Peut-on améliorer la santé et le bien-être de nos enfants grâce à l’école? C’est bien là l’enjeu fondamental de la promotion de la santé à l’école.
La médecine scolaire a beaucoup changé en quelques années. La médecine scolaire, tout le monde connaît, et cela ne réveille pas forcément d’excellents souvenirs. On a tous des souvenirs plus ou moins comiques, plus ou moins gênés de files d’attente en sous-vêtements et de tests auxquels on ne comprenait pas grand-chose.
Un indispensable service universel, obligatoire et gratuit
C’est la loi du 21 mars 1964, qui a rendu obligatoire l’Inspection médicale scolaire et l’a organisée dans les différents réseaux scolaires subventionnés. Cette généralisation obligatoire de la médecine scolaire a rendu d’incontestables services. Nous lui devons une meilleure prévention de la tuberculose et d’autres maladies infectieuses. Les déficiences sensorielles sont dépistées plus précocement et sont plus rapidement traitées. Des progrès appréciables ont été obtenus dans le domaine de la santé physique générale.
Le service PSE est un service public et universel de médecine préventive. Ce qui signifie qu’il ne s’occupe pas des traitements, laissés au médecin choisi par la famille. Mais il peut avoir une fonction non négligeable dans la vaccination ou le dépistage précoce que ce soit pour les troubles de la vue, de l’audition, de la statique, pour des problèmes dermatologiques, etc.
Sur ce plan, le médecin scolaire a vraiment un rôle complémentaire à celui du médecin de famille.
Depuis le début de mon mandat, les services de Promotion de la Santé à l’Ecole (services PSE) sont au cœur de mes préoccupations. Je suis absolument persuadée de votre rôle capital comme acteur de promotion de la santé et de médecine préventive au sein de l’école. Il est essentiel de défendre la médecine scolaire en tant que service universel, gratuit et obligatoire.
La médecine scolaire doit rester une branche de la pédiatrie sociale et de la santé publique, qui amène chaque jeune, pour la première fois en son nom propre, à entrer en relation avec le monde médical. Il faut cependant reconnaître que les besoins et les attentes des familles et des écoles ont changé, et il est nécessaire que les services PSE répondent aussi aux attentes et aux besoins psychosociaux de nos enfants.
Déjà en 1991, l’association professionnelle des médecins scolaires publiait un livre blanc dans lequel ils mettaient l’accent sur la nécessité d’une approche plus globale de la santé à l’école.
En 2002, le décret définissant la promotion de la santé à l’école est entré en vigueur. Il a modifié vos missions et votre pratique professionnelle en profondeur. Il s’agit d’un énorme défi et d’une belle opportunité de développer, avec les écoles, des projets visant à améliorer la santé et le bien-être des enfants et des jeunes.
La définition qui est donnée dans le décret relatif à la promotion de la santé à l’école est complète puisqu’elle prévoit:
-la mise en place de programmes de promotion de la santé et de promotion d’un environnement scolaire favorable à la santé;
-le suivi médical des élèves, qui comprend les bilans de santé individuels et la politique de vaccination;
-la prophylaxie et le dépistage des maladies transmissibles;
-l’établissement d’un recueil standardisé de données sanitaires.
Un beau défi
Je suis bien consciente de l’ampleur de la tâche que représentent ces nouvelles missions.
Le nombre d’élèves pour chaque service est impressionnant: ainsi les 47 services PSE ont au total 725.719 élèves sous tutelle. Sans oublier les services PMS de la Communauté française qui assurent la mission de promotion de la santé auprès de 137.178 élèves inscrits dans les établissements de la Communauté française.
Outre le nombre impressionnant d’élèves avec lesquels vos équipes doivent travailler, j’ai pu prendre la mesure des difficultés que pose l’application du nouveau décret et de ses arrêtés d’application: Projet de service, vous avez dit projet de service? Comment arriver à remplir toutes les missions? Comment s’organiser en équipe? Comment inciter les écoles à se mobiliser pour un projet santé? Quels outils sont à notre disposition?
