Octobre 2001 Par Christian DE BOCK Stratégies

‘Je déclare que cette XVIIe conférence est un succès!’
Ces paroles fortes de Maurice Mittelmark (Norvège), élu la veille Président de l’Union internationale de promotion de la santé et d’éducation pour la santé, clôturaient une semaine très dense.
L’Union organise une conférence mondiale tous les trois ans. Nous ne sommes pas de ceux qui considèrent ces grands messes comme indispensables, mais, pour une fois que l’événement se déroulait en francophonie , à Paris qui plus est, il aurait été dommage de le rater.

Où sont les francophones

?
1700 inscrits, 1200 résumés, 460 sessions, 400 posters, le tout du lundi 16 au jeudi 19 juillet, dans l’immense Palais des Congrès de la Porte Maillot. La conférence était une organisation considérable, dont il est humainement impossible de se faire une idée de synthèse, entre les séances plénières, les forums, les ateliers, les sessions de communications orales, les présentations de posters, le travail en réseau, les réunions improvisées, les rencontres de couloir, les moments de convivialité. De quoi donner le tournis!
Et pourtant, force est de constater que le poids de la culture et de la pensée anglo-saxonnes était aussi pesant à Paris que lors des conférences précédentes, les francophones ne bénéficiant que d’un nombre très limité de sessions dans leur langue, étant même souvent réduits à intervenir en anglais pour se faire entendre. Un comble dans la Ville-Lumière.
A la décharge des organisateurs, il faut dire qu’ils ont reçu un nombre limité de communications en français. A l’impossible…
Comme d’autres, la Communauté française avait d’ailleurs une présence relativement discrète sur la conférence, avec un nombre limité de participants actifs. Faut-il y voir l’expression d’une modestie bien belge parfois un brin excessive?

Faire le tri

Ce qui frappait aussi, tant en séances plénières que dans les sessions en petit comité, c’est la grande diversité mais aussi la qualité très variable des centaines de présentations, orales ou écrites. Les organisateurs ont apparemment fait le choix de ne censurer personne, ce qui est peut-être louable sur le plan de l’équité (pour éviter que les universités et les grandes organisations ne monopolisent l’événement), mais avec comme conséquence que le pire côtoie le meilleur, les discours pertinents étant parfois brouillés par les banalités les plus plates et les approches les plus traditionnelles.
Ainsi, à propos du lien entre moyens d’existence et santé, qu’on nous ressert chaque fois à doses massives, Don Nutbeam (Royaume-Uni) nous dit avec beaucoup d’humour ‘Si quelqu’un me dit encore que la santé est liée aux revenus, je le tue! Nous savons cela depuis longtemps.’

Organisation au point

Au cours de la semaine, les organisateurs se sont efforcés de corriger de petits défauts apparus rapidement, et on ne peut que les louer sur la qualité d’ensemble du déroulement logistique de la conférence.
Ce qu’il faut souligner aussi, c’est l’aide importante que le Comité français d’éducation pour la santé, chargé de l’organisation pratique de la conférence, a reçu de l’Assurance-maladie et de la Mutualité française. Cela témoigne d’un intérêt significatif de ces deux grandes institutions françaises pour la prévention, confirmé par plusieurs interventions de leurs représentants dans les sessions au cours de la semaine.

L’éthique à l’épreuve des faits

Les quatre thèmes majeurs de cette conférence ‘La santé: un investissement pour une société équitable’ étaient:
– prendre en compte la dimension éthique;
– apporter les preuves de l’efficacité de la promotion de la santé;
– témoigner en faveur de la santé;
– sceller des partenariats.
La plupart des résumés des orateurs en séance plénière sont repris dans le Livre des résumés et consultables sur le site de l’Union, http://www.iuhpe.org. Nous y renvoyons le lecteur avide de savoir.
Concernant l’éthique, Raymond Massé (Canada) nous a rappelé d’entrée de jeu que la santé publique repose sur des valeurs cachées autant que sur des données épidémiologiques, et qu’il est important de décrypter ces valeurs.

(1) Pour rappel, l’Union internationale de promotion de la santé et d’éducation pour la santé, dont l’objectif est ‘d’améliorer la santé du monde, par l’éducation, l’action communautaire et l’élaboration de politiques de santé publique’, a son siège à Paris, et le français est une de ses trois langues officielles, avec l’anglais et l’espagnol. Elle célèbre cette année son jubilaire. La conférence nous a donné quelques exemples de la pertinence de ce travail de décodage, une proposition explicite méritant d’être analysée à l’aune de ses implications cachées.
Nous en retenons un, l’organisation d’une marche matinale dans Paris, ‘pour encourager l’activité physique’. Petit détail: cette marche avait lieu en association avec Masterfoods, un des sponsors privés de la conférence.
La contradiction entre les objectifs d’une multinationale grande productrice de snacks sucrés et la saine pratique d’un peu d’exercice saute pourtant aux yeux, non? Un collègue belge m’a dit qu’il avait l’intention d’organiser une contre-marche sponsorisée par personne!

