Proposition du Conseil supérieur de promotion de la santé pour un Programme quinquennal de promotion de la santé à partir du 1er janvier 2015
Le contexte actuel est marqué par une précarisation croissante d’une part importante de la population, par des problèmes d’accès et d’intégration dans la vie sociale (emploi, logement, école, etc.), par des processus d’exclusion qui se cumulent au quotidien avec des problèmes de santé. Par ailleurs, les compétences et les budgets tant en santé qu’en aide aux personnes sont extrêmement morcelés à travers les différents niveaux de pouvoir. La réforme de l’État en cours devrait apporter plus de cohérence au prix cependant d’un arbitrage au sein du secteur de la santé. Enfin, la prise en compte des déterminants sociaux de la santé suppose une vision politique globale impliquant la santé dans toutes les politiques, vision encore à construire.
L’objectif poursuivi par la promotion de la santé est de consolider de manière transversale la lutte contre les inégalités sociales de santé et de renforcer tous les publics concernés, en permettant à l’usager de prendre sa place dans le dispositif. Dans chaque domaine de l’action publique, des mesures politiques fondées sur un universalisme proportionné peuvent être définies, à savoir des mesures et/ou initiatives destinées à tous, mais mises en œuvre en fonction du niveau de précarité et des besoins.
En vue d’atteindre cet objectif, la réponse privilégiée par la promotion de la santé est de fédérer différents acteurs qui proposent des stratégies d’action. Celles-ci incluent des démarches participatives impliquant plusieurs milieux de vie et différents publics – en étant attentives aux réalités des populations plus vulnérables -, des démarches de prévention et de recueil de données. Les principes de la promotion de la santé constituent de véritables objectifs stratégiques, qui visent à favoriser une action efficace sur les leviers et déterminants de la santé de la population entendue de manière globale.
Cadre de référence
La promotion de la santé
Au niveau international
Confrontées aux désastres provoqués par la deuxième guerre mondiale, les Nations-Unies ont organisé, en 1946, la première conférence internationale de santé, préambule à la constitution de l’Organisation mondiale de la santé. À cette occasion, les pays participants se sont accordés sur une définition positive de la santé : «La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social et ne consiste pas en l’absence de maladie ou d’infirmité». Ils ont également insisté sur le droit universel à la santé «La santé est un droit fondamental pour tous».
En 1978, l’OMS, lors de la Conférence internationale des soins de santé primaires qui s’est tenue à Alma Ata, a réaffirmé le droit à la santé pour tous, loin d’être acquis dans tous les pays, et a insisté sur les préalables pour atteindre cet objectif : de la nourriture en quantité et en qualité, une éducation de base, un logement décent, un revenu minimum, un statut social, la sécurité et la paix. Deux conditions de réussite des dispositifs de soins de santé primaires ont également été pointées : la participation individuelle et collective et l’intégration des soins.
En 1984, dans une perspective de renforcement de la participation citoyenne et de meilleure réponse aux problèmes de santé, l’OMS a diffusé le concept de Villes en santé. Le défi est de créer un capital communautaire dans l’optique de développer des communautés saines.
En 1986, lors des travaux de la première conférence internationale pour la promotion de la santé, la Charte d’Ottawa pour la promotion de la santé a été élaborée.
La Charte d’Ottawa (1986) définit la promotion de la santé comme «le processus qui confère aux populations les moyens d’assurer un plus grand contrôle sur leur propre santé et d’améliorer celle-ci. Cette démarche relève d’un concept définissant la santé comme la mesure dans laquelle un groupe ou un individu peut, d’une part, réaliser ses ambitions et satisfaire ses besoins et, d’autre part, évoluer avec le milieu ou s’adapter à celui-ci. (…) Ainsi donc, la promotion de la santé ne relève pas seulement du secteur sanitaire; elle dépasse les modes de vie sains pour viser le bien-être. La promotion de la santé s’inscrit donc dans le courant holistique : la santé est comprise dans sa globalité, c’est-à-dire dans ses aspects médico-psycho-sociaux mais aussi environnementaux au sens large.»
La Charte d’Ottawa donne cinq orientations de travail concrètes :
- élaborer une politique publique saine;
- créer des milieux favorables;
- renforcer l’action communautaire;
- développer les aptitudes personnelles;
- réorienter les services de santé.