Une première réponse vous est donnée aujourd’hui à l’occasion de ce colloque. Il s’agit d’un lieu de rencontres pour échanger sur vos pratiques, et d’un lieu d’informations pour vous présenter des outils et des expériences.
Je souhaite que ce colloque vous aide à construire et à consolider vos propres projets de promotion de la santé à l’école et qu’il vous apporte un réel soutien pour accomplir les missions importantes qui sont les vôtres.
La date de ce colloque n’a pas été choisie par hasard. En cette fin d’année scolaire, j’ai voulu faire de ce colloque l’inauguration d’une année (l’année scolaire 2005-2006) qui soit une année de transition.
Un projet de service
Vous le savez, j’ai assez rapidement décidé de reporter l’obligation, pour chaque service, de définir un projet santé pour chaque établissement scolaire pour le 1er septembre 2005 ainsi que cela était prévu initialement.
Après avoir rencontré plusieurs d’entre vous, j’ai pu prendre conscience qu’il était nécessaire de donner du temps aux équipes.
Cette obligation est remplacée par celle de créer, pour le 1er septembre 2006, un projet de service définissant le cadre et les conditions de l’intervention des services PSE au sein des écoles.
Ce délai doit vous permettre de renforcer votre cohérence interne en vous appropriant votre propre concept de promotion de la santé à l’école, que ce soit sur base de l’expérience acquise durant les deux années de formation ou sur base des projets déjà mis en place avec certaines écoles.
Pour faire ce travail important, je pense qu’il est aussi nécessaire d’organiser et de structurer l’offre de formation, d’outils et d’accompagnement qu’un certain nombre de services font aux équipes PSE.
Dans ce cadre, je pense que les CLPS doivent être des partenaires privilégiés. Leur rôle doit être de définir la meilleure adéquation entre les besoins de services et l’offre importante de ces services spécialisés.
Si le projet de service reste l’axe central de l’ancrage des nouvelles missions des services PSE, il reste bien d’autres chantiers sur lesquels nous devons ensemble travailler pour améliorer le service universel auquel je faisais référence au début de mon intervention.
La simplification administrative me semble un enjeu important, sur lequel j’ai pris une série d’initiatives qui ont déjà fait et feront encore l’objet de modifications des dispositifs légaux.
Toutes ces modifications se font en concertation avec les représentants de vos équipes au sein de groupes de travail auxquels plusieurs d’entre vous participent régulièrement.
Lors de mes visites certains d’entre vous m’ont fait part de leur difficulté à trouver des médecins ayant les titres requis avant leur entrée en fonction.
Dans le cadre d’un décret qui va être voté cette semaine, j’ai prévu la possibilité de déroger à la possibilité d’engager un médecin n’ayant pas les titres requis à la double condition qu’il suive un stage formatif court de 8h au sein du service qui l’engagera et une formation en vue d’obtenir le brevet de médecine scolaire ou le diplôme d’études spécialisées en santé publique.
Je dois cependant vous dire que certains médecins se sont manifestés pour nous informer qu’ils avaient les titres requis et pas de travail. C’est pourquoi j’ai organisé une centralisation des offres de service des médecins disponibles et des demandes des services. Elle est assurée pour le moment au sein de mon cabinet, mais sera transférée rapidement à l’administration.
Mes collaborateurs continuent à travailler avec des représentants de vos services sur l’amélioration et la simplification administratives du fonctionnement des services: comptage des élèves pour la finalisation des subventions, obligation pour tous les médecins de prester 40h minimum par mois, fréquence des visites d’école, échange de données avec l’ONE, meilleure articulation du secteur de l’aide à la jeunesse avec les PSE, standardisation des pratiques, évaluation de l’examen neuro-moteur…
J’ai aussi pu rapidement prendre conscience des difficultés de trésorerie de vos services.
Un nouvel arrêté qui va être soumis au Gouvernement dans les prochaines semaines prévoit une modification des pourcentages d’acomptes aux services (40%, 50% et solde de 10% au lieu de 40, 40 et 20%).
Enfin, pour éviter la surcharge de travail concernant la comptabilité prévue par année scolaire (double comptabilité), celle-ci se fera, à partir de 2006, par année civile et sera à rentrer non plus pour le 1er mai mais pour le 30 juin.
