Les maladies bucco-dentaires sont un véritable fléau. L’OMS estime que 60 à 90 % des enfants en âge scolaire en sont atteints. De plus, «la perte des dents est perçue comme une conséquence naturelle du vieillissement, alors qu’elle est en fait évitable».
En Belgique, la part relative des soins dentaires est inférieure à 5% du budget des soins de santé. Cette pénurie de moyens a obligé la Convention nationale dento-mutualiste à choisir des priorités de remboursement. Parmi celles-ci, les soins préventifs destinés aux enfants et aux jeunes de moins de 18 ans font l’objet d’un remboursement quasi complet depuis 1998.
Cependant, certaines études montrent que l’accessibilité financière aux soins, pour importante qu’elle soit, est une condition largement insuffisante pour optimaliser la consommation de soins dentaires des enfants. L’éducation à la santé bucco-dentaire est le pilier indispensable sur lequel s’appuyer. Une enquête française du CREDES relève pour sa part trois éléments parmi les obstacles à la consommation de soins pour les adolescents: les parents qui ne se soignent pas, les parents qui ont dû renoncer à un soin dentaire pour eux-mêmes, et le fait de devoir avancer les frais de soins même s’ils sont remboursés à 100% par la suite.
Un rapport concernant les «recommandations pour la santé buccale en Belgique» a été rédigé à la demande du ministre précédent des Affaires sociales par le professeur D. Van Steenberghe (KUL) et M. G. Perl , Président de la Convention nationale dento-mutualiste (CNDM). Les auteurs remarquent: «Si 60% des enfants de moins de 5 ans sont indemnes de caries, ce pourcentage tombe à 25% chez les enfants de douze ans». En outre, «la demande de traitement reste trop limitée lorsqu’on considère le nombre de maladies» alors que des mesures d’accessibilité financière ont rendu les traitements peu onéreux chez les jeunes de moins de 18 ans. De plus, «ce sont les groupes socio-économiques plus faibles qui sont difficiles à atteindre et à motiver en matière de soins buccaux ». De même «chez les petits enfants, une grande fraction ne consulte jamais ou rarement le dentiste».
Ce tableau pessimiste est à l’origine d’une étude visant à quantifier la consommation des enfants assurés par la Mutualité socialiste en matière de soins dentaires, avec pour hypothèse qu’il y a une large sous-consommation dans ce public.
L’étude porte sur la consommation des enfants de moins de 18 ans affiliés à la mutualité socialiste entre 1998 et 2002, et a appliqué des méthodes de statistiques descriptives à la consommation de soins préventifs, aux soins conservateurs (dents déjà atteintes) et aux soins orthodontiques.
Faible recours aux soins dentaires chez les enfants
L’étude montre une large sous-consommation de soins dentaires par les enfants alors qu’ils sont censés idéalement voir le dentiste au moins deux fois par an.
Dans la réalité on en est loin. Près d’un enfant sur deux de la population étudiée n’a jamais consulté le dentiste sur cinq ans! Moins d’un enfant sur trois a consulté au moins une fois sur les cinq ans, et un enfant sur dix seulement a eu un contact annuel avec son dentiste.
Les tout petits ne voient quasi pas le dentiste (6,6% des enfants âgés de 0 à 4 ans en 2001), puis la fréquentation du dentiste augmente jusqu’à la tranche des 10-14 ans pour retomber ensuite dans la tranche des 15-17 ans.
Nature des soins
Soins préventifs
La consommation des soins préventifs est faible: moins d’un enfant sur 10 a reçu une fois ce type de soins en 2001. Sur les 355.160 enfants susceptibles de recevoir deux visites préventives par an durant les cinq ans de l’étude, seuls 86 ont réellement bénéficié de la totalité de la prévention. Vous lisez bien, cela fait 0,02%!
Soins conservateurs et orthodontiques
Cinquante-six pour cent des enfants de moins de 13 ans ont reçu au moins un soin conservateur de dent lactéale, ce qui témoigne de l’atteinte précoce des dents.
Vingt-cinq pour cent des enfants de cette tranche d’âge ont reçu au moins un soin conservateur de dents définitives, ce qui témoigne aussi de l’atteinte précoce des dents définitives.
En 2002, 52% des enfants de 13 à 17 ans ont reçu au moins un soin conservateur de dent définitive, ce chiffre étant de 60% en 1998.
Les soins orthodontiques concernent 16,6% des enfants qui consultent le dentiste.
