Février 2002 Par A. LUFIN V. BOUTTIN M. ANDRIEN Locale Wallonie

Prémisses

Le projet Gros plan sur mon école a été réalisé dans le cadre du programme « La Santé au cœur des jeunes » (1), initié par l’Observatoire de la Santé du Hainaut.
Dans le cadre d’un groupe de travail de ce programme, les enseignants ont exprimé le souhait de voir les choses bouger, d’être informés, de participer, en d’autres mots, d’agir. Une idée a émergé, celle de réaliser une « foire aux idées » de la promotion de la santé à l’école afin de donner aux communautés éducatives des exemples de réalisations concrètes dans ce domaine.
Un groupe de travail s’est réuni autour des animateurs du Centre local de promotion de la santé (CLPS) des arrondissements de Mons et de Soignies. Il a décidé de réaliser un concours de projets de promotion de la santé dans les écoles, concours qui trouverait son point d’orgue à l’occasion d’une journée événement en fin d’année scolaire.

Partenariat

Gros plan sur mon école a bénéficié du partenariat du CLPS Mons-Soignies, de La Louvière Ville Santé, du Service de prévention de la Ville de Mons et de l’Observatoire de la Santé du Hainaut.
Plusieurs partenaires institutionnels ont donné des prix visant à récompenser les meilleurs projets: la Communauté française, à travers les Ministres de la Santé et de l’Enseignement secondaire, l’ORPAH, le Service Provincial de la Jeunesse du Hainaut et l’association « Dinant Aventures ».
Le jury du concours était composé de Véronique Bouttin , Coordinatrice du CLPS Mons-Soignies, André Lufin , Chef de projet au Service éducation pour la santé de la Croix-Rouge, et Michel Andrien , Directeur du CERES (Université de Liège) et consultant pour l’Observatoire de la Santé du Hainaut.

Objectifs

Le concours a été lancé en octobre 2000 pour l’ensemble des écoles (tous réseaux, tous niveaux confondus) des Arrondissements de Mons et de Soignies (2).
Ses objectifs étaient:

  • d’offrir un cadre à la réflexion de chaque communauté éducative sur la promotion de la santé à l’école;
  • de donner une opportunité aux écoles de réaliser des projets durables visant l’amélioration de la qualité de la vie avec la participation active des élèves;
  • de favoriser rencontres et partages d’expériences à l’occasion d’une journée événement en fin d’année scolaire.

Déroulement du projet

L’appel aux projets a été réalisé par l’envoi d’une brochure explicative et d’une affiche aux directions d’écoles, aux services d’inspection, aux IMS, aux PMS et aux pouvoirs organisateurs de l’enseignement. Une conférence de presse a permis de relayer l’information dans les médias.
Vingt classes se sont inscrites et quatorze d’entre elles ont participé au concours jusqu’au bout du projet. Les organisateurs ont visité chacune des écoles impliquées dans le projet. Le centre de documentation du CLPS a été mis à leur disposition.
Fin avril 2001, les participants ont remis leur carnet de bord reprenant le déroulement du projet au fil du temps. Le jury a alors procédé à une évaluation de chacun des projets sur base de ce dossier.
Le palmarès a été finalisé lors de la présentation des projets à l’occasion de la journée événement du 15 mai 2001.

Quelle importance finalement de perdre ou de gagner le concours, de terminer premier ou septième, d’être le meilleur ou le moins bon? A quand un jury qui renverra tout le monde dos à dos, main dans la main, et ex æquo (une sacrée prouesse qu’une telle figure)? Comme l’affirme cette classe de fin du primaire, «gagner (le concours Gros Plan), c’est montrer nos compétences aux autres et surtout à nous-mêmes».
Il va de soi que cette classe l’a emporté haut la santé. Du moins aux yeux des personnes âgées à qui ces élèves ont été dire en paroles, en jeu et en musique : «Non, les vieux, vous n’êtes pas seuls!» (sic). La santé, c’est cela aussi: lutter contre l’isolement, surmonter l’égoïsme, apporter un sourire sur le visage des autres.

