L’Office de la naissance et de l’enfance publie régulièrement le rapport de sa banque de données (BDMS), une source d’informations très précieuse. Le Rapport 2005-2006 ne rompt pas avec cette excellente tradition. Nous en publions ci-dessous les conclusions, avec l’accord de l’ONE (les titres sont de la rédaction).
Natalité… et césariennes en hausse
Le premier chapitre «Naissance et suivi prénatal», constitue la base du rapport de la banque de données. On peut y suivre l’évolution des indicateurs de périnatalité recueillis à partir des «Avis de naissance» sur les 12 dernières années (de 1996 à 2005) ainsi que des «suivis prénataux» sur 7 années (1998 à 2003).
Première constatation importante: la population des naissances de la Communauté française Wallonie – Bruxelles est en constante augmentation depuis 1994. Les naissances connues de l’ONE en 1994 s’élevaient à 42.930 pour monter à 50.797 en 2005, soit une augmentation de 18 , 3 % en 12 ans .
Dans la description de l’ensemble de la population des jeunes mères, on constate deux grandes tendances très différentes:
-d’abord une très grande stabilité en ce qui concerne la parité (nombre d’accouchements viables qu’a eu la jeune mère): 44% de primipares, 32% de 2e pares, 14% de 3e pares, 8,5% de 4e pares et plus;
-ensuite, une importante évolution de l’âge des mères . Nous ne notons pas l’évolution inquiétante du nombre de très jeunes mères constatée dans beaucoup d’autres pays industrialisés. Le nombre de mères de moins de 15 ans reste en dessous de 1% et celui des mères de moins de 20 ans passe de 3,7% en 1994 à 2,6% en 2005. Par contre, on constate une importante augmentation des mères de plus de 30 ans . Ainsi, les mères de 30 à 34 ans passent de 24,8% en 1994 à 31,4% en 2005; celles de 39 à 40 ans de 9% à 15,1% et les mères de plus de 40 ans de 1,5% en 1994 à 3,8% en 2005.
En ce qui concerne les indicateurs des pratiques médicales en rapport avec la naissance, on peut relever:
-une importante augmentation du nombre de césariennes , qui passent de 13,7% en 1995 à 20% en 2005. Cependant, le nombre de naissances spontanées ne change pas et oscille autour de 71%. L’augmentation des césariennes se fait essentiellement au détriment du recours à la ventouse (9,6% en 1995 à 6,4% en 2005) et au forceps (4,8% en 1995 à 2,8% en 2005);
-le recours à une forme d’analgésie pendant la grossesse est également en augmentation (de 65,1% en 1995 à 80,4% en 2005);
-les taux d’ induction restent élevés mais varient peu. En 2005, une naissance sur trois est induite ou césarisée.
Les indicateurs spécifiques du nouveau-né nous montrent:
– un allaitement maternel à la sortie de la maternité en constante augmentation . En 2005, 79,5% des nourrissons quittent la maternité en étant allaités exclusivement au lait maternel;
-une stabilisation du taux de grossesses multiples autour de 1,5%, ce qui correspond à 3% de jumeaux et très peu de grossesses multiples de haut rang (moins de 0,1%);
-une légère tendance à l’augmentation du taux des enfants de petits poids de naissance (7,7% en 2005 pour 7,3% en 1994) ceci principalement pour les nouveau-nés pesant entre 1500 et 2500 grammes;
-une augmentation lente mais constante du taux de prématurité qui passe de 7,4% en 1994 à 8,2% en 2005 dans l’ensemble de la population des naissances vivantes.
Un quart des futures mères bénéficient d’un suivi dans le cadre des consultations prénatales de l’ONE. Les données dont nous disposons nous permettent d’affirmer que les futures mères qui fréquentent les structures de l’ONE constituent une population particulièrement fragile.
Alors que dans les sociétés industrialisées, l’accès au travail est directement corrélé à un meilleur niveau global de santé, nous trouvons dans nos consultations 60% de mères sans emploi (au chômage, au foyer, sous aide sociale).
De plus, si on compare la population des futures mères suivies en dehors de l’ONE à celles suivies dans les prénatales de l’ONE, on retrouve dans ces dernières deux fois plus de futures mères de moins de 20 ans (5,4% au lieu de 2,2%) quatre fois plus de mères isolées (ne vivant ni en couple, ni en famille) (8,4% au lieu de 1,9%).
Prématurité
L’augmentation du taux de prématurité nous a conduits à consacrer notre deuxième chapitre à une analyse plus fine de ce phénomène.
Dans le cadre d’un partenariat avec le Fonds Houtman, l’ONE a subventionné, entre 2002 et 2004, une recherche-action interuniversitaire destinée à évaluer le devenir à court, moyen et long terme des enfants nés prématurément.
Malgré une amélioration constante des conditions médicales et psychologiques de prise en charge des enfants prématurés, les trois recherches ont confirmé l’existence de risques de séquelles à tous les âges. Un suivi régulier et spécialisé de ces enfants devrait permettre dans un certain nombre de cas une prise en charge précoce, et une diminution de la morbidité de ces séquelles.
