Un groupe de travail réunissant des représentants du domaine de la prévention des addictions et de la filière du cannabis suisse s’est retrouvé pour formuler un modèle pouvant s’appliquer au contexte helvétique. Le modèle poursuit des objectifs de sécurité et de santé publique, tout en permettant le développement d’une économie locale du cannabis suisse, dans le respect de durabilité et de responsabilité. Il tient compte de la nature fédéraliste qui caractérise le système politico-administratif helvétique et vise à générer des recettes fiscales destinées au financement des mesures d’accompagnement. Ce document synthétise les principes de base de ce modèle de régulation.
Faisant suite à une décision de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe, le Bundestag a voté une loi instituant que les catégories « masculin », « féminin » et « divers » figureront sur les documents administratifs.
Aux catégories « masculin » et « féminin » s’en ajoutera bientôt une troisième – « divers » – sur les certificats de naissance en Allemagne, où le Bundestag a adopté un projet de loi, jeudi 13 décembre, reconnaissant l’existence d’un « troisième sexe ».
L’adoption de ce texte est la conséquence d’une décision du Tribunal constitutionnel de Karlsruhe. Le 8 novembre 2017, les juges constitutionnels allemands avaient exigé des députés qu’ils modifient d’ici fin 2018 la législation en vigueur, après avoir été saisis du cas d’une personne déclarée comme fille à la naissance mais frappée d’une affection génétique rare caractérisée par la présence du seul chromosome X à la place de la paire habituelle des chromosomes sexuels (XX pour les filles, XY pour les garçons).
Cette personne, prénommée Vanja et née en 1989, avait saisi le tribunal de Karlsruhe afin que soit clairement reconnue l’existence d’un « troisième sexe ».
Depuis 2013, il était déjà possible en Allemagne ne plus remplir nécessairement la case correspondant au sexe sur les documents administratifs. Une évolution jugée toutefois insuffisante par plusieurs associations. Un intense débat s’était ouvert outre-Rhin, certains estimant que, plutôt que cette indétermination, un choix clair devait être fait entre deux options : soit l’abolition de toute référence au sexe sur les documents administratifs, soit la création d’une troisième case, destinée aux personnes intersexes.
« Expertises avilissantes »
C’est donc cette option qui l’a emporté, même si la mention « sans réponse » reste possible. Reste que le texte adopté jeudi sur proposition du gouvernement de « grande coalition » d’Angela Merkel ne satisfait pas pleinement les avocats de la reconnaissance d’une « troisième option ». Au sein des groupes libéraux, écologistes et Die Linke, mais aussi parmi les sociaux-démocrates membres de la coalition de Mme Merkel, des voix se sont élevées pour regretter le fait qu’une attestation médicale soit nécessaire pour acter un changement de sexe.
Cette disposition prévue par le texte est aussi critiquée par l’Association allemande des gays et lesbiennes (LSVD), qui souhaite que soient « abolies les expertises avilissantes et pathologisantes », et réclame au contraire que la catégorie « divers » puisse être choisie par des personnes « qui en ont besoin et le veulent ».
Malgré cette limite, l’Allemagne se place toutefois, avec la loi adoptée jeudi, à l’avant-garde des pays européens concernant la reconnaissance d’un « troisième sexe ». En France, toute personne doit être rattachée dans les cinq jours suivants la naissance à l’un des deux sexes, masculin ou féminin.
En 2017, la Cour de cassation avait rejeté la demande d’une personne née sans pénis ni vagin puisse inscrire la mention sexe neutre sur son état civil. Pour la Cour de cassation, la « dualité » des sexes dans les actes de l’état civil « poursuit un but légitime en ce qu’elle est nécessaire à l’organisation sociale et juridique », dont elle constitue « un élément fondateur ». La reconnaissance par le juge d’un « sexe neutre » aurait « des répercussions profondes sur les règles du droit français » et impliquerait « de nombreuses modifications législatives », avait alors estimé la plus haute juridiction française.
