Voici une vingtaine d’années, la préparation de la première enquête nationale de santé par interview belge démarrait. Depuis lors, cinq enquêtes ont déjà été menées, en 1997, 2001, 2004, 2008 et 2013. En ce moment, en collaboration avec les commanditaires, l’Institut scientifique de santé publique (ISP) est en pleine préparation de l’enquête suivante, prévue en 2018.
Qu’avons-nous appris au cours de cette période?
Ce fut toujours compliqué, cela demanda beaucoup d’efforts, mais l’ISP réussit chaque fois à atteindre l’objectif d’interroger 10.000 habitants de notre pays dans les délais espérés. De même, nous avons pu respecter la déclinaison régionale de notre objectif: obtenir 3500 réponses en Flandre, 3500 en Wallonie et 3000 en Région de Bruxelles-Capitale.Nous avons aussi constaté avec satisfaction que les commanditaires de l’enquête, à savoir les nombreux ministres compétents en matière de santé publique aux niveaux fédéral, régional ou communautaire, se sont montrés capables de coopérer de manière fructueuse.Autre point positif à souligner, deux institutions comme la nôtre et la Direction générale statistiques – Statistics Belgium – toujours mieux connue aujourd’hui sous son ancien nom d’Institut national de statistique – ont prouvé qu’elles pouvaient efficacement travailler ensemble.Ce qui nous épate aussi au fil des ans, c’est que tant de personnes en Belgique sont disposées à participer à l’enquête de santé. En effet, elle est lourde, elle exige pas mal de disponibilité des interviewés. Se retrouver bloqué chez soi toute une soirée pour répondre à un enquêteur, il faut le faire! Contrairement à ce que nous observons dans d’autres pays européens, il n’ y a pas de signe d’essoufflement de la part du public en Belgique. La santé apparaît donc bien toujours comme une valeur essentielle dans notre pays.
Une méthodologie éprouvée et évolutive
Tout au long de ces 20 ans, nous avons pu développer une expertise et une méthodologie qui se sont avérées précieuses pour réaliser des enquêtes à grande échelle. Une expertise et une méthodologie qui nous permettent d’implanter et intégrer de nouvelles possibilités et technologies.
Quelques exemples
Les sujets proposés par l’enquête de santé européenne sont ainsi de plus en plus intégrés à l’enquête belge. Cela permet de comparer les résultats de notre pays avec ceux de nos voisins et d’autres pays européens.Sans mettre à mal les fondements statistiques de l’enquête, il a aussi été possible de surreprésenter des groupes spécifiques de la population dans l’échantillon. Cela a été le cas avec les personnes âgées en 2004 et 2008 et aussi avec certaines provinces.En 2013, nous sommes passés d’une enquête ‘papier’ à une enquête informatisée, ce qui facilite les interviews et réduit les risques d’erreurs.En 2013 encore, les données socio-démographiques telles que l’âge, le sexe et la composition des ménages ont pu être extraites directement du Registre national, sans qu’il faille les demander aux répondants.Toujours en 2013, nous avons pu pour la première fois recruter parmi les personnes interrogées les participants à une enquête sur la santé bucco-dentaire. Cette stratégie, appelée ‘second stage recruitment’, permet d’un côté de répartir les coûts importants nécessaires pour recruter les participants et d’un autre côté de combiner les résultats de plusieurs enquêtes.Enfin, il a aussi été possible de relier les résultats de l’enquête à certaines données de consommation médicale des organismes assureurs.
Vers un système d’information sanitaire intégré
Il est clair que l’enquête de santé par interview a évolué au fil du temps, qu’elle est passée du statut d’enquête ‘stand alone’ à celui d’un maillon important d’un véritable système d’information sanitaire. Cette évolution est irréversible. Dans les temps de récession économique que nous connaissons, il est plus que jamais primordial d’utiliser les ressources financières le plus rationnellement possible.La récolte d’ ‘évidences’ indispensables à une politique de santé basée sur des données épidémiologiques et scientifiques robustes doit se faire avec un maximum d’efficience. «Inutile de demander ce que nous savons déjà», tel doit être notre credo.Il y a beaucoup de sources de données sur la santé de la population en Belgique, elles ont toutes leur légitimité et leur valeur ajoutée. Le défi consiste à mieux intégrer et optimaliser toutes ces données. Les enquêtes devraient dans cette perspective se concentrer en premier lieu sur les ‘pages blanches’ de nos connaissances.Une nouvelle enquête est donc prévue en 2018. Bien que les accords ne soient pas encore signés, l’ISP est déjà en pleins préparatifs. Nous sommes particulièrement attentifs à réussir à l’adapter aux possibilités technologiques actuelles et futures.Une étape importante pourrait être d’exploiter les ressources du net. Les interviews basées sur le web offrent des opportunités intéressantes, comme l’ont déjà montré certaines expériences étrangères. Ainsi, nous réaliserons cette année un test d’interview en ligne.Nous avons déjà réalisé un couplage de nos données avec celles des organismes assureurs. C’est également une voie que nous souhaitons explorer plus en profondeur.Une autre perspective passionnante est d’enrichir l’enquête de santé par interview d’une enquête de santé par examen.De quoi confirmer que décidément, le temps des enquêtes isolées est bien révolu!Texte rédigé à l’occasion d’un séminaire organisé à l’INAMI le 1er décembre dernier, qui évoquait précisément la plus-value et la faisabilité du couplage systématique des données de l’enquête de santé avec celles des organismes assureurs (intervention de Rana Charafeddine) et la mise en place d’une composante ‘examen de santé’ (intervention de Johan Van der Heyden). Traduit par Christian De Bock.