Novembre 2007 Par E. BRICHOT Initiatives

A l’heure actuelle, tout le monde s’accorde à dire qu’il faut adopter un comportement alimentaire équilibré et sain. Manger sainement s’apprend jeune, dès l’âge de l’école. Même si des initiatives intéressantes se multiplient dans ce sens, force est de constater qu’il reste beaucoup à faire, d’autant que ces initiatives sont souvent trop limitées et trop peu connues. Pour pallier ce manque, la Fondation Roi Baudouin a développé un projet sur trois ans, ciblé sur la question suivante: comment concilier qualité nutritionnelle, préférences des jeunes, rentabilité, logistique, faisabilité technique? Education Santé a rencontré les deux initiatrices de ce programme, Pascale Taminiaux (Fondation Roi Baudouin) et Bettina Cerisier (Question Santé).
Pascale Taminiaux ne se laisse pas prier et explique de manière enthousiaste que la Fondation, dans le cadre de ses activités autour de l’alimentation, a souhaité démarrer un programme santé sur le thème ‘comment promouvoir l’offre de nourriture saine dans les collectivités’.
«Quand l’idée a germé de promouvoir l’offre alimentaire saine dans les collectivités, nous nous sommes assez vite tournés vers les écoles. Le milieu scolaire peut être considéré comme un lieu privilégié pour adopter des comportements alimentaires sains. Une rapide consultation du terrain a montré qu’il existait déjà des projets isolés concrets mais qu’il n’y avait aucun échange réel entre les acteurs de ces projets et qu’ils ne recevaient pas de soutien extérieur.
En 2006 nous avons lancé un appel à projets ‘écoles’. Une série de projets pilotes furent sélectionnés et fin 2007 nous ferons une évaluation. Parallèlement nous avons développé l’idée du réseau.»

Pourquoi un réseau?

« Nous avons constaté » poursuit Pascale Taminiaux « que les acteurs concernés sont fréquemment confrontés aux mêmes défis quand il s’agit de mettre sur pied un projet ciblé sur l’offre alimentaire . Une alimentation saine et équilibrée est cruciale pour la croissance et le développement des enfants et des adolescents , personne ne le conteste . Mais tous ces acteurs font face à la même question : ‘ Comment concilier une alimentation plus saine avec les préférences alimentaires des jeunes ? ’ Nous savons tous que nos chers enfants préfèrent de loin les aliments et les boissons sucrés , les en cas sucrés et gras , à des fruits et légumes . En outre , ces mêmes acteurs bien intentionnés doivent tenir compte du fonctionnement et de la rentabilité de la cantine scolaire , du coût , de l’accessibilité pour tous , de la logistique etc . Que prendre en compte pour mettre un projet alimentaire en œuvre ? Par où et comment commencer ? Où trouver les personnes prêtes à aider ? Existe il des projets dont on peut s’inspirer ?
La Fondation a donc invité ceux qui souhaitaient explorer plus à fond ces questions et échanger des expériences à travers des projets concrets et des visites de terrain, à rejoindre le réseau ‘Mieux manger à l’école’. En parallèle à des soutiens de projets concrets, la Fondation a voulu mettre en réseau des personnes concernées par le sujet. Il s’agit de cuisiniers scolaires, de gestionnaires de cantines, de fournisseurs de cantines scolaires, de médecins scolaires, de services PSE, de même que les asbl qui s’occupent de la surveillance des repas, des échevins, des directions d’écoles, des responsables des différents réseaux scolaires.»

Quel rôle la Fondation Roi Baudouin joue-t-elle?

