Ecrit sur un ton à la fois narratif, didactique et scientifique, cet ouvrage mêle études de cas, témoignages de patients, diagnostics cliniques, modalités de prise en charge et évaluation des pratiques. Les auteurs de cet ouvrage, quatre scientifiques et professionnels de terrain (médecin généraliste, psychothérapeute, diététicienne et thérapeute familial/social) démontrent l’intérêt d’une prise en charge multidisciplinaire – centrée sur le malade – des troubles du comportement alimentaire (anorexie mentale, boulimie et troubles alimentaires atypiques).
Ils se basent entre autres sur l’analyse suivante:
– les troubles alimentaires résultent d’une histoire particulière à chaque individu;
– un ensemble de facteurs biologiques, psychologiques et sociaux peuvent prédisposer un individu à de tels troubles. Ceux-ci peuvent surgir dans des moments de plus grande vulnérabilité (l’adolescence par exemple);
– la prise en charge par une équipe partageant une éthique et des principes communs d’action ainsi que la relation médecin-malade sont des éléments essentiels dans la guérison.
La diversité d’approche que présentent les différents chapitres est précieuse car elle permet de revisiter les clichés associés à ces maladies. Le contenu du livre montre, en toute humilité et avec réalité, combien l’humain est complexe et combien la science n’apporte que les réponses qu’elle peut à un moment donné, ce qui encourage la poursuite de recherches à ce sujet. L’approche centrée sur le malade, qui fonde la pratique des auteurs, a le mérite de réconcilier différents aspects de la personne: son mode de fonctionnement, ses idées, ses sentiments, ses attentes.
Plus que jamais, à l’heure de larges campagnes médiatiques – européenne, nationale et communautaires – sur le thème de la prévention de l’obésité, à l’heure de discours généralisés sur l’alimentation équilibrée et l’activité physique, il est d’actualité de s’interroger sur leur impact éventuel (positif et négatif) auprès des populations ainsi davantage sensibilisées et, en particulier, auprès des enfants et jeunes.
Dans le récent rapport du Conseil de l’Europe «L’alimentation à l’école – Faire le choix de la santé» (1), le professeur Léa Maes (Gand) fait état de chiffres interpellants: l’étude de l’OMS concernant la santé des jeunes montre qu’à l’âge de 15 ans, dans les 35 pays d’Europe et d’Amérique du Nord participants, 38 % des filles signalent une pratique de régime, un effort pour perdre du poids ou une conviction qu’elles doivent perdre du poids (2).
Sans nul doute, ce livre vient à point nommé: il est nécessaire en effet de faire connaître largement de telles pratiques auprès des professionnels de la santé et de les former à des modes de prise en charge multidisciplinaire.
Celles-ci sont d’ailleurs expérimentées également en Belgique dans certaines unités hospitalières et de soins spécialisées à l’attention des enfants, des jeunes ou des adultes présentant ces troubles. Des formations de médecins généralistes, de diététiciens, de thérapeutes et psychologues, de professionnels de la santé scolaire, les rendront sans aucun doute plus aptes à faire face en temps utiles à ces problèmes de santé fréquents dans nos sociétés d’abondance et déroutants par leur multicausalité.
Ces formations permettraient aussi de déceler les différents niveaux de troubles de comportement alimentaire et de référer les situations nécessaires. Face à l’anorexie et la boulimie, le travail en équipe des professionnels de différentes disciplines est une nécessité. Il implique également des modes de fonctionnement permettant de croiser des regards clinique, psychologique, nutritionnel, éducatif, psychiatrique. C’est une première étape pour aborder la complexité de la personne et de son environnement social, familial et culturel en lui laissant une place centrale dans la lutte contre sa maladie.
Un point encore à souligner au travers de l’ouvrage: la volonté de le rendre accessible pas exclusivement à des médecins mais aussi à des professionnels et personnes intéressées de formation différente; le langage clinique est en effet explicité chaque fois que nécessaire. Les médecins généralistes, diététiciens et spécialistes en santé mentale y trouveront une aide nécessaire et pointue pour faciliter le diagnostic de troubles alimentaires et une prise en charge appropriée. A noter aussi le travail de révision scientifique proposant une sélection récente d’ouvrages francophones de référence actualisant ainsi la bibliographie de l’ouvrage original édité en anglais.
Cristine Deliens
K.M. BERG, D.J. HURLEY, J.A. McSHERRY, N.E. STRANGE, Les troubles du comportement alimentaire, De Boeck, 2005, 320 pages, 19 euros.
(1) Paru en 2005, ce rapport fait suite au Forum Européen organisé conjointement avec le Bureau Européen de l’OMS en novembre 2003 à Strasbourg.
(2) Voir le chapitre concernant l’alimentation dans l’enquête belge HBSC «La santé des jeunes en 2004, Quoi de neuf », Piette D. et al. ULB PROMES, Bruxelles, 2004. D’après les données recueillies, il semblerait que le pourcentage de jeunes Belges francophones présentant un sous poids serait similaire à celui des jeunes présentant un poids et une taille les plaçant dans la catégorie «obèses».