Octobre 2008 Par I. DE BOURDEAUDHUIJ P. BIZEL Initiatives

Document de consensus scientifique (Plan national nutrition santé)

(1)

Introduction

Le rapport sur la santé dans le monde de l’Organisation mondiale de la santé (2002) (2) montre de manière détaillée que, dans la plupart des pays, un petit nombre de facteurs de risque majeurs sont responsables de l’essentiel de la morbidité et de la mortalité. Les plus grands risques de maladies non transmissibles sont l’hypertension, l’hypercholestérolémie, une faible consommation de fruits et légumes, la surcharge pondérale et l’obésité, la sédentarité et le tabagisme. Les cinq premiers facteurs de risque sont étroitement liés à l’alimentation et à l’activité physique.

Pourquoi combiner activité physique et alimentation est-il essentiel?

La promotion d’une alimentation saine va de pair avec la promotion d’une activité physique régulière. Des thèmes tels que les apports et dépenses énergétiques, la surcharge pondérale et les maladies liées au régime alimentaire nécessitent une approche commune. Les dernières recommandations internationales publiées par l’OMS et Eurodiet ne manquent pas de le souligner: alimentation et activité physique forment un tout. Encourager les gens à manger plus sainement et à pratiquer une activité physique régulière exige la mise en place d’une collaboration entre les entités fédérées (Communautés française, germanophone et flamande, Région bruxelloise), le pouvoir fédéral et les nombreux acteurs concernés du secteur de l’alimentation et de l’activité physique.
Le fait d’intégrer les notions d’activité physique et d’alimentation dans un plan unique s’explique par l’évidence de plus en plus nette que ces deux facteurs sont indissociables pour la promotion d’une vie saine. Il importe de les promouvoir de manière conjointe et complémentaire.

Quel est le niveau d’activité physique des Belges?

