Mars 2008 Par J. DE ROUBAIX Réflexions

Des objectifs généraux

Voici quelques années déjà, la Communauté française a choisi une approche de promotion de la santé . Ce choix constitue une rupture avec l’approche préventive pure qui prédominait jadis. Cette manière de voir était et reste une conception assez «médicale» puisqu’elle s’appuie sur le décours naturel des différentes maladies et sur une définition de la santé «classique» vue comme l’absence de maladie!
C’est ainsi que l’on parle de «prévention primaire» si l’intervention a lieu avant émergence de tout symptôme (vaccination par exemple), de «prévention secondaire» s’il s’agit de rechercher des signes avant-coureurs d’une maladie (dépistage précoce par exemple), de «prévention tertiaire» si l’objectif est de prévenir des complications (donner à des personnes présentant un risque augmenté un traitement qui retarderait la survenue d’une maladie) et de «prévention quaternaire» si l’on vise, chez les personnes déjà atteintes, à empêcher les rechutes et diminuer des séquelles (intervention diminuant l’ampleur d’un handicap prévisible).
Tout ceci reste valable aujourd’hui, mais, dans notre nouvelle manière de voir, plus intégrale, nous optons pour une approche de promotion de la santé qui va au-delà du ‘médical’. Celle-ci se donne en effet comme ambition de travailler sur les déterminants de la santé, tant biologiques que psychologiques, sociaux, culturels ou environnementaux. Le choix de cette approche a été officialisé par le décret du 14 juillet 1997 portant organisation de la promotion de la santé. A sa suite et fort logiquement, deux Programmes quinquennaux de promotion de la santé, le premier pour la période 1998-2003, le deuxième pour celle de 2004 à 2008, ont été rédigés et recommandés à tous les acteurs. Des plans communautaires opérationnels sont d’ailleurs venus les compléter et concrétiser. Notamment en définissant les problématiques de santé prioritaires suivantes: la prévention des assuétudes, des cancers, des maladies infectieuses, ainsi que des traumatismes. Mais aussi la promotion de l’activité physique, de la santé bucco-dentaire, de la santé cardiovasculaire, du bien-être et de la santé mentale, de la santé de la petite enfance, et enfin celle d’un environnement sain.

Mettons-nous d’accord sur les termes

La promotion de la santé, nécessitant une gestion multidisciplinaire, nous la concevons, conformément à la Charte d’Ottawa (1986), comme «le processus qui vise à améliorer le bien-être de la population en mobilisant de façon concertée l’ensemble des politiques, de manière à permettre à l’individu et à la collectivité d’agir sur les facteurs déterminants de la santé et, ce faisant, d’améliorer celle-ci. Il s’agit d’un processus qui privilégie, pour ce faire, l’engagement de la population dans une prise en charge collective et solidaire de tous les aspects de la vie quotidienne qui déterminent sa santé. Il s’agit d’un processus qui choisit que cet engagement se fasse en alliant choix personnel et responsabilité sociale.»
Quant à la médecine préventive, qui est surtout le fait des acteurs médicaux, nous la définissons comme étant «un ensemble de méthodes par lesquelles les professionnels de santé visent à éviter les affections morbides ou à découvrir le plus rapidement possible, dans la population, les personnes qui sont réceptives ou atteintes d’une affection qui risque de détériorer gravement l’état de santé du malade lui-même et/ou de se propager à son entourage et/ou de provoquer une dégradation de la situation matérielle et sociale des personnes affectées.»
Le champ de la médecine préventive est donc inclus, on le voit clairement si l’on tombe d’accord sur ces deux définitions, dans celui, plus large, de la promotion de la santé. Les concepts et orientations de travail de celle-ci constituent donc une référence pour la médecine préventive. Laquelle peut se faire à travers l’action des intervenants du secteur ambulatoire, les médecins généralistes et les autres professionnels de la santé ou de l’aide sociale (services de l’Office de la naissance et de l’enfance et de la Promotion de la santé à l’école), en optimalisant les structures logistiques au bénéfice des programmes de médecine préventive.

