Bref rappel
La promotion de la santé définie par l’OMS dans la Charte d’Ottawa est la référence du Centre liégeois de promotion de la santé (CLPS). Vue sous cet angle, la prévention consiste à agir positivement sur un certain nombre de facteurs déterminant la santé et susceptibles d’améliorer la qualité de vie des individus et des collectivités. La promotion de la santé tient compte de l’environnement global de la personne et du groupe: environnement social, culturel, familial, professionnel et physique. Elle se développe dans une logique participative et de proximité dépassant les ressources d’un seul secteur.
A l’occasion de la Première journée liégeoise de promotion de la santé, en 2002, le CLPS a réalisé un état des lieux de ce que souhaitaient les acteurs de terrain pour développer la promotion de la santé à Liège. Trois éléments forts en ressortent.
Besoin de rencontre, d’apprentissage, de réflexion
De nombreux acteurs de terrain ont exprimé le souhait de voir se développer des espaces d’échange et de ressourcement où ils auraient le temps de réfléchir à leur pratique et de prendre de la distance par rapport au travail quotidien.
Besoin de définir les concepts et les stratégies de promotion de la santé
La multiplication et l’extension des concepts en relation avec la promotion de la santé représentent pour beaucoup une source importante de questionnement, dans la mesure où leur imprécision paralyse les initiatives ou s’oppose à l’harmonisation des pratiques.
Malaise des intervenants confrontés à une accentuation de la pauvreté à Liège et à une mise à mal de leurs pratiques
En vue de répondre à ces attentes, le CLPS, ses partenaires et l’asbl Repères (1) ont notamment mis en place, en complémentarité avec les ateliers santé précarité du relais santé, des ateliers « Temps de réflexion » (2004-2005) sur le thème de la promotion de la santé et de la précarité sociale et un autre (2006-2007) sur le thème de la participation, avec comme fil rouge l’implication active des populations précarisées dans les projets qui leur sont destinés.
Les ateliers «Temps de réflexion» animés par Patricia Piron (Repères), Jeanne-Marie Delvaux (Espace Santé) et Elise Malevé (CLPS)
Le projet de ces ateliers était de permettre la rencontre des professionnels afin qu’ils puissent ensemble partager leurs constats, leurs questions, leurs pratiques, préciser leur malaise, repérer de nouvelles pistes de travail, identifier d’éventuelles attentes communes à relayer vers d’autres acteurs mais aussi vers les pouvoirs publics.
Une trentaine d’intervenants de la région liégeoise issus des CPAS, mutualités, université, associations de terrain, maisons médicales, services de soins, PMS, plannings familiaux, observatoires… ont marqué leur intérêt pour cette démarche. Deux groupes ont été mis en place, et une douzaine de rencontres se sont étalées de 2004 à 2005.
Même si les dynamiques développées n’ont pas été les mêmes au sein des deux groupes, des questions sensiblement identiques y ont été abordées. En voici un aperçu:
– précarité, pauvreté: que recouvrent ces termes?
– face à la pauvreté, quel est le rôle du travailleur social ou de l’acteur en promotion de la santé?
– la santé, un état complexe et précaire largement déterminé par le contexte socio-économique;
– l’intervenant entre réalité des usagers et exigence des politiques;
– jusqu’où aller au nom de la santé de l’autre? Avec quelle légitimité?
– face à une certaine immoralité de notre société de consommation, serait-il justifié de mettre en place des modalités susceptibles de protéger les plus faibles d’entre nous?
Les deux groupes ont souhaité laisser une trace du travail accompli en atelier. Ils souhaitent transmettre des pistes de réflexion aux acteurs de terrain qui développent eux aussi des projets de promotion de la santé avec un public précarisé. L’objectif est également de donner à ces professionnels l’envie d’entreprendre une démarche similaire: prendre le temps de la réflexion sur ses pratiques.
Ce recueil comprend des textes rédigés par les animateurs, les synthèses des réflexions menées par les deux groupes et, pour illustrer ces propos, une présentation de deux projets de promotion de la santé menés en région liégeoise auprès de populations précarisées. Ce document de 44 pages peut être commandé au CLPS (voir adresse en fin d’article).
Les ateliers « Participation » animés par Patricia Piron (Repères) et Elise Malevé (CLPS)
Durant les « Temps de réflexion » le concept de « participation » a souvent été présenté comme une condition éthique nécessaire pour réaliser des projets de promotion de la santé avec des publics précarisés. Afin de saisir le sens et la pertinence de ce concept et afin de mieux identifier les contextes et les conditions nécessaires à sa mise en place, un groupe de travail spécifique a été constitué. Il était composé d’une douzaine d’acteurs de terrain qui ont expérimenté la participation dans des projets socioculturels, de promotion de la santé, d’éducation permanente ou encore de groupes d’entraide.