C’est dans la capitale slovène, Ljubljana, que s’est tenue la 11e conférence européenne de santé publique du 28 novembre au 1er décembre 2018. Organisée par l’Association européenne de Santé Publique (EUPHA), la conférence était placée cette année sous le signe de l’innovation en matière de santé publique en Europe. Plus de 1600 acteurs de santé publique issus d’une soixantaine de pays s’y sont retrouvés pour présenter des recherches, des programmes, des politiques, échanger, débattre et imaginer ensemble des perspectives d’avenir.
Winds of change: towards new ways of improving public health in Europe.
Un programme d’envergure!
Pendant quatre jours, séances plénières, présentations orales, tables rondes, séminaires et ateliers se sont succédé dans le grand centre de congrès Cankarjev Dom.
Cinq axes sous-tendaient le programme de l’événement.
Les réalités d’un monde digital – Quelles significations pour la santé des jeunes ?
Les objectifs de développement durable – Comment pouvons-nous y contribuer au travers d’actions de santé publique ?
Les ressources de santé publique – Au centre des stratégies pour faire face à la menace des maladies transmissibles
La sensibilisation quant aux défis de santé publique – Comment faire entendre les messages de santé publique ?
Les systèmes de santé sous pression – Comment faire ?
Une vingtaine de thématiques permettaient d’aborder le programme sous différents angles et servaient ainsi de fils rouges pour s’y retrouver selon ses affinités. Parmi celles-ci, citons la promotion de la santé, l’innovation, les enjeux de santé à l’échelle européenne et globale, les technologies E-santé, la communication, la santé des personnes âgées, les habitudes de vie et les comportements, les liens entre environnement et santé, les liens entre obésité et nutrition, les systèmes de santé et les systèmes de soins de santé, la recherche sur les services de santé, la santé au travail et le personnel de santé, les maladies infectieuses et la vaccination, les maladies chroniques, les publiques vulnérables et les minorités, la santé mentale, la santé maternelle et la santé des enfants et adolescents, l’évaluation d’impact, la littératie en santé, la sécurité sociale ou encore la surveillance de la santé publique.
Chaque jour, 16 sessions simultanées par tranche horaire étaient accessibles entre les plénières. Lors d’une session, il était parfois possible d’assister à une demi-dizaine d’interventions d’orateurs différents. Un très vaste programme et un flot d’informations intense !Une présentation marquante fut celle de Miriam Weber, de la ville d’Utrecht aux Pays-Bas, exposant un exemple concret et fonctionnel de l’application de ‘la santé dans toutes les politiques’. Alors que le leitmotiv « Health In All Policies » est présent depuis de nombreuses années dans les déclarations et les recommandations des instances internationales, les acteurs de santé et de promotion de la santé ne peuvent que constater que son application reste souvent au stade d’intention et que l’exercice reste difficile.
Depuis 2012 à Utrecht, la municipalité a réussi à mettre la santé au cœur de l’agenda politique de manière permanente en implantant une stratégie appelée « Construire un futur sain, une invitation pour la ville ». Une équipe interdisciplinaire de conseillers et d’experts a dès lors intégré le bâtiment de l’hôtel de ville pour être au plus près des décisions politiques et pouvoir conseiller à toutes les étapes du processus d’élaboration des politiques publiques locales. L’expertise est donc quotidiennement injectée dans le travail des décideurs qui semblent maintenant développer des ambitions à plus long terme. Selon la ville d’Utrecht, les résultats sont très porteurs, notamment en matière de mobilité active et d’aménagement urbain. La présentation s’est conclue par la nécessité d’orienter les décideurs vers une approche incluant également la question des inégalités dans toutes les politiques. Un exemple inspirant !
Qui sont les participants des conférences EUPHA ?
Outre les nombreux chercheurs provenant non seulement des pays européens mais du monde entier, dans le dédale des salles de conférence de Ljubljana se sont croisés des représentants d’institutions internationationales telle que l’Organisation Mondiale de la Santé ou la Commission européenne, des représentants d’instituts et d’associations de santé publique, de ministères, d’administrations, d’observatoires, d’ONG, de réseaux, de fondations, de maisons d’édition et de revues de santé publique, et notons-le, des représentants d’entreprises pharmaceutiques. Moins représentés que d’autres, les professionnels « de terrain » étaient également de la partie, mandatés par quelques associations, la plupart slovènes.