Enquête de santé 1997, 2001 et 2004
En 1997, 2001 et 2004, la population belge (âgée de 15 ans et plus) a été interrogée sur ses habitudes en matière d’activité physique. Les principales conclusions de cette enquête sont les suivantes.
Généralités – Depuis 1997, les rapports montrent de manière constante que seuls 17 à 18 % de la population âgée de 15 ans et plus pratiquent une activité physique (sportive) au moins 4 heures par semaine. Les dernières enquêtes réalisées à l’échelon national montrent que la population belge, dans sa grande majorité, est inactive (41 %) ou ne développe qu’une activité minimale (31 %) (Enquête de consommation alimentaire).
D’autres données font état d’une activité physique modérée ou intense nulle chez 54 % des Belges (HIS 2004). Le pourcentage de la population qui présente un risque dû à un manque d’exercice physique est estimé à 57 % si l’on considère l’ensemble des activités (en période de loisirs mais aussi au travail ou sur le chemin du travail).
Environ 73 % font trop peu d’exercice pour éviter la prise de poids, et 62 % ont une activité physique insuffisante pour réduire le risque de maladies cardiovasculaires (MCV). Nous pouvons dire, sans crainte de nous tromper, qu’il s’agit là de sous-estimations, dans la mesure où les personnes interrogées ont tendance à répondre aux questions d’une manière socialement acceptable.
Âge – Le pourcentage des personnes exposées à un risque dû à un manque d’activité physique augmente avec l’âge, passant de 66 % (15 – 24 ans) à 89 % pour les plus de 75 ans. Le pourcentage de la population dont l’activité physique est insuffisante pour engendrer des effets bénéfiques sur la santé, augmente lui aussi avec l’âge (38 % des plus jeunes et 74 % des personnes âgées).
Sexe – Les femmes s’adonnent moins souvent à une activité physique et courent ainsi un risque plus important par rapport à leurs homologues masculins. Les femmes (de 15 ans et plus) font également moins de sport que les hommes et déclarent aussi plus souvent ne faire aucune activité physique. 65 % des hommes et 82 % des femmes pratiquent une activité physique qui ne suffit pas à limiter la prise de poids. Chez 46 % des hommes et 66 % des femmes, l’activité physique pratiquée est trop faible pour engendrer des effets bénéfiques sur la santé.
Education – Si l’on considère l’ensemble des activités (en période de loisirs mais aussi au travail et en termes de déplacements), rien ne permet de mettre clairement en évidence un quelconque lien entre le niveau d’éducation et les risques que représente le manque d’activité physique pour la santé. Les personnes peu qualifiées ont souvent une activité physique davantage liée au travail qui compense une activité rapportée comme moins importante en période de loisirs.
Région – Le pourcentage d’individus exerçant une activité physique suffisante pour avoir un impact positif sur la santé est en général plus élevé en Flandre que dans les deux autres régions.
Evolution 1997-2004 – En dépit des quelques efforts réalisés ces dernières années pour encourager l’activité physique, nous ne constatons aucun progrès significatif entre 1997 et 2004. En 1997, 18 % de la population déclarait faire du sport à raison de 4 heures ou plus par semaine; en 2001, ce chiffre était de 17 %, et en 2004, de 18 %. Le pourcentage de la population qui présente un risque dû à un manque d’exercice physique était estimé à 56 % en 2001 et à 57 % en 2004 si l’on considère l’ensemble des activités (en période de loisirs mais aussi au travail ou sur le chemin du travail). 60 % (2001) à 62 % (2004) n’ont pas une activité physique suffisante pour réduire le risque de MCV.
Etude HBSC
L’étude internationale quadriennale « Health Behaviour in School-aged Children » (HBSC) sur les comportements de santé des jeunes a été menée dans 35 pays, auprès d’un échantillon représentatif d’au moins 1500 élèves de 11, 13 et 15 ans. Cette étude a démontré qu’une majorité des adolescents européens et nord-américains ne suivent pas les recommandations en matière d’activité physique. Tous les pays se caractérisaient par une faible activité physique (minimum de 60 min d’activité physique modérée durant seulement 3,8 jours/semaine) et ce chiffre diminuait avec l’âge. La dernière étude HBSC (2005-2006) a montré qu’en Flandre, 43,7 % des garçons et 33,3 % des filles (moyenne d’âge: 12,5 ans) ont satisfait au critère demandé, à savoir exercer une activité physique journalière de 60 minutes, ce au moins 5 jours par semaine. Lorsque l’on fixait le critère à 60 minutes par jour à raison de 7 jours par semaine, les pourcentages passaient à 20,8 % chez les garçons et à 12,3 % chez les filles.
Etude PAN-UE
Une étude réalisée sur des échantillons représentatifs de toute l’Europe (Margets et al. 1999 ) a donné des résultats peu brillants en ce qui concerne l’activité physique des Belges. Cette étude européenne montre que pas moins de 68 % des personnes sondées en Belgique n’ont pas atteint le seuil minimal nécessaire à une activité physique suffisante. La Belgique se situe ainsi dans le top 4 des pays européens les plus sédentaires, en compagnie du Portugal, de la Grèce et de l’Italie.

Conclusion: trop sédentaires

D’un point de vue général, on peut définir la population belge comme étant trop sédentaire. Nous pouvons donc supposer qu’au moins la moitié de la population ne pratique pas une activité physique qui soit suffisante pour avoir un effet bénéfique sur la santé. Le risque de maladies chroniques pour ces personnes est bien plus grand. Au regard de la santé publique, une des priorités consiste dès lors à inciter les gens à bouger régulièrement.
En outre, le Belge obtient des scores médiocres par rapport aux autres nations européennes. La Belgique compte parmi les pays les plus sédentaires, même si l’on interprète la notion d’ « activité physique » au sens large. L’inactivité augmente avec l’âge. Les femmes et les jeunes filles sont moins actives que leurs homologues masculins. Les personnes ayant un niveau d’éducation bas font moins d’exercices physiques que celles dont le niveau d’éducation est plus élevé. Il y a aussi un pourcentage non négligeable de jeunes en Belgique qui ne pratiquent pas une activité physique suffisante. On remarque la plus forte baisse durant l’adolescence. De même, il est tout à fait probable que des jeunes inactifs adopteront dans leur vie d’adulte un mode de vie sédentaire (ils sont inactifs et le resteront).
La sédentarité de nombreux Belges est un problème significatif de santé publique. Un changement de comportement dans ce domaine ne sera toutefois pas facile à réaliser. Or, il est important de formuler des objectifs en la matière. Il serait surtout utile de se concentrer sur une activité physique modérée quotidienne (ex. prendre les escaliers, aller travailler à pied, à vélo ou de tout autre manière «active»…) plutôt que sur des activités intensives de loisirs.

