Dans notre pays les campagnes de communication médiatique en matière de sexualité se focalisent en général sur les questions de prévention des MST (voir les initiatives régulières de la Plate forme prévention sida), ou de contraception et de prévention de grossesses non désirées (voir l’an dernier la campagne ‘Laura’ du Ministre fédéral de la santé, qui tapait d’ailleurs sur les deux clous, et qui est reprise en 2005).
Et le plaisir, là-dedans, où est-il, direz-vous? Notre obsession du principe de précaution et de la minimisation des risques a transformé toute la richesse de l’expérience sexuelle en un pur problème de santé publique. De quoi céder un peu au découragement…
Une campagne mise en place récemment en Flandre par l’asbl Sensoa (1) tranche avec la morosité ambiante.
Sous le slogan général ‘Praat over seks’ (‘Parle du sexe’), Sensoa a pour ambition de favoriser une communication jugée déficiente. Et c’est précisément ce manque de communication qui, selon Sensoa, a des conséquences négatives: relations sans protection ou sans moyen anticonceptionnel, manque de compréhension des souhaits du partenaire, violence dans les relations sexuelles.
En un mot comme en cent, ‘de bons accords font le bon sexe’. Et la campagne n’a pas pour but de promouvoir le sexe en soi, mais une communication claire, au départ de valeurs telles que le respect de l’intégrité de la personne et la reconnaissance et le respect des limites de chacun.
Les promoteurs de la campagne sont conscients du fait d’intervenir dans une société où le sexe est omniprésent, ce qui n’est pas du tout contradictoire avec un déficit de vraie communication.
La campagne pour une fois ne part pas des problèmes identifiés, mais joue résolument la carte de la promotion d’une sexualité épanouie et responsable, pour permettre aux gens de faire des choix adéquats.
Ainsi, pourquoi des individus bien conscients des moyens de prévention n’utilisent-ils pas le préservatif ou la pilule? Pour Sensoa, une des raisons est l’absence de dialogue. Parce qu’on n’ose pas en parler, parce qu’on n’a pas appris à en parler, parce qu’on n’est pas habitué à en parler, parce que le sexe doit ‘aller de soi’, parce que cela rompt le charme…
Les promoteurs ont choisi 6 images explicites pour illustrer leur propos, du simple baiser à des jeux amoureux plus avancés, en s’adressant d’abord à un public hétérosexuel de jeunes adultes de 20 à 35 ans, mais sans oublier les couples gays et lesbiens. Les images (2), dues au photographe Marc Lagrange , ont une dimension érotique incontestable, assez inhabituelle en promotion santé (3).
Sensoa avait anticipé le fait que cela susciterait des critiques sévères en Flandre. Ils ne se sont pas trompés, puisque la Ministre de la Santé, Inge Vervotte , s’est distanciée de cette initiative qu’elle aurait voulue plus ‘positive’ (sans préciser en quoi), et que d’autres n’ont pas hésité à qualifier la campagne de ‘pornographique’.
Une chose est certaine: Sensoa voulait qu’on parle de sexe, et a réussi en plus qu’on parle de Sensoa, même en Communauté française: pas mal!
Christian De Bock
(1) Sensoa est le centre d’expertise flamand en matière de santé sexuelle et de prévention HIV. Pour plus de détails sur la campagne: http://www.sensoa.be .
(2) Le spot TV quant à lui, met en scène un couple de sourds-muets qui arrivent à se communiquer leurs désirs. Il se termine par ce commentaire: ‘Si eux peuvent en parler, vous aussi…’ Joli.
(3) Rappelons que les visuels de la campagne ‘In ze pocket’ de la Plate forme prévention sida l’an passé avaient déjà une dimension ludique plutôt sympathique, cf. la couverture d’Education Santé n° 193 .