Premier bilan après six mois de fonctionnement
Pour rappel (1), l’objectif du programme est de réduire la mortalité par cancer colorectal. Son utilité ne faisait aucun doute vu la fréquence et la gravité potentielle de cette maladie dans les pays à forte incidence comme la Belgique. Il nous a semblé intéressant d’observer dans quelle mesure ce programme est reçu et utilisé par la population après six mois de fonctionnement. Quelle est l’implication des médecins généralistes? Pour en savoir plus, nous avons rencontré Michel Candeur, responsable du programme en Communauté française.
Bernadette Taeymans: Michel Candeur, quel est le bilan que vous pouvez dresser après ces six premiers mois de fonctionnement?
Michel Candeur: Quelques chiffres tout d’abord. Sur les 6 premiers mois, nous avons eu 18.906 personnes touchées par le programme. Parmi elles, 17.925 ont effectué le test Hemoccult.
Parmi ces tests, 488 tests étaient positifs soit 2,7%. Ce qui est un taux tout à fait satisfaisant sachant qu’au lancement d’un tel programme le pourcentage de tests positifs attendus se situe entre 2,5 et 3%.
Lors de l’anamnèse effectuée par le médecin généraliste, 981 personnes ont été détectées comme à risque et sont par conséquent rentrées dans le programme par la filière «coloscopie», soit environ 5%. Ce taux est nettement inférieur à ce qui avait été estimé lors de l’élaboration du programme puisque le pourcentage attendu n’était pas loin de 20%. Il est vrai que ce taux ne tenait pas compte des personnes déjà suivies préalablement. Mais peut-être certains médecins n’orientent-ils pas les personnes à risque vers la coloscopie ou, s’ils les orientent, ne les intègrent-ils pas dans le programme?
Il est donc sans doute utile de rappeler que le programme a aussi pour objectif d’intégrer les personnes à risque via la filière de la coloscopie et d’en assurer le suivi, par exemple par l’enregistrement des résultats des examens ou l’envoi d’une nouvelle invitation à l’échéance attendue.
B . T .: Que dire du taux de participation de la population ?
M.C.: Il faut savoir qu’en 6 mois nous avons envoyé 257.000 invitations. Le taux de participation est de 7,4% ce qui est bien entendu encore insuffisant par rapport à notre objectif de 30% de participation après un premier cycle de deux ans de fonctionnement. Il est vrai que durant ces premiers mois, il a fallu le temps de faire connaître le programme, de roder le système tant pour les patients que pour les médecins généralistes. Il faut savoir aussi que les invitations pour la Région bruxelloise n’ont démarré qu’en mai, soit trois mois après le début du programme.
B . T .: Pouvez – vous nous parler de la participation des médecins dans le programme ?
M.C.: Sur ce plan-là, nous sommes plutôt satisfaits, la participation des médecins généralistes est vraiment très importante. Sur environ 7000 médecins généralistes actifs en Communauté française, plus de 4000 ont déjà au moins un de leurs patients qui est repris dans le programme.
Sur les 6 premiers mois, près de 60% de médecins généralistes ont été actifs. Ce qui témoigne d’une grande implication des médecins généralistes dans ce programme. C’est probablement le résultat de la concertation lors de l’élaboration du programme ainsi que des effets de tout le processus de sensibilisation, d’information et de formation qui a été proposé aux médecins durant l’année qui précédait le lancement du programme.
Certains médecins généralistes sont vraiment très actifs et proposent le dépistage de façon quasi systématique, et ont déjà une centaine de leurs patients intégrés dans le programme.
C’est l’occasion de rappeler que le médecin généraliste peut proposer le dépistage de sa propre initiative à son patient. Si un conjoint vient consulter son médecin parce qu’il a reçu une invitation, le médecin généraliste peut d’emblée proposer à l’autre conjoint de participer au programme. Il ne faut pas attendre l’invitation.
Par ailleurs, en cas de test positif, le médecin généraliste peut inciter le patient à s’informer auprès du gastro-entérologue sur la manière dont se déroulera l’examen, sa préparation, le coût global de l’examen (honoraires conventionnés ou non et frais hospitaliers), la durée d’une éventuelle observation à l’hôpital…
B . T .: Avez – vous eu des réactions particulières des médecins généralistes au début du programme ?
M.C.: Oui, au début du programme, certains n’ont pas hésité à nous contacter pour nous demander des précisions ou nous faire part de leurs remarques ou suggestions.