Quels sont les bienfaits d’une activité physique suffisante sur la santé?

Bienfaits pour la santé physique

Des synthèses des publications produites sur les bénéfices de l’activité physique, comme celles réalisées dans le Surgeon General (U.S. Department of Health and Human Services, 1998) et celle du Comité scientifique de Kino-Québec (Ministère de la santé et des services sociaux), permettent d’argumenter sur les bénéfices de l’activité physique.
Mortalité – Diverses études longitudinales à grande échelle montrent qu’une activité physique régulière réduit le risque de décès prématuré en ce sens que le taux de mortalité des personnes actives est inférieur à celui des personnes sédentaires (3) (4).
Maladies cardiovasculaires – Dans son rapport sur l’activité physique, le Surgeon General des États-Unis a recensé 7 études traitant de la relation entre la quantité d’activité physique pratiquée et le risque total de souffrir de maladies cardiovasculaires et 36 études portant particulièrement sur les maladies coronariennes. Globalement, ces travaux démontrent qu’il existe une relation inverse entre le niveau habituel d’activité physique et l’incidence des maladies cardiovasculaires et, plus précisément, les maladies coronariennes. Un recensement détaillé de ces études révèle que le risque de développer une maladie coronarienne est 1,8 fois plus élevé chez les sédentaires que chez les personnes les plus actives. La sédentarité est un élément déterminant dans l’éventail des facteurs de risque des maladies cardiovasculaires.
Hypertension – La pratique régulière d’activités physiques retarde le développement d’une pression artérielle élevée . De plus, elle réduit la pression artérielle des personnes souffrant d’hypertension. À l’opposé, l’inactivité physique ou une faible condition physique augmente de 30 à 50 % le risque de développer une hypertension artérielle au cours des années. Une faible condition physique augmente également le risque de mourir de façon prématurée chez les hommes hypertendus.
Diabète – La pratique régulière d’activités physiques diminue le risque de développer un diabète non insulino-dépendant. L’activité physique aide à prévenir le diabète de deux façons: d’abord en augmentant la sensibilité à l’action de l’insuline dans le muscle squelettique, le tissu adipeux et le foie, puis en diminuant la sécrétion pancréatique d’insuline en réponse à un taux donné de glucose dans le sang.
L’activité physique d’une intensité faible ou modérée semble suffisante pour réduire le risque de développer la maladie, mais également pour accroître substantiellement l’action physiologique de l’insuline sur la glycémie. Le facteur le plus important semble être la régularité des séances d’activité physique. Du fait que les effets favorables d’une activité physique durent au plus 48 heures, il est recommandé de pratiquer une forme d’activité physique au moins tous les deux jours afin de maintenir une bonne sensibilité des tissus à l’action de l’insuline.
Obésité – L’obésité constitue un important problème de santé publique. Elle joue un rôle dans l’apparition du diabète et augmente les risques de souffrir de maladies cardiovasculaires, d’hypertension, de certains cancers et d’arthrose ou de mourir de façon prématurée.
L’activité physique apparaît comme un excellent moyen d’augmenter la dépense énergétique quotidienne et contribue, de ce fait, au maintien d’un poids stable. En conséquence, les personnes actives ont moins tendance à prendre du poids et à devenir obèses avec les années . Chez les personnes ayant un surplus pondéral, la perte de poids est proportionnelle à la quantité totale d’activité physique et au nombre de kilocalories dépensées. La fréquence et la durée des séances , de même que la durée du programme d’activité physique , s’avèrent plus importantes que leur intensité . De fait, il faut miser sur la constance et la régularité afin d’influer sur le poids de façon notable. Pour obtenir des pertes de poids importantes, il faut être prêt à persévérer et à modifier ses habitudes sur le plan de l’activité physique d’une façon permanente. De plus, on constate que le maintien d’une perte de poids importante chez les ex-obèses est plus facile si ceux-ci sont physiquement actifs.
Dyslipidémies et facteurs de coagulation – L’activité physique modifie favorablement le profil sanguin des lipides et des lipoprotéines. La pratique régulière d’une activité physique est associée à de plus hauts niveaux plasmatiques de lipoprotéines de haute densité ( HDL ). Les concentrations de ces lipoprotéines «protectrices» contre les maladies coronariennes augmentent généralement de 5 % à 10 % chez les personnes qui deviennent physiquement actives, des effets encore plus notables étant souvent observés chez celles qui, en plus, perdent du poids (5) (6).
Cancer – L’idée selon laquelle une activité physique régulière est profitable à la santé en général n’est pas neuve. On avance aussi depuis quelque temps, l’hypothèse d’une relation indirecte entre l’activité physique et le risque de cancer, étant donné le rôle important joué par la pratique d’une activité physique régulière dans la prévention de l’obésité.
Ce qui est relativement nouveau en revanche, c’est la prise de conscience que le niveau d’activité en lui-même est directement lié au risque de cancer. Les cancers du côlon et du sein nous offrent actuellement les meilleurs éléments de preuve à cet égard. Ces preuves sont un peu moins solides en ce qui concerne le cancer de l’endomètre. Concernant le cancer de la prostate et du poumon, en raison d’une recherche moins consistante dans ces domaines, les liens avec ces cancers sont toujours qualifiés de « possibles ». (Source: American Institute for Cancer Research, www.aicr.org/activity).