Parmi ce beau monde, une cinquantaine de délégués belges étaient présents cette année et plus de 40 d’entre eux ont eu l’occasion de présenter leurs travaux au cours de la conférence. Citons notamment Stephan Van Den Broucke (UCLouvain) qui a partagé ses travaux sur la littératie en santé lors de différentes interventions[1], Maxim Dierckens (UGent) qui a présenté les tendances concernant les inégalités de santé rencontrées par les adolescents[2], Claire Demoury (Sciensano) qui a exposé un poster sur l’exposition aux polluants atmosphériques dus à la circulation des véhicules et les impacts sur la santé des personnes travaillant dans les espaces verts urbains[3], Sara De Bruyn (UAntwerpen) qui a présenté les différentes caractéristiques des étudiants consommant des stimulants pour améliorer leurs performances scolaires[4], ou encore, Rachida Bensliman (ULB) qui a présenté un diagnostic participatif portant sur l’innovation dans le secteur de l’accompagnement à domicile et son impact sur le bien-être des travailleurs de ce secteur[5].
La déclaration de Ljubljana: un appel pour les acteurs de santé publique
À chaque conférence, sa déclaration. Dans la continuité de ses précédents événements, l’Association européenne de Santé Publique, accompagnée cette année de l’Institut National de Santé Publique slovène, a formulé une déclaration faisant suite à la conférence. Dans celle-ci, ils ont réitéré leur adhésion et leur engagement envers les précédentes déclarations et chartes internationales de promotion de la santé et ont souhaité remettre l’accent sur les inégalités de santé[6]. La déclaration de Ljubljana insiste sur le besoin pour tous les acteurs de santé publique en Europe et ailleurs de s’engager sur plusieurs points.
« Leaving no one behind », en agissant pour réduire les inégalités de santé dans et entre les pays, en assurant un accès universel aux soins et en renforçant les systèmes de santé.
« Building capacity », en promouvant et facilitant la littératie en santé de tous les individus et en réduisant les barrières qui entravent son accès.
« Voicing Knowledge », en assurant que les données en santé publique soient scientifiques et largement disponibles.
« Translating evidence to politics », en prenant en compte la dimension politique du travail de la communauté de santé publique.
« Including health in all policies », en renforçant les collaborations intersectorielles.
(Traduction libre)
En 2019, cap sur Marseille !
« Construire des ponts pour une santé publique solidaire et ouverte sur le monde », le ton est donné pour la 12ième conférence européenne de santé publique. Elle se tiendra du 20 au 23 novembre dans la cité phocéenne et sera co-organisée par la Société Française de Santé Publique (SFSP). Le thème général de la conférence se décline à nouveau en cinq axes.
Migrations : construire des ponts pour une santé publique solidaire.
Intersectorialité : construire des ponts pour intégrer la santé dans toutes les politiques.
S’adapter : construire des ponts pour diversifier les acteurs et les approches en santé publique face aux changements démographiques.
Santé mondiale : construire des ponts entre l’Europe et ses voisins pour une santé publique européenne connectée aux enjeux mondiaux.
Changer de regard : construire des ponts pour définir les nouveaux rôles de la santé publique.
La SFSP lance dès maintenant un appel à communication aux équipes de recherche, mais aussi aux professionnels et acteurs de terrain qui souhaiteraient présenter leurs projets lors de la conférence. Plus d’informations à ce sujet sont disponibles sur le site internet de la SFSP[7].