Ce texte fondateur a été complété par les réflexions issues de différentes conférences internationales. Leur synthèse est présentée en annexe de ce numéro.
En 2009, le rapport final de la Commission des déterminants sociaux de santé de l’OMS prend pour fil conducteur l’équité en matière de santé et propose de distinguer trois composantes fondamentales sur lesquelles agir : les contextes socio-économiques et politiques, les déterminants structurels des inéquités de santé (accès à l’éducation, couverture sociale et sanitaire…) et du statut socio-économique (revenu, emploi, position sociale…) et les déterminants intermédiaires de santé (comportements, environnement matériel, cohésion sociale…).
La déclaration de Rio (2011) propose aux États une série d’engagements qui concrétisent ces recommandations.
Finalement, Health2020 (OMS- Europe) définit une politique cadre européenne qui vise à soutenir les mesures destinées à «améliorer de manière significative la santé et le bien-être des populations, réduire les inégalités de santé, renforcer la santé publique et mettre en place des systèmes de santé universels, équitables, durables, de qualité et axés sur la personne». Ce document réaffirme l’importance de la santé comme ressource essentielle pour la société, mais aussi l’influence de toutes les politiques sur la santé (Hiap – Health in all policies). Il met l’accent sur l’amélioration de la santé et la réduction des inégalités sociales de santé à travers une gouvernance mobilisatrice et participative. Il propose quatre priorités :
- une approche de la santé émancipatrice et continue, «tout au long de la vie»;
- des stratégies de santé transversales et intégrées dont la promotion de la santé est le noyau central;
- un système de santé centré sur les besoins des populations (couverture universelle, première ligne, santé publique, etc.);
- des communautés résilientes et des environnements favorables.
Dans le cadre d’un projet européen, la Belgique a mis sur pied un groupe intersectoriel pour instaurer un dialogue politique sur la réduction des inégalités sociales de santé. Le concept de ‘Santé dans toutes les politiques’ est en effet devenu indissociable de la réduction des inégalités sociales de santé.
En Fédération Wallonie-Bruxelles
Le décret du 14 juillet 1997 de la Communauté française de Belgique propose la définition suivante de la promotion de la santé : «Par promotion de la santé au sens du décret du 14 juillet 1997, il faut entendre le processus qui vise à permettre à l’individu et à la collectivité d’agir sur les facteurs déterminants de la santé et, ce faisant, d’améliorer celle-ci, en privilégiant l’engagement de la population dans une prise en charge collective et solidaire de la vie quotidienne, alliant choix personnel et responsabilité sociale. La promotion de la santé vise à améliorer le bien-être de la population en mobilisant de façon concertée l’ensemble des politiques publiques (Article 1er)».
En 2010-2011, l’évaluation des dispositifs de politique de santé en Communauté française conclut que le concept de promotion de la santé autour duquel s’articule le décret de la Communauté française reste d’actualité. Il est conçu comme une fonction contributive à la santé publique (Santé pour tous au sens de l’OMS) parmi d’autres fonctions telles que la protection, la surveillance, l’organisation du système de soins, la prévention.
Dès le premier programme quinquennal, le Conseil supérieur de promotion de la santé a renforcé la portée de cette définition en rappelant les fondamentaux de la promotion de la santé, véritables objectifs stratégiques pour un déploiement efficace et pertinent de celle-ci. Ces objectifs stratégiques sont repris ci-après dans l’axe Principes d’action de la promotion de la santé (voir dans ce numéro).
La présente proposition de programme définit les axes prioritaires d’action et de recherche pour une politique de promotion de la santé cohérente avec ce cadre de référence international et avec les orientations tracées par le Conseil supérieur de promotion de la santé au cours des dernières années. Pour appliquer ces orientations, dans le cadre du transfert de 2014 du décret de promotion de la santé du 14 juillet 1997, il importera d’articuler les compétences et donc les limites d’intervention des entités fédérées (Région wallonne, Commission communautaire française, Fédération Wallonie-Bruxelles).
La médecine préventive
L’approche préventive s’appuie classiquement sur le cours naturel de la maladie. C’est ainsi que l’on parle de prévention primaire quand l’intervention vise à éviter l’apparition d’une pathologie, de prévention secondaire (dépistage) s’il s’agit de rechercher des signes avant-coureurs ou précoces de la maladie, de prévention tertiaire si l’objectif est de prévenir les complications et /ou les rechutes, et de prévention quaternaire si l’on vise à prévenir les risques de surmédicalisation.