Bienfaits pour la santé mentale

Les effets bénéfiques sur la santé mentale (dépression, anxiété, qualité de vie perçue) sont relativement peu développés pour des raisons d’incertitudes relatives à la variabilité de la « dose-réponse » (activité physique – bénéfices pour la santé mentale). Des effets bénéfiques de l’activité physique ont été enregistrés sur la réduction ou le traitement des symptômes dépressifs et d’anxiété comme sur l’amélioration générale de l’humeur. L’activité physique semble améliorer le bien-être psychologique de manière générale. Pour les personnes avec des problèmes de santé, l’activité physique semble améliorer aussi leur aptitude à réaliser des tâches de la vie courante4.
Concernant les effets de l’activité physique sur le bien-être psychologique, plusieurs études soulignent l’action favorable résultant d’exercices aérobiques d’intensité modérée durant 15 à 60 minutes par jour. Comme ces effets sur la santé mentale (amélioration de l’humeur, bien-être général, aptitude à accomplir des tâches de la vie quotidienne, qualité de vie) sont des bienfaits très universels auxquels aspirent la plupart d’entre nous, ils peuvent contribuer de manière considérable aux messages d’éducation à la santé.

Quels sont les risques et dangers d’une activité physique pour la santé?

Le risque d’accidents s’accroît suivant le niveau de pratique, du non sportif au sportif avec pratique intense (plus de 500 heures par an): douleurs intenses (tendinites…), traumatismes déclarés, arrêts de travail, hospitalisations.
L’apparition de lésions sportives est proportionnelle à l’intensité, la fréquence et la durée de la pratique sportive. Les lésions et blessures surviennent principalement dans le cadre de la pratique intensive d’un sport de compétition. Une activité physique journalière comporte très peu de risques. Les avantages que représente une activité physique accrue pour l’individu et la santé publique compensent le risque – certes limité – de lésions susceptibles d’en découler. Il est bien entendu conseillé aux personnes qui sont restées longtemps inactives et qui veulent se lancer dans la pratique d’un sport, de consulter un médecin et de gravir progressivement les échelons en fonction de leur niveau.

