Novembre 2009 Par M. FIERENS Réflexions

Le résultat d’une participation effective

A la fin des années 90, la Ligue des Usagers des Services de Santé (LUSS) a été créée en réponse à la question: «Si on veut connaître et faire entendre le point de vue des patients, à qui s’adresse-t-on?». L’idée de la participation citoyenne dans le domaine de la santé faisait son chemin chez certains acteurs professionnels et politiques, qui cherchaient à encourager l’organisation de cette participation des patients, des usagers.
La LUSS a vu le jour en 1999, après plusieurs années de tâtonnements. L’idée retenue sera celle de fédérer les associations de patients existantes et, par la mise en réseau de celles-ci, de favoriser l’émergence d’une parole construite sur base de la participation de personnes ayant en commun une expérience de la maladie et un intérêt pour la santé. Le soutien apporté dès le départ par les trois ministères de la santé, et donc aussi celui de la Communauté française, nous a probablement permis de ne pas nous cantonner dans la défense des intérêts des malades, mais d’être sensibilisés dès le début aux valeurs véhiculées par la Charte d’Ottawa.

La participation, une valeur sûre

Du côté des patients, la LUSS a mis en place, dès le départ, une méthode participative incluant les personnes concernées dans toutes les étapes nécessaires à la construction d’un point de vue de patient: groupes focalisés pour échanger des expériences, des avis et des idées sur les changements possibles, groupe de travail pour analyser et synthétiser les réflexions émises, et rédaction de constats et des pistes d’amélioration transmis par la LUSS.
Une des premières thématiques abordées de cette manière concernait les coûts restant à charge des patients chroniques et la qualité de vie de ceux-ci, à la demande de Frank Vandenbroucke , Ministre fédéral de la santé de l’époque. Les participants à cette réflexion constituent aujourd’hui le noyau principal de la LUSS, et sont toujours présents, pour la plupart, dans l’Assemblée générale, dans le Conseil d’administration et dans les groupes de travail. Nous avons par ailleurs veillé à apporter la rigueur méthodologique nécessaire à la validité des avis émis par la LUSS, en nous adjoignant la collaboration du Centre d’éducation du patient.
Plus récemment, la LUSS a réalisé, avec l’aide de l’APES-ULg, une brochure intitulée «Qu’est-ce qu’une association de patients?».
Elle a été rédigée en réponse à un besoin exprimé par un grand nombre d’associations. En effet, celles-ci ont des difficultés à se faire connaître et à faire reconnaître la qualité de leurs activités par les professionnels de la santé, et ce principalement parce que ceux-ci ne les connaissent pas. Cette méconnaissance amène de la méfiance, voire des craintes que ces associations puissent venir s’ingérer dans leurs pratiques et perturber leurs patients.
Cette brochure est le résultat d’un travail collectif, impliquant une trentaine d’associations de patients pendant plus d’un an: participation à des tables rondes, discussions autour des résultats, réappropriation des idées émises, participation à la rédaction, aux corrections finales… La collaboration avec l’APES-ULg qui a pris en charge la méthodologie, la rédaction du rapport et du texte martyr de la brochure, a laissé toute liberté à l’expression des idées et aux volontés des participants.

Valoriser l’expérience

La participation à ce processus de définition des points de vue des usagers permet de valoriser l’expérience de chacun, tout en lui conférant le recul nécessaire pour que ces points de vue ne soient pas taxés d’anecdotiques et relayés au rang de simples témoignages. La ‘communautarisation’ des vécus particuliers fait émerger des synthèses sans dénigrer la valeur du vécu et sans déposséder les personnes de leur apport propre. Ce savoir profane élargit les connaissances scientifiques et académiques: nous parlons de «savoirs partagés» basés sur le «savoir partager».

A la croisée des participations

La LUSS s’est trouvée d’emblée à la croisée de deux participations. Il y a celle qu’elle organise pour construire les points de vue des usagers. Et l’autre, où la LUSS se retrouve elle-même en tant que participant, au nom des patients, en tant que membre de Commissions, Conseils et autres groupes de travail ou comités d’accompagnement. Elle se trouve au centre d’un diabolo, véhiculant des informations venant d’un côté, celui du terrain, vers l’autre côté, celui des professionnels et décideurs politiques. Et inversement. Une participation intégrée d’un côté, une participation naissante de l’autre…
Au sein de la LUSS et des associations qu’elle fédère, le principe de la participation s’est développé, a amplifié au fil du temps. Les associations ont mûri, sont devenues adultes, ont de plus en plus confiance en elles-mêmes et conscience que leur participation aux décisions dans le domaine de la santé a du sens.
Ce côté-là du diabolo s’organise, se structure, évolue… Qu’en est-il de l’autre côté?
De plus en plus de lieux ouvrent leurs portes aux représentants des usagers. Inviter les patients à s’exprimer est dans l’air du temps depuis une bonne dizaine d’années, un peu plus dans certains milieux, comme les maisons médicales. Petit à petit, des patients se sont assis autour des tables de discussion, voire de décision. D’abord pour confirmer les bonnes pratiques… ensuite pour apporter d’autres points de vue, voire des critiques. On leur a donné des places, et voilà qu’ils participent…
La participation des usagers peut se faire notamment par le biais des associations de patients, qui ont chacune développé une certaine expertise dans leur domaine propre, et acquis un savoir qu’elles ne demandent qu’à partager. La participation des patients avancera encore d’un pas lorsque les autres acteurs de la santé demanderont à être invités par ces associations, persuadés qu’ils pourront y apprendre quelque chose.
Micky Fierens , directrice de la LUSS, Ligue des Usagers des Services de Santé