée à l’automne.
(3) 70 centimes par habitant et par an en Belgique, alors que la vente des produits du tabac rapporte plus de 70 milliards à l’Etat, soit 10 mille fois plus