La crise du coronavirus aura quand même du bon ! Elle aura permis de mettre un coup de projecteur sur la question des sanitaires à l’école, une question sur laquelle se penchent depuis 5 ans le Fonds BYX (géré par la Fondation Roi Baudouin) et l’asbl Question Santé, à travers le projet « Ne tournons pas autour du pot ! ». Car ce n’est pas nouveau : bien avant la crise sanitaire, la thématique des toilettes à l’école rencontrait déjà des besoins énormes. Depuis 2015, 317 écoles ont participé et participent encore au projet. Elles ont œuvré, pour et avec leurs élèves, pour améliorer leurs infrastructures sanitaires et faire des toilettes un vrai sujet à l’école avec à la clef, plus de bien-être pour tous.
C’est un fait : rares sont les écoles pouvant se targuer d’avoir des toilettes accueillantes. Matériel défectueux ou inadapté, ratio insuffisant, vétusté, manque d’hygiène ou d’intimité… si le tableau n’est pas toujours aussi noir, il est loin d’être rose. Au mieux, les sanitaires ont besoin d’un bon coup de rafraîchissement ; au pire, c’est l’entièreté du local qui est à repenser. A cela, s’ajoutent les dégradations récurrentes et autres incivilités (malveillance, harcèlement, jeux…). Rien d’étonnant donc à ce que ces lieux soient souvent redoutés comme la peste voire évités par de trop nombreux élèves, avec des conséquences loin d’être anodines pour eux : infections urinaires à répétition, constipation chronique, baisse de la concentration ou même mal-être général à l’école.Avec cette situation, l’école joue, quant à elle, sa crédibilité sur cette question des sanitaires. Comment en effet parler de respect de soi et des autres quand les établissement obligent les enfants à aller dans des lieux où aucun adulte ne voudrait mettre les pieds ?Cette situation n’est, pour autant, pas une fatalité. Les écoles qui ont pris le taureau par les cornes, notamment en prenant part au programme « Ne tournons pas autour du pot ! » en témoignent : « Les élèves ont eu l’impression de créer quelque chose d’utile et de durable qui laissera une trace. » (Un enseignant) – «C’est un projet très concret dont les résultats seront visibles de tous. » (Un directeur).Et l’évaluation du programme que le Fonds BYX a menée fin 2019 confirme, elle aussi, la pertinence d’un tel projet pour les écoles et les élèves.
Une étincelle de départ
Depuis 2015, un appel à projets récurrent offre aux écoles la possibilité d’améliorer l’état, l’accès et la gestion de leurs sanitaires par le biais d’aménagements matériels et d’actions de sensibilisation. Les établissements scolaires peuvent ainsi bénéficier d’un subside allant jusqu’à 5000 euros (accordé par le Fonds BYX avec le soutien de la FWB à travers le Pacte d’excellence) et d’un accompagnement méthodologique fourni par l’asbl Question Santé.Fin 2019, le Fonds BYX a commandité une évaluation du programme auprès des 100 premières écoles participantes. Cette évaluation, basée sur une enquête en ligne, des entretiens et des visites de terrain interrogeait les résultats et l’impact du programme et soulevait la question de la pérennité des projets. Le projet a-t-il porté ses fruits ? Dans quel état se trouvent les sanitaires 2 ou 4 ans après la finalisation du projet ? Les changements engrangés (infrastructures, comportements) sont-ils maintenus et dans quelle mesure? Si la réalité de chaque école est différente (niveau d’enseignement, réseau, filière…), l’évaluation a permis de dégager quelques tendances intéressantes.Il est tout d’abord ressorti que plus encore que le « mauvais état des sanitaires » (14%), c’est le fait que les toilettes soient une préoccupation au sein de l’établissement (notamment par les élèves) » (27%) qui a motivé les écoles à se lancer dans le projet. Les demandes récurrentes des élèves ont donc bien été entendues dans les écoles et ont même servi de levier à la prise de décision.L’aide financière accordée par le Fonds BYX a toutefois aussi été un fameux incitant puisque pour 88% des écoles, le projet n’aurait pas vu le jour sans le subside. Un subside qui n’a pas forcément pu couvrir tous les besoins (il a, en moyenne, couvert 53% du budget consacré à l’amélioration des sanitaires) mais qui a servi d’impulsion financière permettant d’engranger des financements ou aides supplémentaires (PO, bénévolat, ventes diverses, aide des parents, fonds propres de l’école…). A noter que plus d’un tiers des écoles s’en sont sorties avec des budgets totaux inférieurs à 6700 euros, preuve s’il en est qu’il n’est pas nécessaire de se lancer dans des projets pharaoniques pour améliorer la situation.Ce coup de pouce financier additionné à la motivation initiale aura donc permis à de nombreuses écoles de placer cette question des toilettes en haut de la pile des dossiers à traiter et de donner in fine toute son importance à un sujet tabou, source de débats récurrents.