Intéressé(e) par une présentation en particulier ? N’hésitez pas à contacter le RESO (reso@uclouvain.be) pour obtenir plus d’information et vous mettre
[1]
S van den Broucke, J Vandenbosch; Improving the digital health literacy of diabetic patients, European Journal of Public Health, Volume 28, Issue suppl_4, 1 November 2018, cky213.069, https://doi.org/10.1093/eurpub/cky213.069
S Van den Broucke; Capacity building for health literacy, European Journal of Public Health, Volume 28, Issue suppl_4, 1 November 2018, cky213.649, https://doi.org/10.1093/eurpub/cky213.649
S Van Den Broucke; Developing a core competencies framework for health promotion, European Journal of Public Health, Volume 28, Issue suppl_4, 1 November 2018, cky213.616, https://doi.org/10.1093/eurpub/cky213.616
S Van den Broucke, M Wismar, M Kroezen, J Winkelmann, H Budde, CB Maier; Skill-mix innovations to keep people healthy and well: health promotion and disease prevention, European Journal of Public Health, Volume 28, Issue suppl_4, 1 November 2018, cky213.860, https://doi.org/10.1093/eurpub/cky213.860
[2] M Dierckens, M Richter, I Moor, F Elgar, E Clays, B Deforche, B De Clercq; Trends in adolescents’ material and occupational social class-based inequalities in health, European Journal of Public Health, Volume 28, Issue suppl_4, 1 November 2018, cky213.274, https://doi.org/10.1093/eurpub/cky213.274
[3] C Demoury, A Guilbert, K De Cremer, B Heene, R Aerts, P Declerck, O Brasseur, A Van Nieuwenhuyse; Personal exposure to traffic-related air pollutants and health outcomes in urban green space workers, European Journal of Public Health, Volume 28, Issue suppl_4, 1 November 2018, cky214.076, https://doi.org/10.1093/eurpub/cky214.076
[4] S De Bruyn, E Wouters, K Ponnet, R Tholen, G Van Hal; Subtypes of students misusing prescription stimulants for performance enhancement, European Journal of Public Health, Volume 28, Issue suppl_4, 1 November 2018, cky213.309, https://doi.org/10.1093/eurpub/cky213.309
Le vaccin contre le papillomavirus humain (HPV) responsable du cancer du col de l’utérus est introduit depuis une petite dizaine d’années dans notre pays, mais seules les filles en bénéficient. Or il est désormais établi que ce même virus est également impliqué dans d’autres cancers, dont celui de la gorge. Les recommandations ont donc été revues et, dans la plupart des pays occidentaux comme chez nous, il est désormais conseillé de vacciner les garçons aussi. La question de l’impact clinique et économique d’une telle extension des programmes de vaccination a donc été posée au Centre fédéral d’Expertise des Soins de Santé (KCE), qui publie aujourd’hui une étude favorable.
Chaque année, on compte dans notre pays plus de 1000 nouveaux cas de cancer imputables au papillomavirus humain (HPV) : des cancers du col de l’utérus, ce qui est bien connu, mais également des cancers plus rares comme ceux du vagin, de la vulve, du pénis et de l’anus. Les trois derniers sont en augmentation dans notre pays. Ces dernières décennies, on a aussi découvert que le HPV est impliqué dans un nombre croissant de cancers de la gorge (oro-pharynx). En tout, un quart de tous ces cancers se manifestent chez des hommes. Le virus HPV est également responsable des verrues ano-génitales (condylomes), qui touchent entre 13 et 20 000 personnes par an, hommes et femmes.
Des recommandations remises à jour
Des programmes de vaccination des jeunes filles entre 12 et 14 ans sont organisés depuis 2010 en Communauté flamande et depuis 2011 en Fédération Wallonie-Bruxelles. Ces programmes ont été mis en place suite à une recommandation du Conseil supérieur de la santé émise en 2007, époque à laquelle on ne se souciait encore que du seul cancer du col de l’utérus. Cette vaccination rencontre beaucoup de succès en Flandre, où la couverture vaccinale atteint 91% (2016) mais moins en Fédération Wallonie-Bruxelles, où seules 36 à 50% des jeunes filles sont vaccinées (2017).En 2017, le Conseil supérieur de la santé a remis à jour ses recommandations, en conseillant désormais de vacciner les filles et les garçons entre 9 et 14 ans. La plupart des autres pays occidentaux suivent la même tendance. La question de l’impact clinique et économique d’une telle extension des programmes de vaccination s’est alors posée, et c’est au Centre fédéral d’Expertise des Soins de Santé (KCE) qu’il a été demandé de l’évaluer (rapport coût-efficacité).