Lors des premières séances, ces professionnels ont répondu aux questions suivantes:
- qu’entendons-nous exactement les uns et les autres par «participation»?
- quels sont les réalités et les enjeux que recouvre le concept de participation?
- quelle est la finalité du projet, en quoi la participation est-elle un «plus» pour un projet?
- quelle est la pertinence de la participation, notamment avec des publics précarisés?
Les participants ont ensuite été invités à présenter les projets participatifs qu’ils ont menés ou qu’ils mènent actuellement.
Les dernières séances étaient réservées à des temps de conclusion au cours desquels, sur base des exposés antérieurs, la question suivante était posée: quelles sont les principales recommandations que vous voudriez transmettre aux acteurs qui souhaitent initier un projet participatif (conditions préalables, conditions éthiques à respecter, stratégies et méthodologies à privilégier pour favoriser la participation).
Un second cahier qui présente le fruit de ces réflexions a été rédigé. Il présente des balises théoriques et une dizaine de projets concrets en matière de dépendances, handicap, prostitution, PSE… Ce document de 71 pages peut être commandé au CLPS (voir adresse en fin d’article).
Suite du processus
Les participants aux ateliers souhaitent partager le fruit de leur travail avec leurs pairs mais aussi avec les politiques, qui ont un rôle important à jouer pour promouvoir la santé et la qualité de vie des populations précarisées.
C’est pourquoi, le CLPS organise le 7 octobre, avec le soutien de l’Ecole de santé publique de l’ULg, la ‘Deuxième journée liégeoise de promotion de la santé’.
Cette journée de réflexion et d’échange est destinée aux professionnels qui travaillent avec des publics précarisés, aux formateurs des futurs professionnels et aux politiques. Elle portera sur le thème « Promotion de la santé et populations précarisées ».
Elle s’inscrit dans les priorités de la Communauté française en matière de santé. Elle n’est pas un but en soi mais une étape du processus qui vise à développer une dynamique liégeoise mobilisant les acteurs de terrain et les politiques autour d’un projet collectif de promotion de la santé.
Pour préparer cette journée, le CLPS a constitué un Comité de pilotage intersectoriel (2) chargé de coordonner la mise en œuvre et l’évaluation de la journée.
Celui-ci a mis en place trois groupes de travail, qui sur base des constats des ateliers « Temps de Réflexion » et « Participation », formuleront le 7 octobre des pistes de réflexion et d’action ainsi que des recommandations à l’attention du monde politique, des professionnels et des formateurs des futurs professionnels. Ces apports seront travaillés en ateliers lors de la journée.
Pour diffuser auprès des politiques le travail résultant de ce processus, une demi-journée de présentation sera organisée en mars 2009 et une publication sera réalisée.
Voici quelques informations plus détaillées à leur propos.
La participation (implication active des populations précarisées dans les projets qui leur sont destinés): manipulation ou solution miracle?
Le processus participatif contribue-t-il à l’émancipation des personnes, à l’augmentation de leur pouvoir d’agir sur leur vie et celle de leur communauté ou permet-il de faire des personnes défavorisées des gens juste assez heureux pour ne plus déranger la société?
Le processus participatif favorise-t-il la conscience citoyenne et la prise en charge collective et globale de diverses problématiques ou augmente-t-il la responsabilisation individuelle à outrance? Aujourd’hui, chacun est responsable de son capital santé et demain, celui qui n’en aura pas pris soin, sera-t-il coupable et sanctionné?
Plus que les comportements et la culture, c’est le bien-être socio-économique qui détermine la santé d’une population ou d’un groupe social. Ne pas prendre en considération les déterminants socio-économiques et environnementaux dans la réalisation de projets de promotion de la santé peut avoir pour conséquence de culpabiliser les individus en les tenant seuls responsables d’événements qui échappent à leur contrôle.
Ce groupe de travail a été animé par Bruno Vankelegom (Forest Quartiers Santé) et Valérie Coupienne (CLPS).
Travail de terrain et priorités publiques: opposition ou intégration?
Le découpage de la santé en problèmes prioritaires constitue une difficulté pour les acteurs professionnels qui travaillent avec des êtres humains globaux et constatent que ce sont la plupart du temps les mêmes facteurs qui sont à l’origine des différents problèmes de santé.