Laisser la main aux élèves
L’évaluation a également fait ressortir que la mobilisation des élèves, par ailleurs un des critères de sélection de l’appel à projets, était primordiale dans la réussite du projet. Elle permet de trouver des solutions plus adaptées et de responsabiliser les élèves.Même si cela ne saute pas aux yeux de prime abord, les sanitaires sont un support idéal pour expérimenter l’implication des élèves. Il s’agit pour les enfants et les ados d’une réalité très concrète qui les concerne directement. Quoi de plus motivant et de plus valorisant alors que de s’investir dans un tel projet ?Toutes les écoles n’étaient pas forcément habituées à cette participation mais la grande majorité a joué le jeu. Ainsi les élèves ont pris part à la sensibilisation des pairs, à l’état des lieux, aux travaux de peinture, aux commandes et à la gestion des stocks (papier, savon, etc.), à la remontée d’informations sur les dégradations ou dysfonctionnements, etc. Les enseignants sont parfois les premiers surpris de ce dont les élèves sont capables comme l’exprime une enseignante :
« Ils ont mené ce projet sans rien lâcher, avec maturité et persévérance. Ils ont appris qu’un projet prenait du temps, ils en sont sortis grandis. »
Autre effet inattendu : cette dynamique a aussi parfois donné envie à l’école et aux élèves de s’engager dans d’autres travaux et d’autres projets participatifs. C’est un mouvement plus large qui s’est parfois amorcé à partir des toilettes. Quoi qu’il en soit, le succès de l’implication des élèves dans un tel projet se joue aussi sur le long terme par la mise en place d’une relation de confiance au sein de l’établissement.
Des résultats visibles
Un résultat très encourageant concerne l’impact du projet. Plus de 8 établissements sur 10 constatent que le projet a eu des effets susceptibles d’améliorer le bien-être des élèves. Cela se traduit notamment par une amélioration de l’hygiène collective, une baisse des dégradations, une augmentation de la fréquentation des toilettes, la satisfaction et fierté des élèves d’avoir contribué au projet et d’avoir été entendus, une diminution des pathologies…Et la quasi-totalité des établissements (96%) confirme qu’au moins une partie de ces impacts sont encore observés au moment de l’évaluation, soit entre 2 à 4 ans après la mise en œuvre du projet.Enfin, les écoles ont souvent fait part de leur impression que les sanitaires étaient devenus plus propres qu’avant, qu’un cercle vertueux avait été engagé (« Le propre appelle le propre ») et que les élèves avaient tendance à davantage respecter les lieux (« Les toilettes n’ont pas été bouchées de l’année », « il n’y a plus de boulettes au plafond »). La sensibilisation à l’hygiène via le projet Toilettes a également porté ses fruits (« Le lavage des mains devient automatique, aujourd’hui ! ») et ce, alors que l’évaluation a été menée avant la crise sanitaire.
