Le 15 mars était présenté à Bruxelles le rapport international de l’enquête Health Behaviour in School-aged Children (HBSC) 2014. Effectuée tous les quatre ans sous l’égide de l’Organisation mondiale de la Santé, elle en est à sa 7e édition. Elle a recueilli de nombreuses données auprès de quelque 200.000 participants âgés de 11, 13 et 15 ans dans 40 pays ou régions européennes (plus le Canada et Israël).
À l’échelle internationale
Au rayon des bonnes nouvelles, la proportion des ados de 15 ans qui ont commencé à fumer à 13 ans est en diminution significative depuis l’enquête précédente en 2010. Elle est passée de 24% en 2010 à 17% en 2014, étant plus marquée chez les filles (de 22 à 13%) que chez les garçons (de 26 à 22%).
Si 80% des répondants s’estiment heureux, des écarts préoccupants apparaissent entre jeunes de genre, d’âge et de statut socioéconomique différents. Ainsi, le sentiment de bonheur diminue avec l’âge et est moins présent chez ceux qui proviennent de familles moins favorisées.
Ce même sentiment de bonheur est rapporté par de plus en plus d’écoliers dans des pays comme la Croatie, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Fédération de Russie et l’Ukraine, dont le score se rapproche maintenant de celui des pays de l’Ouest de l’Europe.
«Les comportements de santé acquis pendant cette période critique dans l’existence d’un jeune peuvent se prolonger dans sa vie d’adulte. Un bon départ peut exercer ses effets toute la vie» selon le Dr Zsuzsanna Jakab, Directrice régionale de l’OMS pour l’Europe. Elle ajoute : «Malgré des progrès considérables notamment en matière de consommation de tabac, beaucoup d’adolescents sont confronté à d’énormes inégalités. Ainsi, les filles issues de familles à revenu modeste déclarent une santé physique et mentale de moins bonne qualité et témoignent d’un niveau d’activité physique inférieur aux jeunes de familles plus aisées. Les résultats de l’enquête pointent la nécessité d’interventions de nature à réduire ce fossé. Nous ne pouvons plus considérer les jeunes comme un groupe homogène dont les besoins peuvent être rencontrés par des interventions uniformes. Les adolescents sont aussi divers que les adultes; ils requièrent un ensemble d’interventions qui reflètent leur diversité et prennent pleinement en considération leur âge, genre, environnement social et culturel. Les jeunes nous disent les choses telles qu’ils les ressentent et ce qui est important pour eux. Nous devons nous montrer dignes de cette confiance.»
Grandir dans l’inégalité : différences de genre et socioéconomiques en matière de santé et de bien-être chez les jeunes en âge scolaire
Cet ouvrage en anglais de près de 300 pages est le plus récent d’une série de rapports sur la santé des jeunes établis dans le cadre de l’enquête sur les comportements des enfants d’âge scolaire en matière de santé (HBSC), une étude internationale collaborative de l’OMS qui, depuis plus de 30 ans, livre des informations sur la santé, le bien-être, le milieu social et les comportements des filles et garçons de 11, 13 et 15 ans en matière de santé.
Ce livre présente les constatations tirées de l’enquête de 2013-2014 concernant les influences démographiques et sociales sur la santé de près de 220.000 jeunes dans 40 pays et régions de la Région européenne de l’OMS, du Canada et d’Israël.
Ses résultats ont été analysés par 340 chercheurs et coordonnés par l’International Coordinating Centre de l’Université de St Andrews (Écosse) et le Data Management Centre de l’Université de Bergen (Norvège).
Réagissant dans le cadre de l’enquête, les jeunes ont décrit leur contexte social (relations avec leur famille, leurs camarades et l’école), leurs résultats sanitaires (santé subjective, traumatismes, obésité et santé mentale), leur comportement en matière de santé (habitudes alimentaires, brossage des dents et activité physique) et leurs comportements à risque (tabagisme, consommation d’alcool et de cannabis, comportement sexuel, bagarres et harcèlement).
Pour la première fois, ce rapport englobe des thématiques comme le soutien apporté par la famille et les camarades, les migrations, la cyberintimidation et les traumatismes graves.
Des analyses statistiques ont été effectuées pour déceler les différences significatives dans la prévalence des indicateurs sanitaires et sociaux selon le sexe, le groupe d’âge et le niveau de richesse de la famille. Les conclusions mettent en lumière d’importantes inégalités en matière de santé et contribuent à une meilleure compréhension des déterminants sociaux de la santé et du bien-être chez les jeunes.
Dans ce rapport international consacré aux résultats de leur dernière étude, les auteurs de l’enquête HBSC entendent fournir les informations mises à jour dont ont besoin les responsables politiques à divers niveaux de pouvoir, les organisations non gouvernementales et les professionnels des secteurs tels que la santé, l’éducation, les services sociaux, la justice et les loisirs, afin de protéger et de promouvoir la santé des jeunes.
