Le sida se transmet non seulement par le virus HIV, mais aussi par le silence, l’indifférence, l’ignorance, les préjugés, les tabous.
Des millions de gens sont victimes du sida, des millions d’autres en seront victimes dans les années à venir. Les traitements ont remarquablement progressé, mais l’énorme majorité des personnes atteintes dans le monde n’y a pas accès en raison de leur coût. Le constat sur la situation de l’épidémie est accablant mais le sida ne fait plus la Une de l’actualité. C’est le silence, l’indifférence.
Ces traitements restent très lourds, assortis d’effets secondaires pénibles. Contrairement à la rumeur, ils ne guérissent pas. Et il n’existe encore aucun vaccin. Le seul moyen de lutter contre la propagation du sida, c’est la prévention, la connaissance et l’utilisation des moyens de protection. Pourtant, même chez nous, dans notre société bien informée, le silence et l’indifférence engendrent une méconnaissance dramatique tant au niveau des risques que des moyens de transmission et de protection. Le nombre de nouveaux cas de séropositivité enregistrés a recommencé à augmenter depuis 1997. C’est le prix de l’ignorance, des préjugés, des tabous.
Cette indifférence, ces préjugés, on les retrouve dans l’attitude de discrimination de la population à l’égard des séropositifs et malades du sida. Elle se traduit en refusant, par exemple, de travailler ou d’étudier avec un séropositif, en admettant comme normal le fait qu’une entreprise licencie un séropositif. Résultat: les séropositifs sont non seulement confrontés à une maladie grave, mais aussi, souvent, à la peur d’en parler, à la solitude, au rejet.
Lutter contre toute forme de discrimination à l’égard des personnes contaminées par le sida et leur exprimer sa solidarité, prendre conscience de la gravité de l’épidémie et de l’urgence d’agir, tant au niveau de la prévention que de l’accès aux traitements, tel est l’enjeu de la Journée mondiale du sida.
En décembre 2003, l’ONUSIDA a choisi pour thème ‘Stigmatisation et discrimination’, deux points qui soulignent la volonté de briser le silence et les barrières faisant obstacle à la prévention et à la prise en charge efficace de la maladie.
Ecouter les autres et prendre la parole
Pour marquer le coup cette fois-ci, la Plate-forme prévention sida a innové en proposant une exposition interactive. ‘Le sida et vous. Exprimez-vous.’ s’inscrit dans la foulée de l’exposition organisée l’an dernier (1) , une exposition qui donnait la parole aux personnes séropositives vivant parmi nous sous forme de photos noir et blanc assorties chaque fois du témoignage de la personne. Une façon simple de savoir comment vivent les séropositifs et de découvrir, éventuellement, les discriminations dont ils font l’objet.
En décembre 2003, le projet allait plus loin, puisque l’exposition donnait aussi la parole aux visiteurs, via le Caméramaton. Pourquoi?
Thierry Martin , directeur de la Plate-forme prévention sida:
‘ Nous voulions une forme d’interactivité qui permette à chaque personne de s’exprimer , de faire écho de ses craintes , de ses difficultés , de ses opinions .
Nous voulions aussi que cette exposition apporte quelque chose de réellement utile aux personnes qui travaillent dans la prévention , et c’est le cas puisque les témoignages que nous récolterons ainsi constitueront une source d’information capitale pour notre travail .
Ce qui me mène à la notion de continuité , un élément essentiel de notre action tant au niveau de la prévention que de la lutte contre la discrimination et pour l’accès aux traitements .’
Concrètement, l’exposition permettait:
– de s’informer (sur le sida dans le monde, la bonne utilisation du préservatif, les modes de contamination, l’historique du ruban rouge, la solidarité);
– de regarder et écouter les autres (des personnalités de tous horizons (télévision, mode, sports, rock…) livrent sur écran vidéo leurs témoignages et réflexions sur le sida, complétés par ceux de séropositifs, de séronégatifs, de gens actifs sur le terrain de la prévention et des soins);
– de s’ exprimer (des coups de gueule, des craintes, ce qu’on a sur le coeur, ce qu’on veut dire, ce qu’on n’a jamais osé dire concernant le sida. L’ ‘acteur’ filme lui-même son témoignage dans la cabine du Caméramaton (voir encadré);
– de contribuer à l’action sur le terrain . L’ensemble des témoignages recueillis sera d’une grande utilité pour la Plate-forme prévention sida. Comme base de réflexion pour des actions futures. Et comme outil audiovisuel pour des séances d’information et de prévention, par exemple dans les écoles.