Penser à long terme
Qu’en est-il de la pérennisation ? Comment faire en sorte que les résultats obtenus tiennent sur la durée ?L’évaluation confirme qu’il est essentiel de poursuivre les efforts à l’issue du projet et de réactiver sans cessece qui a été mené. Poursuivre le travail de sensibilisation auprès des élèves et nouveaux élèves, faire des toilettes une priorité, d’année en année, assurer un passage de relais lorsque l’école est soumise à des changements de direction ou d’équipes pédagogiques font partie des démarches essentielles pour maintenir les acquis. Le rapport pointe d’ailleurs que la sensibilisation des élèves s’est poursuivie au-delà de l’année de mise en œuvre du projet dans 81% des écoles interrogées.Pourtant, malgré ces résultats encourageants, 55% des établissements ont exprimé « quelques difficultés » à maintenir les résultats obtenus. Cela illustre bien que rien n’est jamais acquis dans un projet d’école et que s’attaquer uniquement à l’aspect matériel (rénovation, peinture…) ne suffit pas à garantir une utilisation respectueuse des lieux. Aborder l’épineuse question des toilettes à l’école, c’est donc aussi penser plus largement tout ce qui fait la vie dans une école année après année, comme le disait si justement un directeur d’école : « Le projet s’est inscrit dans un travail de fond, un travail permanent, de responsabilisation des enfants. L’idée n’est pas d’en faire des ‘supers responsables’ – ça reste des enfants, avec leurs essais et erreurs – dans leurs relations avec les autres, dans leur contribution à un projet commun. On est bien dans une perspective d’éducation et de développement et pas dans une perspective de résultats, à obtenir dès maintenant. »
Vers une nouvelle donne
Depuis le début de la crise sanitaire, en plus du travail de fond mené par le Fonds BYX, s’ajoute désormais une attention nouvelle sur cet enjeu scolaire des sanitaires à l’école. Et si finalement, c’était un virus qui avait raison d’un des maux scolaires les plus anciens ? Force est en tout cas de constater que la pandémie de Covid-19 a fait de l’hygiène à l’école un sujet essentiel. Aujourd’hui de grosses sommes d’argent sont débloquées en parallèle du programme « Ne tournons pas autour du pot ! » pour des travaux d’infrastructure dans les toilettes de nos écoles. On ne peut que s’en réjouir mais il est bien entendu trop tôt pour savoir quel sera l’impact à plus long terme sur la réalité des élèves.Car si les ajustements se font pour l’instant dans l’urgence, nous sommes convaincus (et l’évaluation le confirme) de l’importance et la richesse de l’implication des élèves dans le succès durable des projets mis en place. Nous espérons donc que ce regain d’intérêt ne se fasse pas au détriment du travail de concertation et de créativité avec les enfants et les jeunes. En effet, ce que cette évaluation ne fait pas ressortir mais que nous ressentons au quotidien lors des rencontres et contacts avec les écoles, c’est le formidable enthousiasme qui habite les élèves comme les équipes pédagogiques. A suivre donc…
Retrouvez la présentation des résultats de l’évaluation sur le site internet www.netournonspasautourdupot.be (rubrique « Nos Outils »)
Des outils pour vous soutenir
« Ne tournons pas autour pot ! » propose une série d’outils qui s’adressent à vous, adultes des écoles fondamentales et secondaires (directions, enseignants, éducateurs, parents, infirmier/ère PSE). Ils vous aideront à construire, pas à pas et avec vos élèves, un projet d’école pour des toilettes accueillantes et adaptées. Concrètement, vous trouverez :
- 3 publications : état des lieux, actes du séminaire, pistes pour l’aménagement des sanitaires
- Des fiches pour avancer pas à pas dans le projet avec la démarche que nous vous proposons, des activités concrètes à chaque étape du projet, des expériences d’écoles inspirantes
- deux dépliants du projet
- une bibliographie
Ces outils sont disponibles en version papier dans une valisette disponible à l’emprunt, notamment dans les Services PSE et CLPS.
- www.netournonspasautourdupot.be
- info@netournonspasautourdupot.be
- Facebook : netournonspasautourdupot
Toilettes et pandémie
- Une vidéo dessinée « Que faut-il savoir sur les toilettes à l’école en temps de coronavirus»
- Une brochure « L’hygiène des mains et des sanitaires : une priorité à l’école »
- Des affiches à placer dans les sanitaires pour rappeler aux élèves de se laver les mains et de tirer la chasse
Celles-ci faisaient partie des trois premiers appels à projets (2015-2017), deux pour l’enseignement fondamental et un pour l’enseignement secondaire.