Février 2013 Par Colette BARBIER Initiatives

Le 6 novembre dernier, des élèves de 6e primaire de l’école fondamentale de Xhovémont à Liège ont improvisé une fiction devant les caméras de l’émission Ma classe fait sa télé sur le thème de la cyberdépendance.

C’est l’histoire d’un jeune adulte, rompu aux jeux vidéo depuis ses vertes années, qui rencontre l’âme sœur sur un jeu en ligne. Il se marie et sa belle lui donne un fils. Plongée dans la réalité de la vie, la jeune maman arrête de jouer pour s’occuper du bébé et du ménage. Malheureusement, il n’en va pas de même pour le papa qui a quitté son travail et ne participe pas à la vie de famille car il passe tout son temps à jouer. Les disputes sont fréquentes au sein du couple. Un jour, la femme délaissée décide de piéger son mari en jouant en ligne avec lui. Elle utilise un pseudo, séduit l’homme sur Internet et lui donne rendez-vous dans un restaurant. Arrivé sur place, l’homme découvre sa femme. Celle-ci veut sauver son couple et leur vie de famille. Comme dans les jeux, elle lance un défi à son mari : «Tu arrêtes de jouer !». Au début, il a du mal à se passer de jouer et à montrer sa souffrance. Mais il résiste et au fil du temps, il parvient à se libérer de l’enfer des jeux vidéo. Il retrouve un travail, joue au foot avec son fils sous l’œil bienveillant de sa femme.

Atteindre les 10-12 ans

Cette histoire a été imaginée par les élèves et leur institutrice, Catherine Méan. Le tournage est une étape d’un projet global lancé par Infor-Drogues qui a eu l’idée de publier un ouvrage de prévention pour les 10-12 ans sur le sujet des dépendances 1. Contacté par l’asbl, l’auteur Nicolas Ancion se souvient que l’association était à la recherche d’un écrivain prêt à écrire de manière souple. «Le roman devait pouvoir être utilisé de façon complexe et provoquer un débat », retrace Nicolas Ancion, venu spécialement de France pour assister au tournage. « Il fallait parvenir à parler des assuétudes à travers un sujet que les enfants de cette tranche d’âge connaissent bien. »

Avec le soutien de la Ministre de la Santé de la Fédération Wallonie-Bruxelles Fadila Laanan, un travail de recherche-action a été effectué auprès de diverses classes de l’enseignement primaire. Nicolas Ancion est allé à la rencontre des élèves. «Pour parler des dépendances, on ne pouvait pas s’appuyer sur les drogues, l’alcool, les cigarettes, car ça n’avait pas de sens pour des enfants de cet âge», raconte l’auteur. «Après avoir pris le temps de parler avec des élèves, le thème de la cyberdépendance s’est imposé puisqu’il s’est avéré que tous les enfants ont recours aux jeux vidéo.»

Ce travail a abouti à l’écriture d’un livre intitulé J’arrête quand je veux !, mais aussi à la publication d’une brochure et à la réalisation d’un site Internet.

Provoquer le débat

«Le but est d’interpeller les écoles et les jeunes sur la cyberdépendance, de les sensibiliser et de déclencher un débat», explique Fadila Laanan, également présente sur le tournage.
Pour aller plus loin encore dans l’interpellation des enfants du primaire sur les dangers de la cyberdépendance, le cabinet de la Ministre de la Santé a contacté Patrice Biarent, le réalisateur de l’émission Ma classe fait sa télé, diffusée sur La Trois, pour lui demander de réaliser une animation sur les assuétudes en partant du livre de Nicolas Ancion.

«C’est ainsi que Patrice Biarent s’est tourné vers notre école», raconte Catherine Méan. «C’était début octobre. Il a fallu faire vite! Pourquoi dans notre école? Simplement parce que Nicolas Ancion, né dans le quartier, a fait ses classes chez nous. Les enfants ont lu le livre, se sont passionnés pour l’histoire et nous avons construit notre scénario sur l’addiction aux jeux vidéo.»

Un danger bien réel

Par ailleurs, la Ministre a expliqué combien il est difficile de faire de la prévention auprès des 10-12 ans. «La dépendance, ça ne leur parle pas, contrairement aux adolescents qui comprennent bien de quoi il s’agit. Mais nous voulons faire de la prévention chez tous les jeunes pour éviter qu’ils ne basculent dans la dépendance à l’adolescence. Il faut savoir que 12,5% des jeunes de 12 à 20 ans passent plus de 4 heures par jour sur les réseaux sociaux, sur Internet ou devant leur console de jeux, même les jours d’école. Or, certains experts estiment qu’une consommation de jeux vidéo est abusive lorsqu’elle atteint ou dépasse quatre heures par jour.»

Fadila Laanan a aussi pris le temps de parler aux élèves qui se sont montrés soucieux de savoir si les enfants de la ministre jouent aux jeux vidéo… Oui, mais la maman pose des limites. «Quand j’achète un jeu pour mes enfants, je regarde la limite d’âge. Certains jeux sont très violents et les enfants ne réalisent pas à quel point ils peuvent être dangereux. L’enfance est un monde particulier qui passe vite. Il faut veiller à ce que vous puissiez vous occuper de choses qui appartiennent à votre monde.»

Pour en savoir plus:

Le livre «J’arrête quand je veux», Nicolas Ancion, Éd. Jourdan, Paris-Bruxelles, 2009
La brochure «J’arrête quand je veux», éditée par Infor-Drogues.
Le site Internet http://www.jarretequandjeveux.org

(1) Voir l’article d’Alain Cherbonnier ‘J’arrête quand je veux’ , Éducation Santé n° 260, octobre 2010.