Nous avons d’ailleurs tenu compte de celles-ci, comme par exemple la demande d’obtenir les résultats via le DMI (dossier médical informatisé). Depuis peu, le Centre communautaire de référence est agréé à ce sujet et fonctionne aussi en transmission électronique. Pour les médecins qui ont un DMI (soit actuellement 1260 médecins participant au programme de dépistage), tous les résultats sont envoyés via la transmission électronique. Pour les résultats positifs à l’Hemoccult, un courrier complémentaire leur est également envoyé avec tous les documents nécessaires pour assurer le suivi.
B . T .: Vous parliez du taux de participation de la population qui est encore assez faible . Avez – vous une idée du pourquoi ?
M.C.: La mise en route du programme est encore trop récente. Il faut savoir que cela fait plus d’un an qu’un travail d’information et de sensibilisation des médecins généralistes a démarré. Les médecins ont eu de nombreuses occasions de s’informer, d’en discuter. Pour la population, les premières informations ne sont sorties qu’en février – mars 2009. C’est donc encore une découverte. D’autant que peu de personnes connaissaient auparavant la possibilité de dépister le cancer de l’intestin contrairement au dépistage du cancer du sein qui était déjà largement connu avant le démarrage du programme ‘mammotest’.
Le démarrage du programme en quelques chiffres
Du 1er mars au 31 août 2009
18.906 contacts (personnes ayant participé au programme)
17.925 tests Hemoccult dont 488 tests positifs (2,7%)
981 dépistages par coloscopie pour personnes à risque
Plus de 4000 médecins généralistes actifs dans le programme (près de 60% de taux de participation).
Nous disposons aussi d’autres informations intéressantes grâce aux personnes qui nous renvoient leur invitation en communiquant le pourquoi de leur non participation. Parmi les quelque 3000 documents qui nous ont été renvoyés, la très grosse majorité nous dit être déjà suivie par un gastro-entérologue (n=1140) ou avoir eu une coloscopie récemment (n=1535). Seulement 448 personnes nous disent ne pas se sentir concernées par le dépistage.
B . T .: Avez – vous rencontré des difficultés particulières dans le déroulement du programme jusqu’ici ?
M.C.: Il arrive que des Hemoccult soient ininterprétables pour l’une ou l’autre raison. Cela représente au total 157 Hemoccult sur l’ensemble, soit 0,9% des tests reçus, ce qui est très peu. Dans ces cas, nous contactons le médecin généraliste pour le lui signaler et lui proposer de demander au patient de recommencer le test en donnant quelques informations complémentaires sur le mode d’emploi du test. Dans 80% des cas, les personnes ont recommencé le test et celui-ci a pu alors être interprété. En dehors de ces quelques rares cas, les patients comprennent très largement comment faire le test.
B . T .: Quels sont les processus mis en place pour assurer la qualité du programme ?
M.C.: Nous veillons à assurer les conditions optimales de lecture des tests et le contrôle de qualité: lecture centralisée, contrôle de qualité entre membres de l’équipe, supervision par un médecin expérimenté. Tous les tests douteux ou positifs sont lus et validés par un deuxième lecteur.
Tout est tracé, il y a un contact personnalisé avec le médecin en cas de doute ou de problème. Pour les résultats positifs à l’Hemoccult, tout est suivi également: est-ce que la coloscopie a été réalisée, quels en sont les résultats et quels sont les résultats de l’histologie? Si nécessaire, nous prenons contact avec le médecin généraliste ou le gastro-entérologue.
B . T .: Quelles sont les perspectives ?
M.C.: Poursuivre l’information vers la population, affiner les indicateurs et outils d’analyse du programme, donner un feed-back aux médecins sur les résultats du programme sont des priorités. Le médecin généraliste peut ainsi d’ores et déjà, à titre individuel, nous demander un historique complet de son «activité» dans le programme.
Propos recueillis par Bernadette Taeymans , SCPS Question Santé
Repris d’une newsletter publiée par le SCPS Question Santé et reproduit avec son aimable autorisation. (1) Voir les articles ‘Le dépistage du cancer colorectal en Communauté française’ de Bernadette Taeymans et Christian De Bock ( http://www.educationsante.be/es/article.php?id=1098 ) et ‘Le programme de dépistage du cancer colorectal en Communauté française’ ( http://www.educationsante.be/es/article.php?id=1102 ) dans le n° 244 d’Éducation Santé (mars 2009).