Les consommations problématiques d’alcool et d’autres drogues constituent un sujet de préoccupation actuel pour l’ensemble de la population dans notre pays. Les fédérations sectorielles regroupant et coordonnant les associations spécialisées dans ce domaine, grâce à leur position intermédiaire et leur contact permanent avec le terrain, développent une vue relativement complète de cette thématique complexe dispersée entre plusieurs ministères et niveaux de compétences.
Elles ont rédigé un mémorandum donnant une vue d’ensemble des principales préoccupations de ces acteurs de terrain pour la législature fédérale à venir (2007-2011). Il reprend les principaux besoins et les demandes prioritaires dans les domaines de la prévention, des soins, de la réduction des risques. Il reprend également les priorités à rencontrer en matière de formation, de politique scientifique et d’épidémiologie.
Les consommations abusives d’alcool et d’autres drogues constituent un problème de santé publique et de promotion de la santé devant être abordé depuis ces perspectives. En matière de consommations de drogues, la prévention mérite la priorité absolue, suivie des soins, de la réduction des risques (RdR) et de la réinsertion des personnes dépendantes. La répression, inadaptée pour de simples consommateurs, doit constituer le remède ultime.
Le secteur spécialisé plaide pour une politique cohérente en matière de drogues reprenant l’ensemble des substances psychoactives, une politique coordonnée et concertée entre tous les acteurs compétents aux niveaux fédéral, régional et communautaire.
Afin d’y parvenir le secteur spécialisé demande qu’une série d’initiatives politiques soient prises, parmi lesquelles la mise en place immédiate de la Cellule Politique Drogues, une réglementation claire permettant une limitation de l’accès aux produits et un financement conséquent des politiques dans ce domaine.
Le secteur espère que nos prochains dirigeants incluront la thématique alcool-drogues comme prioritaire dans leur déclaration politique et dans leurs politiques futures.
Introduction
Les FEDITO’s, la VAD, le VVBV et la FSPST (1) regroupent et coordonnent les organisations de terrain spécialisées dans la problématique des assuétudes: services d’information et de prévention, centres de soins haut et bas seuil, communautés thérapeutiques, services de consultations psychosociaux, hôpitaux psychiatriques…
Leur position d’interface et un contact permanent avec les services de terrain (prévention, information, soins) leur donne une vue relativement complète d’une thématique complexe éclatée entre différents niveaux de pouvoirs et ministères. Ce document, rédigé conjointement par les fédérations sectorielles du pays, synthétise les principales préoccupations du terrain pour la législature fédérale à venir.
Dans l’esprit du groupe de travail politique en matière de drogues (1996-1999), la problématique des drogues constitue un problème de santé et de bien-être devant être abordé sous cet angle. La prévention, suivie par l’aide et les soins représentent donc les approches prioritaires, et la répression un ultimum remedium. Cette vision s’oppose à l’évolution des dernières années mettant trop l’accent sur les nuisances et la répression.
Nous avons besoin d’une politique de santé et de bien-être cohérente incluant tous les produits psychoactifs (alcool, tabac, cannabis, médicaments psychoactifs, autres drogues). Une attention particulière doit être portée aux autres comportements addictifs (dépendance à Internet, aux jeux). Cette politique doit s’appuyer sur la concertation et la coordination entre tous les acteurs aux niveaux fédéral, régional et communautaire. Pour élaborer une politique cohérente, un cadre législatif clair est indispensable.
Pour une politique alcool et drogues cohérente
1. Mise en place immédiate de la Cellule Politique Drogues. Les fédérations représentatives du terrain doivent être représentées dans cette cellule. Ce raisonnement est aussi valable pour la Cellule Politique de Santé en matière de Drogues.
2. Une réglementation claire doit faciliter une limitation de l’offre des différents produits:
-cannabis: enquête portant sur l’évaluation de l’impact de la modification législative et mise en place d’une législation claire en la matière;
-alcool: finalisation et exécution du Plan National Alcool avec une attention particulière à la limitation de l’offre (âge, distributeurs automatique, alcopops…), interdiction de la publicité dans les espaces publics, politique des prix conséquente (taxation, eau gratuite dans les lieux festifs).
-tabac: poursuite et évaluation de l’application de la législation actuelle;
-opiacés et traitements de substitution: mise en application de l’arrêté royal à tous les niveaux, financement suffisant pour sa réalisation (incitation des médecins à suivre la formation);
-jeux: optimalisation de la législation actuelle pour les produits de la Loterie nationale, et mise en place d’une législation adaptée pour les paris en ligne et les bureaux de paris.
3. Prévention, travail de rue et projets de soins se situant dans le champ d’activité de la santé, du bien-être ou de la promotion de la santé doivent être effectués par des acteurs socio-sanitaires, sous la responsabilité et le financement des ministres de la santé ou des affaires sociales compétents. Cela implique le transfert des budgets actuels des contrats de sécurité et des peines alternatives de justice aux ministres de la santé concernés.