Belle expo

Au milieu des quelques stands institutionnels et autres (bonjour le Réfips!), le CFES nous proposait un regard rétrospectif sur 130 ans de prévention de l’alcoolisme en France à travers une vingtaine de panneaux remarquablement conçus et illustrés. L’exposition était complétée par la diffusion en boucle d’un court métrage des années 50 soulignant les dégâts familiaux et sociaux de l’alcoolisme, et de spots de télévision récents sur le sujet. Il est frappant de constater comme les messages actuels en la matière continuent à jouer sur la stigmatisation du buveur excessif à mettre au ban de la société!

Accumulation

Ces impressions parfois en demi-teintes ne doivent pas masquer l’extraordinaire richesse d’ensemble de cette semaine parisienne, dont le Livre des résumés constitue une trace tout à fait remarquable. Des centaines de contribution y sont organisées en grandes rubriques permettant un accès rapide à l’information et complété par un index des auteurs. Une référence de poids, qui permet de prolonger indéfiniment les réflexions suscitées par la conférence, et de tisser de nouvelles collaborations internationales.

12ème Prix francophone de promotion de la santé

En fin de conférence, les lauréats de la douzième édition de ce prix organisé par le Groupe de recherche en éducation pour la santé, l’Association départementale d’éducation pour la santé du Rhône et le Réseau francophone international de promotion de la santé ont été désignés.
1er prix
Village d’enfants SOS Maroc pour la prise en charge par des mères et des tantes ‘adoptives’ d’enfants abandonnés.
Action pour la promotion de la paix (République démocratique du Congo) pour son projet de réinsertion sociale de mères célibataires des quartiers démunis de Kinshasa.
2e prix
Association Médiateurs santé de Maubeuge (France) pour le développement d’actions de prévention et d’accès aux soins.
3e prix
Bureau d’éducation et de promotion de la santé de Nouvelle-Calédonie pour l’élaboration d’outils éducatifs et ludiques sur l’hygiène destinés aux enfants d’écoles maternelles.
Mention spéciale
Association de développement villageois de Hassendje (Comores) pour la création d’un fonds villageois de santé communautaire.

Présidence belge

Nicole Maréchal , Ministre de la santé de la Communauté française était présente à la conférence et a rencontré à Paris le Ministre délégué à la Santé, Bernard Kouchner .
Leur discussion a porté sur les points à l’ordre du jour du prochain Conseil européen des ministres de la santé qui concernent la prévention et la promotion de la santé:
– l’adoption du nouveau plan communautaire de santé publique;
– la politique des drogues;
– et la question du dopage.
Pour rappel, la Communauté française, en tant qu’assesseur, est porte-parole de la Belgique au Conseil Santé durant la présidence belge.
Les bases d’un programme d’échanges ont été jetées entre la France et la Communauté française sur l’évaluation des actions et des structures de promotion de la santé, sur la formation des acteurs et la mise en place de programmes coordonnés. Les deux ministres se sont rejoints sur le souhait de voir un tel programme mis en œuvre à l’horizon 2002.
Ils ont enfin évoqué leur préoccupation commune pour renforcer les stratégies qui prennent en compte l’impact des inégalités sociales en matière de promotion de la santé. La volonté de faire de cette préoccupation une priorité sera confirmée par l’organisation, dans le cadre de la présidence européenne, de plusieurs séminaires sur ce sujet.

Paris sera toujours Paris

Il y avait un bon dieu pour les participants à la XVIIe conférence! S’il a beaucoup plu pendant cette semaine de juillet, les vannes célestes eurent la bonne idée de s’arrêter le soir, pour permettre la découverte classique mais néanmoins toujours très agréable de la capitale française vue de la Seine le lundi, et du pittoresque Montmartre le mardi. Le quartier avait été ‘réquisitionné’ au profit de la conférence. Une initiative sympathique, qui témoigne du grand dynamisme du syndicat d’initiatives de Montmartre. Occasion pour les cinéphiles de faire un petit parcours ému sur les lieux de tournage du ‘Fabuleux destin d’Amélie Poulain’…
C’est aussi cela, une conférence réussie. Et rendez-vous à Melbourne en 2004!
Christian De Bock
Union internationale de promotion de la santé et d’éducation pour la santé, 2 rue Auguste Comte, F – 92170 Vanves Cedex.