Le décret de promotion de la santé propose une définition de la médecine préventive, telle qu’elle a été acceptée par le Parlement de la Communauté française.
Par médecine préventive, il faut entendre les méthodes de prévention conformes aux dispositions légales régissant l’exercice des soins de santé et les modalités d’organisation des services de santé, pour contribuer à éviter les affections morbides ou pour découvrir, le plus rapidement possible, dans la population, ceux de ses membres qui sont réceptifs ou atteints d’une de ces affections, dont l’existence constitue un risque de détérioration grave pour l’état de santé du malade lui-même, parfois aussi un risque de propagation de la maladie à l’entourage du malade et enfin souvent un risque de dégradation de la situation matérielle et sociale du malade et de sa famille.
Selon l’esprit de ce décret, le champ de la médecine préventive s’intègre dans une articulation entre promotion de la santé et soins. Médecine préventive, soins de première ligne et promotion de la santé partagent des références et des stratégies en matière de prévention et de réduction des inégalités sociales de santé, de participation, d’intersectorialité et d’approche globale de la santé.
L’application du principe de subsidiarité consiste à déployer les pratiques de prévention les plus proches de la population. Ceci peut se faire à travers l’action des médecins généralistes et des autres professionnels de la santé et de l’aide sociale (services de l’Office de la Naissance et de l’Enfance et services de la Promotion de la santé à l’école, par exemple), mais aussi d’autres intervenants du secteur ambulatoire, en optimalisant les structures logistiques au bénéfice des programmes de médecine préventive.
Rappel des textes législatifs
Les compétences de la Communauté française en matière de santé sont définies par les lois spéciales des 8 août 1980 et 8 août 1988, et par le décret du 19 juillet 1993 attribuant l’exercice de certaines compétences de la Communauté française à la Région wallonne et à la Commission communautaire française. Le décret de 1993 maintenait comme compétence essentielle de la Communauté française en matière de santé, l’éducation sanitaire et les activités et services de médecine préventive.
Le Décret spécial relatif aux compétences de la Communauté française dont l’exercice est transféré à la Région wallonne et à la Commission communautaire française du 3 avril 2014 transfère la plupart de ces compétences de santé à ces deux entités fédérées à l’exception, entre autres, des activités et services de médecine préventive destinés aux nourrissons, aux enfants, aux élèves et aux étudiants.
En outre, la 6e réforme de l’État transfère les campagnes de promotion de la santé bucco-dentaire menées par les dentistes dans le cadre de l’INAMI (en accompagnement de l’introduction de la gratuité des soins dentaires pour les moins de 18 ans) vers la Fédération Wallonie-Bruxelles. Par ailleurs, elle prévoit que le Fonds assuétudes, le Fonds tabac ainsi que le Plan national nutrition santé seront transférés du niveau fédéral aux deux entités fédérées évoquées ci-dessus.
Dans une optique de promotion de la santé, on se donne comme ambition de travailler sur les déterminants de la santé – biologiques mais surtout sociaux, culturels et environnementaux – en développant des stratégies multiples (voir plus dans ce numéro : ‘Les principes d’action de promotion de la santé’). Le choix de cette approche a été officialisé par le décret du 14 juillet 1997 (MB 29/08/1997) portant organisation de la promotion de la santé en Communauté française. Grâce à ce décret, la promotion de la santé a bénéficié d’un cadre qui définit le concept, organise ses modalités de programmation (programme quinquennal), agrée des services de soutien au niveau local (Centres locaux de promotion de la santé) et des services d’appui méthodologique (Services communautaires) et prévoit le financement de programmes d’action et de recherche.
Le Programme quinquennal et les Plans communautaires opérationnels
Après l’adoption du décret du 14 juillet 1997, un premier Programme quinquennal 1998-2003 a été arrêté par le Gouvernement de la Communauté française. Le premier Programme quinquennal a fait l’objet d’un bilan en 2003 (voir L’évaluation du programme quinquennal et des politiques de promotion de la santé’ dans ce numéro). Des Plans communautaires opérationnels ont été pris suite au programme quinquennal. Une évaluation des dispositifs de politique de santé a été réalisée en 2010-2011 (voir le rapport de Perspective Consulting et Effisciences du 31 mars 2011).