Des données, oui, mais pas n’importe lesquelles
Compte tenu de la fonction universelle de santé publique qu’ont les services PSE, vous êtes, dans vos services, à un poste d’observation privilégié de la santé des enfants et des adolescents, et les mieux placés pour une collecte de données. L’élaboration de statistiques est importante en termes de santé publique, si l’on veut définir des priorités. Cependant, je souhaite, avec vous, organiser au mieux ce recueil de données, en tenant compte de la réalité de fonctionnement des services et en priorisant les items des données recueillies compte tenu de l’utilisation qui peut en être faite.
J’ai donc proposé que le recueil de données, prévu dans le décret, soit entamé à la rentrée scolaire 2005-2006. Il débutera avec les élèves de 1ère maternelle. Le contenu du recueil a été simplifié, et les données en ont été rendues anonymes.
Enfin, un des enjeux majeurs de la promotion de la santé à l’école c’est d’obtenir, dans tous les cas, la reconnaissance par les écoles elles-mêmes, les directions, les professeurs, les élèves, du rôle des PSE.
Cela ne pourra se faire que par une coopération avec la Ministre de l’Enseignement.
Dès à présent, des contacts réguliers sont établis entre mon cabinet et celui de la Ministre Arena .
Le Plan stratégique pour l’alimentation saine qui a été élaboré en commun avec Marie Arena sera prochainement soumis pour approbation au Gouvernement. Il reconnaît le rôle central des PSE dans la promotion de l’alimentation saine à l’école. La mise en œuvre de ses recommandations pourrait être une première étape dans cette reconnaissance mutuelle des écoles, des services PSE et des CPMS de la Communauté française.
La santé et le bien-être des enfants et des jeunes sont évidemment au cœur de mes préoccupations en tant que Ministre de l’Enfance, de l’Aide à la jeunesse et de la Santé. Et comme j’ai la responsabilité de ces trois compétences, mon souhait est de valoriser les transversalités.
L’enquête HBSC (Health Behaviour of Schoolaged Children) menée en Communauté française par PROMES pour le compte de l’OMS en 2002 a été faite auprès de jeunes de 13, 15 et 17 ans. Quelques résultats indicatifs méritent d’être rappelés.
21,7% des jeunes de 13 à 17 ans sont fumeurs, 20% des jeunes de 13 à 17 ans sont consommateurs hebdomadaires d’alcool (surtout le week-end), 58% des garçons de l’enseignement général déclarent avoir consommé au moins une fois du cannabis (mais 19% des garçons de l’enseignement professionnel consomment tous les jours du cannabis), 15,1% des jeunes sont en surcharge pondérale, (mais 4,9 % subissent un déficit pondéral), et enfin, 48,8% des jeunes regardent la télévision de 2 à 4 heures par jour.
Et puis, au-delà de ces considérations épidémiologiques et d’économie de la santé, n’oublions pas le mal-être qu’expriment certains de ces comportements et la souffrance qu’il peut y avoir dans la tête et dans le corps des enfants ou des adolescents, n’oublions pas non plus les parents qui se sentent trop souvent impuissants.
Les parents que nous sommes, les enseignants, les infirmières et médecins des services PSE, les accueillantes, les responsables de clubs sportifs… tous, nous sommes interpellés et responsables.
Le rôle du politique en la matière est de pouvoir intervenir en créant un cadre et un contexte qui favorisent le bien-être.
Les services de Promotion de la Santé à l’Ecole constituent une priorité de ma législature. Convaincue de l’importance de la médecine scolaire en faveur du bien-être de nos enfants et de nos jeunes, je me battrai pour le refinancement de ce secteur. Il est urgent de redonner les moyens aux services pour rendre la médecine scolaire plus attractive et pour que chaque enfant puisse trouver un suivi médical égal, quel que soit le service dont il dépend.
Catherine Fonck , Ministre de l’Enfance, de l’Aide à la jeunesse et de la Santé en Communauté française.
Paroles prononcées à l’occasion de la journée PSE du 20 juin 2005 au Parc d’aventures scientifiques de Frameries