Pour ce chapitre, l’analyse des données de la BDMS a été faite sur l’ensemble des naissances vivantes en excluant les bébés issus de grossesses gémellaires, ce qui porte alors le taux de prématurité en 2005 à 7,2% en région wallonne, 6,0% pour la région de Bruxelles-Capitale et 6,6% pour la Flandre (taux fournis par Kind & Gezin).
Ces différences sont encore plus marquées à l’intérieur de la région wallonne avec le taux le plus faible (6,1%) dans le Luxembourg et le Brabant Wallon et le plus élevé (7,6%) dans la province de Liège.
Lorsqu’on regarde la nationalité d’origine des jeunes mères, on constate que les taux les plus élevés se retrouvent chez les mères originaires d’Amérique centrale et latine (12%). Nous savons qu’une grande partie de ces femmes sont dans des situations socio-économiques très fragilisées.
Dans le tableau mettant en relation l’âge de la mère et la prématurité, on retrouve deux pics, chez les mères de moins de 20 ans (9,4%) et chez les mères de plus de 40 ans (8,8%).
Autres facteurs corrélés avec un plus grand taux de prématurité: le tabagisme , avec un taux de prématurité de 11,6% pour les mères qui déclarent fumer plus de 20 cigarettes par jour; la situation d’isolement de la mère, où on retrouve un taux de prématurité de 8,9%.
Une prévention qui porte ses fruits
Le dernier chapitre, consacré au suivi de l’enfant, permet d’avoir une vision qualitative de l’action préventive de l’ONE ainsi que de l’état de santé général de la population des enfants qui fréquentent les structures de l’ONE.
On observe que 76% des parents des enfants de la Communauté française Wallonie – Bruxelles bénéficient d’un premier contact avec l’ONE après la sortie de la maternité; dans trois-quarts des cas ces premiers contacts se font à domicile, et dans la première semaine de vie de l’enfant.
Les indicateurs décrivant les familles des enfants suivis à l’ONE nous montrent que la population qui fréquente les consultations pour enfants de l’ONE, et pour laquelle nous avons des informations (plus ou moins 10.000 enfants par an), est diversifiée. Elle provient de tous les milieux socio-économiques mais avec une importante représentation de populations « fragiles »:
-plus de trois mères sur dix vivent avec un seul revenu professionnel;
-près de 15% des mères vivent avec un revenu de remplacement ou aucun revenu fixe;
-près d’une mère sur deux est au chômage ou au foyer;
-une mère sur huit a des difficultés à parler le français;
-une mère sur quatre vit en Belgique depuis moins de 5 ans;
-pour 25% des mères, le niveau d’enseignement atteint ne dépasse pas le secondaire inférieur;
-dans une famille sur trois, au moins une personne fume régulièrement dans l’habitation.
Les indicateurs de santé de ces enfants sont pour certains réjouissants (c‘est le cas des indicateurs de vaccination), pour d’autres en progrès bien qu’insuffisants (il s’agit des indicateurs d’allaitement, d’alimentation, de dépistage visuel et auditif), tandis que d’autres sont préoccupants (notamment ceux concernant le développement du langage).
Les taux de vaccination de ces enfants sont supérieurs à ceux de la population globale des enfants de la Communauté française:
-95% des enfants ont reçu les trois premières doses de vaccin hexavalent (diphtérie – tétanos – coqueluche – polio, hémophilus influenzae de type b et Hépatite B);
-92% ont reçu la dose de rappel diphtérie – tétanos – coqueluche – polio à 18 mois;
-90% ont reçu une dose de vaccin rougeole – rubéole – oreillon;
-93,4% ont reçu une dose de vaccin contre le méningocoque.
Les taux d’allaitement maternel progressent. Les trois quarts des enfants ont un allaitement maternel complet ou mixte lors du premier contact avec l’ONE après le retour de la maternité. A 12 semaines de vie, ils ne sont plus que 30% à en bénéficier en 2005, mais ils n’étaient que 20% en 2000. Un effort tout particulier doit encore être fait pour les enfants de petits poids de naissance qui pourtant sont ceux qui en ont le plus besoin: ainsi seulement 25% des bébés de moins de 1500 g et à peine la moitié des bébés de 1500 à 2500 g reçoivent du lait maternel.
Le développement du langage (indicateurs demandés pour la langue maternelle de l’enfant) pose question.
Alors que les indicateurs de développement psychomoteur semblent globalement se situer dans des moyennes attendues, il n’en est pas de même pour les indicateurs d’acquisition du langage dans la langue maternelle. Ainsi à 30 mois, trois quarts des enfants prononcent une phrase de 3 mots et la moitié utilisent le «je». Ces chiffres semblent fort bas et devront donc être confirmés ultérieurement.
Une analyse rapide de ces informations nous permet de dire que les indicateurs de santé reflétant un acte de médecine préventive rapide et très dépendant de l’action des professionnels sont particulièrement bons (vaccination). Il n’en va pas de même des indicateurs qui reflètent des programmes de santé nécessitant un important investissement des services de santé ainsi que des changements d’attitude de la part des familles.
Dr Marie-Christine Mauroy , ONE
Adresse de l’auteur: Office de la naissance et de l’enfance, chaussée de Charleroi 95, 1060 Bruxelles. Courriel: info@one.be. Internet: [L]www.one.be[/L] (le rapport y est téléchargeable).