L’article 2 du décret du 14 juillet 1997 précise ce qui suit :
«§ 1. Le Gouvernement arrête un programme quinquennal de promotion de la santé qui définit les lignes de force de la politique de promotion de la santé en Communauté française ainsi que de la politique de médecine préventive envisagée dans ses aspects collectifs.
§ 2. Dans un délai de 18 mois après fixation du programme quinquennal visé au § 1er, le Gouvernement arrête un plan communautaire opérationnel de promotion de la santé, ci-après dénommé ‘plan communautaire opérationnel’, s’inscrivant dans le cadre de ce programme quinquennal et définissant :
1° les objectifs opérationnels prioritaires retenus pour la durée du plan en matière de promotion de la santé y compris de médecine préventive;
2° les stratégies et méthodes à développer pour assurer la mise en œuvre et l’évaluation de ces objectifs prioritaires et opérationnels, les programmes de promotion de la santé y compris de médecine préventive, les structures d’appui permanentes utiles, les programmes de formations, les outils d’informations et les campagnes de communication à mettre en œuvre, les axes de développement et de soutien aux politiques locales et aux actions communautaires de santé;
3° les publics cibles à intégrer dans les programmes et actions prioritaires.
§ 3. Un système d’informations sanitaires, comportant l’identification et la coordination des sources de données, le choix et le suivi d’indicateurs de santé, l’analyse d’information et la mise à disposition de l’information auprès des décideurs, des professionnels de santé et de la population, est mis en place en relais avec les opérateurs concernés.»
La formulation du Plan communautaire opérationnel, qui doit être arrêté par le Gouvernement dans les 18 mois de l’adoption du Programme quinquennal, fait donc l’objet d’une démarche de consultation des organismes, services et acteurs particulièrement concernés par certains objectifs prioritaires. Cette démarche nécessite la définition et la planification d’une procédure de travail, le dégagement d’un budget et l’attribution de la tâche à un ou plusieurs acteurs bien identifiés.
Le Plan opérationnel doit définir des indicateurs qui permettront d’évaluer le degré de réalisation des objectifs du Programme quinquennal.
Les missions de la Fédération Wallonie-Bruxelles en matière de surveillance et de protection
Le recueil de données
Dans le cadre de ses missions de prévention et de promotion de la santé, les entités fédérées subsidient/soutiennent plusieurs recueils de données :
- les données liées aux naissances et aux décès sur base des bulletins statistiques de naissance et décès;
- les données liées aux maladies transmissibles (MATRA) sur base des déclarations obligatoires ou qui sont gérées par des partenaires externes;
- les données de santé scolaire collectées via le bilan de santé et le recueil standardisé PSE;
- les données qui touchent aux dépistages: dépistages de la surdité néo-natale et des anomalies congénitales, dépistages du cancer du sein et du cancer colorectal;
- les données qui alimentent divers registres comme le Registre cardiovasculaire, le Registre du cancer, le Registre de la tuberculose;
- les données provenant des enquêtes de couverture vaccinale (PROVAC), de l’enquête de santé par interview (HIS) et les données de l’enquête HBSC;
- les données sur les assuétudes.
Les collectes de données, effectuées selon une périodicité variable (en continu, tous les ans, tous les 2 ou 4 ans, etc.) permettent de suivre des évolutions au cours du temps et sont des sources d’informations de qualité pouvant justifier le développement d’actions et de programmes pertinents d’éducation, de prévention et de promotion de la santé.
Les collectes de données permettent également à la Fédération Wallonie-Bruxelles et aux régions d’alimenter les bases de données d’autres niveaux de pouvoirs et ainsi de remplir leurs obligations nationales et internationales (OMS, OCDE, Eurostat…).
Surveillance et contrôle des maladies infectieuses
Les missions prévues par la loi sanitaire qui étaient en partie de compétence communautaire ont été transférées aux entités fédérées. Il leur appartient dès lors d’actualiser la législation de manière à la rendre plus efficiente.
Les entités fédérées veilleront à s’inscrire dans les projets européens et se concerteront avec l’Administration fédérale.
Les services chargés des missions d’ ‘inspecteur d’hygiène’ veillent notamment à la prévention en milieu scolaire.