Critères du jury

Dans le cadre de ce concours, le jury a été amené à définir des critères d’évaluation des projets de promotion de la santé à l’école. Ces critères ont été soumis au comité organisateur du concours avant d’être adoptés.
1. Exactitude des contenus «santé ». Il s’agissait de vérifier l’exactitude des savoirs et des savoir-faire qui étaient installés ou renforcés par le biais de ce projet. Ce critère a été bien rencontré, principalement parce qu’on n’a pas abordé des sujets très complexes.
2. Complémentarité entre l’action sur l’enfant et l’action sur le milieu de vie . Le jury a privilégié l’approche écologique de la promotion de la santé visant à travailler sur les individus en même temps que sur leur milieu de vie. Ce critère a été bien respecté, sauf dans le cas d’un projet qui ne visait que les processus pédagogiques (formation à l’hygiène médicale).
3. Qualité de la démarche pédagogique . La pédagogie active a été privilégiée, de même que les démarches visant à la fois les savoirs, les savoir-faire, les savoir-être et les savoir-devenir. Le jury a constaté que les démarches pédagogiques faisaient généralement appel à l’activité de l’élève (en particulier dans le fondamental) ; cependant, ce sont surtout les savoirs et les savoir-faire qui étaient visés explicitement, les savoir-être en découlant assez naturellement et les savoir-devenir étant peu présents. La dimension de la citoyenneté, présente dans quelques projets, est un exemple de la prise en compte d’un savoir-devenir. Un gâteau quatre-quarts, c’est riche, mais quand l’école est pauvre, c’est un excellent projet, complet, équilibré, à la portée de tous. Sa réalisation offre de multiples exploitations en français ou en mathématiques. Il incite au travail en équipe, oscille entre tâches intellectuelles et travaux manuels pour aboutir à une dégustation conviviale avec les parents ou à une vente avec bénéfices. Et la santé dans tout cela? Elle frémit dans le beurre de la satisfaction personnelle des élèves qui ont réussi une telle entreprise comme elle sourit dans les fruits et les céréales qui en constituent le cinquième quart.4. Dimension positive et humoristique . L’éducation sanitaire moralisatrice a fait long feu. Le jury a donc apprécié l’humour, la gaieté et la recherche du bien-être, aspects pris en compte, à des niveaux divers, dans la plupart des projets.

«Un petit pain et je me sens bien, un verre de lait et je suis prêt» chantonnent sur l’air des petits pains au chocolat la plupart des écoles très branchées « alimentation ». Mais pas uniquement à l’ombre de la pyramide alimentaire. Manger sain, oui, mais aussi manger avec les doigts du plaisir. Au menu: dégustation par les cinq sens, découverte de nouveaux produits, exposition interactive sur les goûts et les saveurs, confection de menus santé (ah, ce fameux milk shake à la banane!), distribution de potages, inauguration d’un petit magasin de produits sains,… Des masses d’idées et de projets, preuve une fois de plus que l’appétit vient en chantant.

5. Cohérence entre besoins, objectifs, stratégies et évaluation. Ici, c’est la structure du projet en lui-même qui était interrogée dans ses différentes composantes. Les participants ont souvent rencontré une difficulté à articuler l’évaluation aux autres composantes du projet.
6. Qualité de la planification . Il s’agissait d’évaluer l’enchaînement des différentes étapes du projet et sa logique dans le temps. Le canevas remis aux écoles proposait les étapes suivantes: analyse de la situation, choix des objectifs et des activités, réalisation des activités, évaluation. En général, les participants ont planifié leurs projets de façon rationnelle, respectant les étapes proposées. La logique du projet ne semble pas les avoir déroutés comme on a parfois tendance à le craindre.
7. Visibilité du projet à l’intérieur de l’école . Le rayonnement du projet dans l’espace école est un «plus» appréciable dans la perspective d’une généralisation de l’approche. Souvent, l’adéquation des projets à ce critère a été facilitée par le fait qu’ils touchaient l’environnement de l’école (aménagement de la cour de récréation, mise en place de poubelles sélectives, etc.). En outre, plusieurs écoles ont eu le souci de communiquer au sujet du projet (notamment à l’occasion de la fancy-fair).

Boire des berlingots de jus de fruits, c’est bien. Mais que faire des emballages, sinon les jeter un peu partout. Facile, économique, décoratif. Hum! Peu d’élèves sont d’accord, et s’ils reconnaissent leurs responsabilités en la matière, ils ne se contentent pas de regrets, ni de constats.
En avant pour trier les détritus, installer des poubelles de couleur (en fait, des seaux décorés par les enfants), collaborer avec des Intercommunales spécialisées en recyclage, etc. En route aussi pour une approche positive de l’environnement: décorer les locaux avec l’aide du fleuriste voisin, dessiner une fresque murale qui égaiera l’accueil du matin, lutter contre les bagarres en créant de nouveaux espaces de jeu.