Recommandations générales

Recommandations pour les adultes

Des progrès considérables sur le plan de la prévention de plusieurs maladies courantes et de la mortalité prématurée seraient enregistrés si un pourcentage élevé de la population sédentaire ou peu active changeait son mode de vie afin d’y incorporer une activité physique modérée mais régulière. (Kino-Québec – Avis du Comité scientifique).
En 1995, l’American College of Sports Medicine et les Centers for Disease Control and Prevention ont publié des recommandations nationales en matière d’activité physique et de santé publique. Le Committee on Exercise and Cardiac Rehabilitation de l’American Heart Association a avalisé et soutenu ces recommandations. En 2007, une actualisation de ces recommandations a permis de clarifier les points relatifs aux types et à la quantité d’activité physique nécessaires aux adultes en bonne santé pour améliorer leur santé et l’entretenir.
Afin de promouvoir et entretenir leur état de santé, tous les adultes en bonne santé et âgés entre 18 et 65 ans doivent s’adonner à une activité physique aérobique (endurance) d’intensité modérée, d’une durée minimale de 30 minutes par jour, à raison de cinq jours par semaine, ou à une activité physique aérobique vigoureuse de minimum 20 minutes par jour, à raison de trois jours par semaine. Les deux types d’activité (modérée et vigoureuse) peuvent être combinés afin de satisfaire à cette recommandation.
Une activité aérobique modérée équivaut généralement à marcher d’un pas soutenu et donne lieu à une accélération notable du rythme cardiaque. Le minimum de 30 minutes d’activité par jour peut être atteint en accumulant des séances de 10 minutes (ou plus) chacune.
Un exemple d’activité physique vigoureuse est le jogging et engendre une respiration rapide et une hausse substantielle du rythme cardiaque. Chaque adulte devrait également pratiquer, au moins deux fois par semaine, des activités permettant d’entretenir ou d’accroître leur force musculaire et leur endurance.
Etant donné la relation dose-réponse entre activité physique et santé, les personnes qui souhaitent continuer à améliorer leur état de forme personnel, réduire le risque de maladies et invalidités chroniques ou prévenir la prise de poids néfaste, peuvent être avantagées en s’adonnant à des exercices supplémentaires qui les aideront à aller au-delà du niveau d’activité physique minimum recommandé.

Un minimum de 30 minutes d’activité physique modérée 5 jours par semaine ( mode de vie actif )
ou
Un minimum de 20 minutes d’activité physique aérobique intense , 3 jours par semaine ( pratique sportive )
Consacrer au moins 30 minutes par jour à des activités physiques modérées. Cette durée doit être augmentée à 60 minutes si l’activité physique est de faible intensité (marche lente) ou si elle est pratiquée irrégulièrement (moins de 5 jours par semaine).
Le temps actif total d’activité physique peut être atteint en accumulant des périodes d’activité physique d’au moins 10 minutes.
Toute augmentation de la dépense énergétique associée à l’activité physique est susceptible d’avoir des retombées favorables sur la santé.
Maintenir la régularité dans la pratique d’activités physiques tout au long de l’année. Les personnes sédentaires qui sont dans cet état depuis plusieurs années doivent débuter lentement et augmenter progressivement leur dépense énergétique quotidienne.

La meilleure façon de « bouger » sainement ne se limite pas à la pratique d’un sport, mais consiste également à intégrer l’activité physique dans son quotidien, par exemple se rendre à vélo à l’école ou au bureau, aller à pied au supermarché, préférer les escaliers à l’ascenseur ou à l’escalator.

Recommandations pour les jeunes

En 1998, en Grande-Bretagne, la Health Education Authority (HEA) a émis des recommandations qui mettaient l’accent sur la participation à une activité physique d’intensité modérée d’une heure par jour. Ces recommandations avaient pour but de prendre en considération les modes de vie des jeunes d’aujourd’hui et leurs habitudes en matière d’activité physique.
En Belgique, le groupe HEPA a repris cette directive, en conseillant également aux jeunes de bouger de manière plus intensive, deux fois par semaine, de façon à faire progresser ou entretenir leur niveau de condition physique.

Déterminants et stratégies générales d’intervention

Préalablement à la mise au point de toute intervention, il est important d’examiner quels sont les principaux déterminants de l’activité physique (voir tableau de synthèse). Dès que nous saurons pourquoi les gens sont physiquement (in)actifs, nous serons en mesure d’agir sur ces facteurs pour augmenter l’activité physique.

Déterminants

Stratégies générales d’intervention
Facteurs démographiques et biologiques Actions vers
Âge Enfants, adolescents, adultes, seniors
Sexe Jeunes filles et femmes
Niveau de formation/statut socio-économique Catégories socio-économiques défavorisées
Région/urbanisation Zones géographiques prioritaires
Facteurs individuels
Connaissances dans le domaine de la santé et de l’activité physique Adaptation des messages sport/activité physique
Obstacles perçus (manque de temps, pas sportif, santé déficiente) Gestion du temps (travail, loisirs), qualité de vie
Avantages perçus (plaisir, contact social, santé) Accent sur les avantages et le plaisir
Efficacité personnelle Mode de vie actif, objectifs réalisables
Facteurs sociaux et culturels
Appui social de la part d’amis, collègues, conjoint(e), famille, staff, instructeur, décideurs locaux Mobilisation de l’appui social. Recherche d’un compagnon pour la pratique d’un sport / d’une activité
Facteurs physiques environnementaux
Accès aux équipements Politique (sports et mobilité) de la ville et des régions (urbanisme, sécurisation des espaces)
Accessibilité à pied / à vélo Promotion et information sur la mobilité lente ( marche, vélo…)

