Juin 2015 Par Conseil supérieur de Promotion de la Santé Politiques

Les trois axes fondamentaux pour un programme quinquennal: les acteurs prioritaires

Les acteurs des milieux de vie

Les milieux de vie ont une forte influence sur la santé en raison d’une part de leurs caractéristiques physiques, sociales, organisationnelles, environnementales et d’autre part de la vulnérabilité (parfois très grande) des personnes qui y vivent quotidiennement.

L’approche par milieu de vie va s‘écarter de l’approche par problème en permettant d’agir au niveau d’un espace physique donné, où la population consacre son temps à travailler, à se détendre, à se nourrir, à apprendre ou encore à fonder et élever une famille. Elle concerne tout autant le domicile, l’école, les lieux de travail, les milieux d’accueil et d’hébergement, la rue, les centres de loisirs et de sport etc.

Dans cette approche, il s’agit avant tout de répondre au mieux aux besoins et attentes des personnes regroupées dans un milieu de vie déterminé et d’agir sur un ensemble de facteurs comportementaux et environnementaux en vue d’améliorer leur niveau de santé et de sécurité, et cela grâce à une forte concertation entre les différents secteurs et disciplines permettant le décloisonnement des interventions.

L’approche par les milieux de vie montre les avantages suivants :

  • les problèmes les plus importants pour la population ont plus de chances d’être repérés;
  • les interactions entre différents problèmes s’établissent plus facilement;
  • les effets potentiellement négatifs des solutions choisies sont repérables rapidement;
  • les interventions intègrent l’ensemble des besoins de la population dans une approche globale et transversale;
  • le décloisonnement des actions et des acteurs est favorisé.

Les milieux de vie prioritaires

Le domicile : la famille et/ou l’entourage, premiers lieux de développement des enfants et d’exercice de la parentalité, ont un grand impact sur les inégalités sociales de santé. L’environnement physique du quartier et de l’habitation joue également un rôle, particulièrement en ce qui concerne la santé et la sécurité des jeunes enfants et des aînés. Les visites domiciliaires sont reconnues comme très efficaces pour le soutien des parents et des aînés. Le soutien à la parentalité est également un élément essentiel pour la promotion de la santé de la petite enfance. Des actions concertées entre les futurs parents, jeunes parents, professionnels de la santé, ont prouvé leur efficacité notamment en matière de mort subite du nourrisson. Des progrès restent cependant encore à faire en matière de tabagisme et de suivi des mères adolescentes. Les programmes en cours centrés sur la qualité de l’alimentation, la qualité du sommeil, la prévention des traumatismes et la promotion de la bientraitance gardent toute leur raison d’être dans un plan de promotion de la santé.

Les milieux d’accueil des jeunes enfants jouent un rôle primordial dans la socialisation et l’éducation des jeunes enfants. En élargir et favoriser l’accès est un moyen de réduire les inégalités sociales de santé.

Les milieux scolaire et extrascolaire doivent faire l’objet d’une attention toute particulière dans le cadre des collaborations entres les entités fédérées. En effet, la Fédération Wallonie-Bruxelles rassemble des compétences particulièrement orientées vers le public de 3 à 25 ans : enfance, enseignement, culture, sport, aide à la jeunesse. C’est évidemment une opportunité pour développer des programmes cohérents visant une action éducative sur des compétences transversales (estime de soi, citoyenneté, etc.) et des projets concrets favorisant le bien-être, la qualité de vie et le vivre ensemble en concertation étroite avec d’autres secteurs.

Dans ce milieu, une attention particulière sera portée à la promotion de la santé à l’école qui concerne non seulement les élèves, mais également tous les acteurs et partenaires du milieu scolaire : les parents, la communauté éducative, les pouvoirs organisateurs, les administrations; elle peut aussi nécessiter une concertation accrue entre secteurs et avec les pouvoirs locaux. Elle devrait démarrer très tôt dans le cursus scolaire (dès la maternelle) et représenter un des axes de la lutte contre les inégalités en matière de santé. Elle nécessite l’adhésion et des prises de position cohérentes de la part des autorités de tutelle et des pouvoirs organisateurs.

Les lieux d’accueil, d’hébergement et les dispositifs d’aide rencontrent dans leur contexte de vie des groupes de population en grande précarité et particulièrement vulnérables, comme les jeunes en décrochage scolaire, les personnes sans domicile fixe et celles qui vivent dans la rue, les sans-papier et les demandeurs d’asile, les détenus, les femmes victimes de violence, les prostitué(e)s, etc.

Les travailleurs de ces services sont des relais influents auprès de ces publics particulièrement sur l’accessibilité aux informations mais aussi sur le développement de comportements et d’aptitudes favorables à la santé et l’apprentissage de la participation citoyenne.

Le travail, comme milieu de vie, est un enjeu important de la promotion de la santé. Les travailleurs peuvent y être exposés à une série de facteurs modifiables qui peuvent avoir un impact sur leur santé et leur bien-être (ceci concerne l’environnement physique, comme la sécurité au travail, les nuisances ou l’exposition à des produits toxiques et leur environnement psychique : harcèlement, différentes formes de violences, épuisement professionnel, manque de reconnaissance, discriminations diverses). Ces facteurs inégalement répartis en fonction des milieux socio-économiques et professionnels représentent également une opportunité de réduire les inégalités sociales de santé. Les nombreux acteurs concernés par le monde du travail doivent profiter de cet environnement pour y développer des initiatives visant la promotion de la santé et du bien-être des travailleurs.