Comment mieux articuler études et planifications scientifiques d’une problématique de santé avec la réalité qu’elle constitue, tant pour les gens qui la vivent que pour les acteurs professionnels qui les accompagnent?
Les programmes de promotion de la santé et en particulier les programmes de santé communautaire semblent particulièrement appropriés pour réduire les inégalité face à la santé car ils prennent en compte l’ensemble des déterminants sociaux incriminés (approche globale, approche pluridisciplinaire et intersectorielle). Ils prennent également en compte les besoins et préoccupations prioritaires de ces publics et ils tentent autant que possible de permettre à ces personnes d’être les acteurs de ces projets. Ces derniers n’ont cependant de réelle pertinence que s’ils s’inscrivent dans la durée en permettant au public de véritablement se les approprier. Comment rendre compte de cette réalité, comment donner aux décideurs politiques les outils qui leur permettent de défendre ces projets si pertinents sur le terrain mais si peu spectaculaires pour le grand public avide de résultats probants? Quel rôle jouent les médias? Quels sont les enjeux, les pratiques et l’impact de la valorisation des actions locales?
Comment se doter, au niveau local, de grilles de travail qui nous permettraient de récolter tous ces indices qui témoignent qu’une dynamique participative se développe et qu’elle produit, au cours du temps, des effets particulièrement probants? Ces effets peuvent être définis en termes d’émergence de solidarités, de créativité, de regain d’estime de soi au sein de groupes parfois très disqualifiés ou rejetés, d’amélioration progressive de la qualité de vie et, par conséquent, de la santé globale tant physique que mentale.
Ce groupe de travail a été animé par Paul Preud’homme (Repères) et Chantal Leva (CLPS).
De l’urgence à la promotion de la santé
Il est chaque jour plus difficile de se retrouver face à des personnes en situation de précarité et face à certaines injustices sociales qui inspirent consternation, révolte, impuissance, mais pour lesquelles il existe rarement une solution simple. Dès lors, comment se donner les moyens d’analyser de telles situations ainsi que les contextes sociaux, sociétaux, économiques, politiques dans lesquels elles émergent? Comment repérer ce qui aurait « véritablement » du sens pour faire face à ces situations?
Comment se doter d’une « éthique de travail » en tentant à la fois d’être au côté des personnes, à l’écoute de leurs attentes, de respecter leurs ressources propres et leurs compétences tout en cherchant à repérer et « dénoncer » ce qui, dans les situations rencontrées, doit trouver des réponses structurelles: augmenter les moyens financiers de certaines familles qui n’ont pas accès aux ressources leur permettant de satisfaire leurs besoins fondamentaux, améliorer les conditions de logement, garantir un meilleur accès aux structures de soins, augmenter la concertation entre les acteurs sociaux afin d’optimaliser l’aide apportée à ces personnes…?
Ce groupe de travail a été animé par Pascal Kayaert (Repères) et Geoffroy Mélen (CLPS).La suite, le 7 octobre, dans la Salle académique de l’Université de Liège, place du XX août. Pour vous inscrire, vous pouvez consultez le site du CLPS: http://www.clps.be à partir du 2 septembre 2008. Chantal Leva , Sophie Bourlet , Valérie Coupienne , Elise Malevé , Geoffroy Mélen , CLPS, avec l’aide de Christian De Bock
Adresse des auteurs: Centre liégeois de promotion de la santé, Bd de la Constitution 19, 4020 Liège. Tél.: 04 349 51 44. Fax: 04 349 51 30. Courriel: promotion.sante@clps.be Site: http://www.clps.be (1) L’asbl Repères est un organisme de formation soutenu par la Communauté française. Elle offre aux professionnels un temps d’arrêt et de recul, un espace pour réfléchir à leur pratique, la confronter à d’autres et dégager des pistes de travail pour le futur. Site Internet: http://www.reperes.be .
(2) Michèle GUILLAUME, Christiane GOSSET, Isabelle HEYDEN, ULg, Ecole de Santé Publique – Valérie COUPIENNE, Chantal LEVA, Elise MALEVE, CLPS – Christian LEGREVE, IGL – Natacha LANGE, ESPACE Santé de la FMSS/FPS – Françoise DELENS, Service Infor Santé de la Mutualité chrétienne – Sandra GASPAROTTO, Valérie MAUGUIT, CRIPEL – Marcellin KOFFI, Observatoire communal de la pauvreté – Dominique BIETHERES, ALFA et ESPACE P – Brigitte LEKIEN, Relais santé – Yvon HENRY, Relais social – Fatima SHABAN, Florence DUFRANE, asbl Nejma des FPS – Pascale LAMBERT, Service social du CHU.