Facteurs démographiques et biologiques

Toutes les études montrent que l’activité physique diminue avec l’âge. On observe la plus forte baisse chez les adolescents.
Les interventions doivent être axées entre autres sur cette période qu’est l’adolescence . La plupart du temps, les jeunes enfants ont une activité physique suffisante. Nous savons aussi que les jeunes enfants inactifs conserveront fort probablement cette inactivité à l’âge adulte. Il est dès lors important de se concentrer sur ces enfants inactifs . D’un autre côté, nous ne devons pas partir du principe que tous les enfants et adolescents actifs deviendront automatiquement des adultes actifs. Les activités de promotion ne doivent donc pas se focaliser sur les seuls enfants et adolescents.
En effet, il est aussi nécessaire d’encourager un style de vie actif chez les adultes qui en ont besoin. En d’autres termes, il faut encourager toutes les catégories d’âge à intégrer la pratique d’une activité physique dans leur quotidien.
Les garçons et les hommes sont plus actifs que les filles et les femmes. À partir de 10 ans, les filles sont considérées comme un important groupe à risque. Il nous faut par conséquent accorder une attention particulière aux filles et aux femmes .
Le risque de sédentarité est plus grand chez les gens ayant un niveau d’éducation peu élevé et issus de milieux sociaux modestes. Ces groupes à risque doivent également être pris spécifiquement en compte dans le cadre des actions de promotion d’une activité physique. De plus, on suppose qu’il existe un lien entre un statut socio-économique (SSE) modeste, un degré d’urbanisation plus élevé et certaines régions spécifiques. Les projets régionaux jouent ici un rôle important.

Facteurs individuels

Bon nombre d’études réalisées dans le passé ont démontré qu’il ne suffit pas d’« enseigner » aux gens la relation entre comportement et santé. Si on sait que pratiquer une activité physique est bon pour la santé, ce n’est pas pour autant qu’on va le faire.
Nous devons néanmoins être conscients du fait qu’une certaine connaissance de base s’impose. Il ressort de plusieurs études belges que la norme actuellement en vigueur en matière d’activité physique est peu connue dans notre pays. Une première stratégie pourrait dès lors consister à:
faire connaître à la population ladite norme actuelle, notamment 30 minutes d’activité physique modérée chaque jour, ceci afin de dissiper un malentendu selon lequel seule une activité sportive intensive peut avoir un effet positif sur la santé physique et mentale;
-faire clairement comprendre que toutes les formes d’activité physique sont bonnes pour la santé (se promener, faire du vélo, prendre l’escalier, etc.) et qu’une intensification progressive des activités procure un effet bénéfique supplémentaire pour la santé.
La motivation (interne) de rester actif tout au long de sa vie est favorisée par le fait de sensibiliser les gens aux bienfaits qu’apporte l’activité physique (plaisir, contacts sociaux, meilleure santé) et d’éliminer la perception des obstacles qui rendent difficile la pratique d’une activité physique (accrue) comme par exemple le manque de temps, l’idée de penser qu’on n’est pas sportif, les problèmes de santé… Les gens doivent se dire qu’ils sont capables d’être physiquement actifs et qu’ils peuvent tenir le coup («self-efficacy»).
En faisant la promotion d’un mode de vie actif qui intègre l’activité physique dans le quotidien de la personne, il sera plus facile pour cette dernière de trouver le temps pour s’adonner aux joies de l’activité physique. En outre, il ne faut pas nécessairement être très sportif, et les gens dont la santé est moins bonne ou les personnes plus âgées peuvent également pratiquer des activités tels que se promener, rouler à vélo, monter les escaliers, travailler dans le jardin… (éliminer les obstacles).
Il est important d’opter pour une activité que l’on aime faire, qui permet de rencontrer d’autres gens ou d’être avec des amis/la famille si on le désire, et de comprendre l’importance que représente l’activité physique pour sa santé à court et à moyen terme (insister sur les avantages).
Si les gens optent pour un mode de vie actif et choisissent des activités qu’ils aiment faire, ils persévéreront et seront confiants quant au fait qu’ils sont en mesure de rester actifs. Pour les jeunes, cela signifie par exemple qu’à côté du sport de compétition dans les clubs actuels, il doit également être possible à chacun et chacune, à son niveau, de prendre part à une activité sportive de loisir.

