Belgique – Bruxelles, le 21 décembre : Les fêtes de fin d’années approchent ! Et dans notre culture, qui dit fête dit consommation d’alcool, que ce soit entre amis ou au sein de la famille. La nouvelle brochure : « Jeunes & alcool : le piège était presque parfait » de l’asbl Question Santé interroge : en acceptant socialement ce psychotrope qu’est l’alcool, quel message notre société envoie-t-elle aux jeunes ?
Différentes études révèlent que la consommation d’alcool a tendance à débuter de plus en plus tôt en Belgique. En 2018, 2.234 jeunes de 12 à 17 ans ont été admis aux urgences pour abus d’alcool. Les jeunes adoptent souvent les modes de consommation les plus préjudiciables à leur santé : une hyper-alcoolisation ou bien un binge-drinking. Or ces types de consommation excessives inquiètent les spécialistes. Et pour cause : elles mettent les jeunes, dont le cerveau n’est pas encore mature, en danger.
Aux troubles sévères d’apprentissage et de mémoire à court terme dus à l’alcool peuvent s’ajouter d’autres problèmes de santé à court, moyen ou à long terme. De plus, boire jeune est aussi une pratique qui augmente le risque d’alcoolo-dépendance à l’âge adulte. Selon le Dr Thomas Orban, généraliste et alcoologue : « le fait de passer aux urgences est un signal d’alerte rouge qui devrait enclencher un mécanisme automatique d’accompagnement ».
Les jeunes, victimes de leur environnement ?
Oui, il est pertinent, et même prioritaire, de s’intéresser à l’alcool chez les jeunes. Mais la consommation d’alcool semble être une norme qu’il est difficile de bousculer… En effet, cette substance, véritablement considérée comme un psychotrope et à l’origine d’environ 200 problèmes de santé potentiels, est autorisée en toute liberté et « pour son plaisir ».
Ensemble, à Noël, au Nouvel an et à chaque occasion festive, nous savourons donc en toute légalité cette drogue sociale et culturelle, appréciée, valorisée, vantée par les médias et les publicités, disponible partout, à toute heure du jour et de la nuit. La présence de l’alcool est devenue tellement « naturelle » dans une série de circonstances de la vie que l’abstinence est devenue une tare, un facteur de dérision et d’exclusion. D’ailleurs, même si le Conseil Supérieur de la Santé préconise d’interdire l’alcool avant 18 ans, la loi, elle, le permet dès 16 ans.
Dans ce contexte, pouvons-nous encore nous étonner de voir les jeunes consommer de l’alcool quand l’enjeu est pour eux d’appartenir à une communauté en lui ressemblant ? Surtout que le côté désinhibant de l’alcool est une source d’expérimentations, de sensations fortes qui permet aux jeunes de tester leurs propres limites, d’autant plus durant les études. Comme le rappelle le sociologue français Thierry Morel, « la fête est essentielle à la construction identitaire et elle est source de bien-être pour les jeunes. Parler de fête et de prise de risques, c’est aussi parler de choix, de liberté et de la notion de plaisir. » Le jeune donne un sens à la fête, il en est l’acteur. Mais n’en est-il pas, également, la victime, au sein d’un contexte sociétal et marketing qui surjoue ces moments ?
Quel est le rôle des parents ?
Dans une majorité des cas, c’est en famille que les jeunes découvrent l’alcool. En effet, dans certaines familles, la prise d’un « premier verre » est également considérée comme un rite de passage, admis et encouragé. Fréquemment, les parents n’ignorent pas que leurs enfants boivent aussi « à l’extérieur ». Seulement voilà, ils ne savent pas que dire ou comment intervenir. Donc, souvent, ils se taisent.
Nicolas Zdanowicz, psychiatre et chef de clinique au CHU Mont-Godinne, encourage une attitude souvent oubliée dans cette société : « Le but de l’éducation parentale c’est que ses enfants puissent s’envoler, être autonomes. En matière d’éducation ou de promotion de la santé, l’idée est d’être présent pour les aider à décider et à choisir. Il s’agit donc de les questionner et de les inciter à déterminer leur propre éthique de santé, en sortant de l’infantilisation. Et en sachant que trop surveiller ou être indifférent sont deux attitudes qui augmentent les risques de consommation. ».
Jean-François Dehez, psychologue à l’asbl Solaix, ajoute que les parents ont une place importante à prendre en termes de prévention à l’alcool chez les jeunes. Sauf que toutes les familles ne sont pas à égalité pour aborder ce sujet. Certaines sont plus fragiles, davantage confrontées à d’autres difficultés. Aussi, pour que les parents s’investissent, sans doute faudrait-il qu’ils soient conscients de la place que l’alcool occupe dans leur propre vie. Actuellement, souligne le Dr Orban, environ 1 Belge sur 2 est en situation de mésusage de l’alcool.
Un secteur en manque de moyens
De leur côté, les professionnels du secteur promeuvent tout ce qui contribue à favoriser la réduction des risques. Pour y parvenir, ceux-ci s’adressent directement aux consommateurs dans les lieux festifs, avec des messages adaptés. L’objectif est de tout mettre en œuvre pour augmenter les comportements éclairés des jeunes, y compris en leur donnant les clés d’une bonne gestion du risque. La difficulté pour ce secteur de la prévention est le manque de moyens. Face au poids économique du secteur de l’alcool (et des taxes perçues par l’Etat sur ce produit), il y a une réelle absence de volonté ou de courage politique pour un combat qui semble tout sauf porteur et populaire.
La nouvelle brochure de l’asbl Question Santé : « Jeunes & alcool : le piège était presque parfait » questionne : qu’est-ce qui pousse les jeunes à boire ? Comment expliquer la tolérance généralisée face à l’usage (et aux mésusages) de l’alcool par les jeunes ? Jusqu’à quel point craint-on de prendre des mesures qui risquent de déplaire ?
La consommation d’alcool est souvent considérée comme une affaire de responsabilité individuelle. N’est-elle pas, finalement, du ressort de la responsabilité collective ?
Pour obtenir la brochure
Pour prendre connaissance de cette nouvelle brochure, vous pouvez consulter le site : www.questionsante.org/educationpermanente.
Elle est disponible gratuitement auprès de l’asbl Question Santé et peut être commandée par courrier Rue du Viaduc, 72 – 1050 Bruxelles, par téléphone au +32 (0)2 512 41 74 ou par email à info@questionsante.org.
A propos de Question Santé
L’asbl Question Santé met en débat les enjeux individuels et collectifs de la santé et les traduit en projets et outils, accessibles à des publics variés. Elle est un acteur reconnu dans le domaine de la santé, en matière d’information, d’éducation, d’animation, de gestion de projet et de communication. Intégrée dans de multiples réseaux d’acteurs institutionnels et de terrain, Question Santé s’appuie sur une équipe pluridisciplinaire, à l’écoute des besoins et des évolutions sociétales.