L’école ne peut à elle seule prendre en charge tous les problèmes que rencontrent les jeunes. Elle doit premièrement veiller à limiter son rôle éducatif à ce qui se vit dans le temps et l’espace scolaire. Elle doit aussi pouvoir s’appuyer sur les compétences et le savoir-faire de services spécialisés, sans pour autant fuir ses responsabilités par rapport aux problèmes vécus à l’école. Elle doit, enfin, autant que possible, s’articuler sur d’autres milieux de vie qui sont confrontés au même public, et parfois aux mêmes situations.
En promotion de la santé et dans l’éducation au bien-être en milieu scolaire, les intervenants sont nombreux. La multiplication et la variété des thématiques ‘envahissent’ l’école, qui n’a pas toujours le temps ni les ressources pour les aborder toutes, malgré la pertinence de chacune d’entre elles prise individuellement. Cela entraîne un morcellement des actions, et empêche de considérer le jeune dans son identité, sa richesse, sa complexité : un élève ‘difficile’ n’est jamais seulement un ‘drogué’, un ‘décrocheur’, un ‘violent’ ; il ne peut être réduit à ses seules dérives, il présente aussi des qualités, des compétences qui méritent d’être exploitées.
Prévention globale, durable, centrée sur l’élève
Les cellules bien-être qui vont faire l’objet d’une expérimentation à la prochaine rentrée scolaire, ont pour ambition de développer une stratégie de prévention globale et durable, et centrée sur la personne de l’élève.
Si une approche thématique classique peut constituer une bonne porte d’entrée, pour être réellement pertinente elle doit être reliée à d’autres thèmes et à ce qui se passe au quotidien en classe et dans la vie de l’école. Par exemple, la promotion d’une alimentation saine gagne à s’accompagner d’une réflexion sur l’organisation de la cantine scolaire, la présence ou non de distributeurs de sodas et snacks sucrés, mais aussi sur l’objectivation de connaissances dans le cadre du cours de sciences, l’organisation de rencontres avec les parents d’élèves, etc. Seul l’ensemble des activités constitue une réelle approche de promotion de la santé.
Ce travail doit se faire au quotidien, dans la durée, et pas uniquement en réponse à une crise qui mobilise les acteurs pendant un temps très court. L’intervention en urgence sera d’ailleurs d’autant plus efficace qu’elle prend en compte le travail de prévention qui la précède, et qu’elle s’inscrit d’emblée dans la perspective de ce qui sera mis en place une fois la crise passée.
Les personnes, et la façon dont elles perçoivent la réalité seront au cœur du travail des cellules. L’objectif ne sera ni d’informer sur les risques, ni de diaboliser ceux-ci (avec le danger bien connu d’effets contre-productifs), mais au contraire de construire un dialogue, d’inviter élèves et adultes à la rencontre. Les projets favoriseront l’estime de soi, la capacité à agir, la valorisation des compétences, l’accès à de meilleures ressources.
Les acteurs de l’école seront ainsi encouragés non seulement à transmettre des savoirs, mais aussi à donner aux jeunes les meilleures chances d’être davantage autonomes, critiques et responsables, en somme de s’inscrire au mieux dans les missions de l’institution scolaire.
Projet pilote
Il consiste à accompagner la mise en place de cellules bien-être dans l’enseignement fondamental et secondaire de tous les réseaux, tant de l’enseignement ordinaire que spécialisé.
Une phase expérimentale sera proposée pendant deux ans (années scolaires 2011-2012 et 2012-2013), qui associera acteurs locaux (directions, équipes éducatives, équipes PMS et PSE), administrations de l’enseignement obligatoire et de la santé, services communautaires de promotion de la santé.
L’objectif est de permettre la mise en place d’une soixantaine de cellules au départ des demandes d’établissements motivés mais qui éprouvent des difficultés à dynamiser une équipe reconnue au sein de l’école. Complémentairement, une quarantaine d’équipes (peut-être un peu plus) déjà en action pourront également bénéficier d’un appui plus léger.
Structuration
Le projet pilote sera suivi par deux instances.
Le comité opérationnel élaborera, suivra et évaluera les appels à projet et appels à soutien (rédaction du cahier des charges, sélection des projets). Il sera constitué des cabinets et administrations concernés, avec l’aide de l’APES-ULg.
Le comité stratégique (dans un deuxième temps) sera constitué du comité opérationnel rejoint par des représentants des acteurs concernés (établissements scolaires, centres PMS, services PSE, centres de planning, centres de prévention des assuétudes, centres de prévention du suicide, médiateurs, centres locaux de promotion de la santé…).
Le projet s’enracinera dans les réalités locales pour s’élargir progressivement au niveau provincial et in fine à l’ensemble de la Communauté française. Des groupes de travail réuniront les personnes engagées dans les projets pilotes pour faire émerger non pas des recommandations ou des injonctions quant à la ‘bonne approche’, ni même des ‘bonnes pratiques’ (elles ne manquent pas en la matière), mais des points de repère et des dispositifs concrets facilitant la construction, la mise en œuvre et l’évaluation d’une politique de promotion du bien-être à l’école.
Le projet pilote prévoit un accompagnement des cellules, tant au niveau local qu’à celui de la Communauté (ce dernier s’adressera aux services de seconde ligne et aux ‘politiques’). L’articulation entre les deux est jugée essentielle, le dispositif combinera un double mouvement: au départ des réalités locales, favoriser l’émergence de points de repères communs et construire progressivement une dynamique cohérente de promotion du bien-être à l’école; favoriser l’appropriation par les acteurs locaux du projet politique de la Communauté.
Marque d’intérêt
Une première information a été donnée aux écoles par circulaire fin janvier. Elle a suscité plus de 500 réponses de 350 établissements, ce qui témoigne d’une forte attente plutôt encourageante pour ce projet qui entend introduire un ‘nouveau paradigme’ dans un milieu parfois résistant au changement, celui de la construction des normes avec les élèves eux-mêmes, et ce dès l’enseignement fondamental.
Lors de la présentation officielle des cellules bien-être, les deux ministres concernées Marie-Dominique Simonet (Enseignement obligatoire et promotion sociale) et Fadila Laanan (Culture, Audiovisuel, Santé et Égalité des chances) témoignaient d’un bel enthousiasme. Elles ont précisé aussi que cette démarche expérimentale bénéficiera d’un budget de 550.000 euros à charge de leurs deux départements, qui permettra notamment à l’APES-ULg de jouer un rôle important dans l’encadrement méthodologique de l’ensemble du processus.
Les prochains mois seront mis à profit pour sélectionner les projets qui démarreront à la rentrée de septembre.
L’évaluation formera aussi un point d’attention crucial, car il s’agira au terme des deux ans de phase pilote d’estimer la pertinence des cellules bien-être et les moyens nécessaires à leur développement futur le cas échéant. Avec peut-être à un horizon plus éloigné un dispositif décrétal qui donnera aux cellules sécurité juridique et assise financière.
Christian De Bock
D’après le canevas des séances d’information organisées en mars 2011 dans toutes les provinces de la Communauté française