Une «philosophie de promotion» pour rendre la prévention médicale plus cohérente

La prévention médicale reste trop souvent le fait d’actions individuelles, de dispositifs épars, non coordonnés par une organisation et/ou une réglementation cohérente. Aussi souhaitons-nous, non seulement articuler entre eux les différents programmes existants de médecine préventive, mais aussi intégrer ceux-ci, et d’autres à venir, dans une démarche, un cadre général, de promotion de la santé qui renforce la cohérence des diverses matières de santé.
Ce sera l’enjeu des prochaines années, en matière de médecine préventive: articuler les programmes entre eux et dans une démarche d’éducation et de promotion, qui doit nécessairement intervenir, le plus possible, en amont des problèmes de santé et de façon globale (sans même forcément cibler telle ou telle maladie en particulier).
Un consensus se dégage progressivement dans la communauté scientifique pour s’accorder sur la pertinence de certaines démarches de médecine préventive et en confirmer le bénéfice pour la santé et la qualité de vie de la population. Actuellement, il s’agit des dépistages, précoces et organisés, des cancers (du sein, col de l’utérus, ainsi que colo-rectal) mais aussi de la prévention du diabète sucré et de l’identification du risque cardiovasculaire global, etc. Quant au sida, la tuberculose et l’hépatite C, par exemple, ces pathologies méritent, elles, des stratégies de dépistage spécifiques, visant des groupes de populations particulièrement vulnérables, puisqu’elles ne touchent pas indifféremment l’ensemble de la population.

Une stratégie globale

Les lieux de vie, tels que les milieux d’accueil des jeunes enfants (accueil de 0 à 3 ans, accueil extrascolaire…), mais aussi les lieux de soins et d’hébergement des différentes catégories d’âges (maisons de repos, homes, prisons…) se prêtent spécialement bien, tant à une stratégie de promotion de la santé (développer des modes de vie sains, développer une participation citoyenne, développer les aptitudes individuelles et sociales…), qu’à la pratique de la médecine préventive. Tout ceci est particulièrement vrai en milieu scolaire. C’est bien pourquoi ce souci de cohérence a notamment présidé à la réforme de l’inspection médicale scolaire, en la faisant évoluer vers la promotion de la santé à l’école.
Le milieu scolaire fait l’objet d’une attention toute particulière. En effet, la population des jeunes de 6 à 18 ans est soumise à l’obligation scolaire, et la Communauté française rassemble des compétences particulièrement orientées vers ce public: enseignement, culture, sport, promotion de la santé, aide à la jeunesse. C’est évidemment une opportunité pour développer des programmes cohérents de promotion de la santé à l’école.

De l’inspection à la promotion

Par le décret du 20 décembre 2001, la Communauté française a réorganisé la médecine scolaire, en vue de la faire évoluer vers une organisation à même de réaliser une véritable promotion de la santé à l’école.
Ce décret actualise les missions des anciens centres d’Inspection Médicale Scolaire, ou IMS, un nom qui d’ailleurs reste encore aujourd’hui mieux connu de la population. Mais ces missions sont actuellement assurées par les équipes dénommées maintenant Services de Promotion de la Santé à l’école ou «PSE». Ces équipes offrent gratuitement un service de santé publique aux populations scolaires.
Le décret redéfinit les quatre missions principales, confiées à tous les PSE (et assimilés):
– promotion d’un environnement favorable;
– dépistage et suivi, ainsi que vaccination, lors de bilans de santé;
– prophylaxie des maladies transmissibles;
– recueil standardisé de données sanitaires.
Il en réaffirme le caractère obligatoire pour les équipes. Ce nouveau mode de travail se met progressivement en place. Les adaptions nécessitent un certain temps, mais elles se font, car elles correspondent à un besoin réel. Les obligations sont rappelées et une certaine pression de la part de l’Administration existe. Mais nous l’exerçons tout en reconnaissant que, vu les limites budgétaires inhérentes à notre Communauté, les équipes manquent des moyens indispensables pour remplir, de manière optimale, l’ensemble de leurs missions dans chacune de leurs dimensions potentielles. Le fait d’être passé du terme «inspection» au terme «promotion» et d’avoir retiré le terme «médical» est bien cohérent avec la nouvelle philosophie. Celle-ci était souhaitée et est approuvée par tous les acteurs, même si certains, par exemple des médecins, rechignent parfois un peu.