Evolution de la consommation de soins chez les enfants
D’année en année, on note un progrès dans la consommation des soins dentaires: 30,5% des enfants assurés ont consulté le dentiste en 1998 et 32,4% en 2002. L’augmentation de soins préventifs est encourageante mais reste beaucoup trop faible (6,8% des enfants assurés ont reçu un seul soin préventif en 1998 et 9,53% en 2002 ; 0,54% ont reçu deux visites préventives en 1998 et 1,39% en 2002).
Disparités régionales
La consommation de soins dentaires est plus élevée en Flandre qu’en Wallonie et à Bruxelles. Il en va de même pour la consommation de soins préventifs. La consommation de soins conservateurs est plus importante à Bruxelles et en Wallonie qu’en Flandre, ce qui témoigne d’une santé dentaire plus déficiente en Wallonie et à Bruxelles. Toutefois, la part des soins conservateurs a tendance à diminuer, ce qui est encourageant.
Deux priorités
Depuis l’introduction de soins préventifs pour les enfants dans la nomenclature de dentisterie, on note une progression lente mais certaine de ce type de soins et un infléchissement progressif des soins conservateurs. Toutefois, la sous-consommation de ces soins reste massive pour les assurés de la Mutualité socialiste.
Plus de 90% des enfants assurés n’en bénéficient pas chaque année. De plus, la moitié de ces enfants ne consulte jamais le dentiste.
Si les soins conservateurs diminuent, ils témoignent toujours d’une importante altération de la santé bucco-dentaire de tous les enfants consommateurs. Ils consultent parce qu’ils ont un problème.
Sur les cinq années étudiées, trois quarts des enfants reçoivent au moins un soin conservateur. Ceci souligne l’importance et l’urgence de l’action.
La Mutualité socialiste préconise de renforcer l’accessibilité financière et d’amplifier les efforts d’éducation à la santé dentaire.
Accessibilité aux soins
La gratuité des soins dentaires pour les enfants, réclamée déjà par la Mutualité socialiste entre autres lors de la précédente législature et instaurée en initiative nouvelle par le Ministre Demotte à partir de septembre 2005 pour les enfants de moins de douze ans, se justifie pleinement.
Aucun d’entre eux ne trouvant de plaisir à consulter le dentiste, le risque de surconsommation est quasi nul. Par contre, il est établi qu’avancer les frais de soins même remboursés à 100% par la suite, constitue un frein réel à la consommation de soins dentaires. La Mutualité socialiste souligne qu’il est essentiel d’associer le payement par tiers payant à la gratuité des soins.
Au niveau de la convention nationale dento-mutualiste, la mutualité socialiste soutiendra les demandes tendant à augmenter les moyens financiers à investir dans la santé bucco-dentaire des enfants. Il est clairement démontré que la prévention des problèmes dentaires lors de la toute petite enfance est un investissement rentable pour la sécurité sociale car il diminue largement les dépenses en soins curatifs chez les adultes.
Education à la santé bucco-dentaire
Quelques pistes:
-dès la naissance, un contact de la mère avec un dentiste. Elle apprendra des gestes simples comme éviter de donner de l’eau sucrée, éviter de sucer la tétine de l’enfant avant de la lui mettre en bouche, l’importance d’une hygiène buccale et dentaire précoce;
-introduction de l’éducation à l’hygiène dentaire du nourrisson et de l’enfant en bas âge dans les consultations de nourrissons et les crèches de l’ONE;
-à l’école, outre l’interdiction des distributeurs de boissons sucrées, l’introduction dès l’école gardienne d’activités ayant trait à l’hygiène dentaire: brossage de dents à l’école, apprentissage de l’utilisation du fil dentaire, hygiène alimentaire bannissant les sucreries. La distribution gratuite d’une brosse à dents par trimestre et de fil dentaire ainsi que de dentifrice pourrait s’ajouter à l’éducation. L’expérience de pays comme la Suisse montre aussi l’importance d’instaurer la dentisterie scolaire à côté de la médecine scolaire;
– l’éducation à la santé dentaire doit être poursuivie et intensifiée chez les grands adolescents. L’étude présente tend en effet à montrer un «décrochage» à cet âge, plus particulièrement chez les garçons;
-la Mutualité socialiste renforcera son action d’éducation des enfants à la santé bucco-dentaire. Son assurance complémentaire intervient déjà financièrement pour les enfants de 4 à 18 ans.
D’après un dossier de la Mutualité socialiste
Le dossier complet (46 pages) peut être téléchargé sur le site http://www.mutsoc.be , rubrique ‘Etudes et analyses’.