Fait qui mérite d’être souligné, les responsables de l’étude citent des interventions mises en place dans certains pays alertés par des données préoccupantes récoltés lors des éditions précédentes. Les résultats positifs de ces initiatives se reflètent dans les chiffres récents. C’est le cas, par exemple, de la consommation d’alcopops par les ados allemands. L’étude HBSC 2003 révéla une augmentation très spectaculaire de cette dernière, les ventes ayant plus que triplé en un an avec un marketing agressif visant les jeunes. Le Ministère fédéral de la santé prit l’initiative d’une forte taxe et d’une information claire quant à l’interdiction de vente aux jeunes. Le produit de la taxe fut utilisé pour mettre en place des programmes de prévention. En 2006, l’enquête HBSC objectiva une forte diminution de la consommation, tendance qui s’est maintenue jusqu’à aujourd’hui.
Les données présentées dans ce rapport peuvent être consultées (en anglais seulement) sur le portail d’information sanitaire du Bureau régional de l’OMS pour l’Europe et via l’application pour téléphones mobiles reprenant des statistiques sur la santé dans la Région européenne de l’OMS
Growing up unequal : gender and socioeconomic differences in young people’s health and well being, sous la direction de: Jo Inchley, Dorothy Currie, Taryn Young, Oddrun Samdal, Torbjørn Torsheim, Lise Augustson, Frida Mathison, Aixa Aleman-Diaz, Michal Molcho, Martin Weber et Vivian Barnekow, Health Policy for Children and Adolescents n° 7, 2016, xiv + 277 pages. Prix: 60,00 CHF/72,00 USD (pays en développement: 42,00 CHF/50,40 USD).
En Fédération Wallonie-Bruxelles
Responsable de l’étude en Fédération Wallonie-Bruxelles , le SIPES – École de Santé publique, Université libre de Bruxelles – en a profité pour publier ses premiers résultats. Les chercheurs soulignent une évolution plutôt favorable de certains comportements de santé, mais des inégalités sociales importantes sont également observées pour de nombreux indicateurs.
Des points positifs…
Plus des trois-quarts des jeunes de FWB se déclarent «heureux» ou «très heureux». Le tabagisme suit une tendance à la baisse, moins de 10% des adolescents du secondaire fument quotidiennement.
Plus de 9 adolescents sur 10 en secondaire supérieur ont utilisé une protection lors de leur dernier rapport sexuel.
Enfin, plus de la moitié des jeunes consomment des fruits et des légumes chaque jour; ces consommations ont augmenté depuis 2002, et situent les jeunes francophones de Belgique parmi ceux qui en consomment le plus fréquemment au niveau international.
… mais avec des marges d’amélioration importantes…
Les jeunes de la FWB ne sont que 15% à pratiquer l’équivalent d’au moins une heure d’activité physique au quotidien (recommandation de l’OMS).
Les jours d’école, deux tiers des jeunes en secondaire passent au moins 2 heures devant la télévision. Le temps d’utilisation d’internet a fortement augmenté depuis 2010.
Dans un tout autre domaine, le niveau de connaissance sur les modes de transmission de l’infection par le VIH est insuffisant.
Le stress induit par le travail scolaire a augmenté, pour toucher en 2014 un quart des enfants de 5e-6e primaire et 40% de ceux du secondaire.
Enfin, 40% des jeunes déclarent être fatigués en se réveillant au moins quatre jours par semaine.
… et de fortes inégalités sociales de santé
De nombreux indicateurs relevés dans cette enquête varient selon le niveau d’aisance matérielle, avec une situation systématiquement plus défavorable chez les jeunes vivant dans des familles moins favorisées.
HBSC en Belgique francophone, premiers résultats 2014
9 fiches sont d’ores et déjà disponibles :
- Présentation générale de l’enquête
- Sentiment de bonheur
- Consommation de fruits et légumes
- Activité physique
- Relations sexuelles, contraception, prévention des IST, connaissances sur les modes de transmission du sida
- Qualité perçue des résultats scolaires, stress lié à l’école, camarades
- Sommeil
- Bagarres, provocations
- Alcool et tabac
Fiches disponibles sur www.sipes.ulb.ac.be
Ces inégalités sont particulièrement marquées en ce qui concerne la déclaration de symptômes somatiques ou psychologiques, le sentiment de bonheur, le temps passé devant la télévision, les connaissances des modes de transmission de l’infection par le VIH, ou encore les difficultés d’endormissement, ce qui souligne le besoin d’actions spécifiques sur ces thèmes.
La situation en 2014, les évolutions dans le temps, l’analyse des indicateurs par niveau scolaire et genre, et la comparaison avec les pays ayant participé à l’enquête HBSC en 2014 sont détaillées dans des fiches de synthèse disponibles sur le site du service Sipes : www.sipes.ulb.ac.be .
Un journal francophone belge en a fait le titre de la page qu’il a consacrée à l’enquête : «L’élève francophone belge est le plus violent d’Europe». Il aurait pu citer un résultat moins inquiétant mais cela aurait sans doute été moins vendeur… Par exemple, seuls les jeunes Canadiens de 11 ans mangent plus de fruits tous les jours que les Belges francophones. Mais qui irait titrer là-dessus dans un quotidien ? Cela dit, il nous faut bien admettre que pour beaucoup de thèmes, les résultats flamands sont plus favorables que les résultats francophones.