Le 1er décembre 2016, le FARES, Question Santé et Éducation Santé organisaient une journée d’étude et de débat consacrée à l’éducation à la santé par les pairs. Lors de cette journée, Éric Le Grand, sociologue français et consultant en promotion de la santé, est revenu sur les raisons de miser sur cette formule.
L’éducation par les pairs n’est pas une idée nouvelle: elle s’ancre dans les principes de l’éducation populaire «Une éducation de tous, par tous, et pour tous», initiés au 19e siècle. Il s’agit d’un processus mettant en avant les jeunes comme acteurs et auteurs de leur santé. L’éducation par les pairs repose sur un principe inaliénable: celui de la participation des jeunes, comme un processus et non comme un moyen. Elle s’installe en tant que complément aux stratégies d’éducation à la santé traditionnelles. Par ailleurs, l’éducation par les pairs permet d’inverser la représentation négative d’une ‘jeunesse à risque’ en la positionnant comme ‘jeunesse ressource’.
Les bénéfices de l’éducation par les pairs dans le domaine de la promotion de la santé sont multiples, tant pour les professionnels que pour les jeunes impliqués dans les projets. Cette approche, souvent dynamique et créative, peut être envisagée lorsque les professionnels constatent que leurs outils, leurs propositions ou leurs projets ne rencontrent pas l’impact espéré et/ou parce que l’on est convaincu que l’engagement des jeunes est une plus-value pour la société.
«L’objectif d’un projet d’éducation par les pairs, c’est l’éducation, pas forcément le résultat, d’ailleurs difficile à évaluer» prévient Éric Le Grand. C’est pourquoi, les premiers effets positifs sont d’abord perçus par les jeunes pairs eux-mêmes au travers de leur participation. Parmi ceux-ci on retrouve: l’acquisition de connaissances sur la santé, le développement de compétences sociales, scolaires et professionnelles, le développement de l’estime de soi et l’amélioration des rapports avec les adultes.
Ce dialogue créé entre jeunes et adultes permet de faire remonter des difficultés rencontrées sur le terrain, par exemple en raison des représentations liées à certains sujets, et d’adapter les messages à des réalités pas toujours perçues par les professionnels.
Les jeunes pairs deviennent une source d’informations pour les autres jeunes de leur âge. Ils sont à même de comprendre leurs problèmes et d’y apporter des informations qui permettront à ces jeunes d’adopter des comportements favorables. En effet, les messages de prévention que les pairs transmettent ne sont pas aussi moralisateurs que ceux véhiculés par les adultes, souvent jugés ‘stigmatisants’ et ‘nuls’. Les thématiques qu’ils abordent (tabac, alcool, sexualité, violence, précarité, etc.) répondent aux préoccupations ou réalités observées chez les jeunes d’une façon non culpabilisante et interactive.
Pas des ‘pair-oquets’
Parallèlement, la mise en place d’une démarche d’éducation pour la santé par les pairs est très complexe à mettre en œuvre et demande de clarifier ses intentions dès le départ. Il ne faut pas traiter le jeune comme un ‘pair-oquet’, mais préciser les objectifs ainsi que les implications et les liens respectifs. Même si le rôle des adultes n’est pas central, ceux-ci ne doivent pas pour autant se déresponsabiliser. Au contraire, ils doivent accompagner, former et soutenir les jeunes dans leur démarche et ce, tout au long du processus. En apprenant à collaborer ensemble, pairs et professionnels contribuent à réduire les écarts intergénérationnels.
Il convient aussi de s’interroger sur la stratégie de recrutement des jeunes. Dans un groupe, la mixité tient une place importante. Le recrutement de pairs demande donc de s’organiser. Si l’on se contente des volontaires, on risque de se retrouver avec 80% de filles. «L’utilisation des réseaux sociaux est une des pistes à envisager» précisait Modus Vivendi lors de l’atelier d’échange de pratiques.
Si l’on sait que l’implication des jeunes est éphémère, on l’estime à plus ou moins un an. Cela s’explique par différents facteurs: un changement de priorités, la volonté de ne pas devenir pro, de ne pas s’encroûter, etc. Il faut donc anticiper le turn-over et réfléchir, dès le début, sur les moyens d’instaurer un passage de relais, pour assurer la pérennité des projets. Par exemple, via un système de tutorat, on facilite la transmission des connaissances et expériences entre pairs.
L’un des moyens de stimuler la motivation et de rendre les jeunes porteurs de projets est de les impliquer dans le processus décisionnel. La question de la reconnaissance sociale joue, et valoriser les jeunes dans leur engagement est essentiel. Il faut garder à l’esprit que les jeunes s’engagent avant tout pour le plaisir, pour se faire de nouveaux potes. Et bien que cet engagement soit de courte durée, il génère une sorte de capital social dont les effets positifs rejaillissent sur d’autres jeunes.
Prêts à tenter l’expérience?