Pour promouvoir l’activité physique des enfants et des jeunes, l’Inpes (Institut national de prévention et d’éducation pour la santé – France) mise depuis 2010 sur la stratégie Icaps (intervention auprès des collégiens centrée sur l’activité physique et la sédentarité). Et les projets fleurissent… comme par enchantement ?
Un premier appel à projets fut lancé en 2011, suivi d’un autre en 2012. À ce jour, 15 projets ont été retenus par l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (Inpes), qui leur accorde une subvention pour promouvoir l’activité physique des jeunes. Tous portent les couleurs d’Icaps et ont pour ancêtre commun une expérience scientifique débutée en 2002 dans l’Est de la France. Pendant 6 ans, le Prof. Chantal Simon, médecin et enseignant-chercheur en nutrition et son équipe ont passé au crible les pratiques d’activités physiques d’une cohorte de 954 élèves de 6e dans des collèges du Bas-Rhin, traquant les changements de comportement et d’éventuels effets bénéfiques sur la santé, en particulier l’indice de masse corporelle et le risque cardiovasculaire.
Ainsi ancrée en milieu scolaire, l’étude ciblait des enfants aux profils sociaux variés. Plusieurs questions préoccupaient les chercheurs. Ils voulaient notamment savoir s’il est possible de modifier le niveau d’activité physique des adolescents alors qu’il existe déjà une offre d’activités importante à l’école comme en dehors. Et si oui, comment maintenir dans le temps cette modification ?
Deux groupes d’élèves ont été constitués : le premier bénéficiait d’interventions spécifiques permettant aux jeunes d’augmenter leur niveau d’activité physique et de participer à une réflexion sur ses bienfaits; le second groupe suivait le programme scolaire habituel et servait de groupe de référence.
Les résultats de l’étude montrent une augmentation de l’activité physique hebdomadaire des enfants (+54 minutes en moyenne), une diminution du temps passé devant la télévision (-20 minutes par jour) et une limitation significative de la prise de poids à l’issue de l’intervention, qui a duré 4 ans. Des effets toujours observables deux ans plus tard et qui s’avèrent plus marqués chez les jeunes des milieux les moins favorisés, notent les auteurs. Une conclusion qui n’est pas sans rappeler les principaux enseignements de la campagne américaine VERB mise en place à la même période (voir Éducation Santé n°279 de juin 2012). Ainsi démontrée, l’efficacité de la méthode a eu tôt fait d’arriver aux oreilles de l’OMS qui l’a approuvée en 2009. Deux ans plus tard, c’est au tour de l’Inpes d’inciter les opérateurs de terrain à s’engager dans la démarche.
Un modèle d’approche écologique
Les actions Icaps qui se déploient actuellement entendent donc participer à la lutte contre l’obésité et le risque vasculaire chez les jeunes Français. Plus largement, il s’agit de favoriser une pratique de l’activité physique régulière et source de plaisir dans l’enfance et l’adolescence. Une sorte de pari sur l’avenir puisqu’il est établi que cette habitude comme ses bienfaits se prolongent à l’âge adulte.
Pour ce faire, l’approche Icaps prône une intervention à trois niveaux, dite socio-écologique ou systémique. D’autres encore la nomment ‘outil de catégorisation des résultats’. Elle consiste à cibler l’individu au travers de ses connaissances, sa motivation, ses attitudes et ses compétences; son entourage afin qu’il valorise l’activité physique, relaie l’information et soutienne les changements de comportements; et enfin l’environnement en impliquant les partenaires, pour fournir les conditions matérielles et institutionnelles de pratique et assurer la promotion auprès des intéressés. Pas de label Icaps sans cette triple mobilisation qui est sa signature et lui confère sa légitimité parmi les actions d’éducation pour la santé conçues dans l’esprit de la charte d’Ottawa. Pour ceux qui sont rompus à l’exercice du montage de projets en promotion de la santé, la recette n’est pas nouvelle. Mais couchée noir sur blanc dans un guide (1) édité par l’Inpes, elle prend une allure officielle et gagne en visibilité auprès des professionnels de l’éducation, associations sportives, parents d’élèves, animateurs de centres de loisirs ou collectivités locales ciblés qui voudraient initier de telles actions.
Essai transformé sur le terrain
Au-delà de l’objectif principal partagé et valorisé auprès de l’Inpes, les ambitions poursuivies par les uns et les autres divergent. Pour une association comme Hérault Sport spécialisée dans l’éducation par le sport, l’étiquette Icaps et son corollaire, celle d’un projet soutenu par l’Inpes, ont eu pour effet de rassembler les partenaires autour d’un objectif commun: développer la pratique du judo dans un club sportif pour des jeunes d’un quartier en difficulté. “Le projet a permis de mettre un coup d’accélérateur auprès d’un public dont on s’occupait déjà”, explique Véronique Brunet, chef du secteur société/solidarité à Hérault Sport. Faire découvrir une activité “porteuse de valeurs de respect qui nous sont chères”, en pérenniser la pratique, développer les liens avec les familles et les enseignants du quartier… “Aujourd’hui 50% des licenciés sont des filles. Cela n’a pas été facile mais la mixité est enfin installée.”
Le centre socio-culturel Beaudésert à Mérignac (Gironde) a lui aussi reçu l’aide de l’Inpes pour développer son offre sportive. “Faire de l’éducation physique et sportive auprès des jeunes n’est pas notre vocation première, nous y avons recours ponctuellement”, précise son directeur François Castex. Qu’importe : la fin justifie les moyens. La subvention allouée a permis d’une part de négocier l’accès à une salle de sport privée du quartier essentiellement fréquentée jusqu’alors par les salariés des entreprises alentour, d’autre part de monter un atelier de boxe éducative. “Depuis, on a vu arriver des jeunes qui ne fréquentaient pas le centre avant.”
Le projet de l’Office d’hygiène sociale (OHS) de Nancy, déjà investi dans la thématique du surpoids et de l’obésité, cible quant à lui les jeunes de 13 à 21 ans pris en charge au sein de l’OHS. Mini-conférences sur la nutrition et ateliers d’activités physiques en composent le motif. Certaines ont lieu dans l’enceinte du centre social de l’OHS, d’autres à la Maison des adolescents, avec le concours de la Ville de Nancy. «Nous avions conscience que pour faire évoluer les comportements des enfants, impliquer les parents est indispensable», raconte Vanessa Balthazard, coordinatrice du projet. «La surprise est venue d’ailleurs car nous n’avions pas anticipé que les parents ne transmettent pas toujours à leurs enfants ce qu’ils ont appris et s’appliquent à eux-mêmes, comme les règles d’hygiène de vie.» D’où l’idée, pour la seconde phase du projet en cours d’élaboration, de mettre l’accent sur le lien parent-enfant en travaillant sur un soutien à la parentalité. «Après la phase de découverte, l’appropriation des habitudes est l’un des enjeux pour la suite.»
(1) Document téléchargeable en version intégrale sur le site de l’Inpes: http://www.inpes.sante.fr/icaps/