Une mission de promotion de la santé, de la qualité de vie et du bien-être

Le décret traduit une approche plus large de la santé. Le rôle de la médecine scolaire n’est pas seulement de détecter certaines maladies ou de prévenir la transmission de maladies contagieuses, mais aussi d’assurer le bien-être des enfants dans leur environnement et de contribuer à en faire des adultes ayant plus de chances de grandir en santé.
Car être en bonne santé, ce n’est pas seulement ne pas être malade. Le bien-être de l’enfant dépend des conditions dans lesquelles il vit avec ses amis, ses parents, ses enseignants, dans son quartier et son école, et de la manière dont il appréhende les facteurs influençant sa santé. Le décret a pour but de soutenir les approches collectives en faveur d’un environnement scolaire agréable et respectueux de chacun, où l’on peut échanger, communiquer, se sentir bien.
C’est pourquoi la Communauté française demande désormais aux services PSE de prendre en compte les différentes composantes et déterminants de la santé des enfants, dans leur globalité. C’est-à-dire, outre les missions anciennes d’examen médical, mettre en place, dans le plus d’écoles possibles si pas dans toutes, des projets visant à améliorer la santé des écoliers et leur maîtrise sur ce qui conditionne leur santé future, développer la qualité de vie et le bien-être à l’école, veiller à un environnement scolaire agréable, lieu d’échange et de communication, dans lequel des relations saines avec les écoliers, les étudiants, les enseignants et les parents peuvent s’épanouir, dans le respect des différences de chacun. Des programmes d’éducation pour la santé compléteront des programmes de promotion d’un environnement favorable à la santé.
L’enfant passe beaucoup de temps à l’école. Son bien-être et sa santé dépendent de la qualité de ce milieu de vie. Inutile de souligner l’importance d’un bon climat relationnel entre enfants et enseignants. Mais insistons aussi sur le caractère indispensable d’une vérification périodique des locaux qui se doivent d’être accueillants, sûrs et propres, de même que les abords des écoles, qui doivent être spécifiquement aménagés pour la sécurité. Enfin ne négligeons pas une surveillance régulière de la qualité des boissons et aliments mis à disposition des écoliers.
Promouvoir la qualité de vie dans une école n’est possible qu’avec la participation de tous. Le service PSE devrait coopérer avec:
-les élèves, les parents et les enseignants;
-la direction, le centre PMS, et le pouvoir organisateur (PO), de l’établissement;
-ainsi que le Centre local de promotion de la santé (CLPS) et, s’il y a lieu, le conseiller en prévention, le service de médecine du travail (SEPPT), voire l’inspection des denrées alimentaires (AFSCA).
Le projet de santé de l’école , idéalement élaboré par elle, en collaboration avec l’équipe PSE, sollicitera la participation de toute la communauté éducative: élèves, parents, enseignants, et direction. L’implication de tous est essentielle pour faire de l’école un lieu de vie plaisant et épanouissant.
Le Conseil de participation est l’organe qui rassemble pratiquement toutes ces personnes, et pourrait, de ce fait, être le lieu idéal pour l’élaboration d’un tel projet. Des partenariats et des actions devraient se construire à partir de ce lieu d’échanges et de concertations, sans oublier les autres partenaires extérieurs: certaines asbl locales, l’un ou l’autre Service communautaire spécialisé sur un thème, voire l’Observatoire provincial, mais surtout le CLPS.

Une mission de médecine préventive

A côté d’aspects «promotionnels» (peut-être plus psycho-sociaux), la médecine préventive (sans doute plus bio-médicale) reste plus que jamais d’actualité et se doit d’elle aussi s’améliorer. En matière d’urgences sanitaires par exemple, il existe une liste de maladies transmissibles dont la déclaration, à l’aide d’un certificat médical type, est obligatoire. Informé, par un médecin traitant, un hôpital, ou notre administration, du diagnostic, ou constatant lui-même la présence, d’une de ces maladies au sein de l’école, le médecin qui en est responsable pour l’équipe PSE, prendra, en accord et collaboration avec l’inspecteur d’hygiène, toutes les mesures utiles afin de réduire le risque d’une épidémie.

