Avril 2007 Tribune

On assiste actuellement en Europe, et notamment en France, au déferlement de vastes campagnes d’«information du public» sur des «maladies».
Pas n’importe quelles «maladies»: des états déclarés «pathologiques» pour lesquels des firmes veulent à tout prix développer les ventes de leurs médicaments: «syndrome métabolique», «ostéoporose», «insuffisance sexuelle », «déprime», «agitation des enfants», etc.
Pas n’importe quels «partenaires» de campagnes: le plus souvent l’association d’une firme, avec son «sponsoring» et son «savoir-faire», d’une société médicale dite savante (sponsorisée) et, si possible, de la caution d’un organisme public porte-chandelle.
Pas n’importe quels moyens mis en œuvre: des actions d’ampleur considérable, multimédias, multicibles, avec distributions massives sur la voie publique.
Bien en amont de ces campagnes, le terrain a été préparé. Les prescripteurs, les pharmaciens, les infirmiers ont été «travaillés» par les visiteurs médicaux et les leaders d’opinion. Les Agences du médicament ont petit à petit autorisé des indications plus larges ou plus imprécises. Les structures gouvernementales ad hoc ont accepté la prise en charge de prix élevés. Au niveau international, la définition des critères d’intervention dans ces «maladies» a été préalablement arrangée, de façon à ce que la majeure partie de la population soit considérée comme «malade», justifiant les médicaments commercialisés par les sponsors des campagnes.
Examinez par exemple le concept de «préhypertension artérielle». N’est-il pas beau cet élargissement de la population à traiter! A combien de milliards d’euros va se solder la surdépense à l’échelle de l’Europe? Pour quels résultats en termes de morbimortalité cardiovasculaire, et pour combien d’effets indésirables de toutes sortes?
Ces campagnes d’ «information du public» mises en œuvre dans le cadre de plans marketing planétaires ne doivent pas être confondues avec l’information-santé solide, comparative, qu’attendent les utilisateurs des services de santé.
L’information-santé véritable n’a rien à voir avec le dépistage alarmiste, le rabattage organisé, au service d’intérêts particuliers. L’information-santé n’est pas là pour tromper, pour vanter des bénéfices hypothétiques et taire les effets indésirables possibles. Elle est là pour donner les moyens du choix, de la décision partagée.
Les soignants sont-ils complices des manipulations en cours? Ou resteront-ils garants de la confiance des citoyens pour les choix cohérents de santé?
Editorial du n°278 de La Revue Prescrire, décembre 2006, reproduit avec l’aimable autorisation de la publication.