Facteurs sociaux

Les facteurs sociaux jouent aussi un rôle important dans la pratique d’une activité sportive. Il y aura lieu de penser à
-améliorer le soutien social de l’activité physique: dans le cas des jeunes enfants, il faudra surtout encourager les parents. Il convient d’organiser des projets parents-enfants axés sur la pratique (« comment faire pour… »), en mettant l’accent sur la composante familiale. Dans le cas des enfants plus âgés, un rôle important est réservé aux amis, frères et soeurs, « petit(e)s ami(e)s », partenaires et collègues;
-encourager la recherche d’un(e) partenaire pour pratiquer ensemble une activité physique ou un sport, étant donné qu’il est apparu que ce partenaire peut constituer un soutien social considérable.

Facteurs environnementaux

Les interventions individuelles doivent s’accompagner d’interventions orientées sur les changements d’environnement afin d’accroître les possibilités d’induire un changement de comportement réel.
La disponibilité et l’accessibilité de structures (sportives) aident à déterminer dans quelle mesure jeunes et adultes s’adonneront à une activité sportive (piscine, hall sportif…). La présence d’espaces ouverts, plaines, culs-de-sac, prairies… ont également un impact non négligeable sur l’activité physique des enfants et adolescents.
Dans le contexte scolaire et professionnel, l’environnement est un facteur déterminant de l’activité physique: des structures sont-elles prévues? Les écoles doivent veiller à dispenser suffisamment d’heures d’éducation physique, de préférence 3 à 4 heures par semaine. Ces cours d’éducation physique doivent être actifs et amusants pour les enfants, de sorte à les amener à adopter un mode de vie actif tout au long de leur vie.
Il convient donc d’organiser, autant que possible, des activités extra-scolaires dans le but de consolider un style de vie actif à partir du principe de l’apprentissage par la pratique («learning by doing»), et de créer et concevoir les conditions dans et autour de l’école propices à toutes formes d’activités physiques amusantes et informelles destinées aux jeunes et basées sur les jeux avec ballons, rollers et vélos.
Des études récentes ont démontré l’importance des facteurs environnementaux dans la pratique d’une activité physique peu intensive ou modérée. Que ce soit pour se déplacer ou à titre récréatif, il est toujours plus facile de se promener ou de rouler à vélo si l’environnement s’y prête («walkability»).
Les personnes qui vivent dans des quartiers à forte densité de population, à proximité de transports en commun, et qui peuvent faire leurs courses au magasin du coin… auront plus l’occasion d’opter pour la marche à pied ou le vélo comme mode de déplacement que les personnes vivant éloignées de ce type d’infrastructure. D’autres facteurs qui déterminent le choix de la marche à pied ou du vélo comme moyen de transport sont la mise à disposition de trottoirs et pistes cyclables, sûrs, attrayants et où la circulation n’est pas trop dense.
Les mesures prises par les autorités locales en matière d’urbanisme occupent une place cruciale dans la lutte contre la sédentarité; il importe notamment de veiller à ce que les terrains de sport soient situés à proximité des zones résidentielles, de s’assurer que les routes soient sûres, que les rues soient accessibles aux piétons, que les espaces verts et autres soient ouverts au public et propres… Dans le cadre de l’évolution vers une plus grande individualisation des activités sportives de loisir, une promenade revigorante, la pratique du jogging de façon modérée, du patin (roller), du vélo, etc., dépendent de plus en plus du respect de ces conditions d’environnement et de la qualité des lieux, si l’on veut faire en sorte que la pratique d’une activité physique « au coin de la rue » puisse conserver tout son attrait.
D’un point de vue général, nous pouvons conclure que les interventions environnementales sont nécessaires si nous voulons que la population adopte un style de vie plus actif sur le plan physique. Les responsables de la gestion de nos environnements quotidiens (écoles, lieux de travail, espaces publics, environnement urbain…) ont par conséquent un rôle très important à jouer dans le changement de comportement physique de la population belge. Leurs projets doivent tenir compte des éventuels obstacles et opportunités rencontrés par quiconque souhaite être physiquement plus actif en journée. Dans le cas contraire, le changement des attitudes au niveau individuel n’aura que peu ou pas d’impact et les initiatives consenties en termes d’éducation pour la santé et de promotion afin d’atteindre ce but seront perçues comme peu cohérentes.
Ilse De Bourdeaudhuij (Universiteit van Gent, Faculteit Geneeskunde en Gezondheidswetenschappen, Department of Movement and Sport Sciences), Pierre Bizel (Province de Hainaut, Observatoire de la santé du Hainaut, secteur Education Santé)
Texte reproduit avec l’aimable autorisation du Service public fédéral santé publique, qui gère le Plan national nutrition santé. Site: http://www.monplannutrition.be