8. Implication des bénéficiaires . Gage de la pérennité et de l’appropriation, ce critère était bien sûr également important. Les enfants étaient les principaux bénéficiaires des projets et ils ont très souvent été impliqués dans leur mise en oeuvre. A partir de quel moment? Là c’est très variable. Les impliquer dès le début (analyse de la situation) serait souhaitable.
9. Durabilité du projet . Sortir de l’action ponctuelle et inscrire le changement dans la durée fut un des critères retenus. Souvent en effet, les actions en milieu scolaire ont une durée de vie limitée à l’année scolaire. Ce critère fut rencontré d’une façon très variable d’une école à l’autre et fut surtout difficile à évaluer: beaucoup de projets s’identifient à une seule année scolaire, mais peuvent très bien se reproduire d’année en année. Les actions aboutissant à des modifications de l’environnement scolaire pouvaient plus facilement mettre en avant leur durabilité.
10. Partenariats extérieurs. Les partenaires extérieurs à l’école peuvent apporter un plus tant au niveau de l’expertise que de l’expérience qu’ils ont déjà acquise. On a constaté une tendance à utiliser les partenaires de promotion de la santé que les participants connaissaient déjà. Certains partenariats originaux ont vu le jour (par exemple, avec une école de coiffure ou avec une maison de repos).

La santé, c’est aussi mettre la main au torchon. Telle cette classe secondaire qui a travaillé la notion d’hygiène en retroussant manches et serpillières pour nettoyer (et s’approprier de ce fait) les toilettes qui, depuis, sont l’affaire de tous. Pas terrible pour l’image de soi, direz-vous? Qu’à cela ne tienne. Les mêmes élèves ont rendu visite à leurs voisines de l’école de coiffure pour se faire shampouiner, bichonner, mettre en plis et en beauté. Bien-être de disposer de sanitaires propres. Bien-être de se sentir belle et soignée…

11. Participation des membres de la communauté scolaire . Associer un maximum d’acteurs de la communauté éducative favorisait aux yeux du jury la réussite du projet ; dans l’ensemble, les participants ont essayé d’impliquer divers acteurs (parents, PMS, IMS, personnel d’entretien, etc.).12. Critères supplémentaires . Le jury a également tenu compte de différents critères supplémentaires, qui n’étaient pas applicables à tous les projets, mais qui accroissaient la qualité de certains d’entre eux: l’efficacité, (lorsqu’elle était démontrée, ce qui était assez rare), la souplesse des enseignants (lorsqu’ils avaient dû faire face à des obstacles inattendus), la production d’un matériel didactique original (même si l’originalité n’est pas une qualité en soi), etc.

Conclusions

Les critères définis ci-dessus ont permis au jury de se faire une bonne idée de la qualité des projets. La plupart des critères pouvaient être utilisés dans l’analyse des dossiers remis par les participants. Les membres du jury ont complété leur analyse par des questions posées aux représentants des écoles et aux enfants lors de la journée événement.
Outre la qualité des projets de promotion de la santé, Gros plan sur mon école a suscité une dynamique intéressante à l’intérieur des écoles. Il appartient à chacune d’elles, avec l’appui des acteurs locaux de la promotion de la santé, d’inscrire ces projets dans la durée.
Véronique Bouttin , coordinatrice du CLPS Mons Soignies, Michel Andrien , directeur du CERES (Université de Liège), André Lufin , chef de projet Service Education pour la santé Croix-Rouge
Adresse du CLPS Mons Soignies:, rue de la Loi 30, 7100 La Louvière. Tél.: 064-84 25 25. Fax: 064-26 14 73. Mél: clpsmonssoignies@hotmail.com. (1) Observatoire de la Santé du Hainaut, La Santé au cœur des jeunes en Hainaut. De l’analyse à l’action, Havré, Observatoire de la Santé du Hainaut, novembre 2000.
(2) Les arrondissements de Mons et de Soignies correspondent au territoire du CLPS: ils comptent près de 500 écoles.