Au cœur de Bruxelles, dans le quartier précarisé du bas des Marolles, le Groupe Bien Être permet chaque année à plus de 200 femmes de mettre sur pied et de participer à des activités collectives et communautaires, renforçant ainsi leur capacité à «se mettre en action». Éclairage sur la dynamique de ce projet et de l’accompagnement du CLPS de Bruxelles.
Le Centre médico-psycho-social des Marolles
L’Entr’Aide des Marolles effectue depuis 1931 un travail d’accompagnement avec la population de ce quartier populaire de Bruxelles.
Son objectif d’aujourd’hui est de développer le bien-être de la population, par une approche globale de la santé alliant 4 pôles: le social, la santé physique, la santé mentale et la promotion de la santé.
Pour cela, l’Entr’Aide s’efforce, avec ses 50 collaborateurs, les personnes du quartier, le réseau local, régional et fédéral, de développer:
– une approche curative, préventive et d’éducation à la santé et au bien-être;
– une approche individuelle, collective et communautaire;
– une approche à court, moyen et long terme;
– des relations constructives avec les autorités compétentes.
Déjà reconnue comme Centre d’Action Sociale Global, et subsidiée en promotion de la santé, l’asbl est actuellement en demande d’agrément Maison Médicale et Service de Santé Mentale.
Le Groupe Bien Être
Au sein de cette asbl, un groupe rassemblant principalement des femmes du quartier a vu le jour il y a plus de 6 ans. Tout est parti d’un constat des médecins et d’une demande des habitantes du quartier de pratiquer une activité physique, pour remédier à leur mode de vie trop sédentaire et améliorer ainsi leur santé.
Pour atteindre cet objectif, l’Entr’Aide des Marolles a mis en place ce nouveau projet du Groupe Bien Être . Les femmes qui en font partie mettent sur pied des activités collectives et communautaires: gymnastique d’entretien, gymnastique douce, aérobic, yoga, danse orientale. Elles organisent aussi des ateliers de cuisine traditionnelle et diététique, des ateliers de soutien à la parentalité, des fêtes de quartier, des activités culturelles…
Entre 200 et 300 femmes participent chaque année à ces activités et un bon noyau d’entre elles participe activement à leur mise en place.
Présentation générale
Ce projet est basé sur la co-construction des activités par les participantes et les professionnelles de l’asbl. Tous les choix y afférents sont faits en commun. Les participantes proposent de nouvelles activités tandis que les professionnelles accompagnent et soutiennent leur dynamique.
Le travail du Groupe Bien Être peut être décrit en une succession d’étapes:
• accueillir les personnes;
leur permettre d’Être dans le groupe, sans contrainte, dans le respect des autres;
• les inviter à s’exprimer;
• les entendre;
• les interpeller;
• les inviter à penser à la mise sur pied d’un projet;
• faire avancer et vivre ce projet;
• en évaluer ensemble les résultats.
Au-delà des résultats, c’est le processus utilisé qui retient toute l’attention de l’équipe de l’Entr’Aide des Marolles. C’est l’esprit qui soutient cette démarche: la promotion de la santé n’est pas focalisée sur le résultat obtenu mais accorde une importance première au processus.
En effet, il paraît essentiel pour le personnel encadrant de laisser les participantes maîtresses de leurs propositions et qu’elles en assurent aussi la mise en œuvre. L’initiative doit rester dans le chef des participantes, ce sont elles qui sont moteurs de leurs projets.
Les professionnelles, quant à elles, les accompagnent et les soutiennent au cours de toutes les étapes, que leur projet réussisse ou échoue. L’accompagnement se fait dans la durée, dans la variation des rythmes et surtout dans le respect du porteur avec ce qu’il peut donner. La démarche participative des usagers prend du temps.
Ce projet, à l’écoute des personnes, permet en outre aux professionnelles d’être proches du terrain.
Cette manière de travailler aide les femmes à reprendre confiance en elles et en leurs capacités à se «mettre en action». Cela renforce leur envie d’agir et leur donne à nouveau l’élan pour aller au bout de leurs projets. Mais pour y parvenir, une relation de confiance entre les participantes et les professionnelles est primordiale!