« Notre rôle est de donner une impulsion pour que le projet continue ensuite de manière autonome . Nous ne voulons pas arriver avec une méthodologie toute faite mais au contraire être complémentaires à ce qui se fait déjà . Notre but est de promouvoir des solutions accessibles à tous tant au niveau culturel qu’au niveau du prix ou des infrastructures existantes » précise Pascale Taminiaux.
Dans un premier temps, nous avons donc lancé un appel à projet qui vise à soutenir des initiatives qui améliorent l’offre alimentaire proposée aux jeunes dans le cadre scolaire. Il s’agit autant de la qualité des repas chauds, froids, collations et boissons. Nous souhaitions y contribuer de manière active en soutenant des projets concrets et innovants. En Communauté française, cet appel s’est inscrit dans le cadre du plan d’action ‘Politique de promotion des attitudes saines sur le plan alimentaire et physique pour les enfants et les adolescents en Communauté française’ proposé par les ministres de l’Enseignement, de la Santé et des Sports. Un appel similaire a été lancé en Communauté flamande.
Les écoles, les internats, les organismes ayant en charge la promotion de la santé, et des organisations non commerciales pouvaient introduire un dossier.

Il n’y a pas de recette unique pour améliorer l’offre alimentaire en milieu scolaire » ajoute Pascale Taminiaux. « C’est justement la diversité des situations et des solutions qui est enrichissante . D’où cette idée du réseau . Pour aider d’autres initiateurs dans la mise en route de leur projet actuel ou futur , nous leur proposons de rencontrer des personnes qui ont déjà élaboré un projet et de discuter avec elles de la faisabilité du projet , des difficultés que l’on peut rencontrer sur le terrain . Nous organisons ces visites dans le but de favoriser les échanges de bonnes pratiques , d’expériences et d’informations . Les participants ont l’occasion de discuter autour de projets concrets et variés ( type de repas , contexte et public scolaire , gestion et fonctionnement de la cantine …), de dégager des messages clés , des trucs et des astuces . Un projet peut être adapté à d’autres écoles dans d’autres provinces , pour d’autres réseaux et d’autres niveaux d’enseignement . Cela doit donner l’envie aux participants de se lancer à leur tour dans des projets similaires . Les personnes invitées à présenter leur projet peuvent être mises sur la sellette
Bettina Cerisier (asbl Question Santé) est la coordinatrice francophone du réseau «Mieux manger à l’école». Elle s’occupe de l’organisation concrète des visites.
« C’est vraiment une expérience enrichissante » commente-t-elle. « Au total nous avons épinglé sept projets en Communauté française et en Communauté germanophone . Je prends connaissance du projet , je prépare la visite et l’anime sur place . Il s’agit de rencontres informelles .
Pendant une demi journée nous vivons en live’ le projet en question et nous partageons le repas ainsi préparé . Pendant nos visites , un rédacteur prend note des échanges , car après chaque rencontre nous remettons un compte rendu de la réunion . En outre , nous comptons éditer un guide pratique reprenant nos échanges . Ce guide , basé sur les expériences et les discussions , proposera des pistes concrètes pour mettre de tels projets en route dans d’autres écoles ou collectivités . Le but est de le diffuser à une large échelle en 2008