Prévention
1. La mise à disposition d’informations factuelles et le contrôle des réglementations en vigueur sont des compétences essentielles du fédéral, qui nécessitent l’attention et les moyens nécessaires.
2. La prévention dans le champ des assuétudes revient aux professionnels des secteurs de l’éducation, de la santé et de la promotion de la santé, pour des motifs déontologiques, de secret professionnel, et afin d’éviter la confusion des rôles avec d’autres acteurs.
3. Il faut permettre un financement cohérent de la prévention, avec comme critère central la coordination entre acteurs (communautés et régions, fédéral) et la coopération avec le terrain et les réseaux existants. Ce travail doit avoir lieu au sein de la Cellule Politique de Santé Drogues.
Aide et soins
Les usagers de produits psychoactifs nécessitent une prise en charge “complète”, ne se réduisant pas au patient et prenant également en compte son entourage. La continuité des soins doit leur être garantie (soins de première ligne, aide spécialisée, soins en prison). Il faut aussi porter une attention suffisante à la réinsertion de ces personnes.
La capacité d’offre d’aide et de soins reste insuffisante aujourd’hui et devra être adaptée à la demande croissante dans ce domaine.
1. Assurer une offre minimale de soins de base de qualité dans chaque sous-région.
2. La Cellule Politique de Santé Drogues doit vérifier si les besoins sont couverts dans les différentes régions et détecter les trous dans l’offre de soins. Une attention spéciale doit être portée à une série de problématiques: aspects somatiques (hépatites…), soins de première ligne, travail avec l’entourage du patient (parents, enfants d’usagers…), continuité des soins (notamment les traitements de substitution en prison), réinsertion (suivi après soins, formation, logement), problématique des usagers sans papiers.
3. Les projets pilotes du fédéral issus de la note fédérale drogues 2001 (double diagnostic, coordinateur de soins, unité de crise avec case manager), déjà évalués positivement à plusieurs reprises, doivent recevoir un financement structurel. Les projets pilotes ne devraient pas le rester plus de deux ans dans le futur et devraient, sur base d’évaluation, être financés structurellement ou abandonnés après cette période.
4. Le Fonds de lutte contre les assuétudes doit permettre la mise en place d’idées innovantes.
Réduction des risques
La réduction des risques a pour objectif l’amélioration de la qualité de vie des usagers. Ces programmes complètent l’information et l’aide aux personnes dans une approche globale des problèmes de dépendances.
1. Mise en place d’un cadre législatif rendant possible le financement des projets RdR et assurant la protection juridique de ses exécutants (échanges de seringues, analyse de drogues de synthèse…).
2. Assurer un financement suffisant des projets pour permettre une réelle politique de réduction des risques.
3. Les stratégies RdR sont valables pour tous les produits: alcool, cannabis, et autres drogues illégales.
Formation
1. Aux différents niveaux d’offre dans l’aide et l’accompagnement, les usagers de produits psychoactifs doivent pouvoir compter sur une expertise en matière de drogues. Pour y parvenir, il faut intégrer une formation adaptée sur l’alcool et les autres problèmes de drogues dans la formation de base des futurs travailleurs actifs dans les secteurs du social, de la santé, du bien-être, de l’enseignement et de la jeunesse.
2. Réalisation d’une étude portant sur l’opportunité de la reconnaissance d’un statut spécifique aux médecins actifs dans le secteur spécialisé en tenant compte des disparités régionales en la matière (en Flandre les médecins actifs dans les centres spécialisés et pratiquant peu de consultations classiques risquent actuellement de perdre leur licence.).
Enquêtes
1. Le programme d’enquêtes du SPF politique scientifique fédérale préparatoire aux politiques drogues doit être prolongé. Il existe également un besoin de recherches-actions de terrain afin d’optimaliser la qualité de l’aide. Des moyens financiers doivent être prévus pour les centres s’impliquant dans ces études afin de leur permettre de fournir des données ou de participer aux enquêtes.
2. Soutien à l’enregistrement des données des centres d’aide, préparées par l’Institut de santé publique dans le cadre de la demande du EMCDDA (European Monotoring Centre for Drugs and Drug Addiction). L’enregistrement des traitements de substitution mérite d’être concrétisé. Les moyens nécessaires doivent être prévus pour les centres participant à une ou plusieurs de ces actions.
Marcel Vanhex , VAD, Jacques Van Russelt , FEDITO wallonne, Serge Zombek , FEDITO Bruxelles, Stéphane Luisetto , FSPST, Dirk Vandevelde , VVBV, avril 2007
(1) Fédérations wallonne et bruxelloise des institutions pour toxicomanes, Vereniging voor Alcohol en Drugsproblemen, Vlaamse Veriniging van Behandelingscentra verslaafdenzorg, Fédération des structures psycho-socio-thérapeutiques