L’effet de groupe est prépondérant lui aussi: se retrouver ensemble, être attendue par d’autres, s’engager en leur nom… les poussent à agir. C’est un vrai défi pour ces femmes, elles se surpassent car les autres membres du groupe attendent des résultats. Or, «être capable de» aux yeux des autres, c’est pouvoir l’être pour son propre compte également.
Le passage par le Groupe Bien Être constitue donc pour ces femmes un temps de ressourcement pendant lequel elles apprennent à découvrir leurs compétences ou à les revaloriser. Elles se sentent ainsi plus confiantes pour affronter leur réalité quotidienne. Grâce à leur passage au Groupe Bien Être , qui leur sert de tremplin de renforcement personnel et social, ces femmes reprennent en main avec plus d’assurance leurs obligations familiales ou économiques.
D’ailleurs, on constate qu’après un certain temps, les femmes quittent le groupe et se lancent dans des projets personnels, comme la formation ou la recherche d’emploi.
Un accompagnement méthodologique pour le projet
Le projet du Groupe Bien Être est soutenu par la Communauté française. Dans ce cadre, l’Entr’Aide des Marolles a fait appel au CLPS de Bruxelles pour un accompagnement méthodologique. À partir de 2006, celui-ci a permis à l’équipe professionnelle d’évoluer vers une structuration de son fonctionnement et à développer une réflexion sur le sens de son travail.
Le CLPS de Bruxelles a invité l’Entr’Aide à s’interroger sur les points suivants:
– quelle est la place des professionnels dans le processus participatif mis en place?
quelle est la place du Groupe Bien Être dans son environnement social?
– comment mettre ce groupe en lien avec les autres projets de l’Entr’Aide?
– quel est le point de vue des participantes (attentes, besoins…)? Quelle évaluation des actions font-elles?
– comment capitaliser les acquis des expériences vécues?
– …
Le premier pas dans cette réflexion pour le Groupe Bien Être est de se pencher sur l’évaluation du projet au sein de l’équipe, auprès du public cible et au sein de l’Entr’Aide.
Envisager l’évaluation du projet au sein de l’équipe supposait de redéfinir préalablement ses objectifs, travail complexe puisque le groupe organise toutes sortes d’activités, à destination de participantes différentes.
Un organigramme des activités a été réalisé. Il a permis de visualiser, schématiquement, les activités et de les subdiviser en deux catégories: les activités de type collectif, où la présence d’un professionnel expert est nécessaire (cours de gymnastique) et les activités de type communautaire où ce sont les participantes qui sont expertes (ateliers de cuisine).
Petit à petit une nouvelle posture professionnelle s’est imposée dans l’équipe: l’accompagnatrice. Elle est celle qui est garante du cadre institutionnel, du respect des règles décidées par le groupe. Elle veille au lien entre les participantes, à la cohésion du groupe et au respect de la parole de chacune.En ce qui concerne l’évaluation auprès du public cible, une consultation par questionnaire est organisée annuellement lors de la fête de fin d’année. Les résultats sont débattus en plénière. Toutefois, après réflexion, cette évaluation va évoluer et sera gérée de manière plus rationnelle.
Elle permettra de relancer certains projets ou de repartir sur de nouveaux, s’accordant davantage avec les besoins du public.
Cet accompagnement méthodologique a également permis de structurer davantage l’équipe. Les réunions d’équipe constituent aujourd’hui de vrais temps de réajustements mutuels, effectués en regard des objectifs fixés.
Second pas franchi avec le CLPS: la question de la place du Groupe Bien Être dans son environnement social vient d’être abordée récemment. Il apparaît que le groupe a dû faire ses armes et se consolider dans un fonctionnement durable avant de pouvoir prétendre s’ouvrir aux autres secteurs de l’institution et partenaires du quartier..
Cette période test passée, le Groupe Bien Être et l’institution se lancent un nouveau défi: insuffler cette démarche de promotion de la santé pour l’ensemble des secteurs de l’association et… au-delà, toucher les autres acteurs du quartier. L’Entraide bouge et la promotion de la santé est un incitant bien vitaminé!
Pour plus d’informations , vous pouvez contacter l’Entr’Aide des Marolles , rue des Tanneurs 169 à 1000 Bruxelles . Tél .: 02 510 01 80 . Courriel : entraide@entraide-marolles.be.Carole Feulien , d’après un texte rédigé par Cristina Ornia en collaboration avec le CLPS de Bruxelles