À l’initiative de la Ministre de la Culture, de l’Audiovisuel, de la Santé et de l’Égalité des chances, Fadila Laanan, une table ronde d’une demi-journée consacrée à la prévention du suicide chez les jeunes s’est déroulée au siège de la Présidence de la Communauté française le 22 octobre 2010.
Cette matinée, modérée par Chantal Leva (Présidente du Conseil supérieur de promotion de la santé) clôturait les travaux d’un groupe d’experts francophones sur la question, animé par Martine Bantuelle , Directrice de l’asbl Éduca Santé, spécialisée dans la prévention des traumatismes.
Fait inhabituel, les interventions des spécialistes se sont déroulées en présence de SAR le Prince Philippe , très sensible à cette problématique, qu’il évoqua brièvement en début de réunion.
Dans un premier temps, chacun des experts avait une dizaine de minutes pour partager avec les nombreux participants son regard sur le suicide, sa ‘prévention’, sa ‘postvention’ aussi. Réel défi, bien tenu par la plupart des intervenants (1), et qui avait le mérite d’offrir à des acteurs de terrain une belle tribune.
Le Prof . Alain Levêque (École de Santé publique de l’ULB) brossa en quelques traits un tableau épidémiologique de l’ampleur du phénomène suicidaire, soulignant au passage le mauvais ‘classement’ de la Belgique, ainsi que la sous-estimation certaine dans les statistiques du nombre réel de suicides.
La situation particulière du suicide parmi les jeunes homosexuel(les) fit l’objet d’une présentation prudente de Vladimir Martens (Obervatoire du sida et des sexualités), témoignant d’une plus grande vulnérabilité chez les garçons homosexuels que chez les filles, tout en précisant que la focalisation sur cette question présente des risques de victimisation ou de stigmatisation.
La complexité de la problématique fut mise en évidence par les exposés d’Axel Geeraerts (Centre de prévention du suicide) et Florence Ringlet (Centre ‘Un pass dans l’impasse’ (1)). Le premier nous rappela entre autres que questionner l’intentionnalité du suicide revient aussi à nous interroger sur notre propre rapport à la mort, et nous invita à méditer le paradoxe qu’un geste décisif qui ôte la vie permet au suicidaire de reprendre à cet instant le contrôle de son existence au terme de beaucoup de souffrance. La seconde exprima nombre de questions que se posent les intervenants: comment faire de la prévention, où la situer, l’école est-elle un lieu favorable pour en faire?
Le Dr Denis Hirsch , psychiatre d’adolescents au Service de santé mentale de la Ville de Bruxelles, replaça le thème du jour dans le cadre plus large des conduites à risque, qui, au-delà de leurs spécificités, ont des caractéristiques communes (mise en danger de soi, quête de sensations fortes, risque de dépendance, recherche d’un sentiment d’exister, appel masqué aux parents et aux adultes) dont il importe d’être conscient quand on travaille à leur ‘prévention’.
Les 4 interventions suivantes apportèrent une dimension encore plus concrète, non dénuée d’émotion, à la matinée, puisqu’elles émanaient d’acteurs en contact direct avec des jeunes en souffrance : Anne Englert , psychothérapeute au Service de santé mentale de l’ULB, le Dr Xavier Gernay , psychiatre au Centre Patrick Dewaere (Province de Liège), Denis Hirsch encore, sur la question de la mise en réseau des acteurs cette fois, et G . De Bundel (PMS Centre scolaire Sacré cœur de Jette) à propos de la mise en place récente (deux ans de recul) d’une Cellule bien-être au sein de son établissement scolaire.
Martine Bantuelle présenta ensuite les recommandations du groupe d’experts pour une approche globale considérant à la fois la promotion des facteurs de protection, la prévention des facteurs de risque, l’identification et l’accompagnement des personnes à risque. Plus concrètement pour la Communauté française, elle insista sur le besoin d’améliorer nos connaissances, de sensibiliser les adultes proches des jeunes, de multiplier les interventions de qualité, et de faire prendre conscience aux medias de leur responsabilité importante en la matière.
Le public n’eut malheureusement guère le temps d’enrichir les propositions (mais il put le faire par écrit après la table ronde), deux personnes relevant néanmoins le peu de place occupé par les parents des jeunes suicidaires dans les présentations du jour.
Dans sa conclusion, la ministre assura le public présent qu’elle n’entendait pas refermer le dossier, au contraire, et que des actions concrètes seront précisées en concertation avec ses collègues Marie – Dominique Simonet (Enseignement) et Évelyne Huytebroeck (Aide à la Jeunesse).
Éducation Santé ne manquera pas d’y revenir dans le courant de l’année prochaine.
Christian De Bock (1) L’un d’entre eux déclara toutefois en amorce à son discours que l’exercice relevait pour lui de la gageure, et même de l’injure. Propos déplacé, insultant pour ses collègues, qui heureusement ne parvint pas à troubler la sérénité des débats.
(2) Voir l’article ‘Un pass dans l’impasse’ de Xavier Malisoux, Éducation Santé n° 261, novembre 2010