Quelques projets épinglés

Les visites ont commencé à l’automne 2006 et se poursuivent jusqu’en décembre 2007. Pour chacun des projets déjà visités nos interlocutrices nous ont donné une brève description. Dans nos prochaines éditions nous les commenterons plus en détail en insistant sur les résultats obtenus.
Des bons grammages aux produits bios!
C’est un projet lancé par la commune d’Ottignies Louvain-la-Neuve. Avant, les plats étaient commandés chez un traiteur de collectivité et arrivaient chauds et prêts à être consommés dans les écoles. Si les quantités étaient suffisantes, la qualité laissait à désirer. Les changements ont été amorcés voici 10 ans quand la commune a décidé de travailler avec un autre traiteur et a négocié l’installation de cuisines de finition dans toutes les implantations. La sécurité alimentaire était assurée et la qualité des repas s’améliorait.
En 2002 la commune a décidé d’améliorer aussi la qualité nutritionnelle des repas. Elle inclut dans le cahier des charges la liant à un traiteur local, le respect de grammages idéaux des aliments pour les élèves. Chaque mois l’ensemble des acteurs évalue le bon déroulement du projet. A l’heure actuelle, et avec l’aide de Bioforum, ce sont des produits biologiques qui sont progressivement introduits. Le prochain défi sera d’apporter plus de convivialité et d’améliorer l’environnement, pour transformer les cantines en véritables restaurants scolaires.
De la soupe à 10 h aux tartines à 4 h
Un projet de la commune de Woluwé-Saint-Lambert. Il vise à améliorer les habitudes alimentaires des enfants en modifiant l’offre. La collation de 10h est particulièrement remise en question. L’objectif poursuivi est d’influencer favorablement la corpulence.
Un projet pilote a été lancé dans une classe de 3e année maternelle. Une diététicienne pédiatrique motivée a réussi à convaincre la commune de mener une recherche sur l’effet que pourrait avoir un changement d’alimentation sur le poids des enfants et leur comportement en classe. C’est ainsi que le petit en-cas sucré de 10h a été remplacé par la soupe de midi, et que le 4h a été donné sous forme de tartines. Les résultats après deux mois d’expérience étaient étonnants.
A l’instar de ce projet pilote, d’autres écoles primaires de la commune ont pratiqué, durant la quinzaine de la santé , la distribution de la soupe de 10h. Le but de l’opération est double: faire consommer des légumes sous forme de potage et éviter une prise énergétique superflue lors de la collation matinale.
Refaire la cuisine en interne: quel investissement pour quels résultats?
Un projet des écoles communales d’Ath. Si autrefois, les enfants mangeaient couramment à la maison à midi, les temps ont changé, ils sont désormais plus nombreux à manger à l’école le midi, mais aussi le soir. Fort de ce constat, la commune décidait en 2005 pour quelques écoles de revenir à une cuisine réalisée en interne. Du personnel de l’école (voire des bénévoles) s’est vu proposer de prendre en charge la préparation des repas dans un climat convivial et familial. La commune de son côté a investi dans des infrastructures conformes aux normes de l’AFSCA et dans l’engagement de personnel. Les parents sont ravis, la fréquentation des repas chauds ne cesse d’augmenter et les directions ne voudraient plus revenir en arrière.
Cuisine en interne, légumes produits en partie sur place, internat avec un vrai souper, participation des élèves
Un projet global de l’Athénée Royal d’Izel-sur-Semois. Il repose sur deux piliers, le respect du professeur et de l’élève et l’ouverture sur la vie.
Le public cible du projet est constitué de 800 élèves de l’enseignement général, technique et professionnel tant en internat qu’en externat et aussi de quelques classes de maternelles. Suite à la publication des résultats désastreux sur l’obésité de l’enfant en province de Luxembourg, il y a eu une prise de conscience de l’importance du phénomène et une forte volonté d’agir. Ce projet s’inscrit aussi dans la lignée d’autres initiatives de promotion de la santé prises dans la province de Luxembourg.
L’objectif était d’améliorer la qualité de l’alimentation des repas servis à l’école par une cuisine interne et en y intégrant plus de fruits et de légumes. Les légumes sont cultivés par la section horticulture, les menus sont élaborés au cours de diététique et l’établissement offre gratuitement tous les jours 3 sortes de crudités ainsi qu’une large variété de fruits aux élèves. Les élèves participent aussi à l’évolution de l’offre alimentaire. On tient compte de leur avis, de leur goût et de leurs préférences.
Manger sain sans croquer la planète
Ce projet de l’Institut Robert Schuman à Eupen s’inscrit dans le concept du développement durable. Les critères de durabilité sont intégrés dans le restaurant (produits issus du commerce équitable), dans l’éducation et dans la formation des jeunes. L’introduction de produits issus du commerce équitable dans la cantine amène par exemple à s’interroger sur l’alimentation à l’école, sur la santé, sur la citoyenneté, à la façon dont les aliments sont produits dans le monde…
L’approche est donc progressive. En 2006 il a été décidé de remplacer les distributeurs de boissons et d’ouvrir un magasin qui propose des jus de fruits et une distribution gratuite d’eau. D’autres projets concernant l’offre alimentaire sont en gestation comme remplacer à terme les viennoiseries par des tartines fromage ciboulette!
Emy Brichot
Réseau ‘Mieux manger à l’école’, Fondation Roi Baudouin, rue Bréderode 21, 1000 Bruxelles. Courriel : reseau.fondation@questionsante.org. Internet: http://www.kbs-frb.be .