Principales références

U.S. Department of Health and Human Services. Physical Activity and Health. A Report of the Surgeon General, Atlanta, Georgie, U.S. Department of Health and Human Services, Centers for Disease Control and Prevention, National Center for Chronic Disease Prevention and Health Promotion, 1998.
Secrétariat au loisir et au sport, Ministère de la Santé et des Services Sociaux. Quantité d’activité physique requise pour en retirer des bénéfices pour la santé. Avis du Comité scientifique Kino-Quebec, 1999.
Eurodiet. Nutrition & Diet for Healthy Lifestyles in Europe: the EURODIET Evidence. Public Health Nutrition Vol 4. 2(A) and 2(B), 2001.
Organisation mondiale de la santé, Rapport sur la santé dans le monde, Réduire les risques et promouvoir une vie saine. Genève, 2002.
World Health Organisation, nutrition and the prevention of chronic diseases. Report of a joint WHO/FAO Expert consultation. WHO Technical Report Series N° 916. WHO Geneva, 2003.
OPPERT J.M., SIMON Ch., RIVIERE D., GUEZENNEC Ch Y., Activité physique et santé, Arguments scientifiques, pistes pratiques, Ministère de la santé et des solidarités, Société Française de Nutrition, Plan National Nutrition Santé, France, 2004.
HASKELL, W. L., I.-M. LEE, R. R. PATE, K. E. POWELL, S. N. BLAIR, B. A. FRANKLIN, C. A. MACERA, G. W. HEATH, P. D. THOMPSON, and A. BAUMAN. Physical Activity and Public Health: Updated Recommendation for Adults from the American College of Sports Medicine and the American Heart Association. Med. Sci. Sports Exerc., Vol. 39, No. 8, pp. 1423–1434, 2007.

(1) Le présent document a été élaboré après avoir fait l’objet d’une large consultation auprès du groupe de travail «Activité physique», qui s’est réuni à intervalles réguliers de janvier à juin 2005 dans le cadre de la phase préparatoire du Plan national nutrition santé belge. Tous les membres du groupe de travail ont activement contribué à trouver un consensus quant à la situation actuelle, aux objectifs et aux mesures à prendre pour améliorer l’état de l’activité physique en Belgique.
Il a été révisé et actualisé à l’occasion des réunions du Groupe de travail du PNNS sur l’activité physique qui se sont tenues en 2007 sous la coordination de Mme Ilse De Bourdeaudhuij .
(2) Rapport sur la santé dans le monde, 2002 -Réduire les risques et promouvoir une vie saine. Genève, Organisation mondiale de la santé, 2002.
(3) U.S. Department of Health and Human Services. Physical Activity and Health. A Report of the Surgeon General,
Atlanta, Georgie, U.S. Department of Health and Human Services, Centers for Disease Control and Prevention,
National Center for Chronic Disease Prevention and Health Promotion, 1998.
(4) Secrétariat au loisir et au sport, Ministère de la Santé et des Services sociaux, Quantité d’activité physique requise pour en retirer des bénéfices pour la santé. Avis du Comité scientifique Kino-Quebec, 1999.
(5) 4.Askell, W. L., I.-M. Lee, R. R. Pate, K. E. Powell, S. N. Blair, B. A. Franklin, C. A. Macera, G. W. Heath, P. D. Thompson, and A. Bauman. Physical Activity and Public Health: Updated Recommendation for Adults from the American College of Sports Medicine and the American Heart Association. Med. Sci. Sports Exerc., Vol. 39, No.8, pp. 1423–1434, 2007.
(6) Geneste C et coll. Activités sportives et état de santé déclaré. Santé publique 1998.