L’Observatoire de la Santé du Hainaut (OSH), institut provincial de promotion de la santé, vient de consacrer un colloque au rôle des médecins généralistes dans la prévention.
Une vaste enquête quantitative et qualitative a été menée au sujet des pratiques préventives des médecins généralistes et du dossier médical global avec module de prévention (DMG+). Ce projet a été mené conjointement avec la Société Scientifique de Médecine Générale (SSMG).
Le travail de l’Institut Provincial de promotion de la santé réside en effet dans l’accès à la prévention pour tous et dans la réduction des inégalités sociales de santé. Pour agir dans ce sens, il faut nécessairement réorienter les services de santé pour développer les pratiques préventives et les rendre plus accessibles, c’est un des fondements de la promotion de la santé. Les médecins généralistes sont donc des partenaires privilégiés de l’OSH.
La province du Hainaut connaît un déficit en matière de santé qui se traduit par une mortalité de 19 % plus élevée que la moyenne belge et une espérance de vie réduite, soit un excès annuel de 1 400 décès chez les hommes et de près de 900 chez les femmes. La différence constatée pour la mortalité prématurée (avant 65 ans) est encore plus importante (+ 39 % par rapport à la moyenne belge). Face à un tel niveau d’écart, on peut parler d’atteinte au droit à la santé.
Les maladies non transmissibles (cardiovasculaires, cancers, respiratoires, traumatismes) sont à l’origine de 65 % de tous les décès hainuyers. Ces problèmes de santé sont étroitement liés à des facteurs sociétaux: sédentarité, alimentation déséquilibrée, tabagisme, avec leurs répercussions médicales directes (diabète, hypertension, excès de poids…). Les modes de vie sont eux-mêmes liés aux conditions de vie (revenus, éducation, emploi, qualité de l’environnement).
Le Hainaut connait des niveaux de facteurs de risques plus élevés que la moyenne belge et même que la Wallonie:
- 18 % d’obésité en Hainaut contre 16 % en Wallonie et 14% en Belgique;
- une sédentarité plus fréquente: 49 % des femmes en Hainaut contre 30 % en Belgique;
- un tabagisme plus fréquent: 25 % en Hainaut contre 21 % en Belgique.
Ces habitudes de vie sont modifiables par des actions de promotion de la santé.
DMG+ sous-utilisé et mal connu
Le dispositif du Dossier médical global avec module de prévention
Le DMG+ fut mis en place le 1er avril 2011. Il s’adresse aux patients qui ont entre 45 et 75 ans et qui possèdent un DMG. Le DMG+ vise à systématiser la démarche préventive et à orienter les médecins généralistes vers les interventions les plus efficientes.
La quasi-totalité des 400 médecins interrogés estiment que le généraliste doit s’investir dans la prévention. La dimension prévention est donc bien intégrée dans la conception que se font les médecins généralistes de leurs responsabilités. Il apparaît que plus de 9 médecins sur 10 discutent des thématiques ou effectuent au moins occasionnellement des actions préventives reprises dans la liste du DMG+). Si les réponses indiquent un engagement des médecins envers la prévention, elles mettent également en évidence qu’un item, celui de la santé mentale, est rarement abordé. L’enquête souligne que sur 12 thèmes figurant dans le DMG+, seuls 3 sont traités de manière systématique chez 70 % des généralistes: dépistage du cancer du sein, diabète et vaccination. 62 % des médecins déclarent évaluer systématiquement le risque cardiovasculaire de leurs patients. Ce risque tient compte du tabagisme et d’autres facteurs comme l’élévation de la pression artérielle, le manque d’exercice, l’augmentation du taux de cholestérol, l’excès de poids… Si la quasi-totalité des généralistes déclarent discuter de l’activité physique et de l’alimentation avec leurs patients, cette pratique n’est systématique que chez 46 % d’entre eux en ce qui concerne l’activité physique et chez un peu plus de 39 % pour le volet alimentation. La thématique alcool s’avère souvent tabou en médecine générale. L’enquête précise que dans les cas de consommation problématique d’alcool, 60 % des médecins prennent en charge, seuls, les patients.La systématisation de la démarche préventive peut clairement être améliorée.
DMG et DMG+
51 % des généralistes proposent systématiquement à tous leurs patients un DMG. C’est le cas pour les deux tiers qui exercent en association ou en maison médicale contre 46,5 % qui pratiquent en solo.
Les raisons évoquées par la minorité (13 %) qui ne propose jamais le DMG sont les suivantes: le règlement INAMI dans lequel la demande doit émaner du patient, l’absence de demande du patient, une opposition de principe, la lourdeur administrative et le coût pour le patient ou l’INAMI.
Seul un médecin sur trois pense que le DMG+ peut l’aider. Parmi eux, plus de la moitié trouvent le DMG+ utile comme aide-mémoire pour la planification et la systématisation de la prévention.
Parmi les généralistes qui ne pensent pas que le DMG+ puisse améliorer leur pratique préventive, 117, soit 30% de l’échantillon total, déclarent (presque 50 % des avis) qu’ils réalisent déjà la prévention nécessaire et que le DMG+ n’apporte rien de plus.
Comment améliorer les pratiques préventives?
Manque de temps, manque d’information chez les patients et charge administrative sont les trois freins cités par les médecins généralistes.
Au cours des vingt dernières années, il faut le reconnaître, le rôle des médecins généralistes en matière de prévention a été de plus en plus reconnu et de mieux en mieux assumé, même si cette prévention gagne encore à être mieux organisée.
Il est aussi intéressant d’examiner la prévention dans le contexte de démographie médicale spécifique du Hainaut. En effet, notre province se caractérise par une densité médicale plus faible que la moyenne wallonne. Plusieurs communes peinent à attirer de jeunes généralistes puisqu’aucun généraliste de moins de 40 ans n’y est installé. Pour ces communes, le remplacement des médecins généralistes qui partiront à la retraite dans les prochaines années constitue une préoccupation majeure.
Les budgets de la promotion de la santé à la Fédération Wallonie-Bruxelles comme en Wallonie sont très faibles, trop faibles au regard des moyens consacrés aux soins de santé. Dans un contexte budgétaire difficile, la Province de Hainaut continue à s’investir dans la promotion de la santé et la lutte contre les inégalités sociales de santé au travers de son Observatoire de la santé. L’avenir nous dira quelle place la future Agence wallonne de la santé, de la protection sociale, du handicap et de la famille réservera à la prévention et à la promotion de la santé…