Les missions des services PSE

Assurer la promotion de la santé (20% du temps de travail doit y être consacré selon le décret) dans l’école (c’est-à-dire un programme d’ éducation pour la santé au service de l’établissement, pour les élèves et les enseignants, avec eux et par eux). Assurer aussi la promotion d’un environnement favorable à la santé à l’école (c’est-à-dire une attention portée à la sécurité , l’ hygiène et le bien-être , concernant les locaux et abords, mais aussi les aliments et boissons disponibles, ainsi que les possibilités de gestion sur place des premiers soins éventuels, etc.).
Réaliser le suivi de la santé globale des enfants en effectuant, pour chacun, des bilans de santé périodiques (ces visites médicales sont le rôle le plus connu des anciens IMS). Cette activité inclut la nécessité de transmettre aux parents une note reprenant les conclusions du bilan effectué, de recommander le cas échéant une consultation et de recontacter les parents ou le lieu où l’enfant a été référé, pour voir si l’examen conseillé a bien été effectué.
Contrôler , lors de ces bilans individuels, l’état vaccinal . Offrir les vaccinations de base gratuites recommandées aux élèves. Aider à la gestion des situations liées à la présence d’enfants malades dans l’école. Assurer la prophylaxie des maladies transmissibles (risques de contagiosité et urgences sanitaires lors d’apparition de certaines maladies infectieuses).
Contribuer à une politique et à des stratégies de promotion de la santé des jeunes, ainsi qu’à une gestion des informations en la matière, notamment par le recueil de données sanitaires utiles. Cette collecte est réalisée lors des examens de suivi effectués périodiquement au sein de l’ensemble de la population scolaire.
Enfin, seulement pour certains des services: organiser une permanence «point-santé» au sein d’établissements de l’enseignement supérieur, lorsque le service en a sous tutelle, pour disposer ainsi d’un lieu de contact, ouvert aux étudiants et leur permettant d’y rencontrer, à la demande, un professionnel de santé apte à répondre à leurs questions.

En ce qui concerne la prophylaxie des maladies contagieuses, trois d’entre elles constituent une urgence sanitaire: diphtérie et polio sont heureusement rares, mais les infections à méningocoques (dont la plus célèbre est la méningite) sont assez fréquentes. Elles exigent des mesures de protection dans les 24 heures. Chaque service PSE est donc organisé pour prendre ces mesures dans les plus brefs délais.
La qualité de la communication est déterminante pour que le système soit efficace. Dès suspicion clinique, ces trois pathologies doivent faire l’objet d’une déclaration immédiate à l’un des médecins inspecteurs d’hygiène de notre administration. L’article 2 de l’Arrêté du 17 juillet 2002, relatif à la prophylaxie des maladies transmissibles dans le milieu scolaire et étudiant, prévoit qu’un dispositif d’urgence doit être organisé. Grâce à celui-ci, si par exemple nous sommes avertis par un hôpital du fait qu’un élève hospitalisé présente une méningite bactérienne, nous sommes en mesure, même en dehors des heures d’ouverture des services et des écoles, et donc théoriquement 7 jours sur 7 et 24 h sur 24, de contacter l’établissement scolaire concerné et le médecin scolaire requis pour gérer avec eux les mesures à prendre dans les heures qui suivent.
Enfin, en ce qui concerne la mission la mieux connue des parents, les fameuses visites médicales, elles restent bien sûr une tache essentielle des services. Il s’agit d’effectuer, pour tous les élèves, les bilans de santé périodiques légalement prévus (en moyenne tous les deux à trois ans, au moins sept fois sur l’ensemble du cursus) et les vaccinations de base recommandées (effectuées et/ou, à tout le moins, vérifiées, au moment de la visite médicale).
Ces moments de rencontre avec le médecin scolaire permettent de dépister certaines maladies touchant les enfants et les adolescents et un rapport est adressé aux parents, à qui il est conseillé, si nécessaire, de consulter le médecin traitant et/ou un spécialiste. Ces visites médicales permettent la collecte de renseignements sur l’état de santé de la population scolaire, via la constitution d’un recueil informatique de données sanitaires.
Nous reviendrons dans un prochain numéro sur certains aspects plus concrets, en développant deux objectifs particulièrement novateurs qui ont récemment vu le jour dans le secteur de la Promotion de la santé à l’école, celui du recueil des données et celui du projet de service.
Jérôme de Roubaix , Médecin inspecteur d’hygiène, coordonnateur de la Médecine scolaire,
responsable du Service Surveillance à la Direction générale de la santé de la Communauté française
Adresse de l’auteur: Ministère de la Santé de la Communauté française, Bd Léopold II 44, 1080 Bruxelles. Courriel: jerome.deroubaix@cwfb.be.
Version révisée le 24 janvier 2008 d’un article précédemment paru dans La Plume du Coq, journal interne du Ministère de la Communauté française (n° 69 de septembre 2007) et publié avec son aimable autorisation.