Un témoignage
(extrait des entretiens réalisés par Thierry Martin, directeur de la Plate-forme prévention sida, dans le cadre de la préparation des films vidéo de l’exposition) Avec Kasavubu j’ai fondé une association au Congo dans le domaine du football, pour créer des terrains, des infrastructures, etc. Ici, on organise des petits concerts, etc, pour récolter des fonds. Maintenant que je connais une association qui s’occupe de la prévention sida, j’essaierai aussi de créer un lien entre la lutte contre le sida et mon association.
Mbo Mpenza, 27 ans, footballeur, attaquant Diables rouges |
Sur sa réaction à l’égard de la séropositivité |
Quelqu’un de très proche m’a annoncé, il y a trois ou quatre ans, qu’il était séropositif. Il me l’a dit, cela prouve qu’il avait confiance en moi et moi, j’ai confiance en lui. Il m’a demandé si cela allait changer quelque chose à notre relation. J’ai dit: non, évidemment, tu resteras toujours parmi les personnes qui me sont chères. Pour moi, ça ne pose pas de problème. |
Sur l’utilisation du préservatif |
Quand j’étais célibataire, si je sortais, je prenais toujours mon préservatif. Je le mettais automatiquement, chaque fois, parce que, pour soi-même comme pour la personne avec qui on veut faire l’amour, il faut se protéger et protéger l’autre. Même si ce n’est jamais évident, il faut que cela devienne un automatisme. Comme on met une paire de chaussures avant de sortir, il faut mettre un préservatif avant de faire l’amour. C’est la seule façon de se protéger. Cela ne guérira pas le sida, mais il y aura de moins en moins de personnes qui l’attraperont. |
Sur sa réaction face à la situation en Afrique |
C’est le dégoût. Comme je suis originaire du Congo, de Kinshasa, je suis particulièrement touché par ce qui se passe en Afrique. 600 personnes qui meurent par jour en Afrique du Sud, c’est énorme. C’est un chiffre qu’il faut au moins diminuer. On peut le faire, il faut faire de la prévention. Que les gens, là-bas comprennent comment on peut limiter le problème. |
Le Caméramaton , pour inviter très concrètement les visiteurs à s’exprimer
Le Caméramaton même se compose d’une cabine équipée d’une caméra vidéo (sur le principe du photomaton). Les visiteurs ont la liberté de pénétrer dans cette cabine, seuls ou à plusieurs, pour y exprimer ce qu’ils ont envie de dire sur le sida devant la caméra, en actionnant eux-mêmes, très simplement, le dispositif d’enregistrement.
Il suffit de pousser sur un bouton et de parler. Pas besoin d’avoir préparé un texte, ni d’avoir des talents d’orateur. Ce qui est important, notamment pour que la prévention soit toujours plus efficace, c’est de savoir comment un maximum de gens réagissent face au sida, aux séropositifs, se protègent ou non, ont peur ou non, savent ou ne savent pas exactement comment le virus se transmet, pensent qu’il faudrait faire telle ou telle chose, ou tout simplement, trouvent l’occasion de parler librement du sida, sans gêne, sans tabou …
L’exposition a été organisée dans les locaux du Théâtre National de la Communauté française. Ce Théâtre est installé actuellement au premier étage du 85, boulevard Anspach, dans le bâtiment de l’ancien cinéma Pathé Palace, qui abrite également le Palace, bar le jour, discothèque la nuit.
Elle était répartie en deux salles, le Hall et le Foyer. Le Hall, au rez-de-chaussée, est un (beau et spacieux) lieu de passage, emprunté par toute personne se rendant au Théâtre ou au Palace. Le Foyer, au premier étage, est fréquenté par les spectateurs et les comédiens du Théâtre.
L’exposition pouvait ainsi être vue, non seulement par les visiteurs venant spécialement dans ce but, mais également par les publics du Théâtre National et du Palace. ‘ Un aspect important , commente la scénographe Sylvie Desauw , qui a mis en scène et coordonné toute l’exposition, car cette fréquentation de l’endroit par différentes personnes et à différentes heures correspond tout à fait au projet .’
La Plate-forme est disposée à envisager de faire circuler en tout ou en partie cette nouvelle exposition en Communauté française Wallonie-Bruxelles. N’hésitez pas à lui faire par de vos idées à ce sujet!
D’après le dossier de presse de la Plate-forme prévention sida , initiateur du projet
Plate-forme prévention sida, av. de Béco 67, 1050 Bruxelles.
Tél.: 02 733 72 99 . Fax: 02 646 89 68.
Courriel: preventionsida@skynet.be.
Site: [L=http://www.preventionsida.org]www.preventionsida.org[/L].
(1) Voir ‘Vivre ensemble. Une campagne pour plus de solidarité’ dans Education Santé n°176, pp.2-6