Juin 2006 Par J.-S. MARSAN Initiatives

Bamako – Grâce à l’introduction d’un système original de centres de santé primaires, le Mali peut se targuer d’avoir grandement amélioré le sort des plus démunis. Bien des pays ne peuvent en dire autant.
Pas facile , pour un médecin qui vient de terminer l’université , de se faire gérer par des paysans .’ La boutade de Mahamane Maïga , chef du Centre de santé communautaire (CSCOM) de Bankoni, un quartier populaire de Bamako, n’implique nullement qu’il aimerait œuvrer ailleurs. En fait, c’est tout le contraire: ‘ L’originalité du centre , c’est l’engagement populaire ‘, dit-il, enthousiaste.
Une ferveur devenue la norme dans beaucoup des 674 centres de santé communautaire du Mali. Il faut dire que ces établissements fournissent des soins de première ligne que de nombreux pays du Sud peuvent leur envier: obstétrique, pharmacie, dispensaire, laboratoire et activités de prévention (vaccination, hygiène, contraception, etc.). Sans être exempts de problèmes, ces centres connaissent un indéniable succès. Paysans et citadins s’y pressent pour s’y faire soigner à moindre coût.
Chaque CSCOM est géré localement par une Association de santé communautaire (Asaco), où l’on retrouve généralement les notables de la localité mais aussi des agriculteurs, des pêcheurs, des ouvriers. ‘ La communauté s’implique dans l’association et en retour nous avons le devoir d’informer la communauté , dit Issa Traoré, président du conseil d’administration de l’Asaco de Bankoni. Les membres du CA peuvent être sanctionnés par la population , au vu des résultats .’ Fait rare, l’État ne se mêle aucunement de la gestion. Tout repose sur les membres; l’État ne fait qu’imposer certaines normes et offre médicaments et équipements, en plus de financer en partie la construction des immeubles abritant les centres.

L’exemple de Bankoni

Les origines de ce système original remontent à l’Initiative de Bamako, une stratégie de valorisation des soins de santé primaires adoptée par l’Organisation mondiale de la santé en 1987. La première Asaco a vu le jour en 1988 dans le quartier populeux de Bankoni et le premier CSCOM y a ouvert ses portes l’année suivante. Avant 1985, Bankoni ne comptait aucun médecin. Son CSCOM possède aujourd’hui un grand bâtiment où travaillent régulièrement 20 employés, dont trois médecins, quatre infirmières et deux sages-femmes.
Autour de ce personnel permanent gravitent des étudiants en médecine qui assurent le fonctionnement presque 24 heures sur 24. Les apprentis-médecins viennent de loin. ‘ Le CSCOM de Bankoni , c’est la crème du pays , dit le Dr Pierre-Michel Roy , professeur à la Faculté de médecine de l’Université de Sherbrooke, au Québec, qui a effectué quatre séjours au Mali avec ses étudiants. Il y a une structure bien organisée et une bonne qualité de soins .”
On ne peut en dire autant de tous les CSCOM. ‘ Certains centres n’ont pas de médecins , souligne le Dr Roy, qui en a visité plusieurs au nord du pays. L’inconvénient de la décentralisation , c’est que certains fonctionnent mal .’

Les mutuelles et les centres de santé (CSCOM): un partenariat efficace!

Depuis 2002, un partenariat a été mis en place entre la Mutualité chrétienne du Centre, de Charleroi et de Thudinie et la Mutualité Malienne de Ségou, 4e région du Mali. Ce partenariat permet d’appuyer le développement des mutuelles de santé et l’amélioration des soins de santé par le conventionnement de CSCOM. Cette action a une double finalité: faciliter l’accès aux soins par la prise en charge de 75% des coûts pour une cotisation mensuelle de 460 Fcfa (0,69 €) par personne, et proposer des soins de qualité et des actions de prévention.
Tous les centres de santé conventionnés signent une charte de qualité et s’engagent au respect de certains critères pour l’accueil, l’écoute et le traitement des patients. On tente ainsi de créer une relation de confiance qui une fois instaurée permet aux CSCOM de voir le nombre de patients augmenter de plus de 50% en une année! Pour 2005, la région totalise 5.000 mutualistes dont plus de la moitié ont été pris en charge dans les CSCOM conventionnés avec la Mutualité malienne.
Depuis le début de ce partenariat, la région de Ségou a pu être dotée d’un laboratoire et d’un laborantin, de lits de maternité, de chauffe-eau solaires et de moustiquaires imprégnées.
Par des groupes de réflexion, la Mutualité chrétienne et la Mutualité malienne s’attaquent maintenant à un problème majeur de santé publique qu’est la tuberculose, car un Malien sur deux est porteur du bacille de cette maladie.
Pour plus d’infos voir les articles sur http://www.enmarche.be/cooperation

En effet, plusieurs établissements manquent cruellement de ressources, matérielles et professionnelles. Les cliniques privées et les hôpitaux d’État attirent plus facilement médecins et infirmières. ‘ Travailler dans un CSCOM , c’est accepter d’être misérable , ajoute le Dr Maïga. Il faut être prêt à se sacrifier .’
À Bankoni, comme partout au Mali, le paludisme trône sans surprise en tête de liste des affections. Second motif de consultation au CSCOM: les maladies sexuellement transmissibles. ‘ Souvent , plusieurs familles vivent dans une seule concession , et la polygamie y règne ‘, soupire Mahamane Maïga, inquiet aussi des ravages que font les infections pulmonaires, les maladies parasitaires et intestinales, le diabète ou l’hypertension.
Comme le CSCOM n’a pas le droit d’hospitaliser les malades, ‘ on essaie de les récupérer en 24 heures ‘, déclare le médecin-chef. Un accouchement – l’établissement en pratique une quinzaine par jour – est ainsi suivi d’une hospitalisation de 12 heures. Les patients gravement atteints sont référés à un hôpital, public ou privé. Les tarifs en vigueur, variables d’un centre à l’autre, restent très abordables. Le CSCOM de Bankoni exige une adhésion annuelle de 500 Fcfa (environ 0,76 €) par famille, chaque consultation ne coûte ensuite que 300 Fcfa. Les non adhérents sont pris en charge, mais ils paient 500 Fcfa par consultation. ‘ Une faible portion de la population paie sa cotisation , note Pierre-Michel Roy. Ce n’est pas encore ancré dans les habitudes . Les gens se disent que lorsqu’ils seront malades , ils paieront ce qu’il faudra .’

Une référence

Malgré les pénuries, l’amélioration de l’accessibilité aux soins est notable: 72 % des Maliens vivent à moins de 15 km d’un CSCOM. Le taux de consultation prénatale est passé de 38 % en 1998 à 53 % en 2003, selon la Fédération nationale des Associations de santé communautaire. ‘ Le système de santé communautaire est un résultat tangible , se félicite Oumou Bolly Diallo , secrétaire aux relations extérieures de la Fédération. C’est devenu une référence et beaucoup de pays environnants viennent prendre de l’expérience au Mali .’ Le modèle malien a d’ailleurs été apprécié lors de la 3e Rencontre internationale sur la globalisation de la solidarité, un rassemblement de spécialistes de l’économie sociale qui s’est déroulé à Dakar l’automne dernier.
Jean-Sébastien Marsan , InfoSud –Syfia