Les maisons de repos et les maisons de repos et de soins sont des lieux où vivent des personnes parmi les plus âgées et en perte de capacités. Organisation, aménagement, créativité, compétence… ont un impact sur la protection de la santé, la sécurité et par là, l’autonomie des résidents. Offrir un cadre de vie proche du cadre familial, qui permet de continuer une vie sociale, qui organise des lieux et des capacités d’expression, qui veille à un équilibre entre les besoins des résidents et le souci de sécurité des proches, qui organise des activités favorables à la santé et à la sécurité, qui respecte les valeurs, les choix, la dignité et les références de chacun, concourent au développement de la meilleure qualité de vie possible et au maintien d’un bien-être.

Les pouvoirs locaux et le tissu associatif local

Les pouvoirs locaux (communes, provinces, CPAS, intercommunales) incarnent les politiques de proximité: la cohésion sociale, les voiries, les maisons de repos, l’éducation des jeunes enfants, les crèches, etc. Les actions locales permettent de favoriser la participation citoyenne, via le milieu associatif : maisons de quartier, structures d’alphabétisation, associations professionnelles, associations féminines, services d’aide à la jeunesse, maisons de jeunes, centres de santé, associations sportives…

Elles favorisent aussi l’application de politiques inclusives, par exemple eu égard aux personnes handicapées, aux populations migrantes…

Ces actions doivent également appuyer à l’échelon local l’ensemble des politiques menées en promotion de la santé. Les pouvoirs locaux seront particulièrement attentifs à accompagner les initiatives qui favorisent :

  • l’action collective sur les déterminants sociaux de la santé au niveau des quartiers, notamment des initiatives citoyennes solidaires pour améliorer les conditions de vie et d’environnement;
  • l’accès aux services de soins, de prévention et de soutien de première ligne;
  • les initiatives qui soutiennent le milieu familial.

Il est important d’aider les pouvoirs locaux en mettant à leur disposition des réseaux d’échanges de pratiques ainsi que l’appui d’acteurs spécialisés en promotion de la santé et prévention.

Les professionnels de promotion de la santé et les professionnels de la première ligne de soins

Pour soutenir les actions de promotion de la santé et de réduction des inégalités sociales de santé, il importe de disposer de professionnels formés dans deux modes d’action principaux :

  • l’un en amont de l’apparition des problèmes de santé, articulé avec les politiques de différents secteurs, cherchant à agir, modifier les déterminants de la santé (culturels, sociaux, éducatifs, environnementaux, économiques…) et leur impact sur la santé des gens;
  • l’autre, articulé avec la première ligne de soins, visant la réduction des risques. Ceux-ci doivent quitter la logique actuelle de type pyramidal pour entrer dans une dynamique de réseau de soins intégrés autour du patient afin de lui assurer la prise en charge et la prévention la plus performante et adaptée à son état, et actualisée à chaque moment de son évolution. Une collaboration étroite avec les secteurs des soins de santé primaires est indispensable.

Ces deux modes d’action permettent de réduire les coûts des soins de santé et les inégalités sociales de santé et contribuent à l’universalité de l’accès aux soins et à l’offre à tous des services de santé et de promotion santé.

Les services de promotion de la santé à l’école et les centres PMS doivent être encouragés à intervenir en concertation pour soutenir ces initiatives, en collaboration étroite avec la communauté éducative et avec les ressources locales externes.

Le décret du 20 décembre 2001 a redéfini comme suit les missions des équipes de promotion de la santé à l’école :

  • la mise en place de programmes de promotion de la santé et de promotion d’un environnement scolaire favorable à la santé;
  • le dépistage et le suivi médical des élèves, qui comprend des bilans de santé individuels et la politique de vaccination;
  • la prophylaxie et le dépistage des maladies transmissibles;
  • l’établissement d’un recueil standardisé de données sanitaires.

Le décret du 16 mai 2002 donne aux équipes de promotion de la santé à l’école une mission supplémentaire dans l’enseignement supérieur: l’organisation de points-santé.

Le projet de service des équipes PSE et CPMS de la Fédération Wallonie-Bruxelles leur permet de développer leurs missions décrétales en lien avec les thématiques prioritaires détaillées plus loin et les besoins spécifiques des écoles sous leur tutelle.

Par ailleurs, une organisation efficace et performante des soins de santé et de la prévention repose nécessairement sur une première ligne forte. Cela implique de redéfinir ses missions et ses articulations avec les autres services de prévention et de promotion de la santé. La qualité du suivi tout au long de la vie se fera grâce à l’action concertée et coordonnée des ressources du domaine de la promotion de la santé, de la prévention et du soin centrée sur les besoins évolutifs du bénéficiaire. Dans ce contexte, il est important de ne pas perdre de vue que le partage d’informations est un pivot crucial.

Les acteurs politiques et institutionnels

Aussi bien dans le secteur de la santé que dans les autres secteurs qui activent les déterminants sociaux, éducatifs, culturels, économiques de la santé, les représentations des décideurs restent trop souvent étroites, centrées sur le soin (cure et care) et l’intervention médicale, et trop peu sur la prévention et la promotion. Développer la Santé dans toutes les politiques passe par des actions de plaidoyer auprès des personnes qui exercent des responsabilités au plus haut niveau des institutions, des régions et de la Communauté française. Pour être efficace, ce plaidoyer doit reposer sur des engagements sociétaux, notamment en faveur de la réduction des inégalités sociales, mais aussi sur des données probantes et du benchmarking qui mettent en avant exemples et études sur des politiques plurisectorielles.

Les décideurs et administrations ayant la promotion de la santé dans leurs compétences ont la responsabilité d’assurer une vigilance quant au niveau de conscientisation de leurs homologues d’autres secteurs sur les déterminants sociaux de santé et de stimuler la concertation sur ceux-ci. Ils ont la responsabilité d’assurer la continuité des politiques et les moyens pour les services d’adapter celles-ci aux populations plus vulnérables.