Un rapport coût-efficacité favorable par rapport à la situation actuelle
Globalement, il ressort de cette étude que les trois vaccins disponibles sur le marché (Cervarix®, Gardasil® et Gardasil 9®) sont efficaces pour prévenir la plupart des lésions précancéreuses liées au HPV. On ne dispose toutefois pas de chiffres fiables sur la protection contre les cancers eux-mêmes, car le délai d’apparition d’un cancer est d’au moins 20 ans après l’infection par le virus et on ne dispose pas encore d’un tel recul. Par ailleurs, la sécurité des trois vaccins semble établie. La revue de la littérature médico-économique suggère que, pour prévenir l’ensemble des cancers évoqués plus haut, l’extension de la vaccination des filles seules aux filles et aux garçons présenterait un rapport coût-efficacité favorable, quel que soit le vaccin utilisé, et que ce rapport serait d’autant plus favorable que la couverture initiale des filles par le vaccin HPV est faible (comme en Fédération Wallonie-Bruxelles).
Aussi une question d’équité entre garçons et filles
Le KCE souligne que, même s’il ne lui était demandé qu’une évaluation médico-économique, la décision d’étendre la vaccination aux jeunes garçons doit aussi tenir compte d’autres arguments. En premier lieu, une question d’équité entre garçons et filles : en effet, le vaccin uniquement offert aux jeunes filles désavantage les jeunes garçons puisque l’augmentation des cancers liés au HPV chez les hommes est aujourd’hui une réalité. La vaccination des jeunes filles offre également une certaine protection indirecte à leurs futurs partenaires sexuels puisqu’elles transmettront moins de virus. Toutefois, les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH) ne bénéficieront pas de cette protection indirecte. Vacciner tous les garçons serait ainsi une mesure de non-stigmatisation du comportement sexuel puisque cela permettrait de protéger tous les futurs HSH avant le début de leur activité sexuelle.
Des réticences préoccupantes en Wallonie et à Bruxelles
Il faut également tenir compte des importantes questions d’organisation qu’un tel élargissement de la vaccination susciterait au niveau des écoles et des services de santé. La question de l’acceptabilité est également préoccupante, car la vaccination actuelle des filles est déjà confrontée à de nombreuses réticences, en particulier en Wallonie où le taux de couverture est faible et les lobbies anti-vaccins plus actifs.La revue de la littérature du KCE montre également que, dans des régions où le taux de couverture des filles est faible, comme en Fédération Wallonie-Bruxelles, il est encore plus intéressant, d’un point de vue strictement économique, d’augmenter la couverture des filles seules que d’étendre la vaccination aux garçons, mais cette approche ne répondrait pas à la question de l’équité entre les sexes.
Un rapport déjà suivi d’effet
Ce rapport du KCE était très attendu parce que les agences de santé des deux communautés devaient renouveler leurs appels d’offres pour l’achat de vaccins à la fin de l’année 2018. C’est pourquoi un rapport provisoire avec les principaux résultats leur avait déjà été envoyé à la mi-octobre. Depuis lors, les deux communautés ont pris la décision d’étendre la vaccination contre le HPV aux garçons à partir de la rentrée de septembre 2019.
Quelques informations sur le papillomavirus humain
Le papillomavirus humain (Human Papillomavirus – HPV) est un virus très répandu qui se transmet par voie sexuelle et orale ; on estime que plus de 80% des personnes sexuellement actives seront infectées par ce virus à un moment ou l’autre de leur vie. Il en existe plus de 100 types différents, mais seulement une douzaine d’entre eux – et plus particulièrement les types viraux 16 et 18 – peuvent être à l’origine de cancers. C’est essentiellement ces types dits « à haut risque oncogène » que ciblent les vaccins.
Les infections par le HPV passent souvent tout à fait inaperçues et disparaissent spontanément en quelques mois ou années. Mais dans une certaine proportion des cas (que l’on estime à environ 5-15%), le virus reste présent pendant plus longtemps (infection persistante). Une infection persistante par des types de HPV à haut risque peut entraîner des lésions précancéreuses à l’endroit de l’infection. À leur tour, la plupart de ces lésions précancéreuses guérissent le plus souvent spontanément en quelques années, mais certaines évoluent vers un cancer. La période qui s’écoule entre le moment de l’infection et le développement d’un cancer est généralement d’au moins 20 ans.
Jusqu’à présent, les cancers liés au virus HPV ont surtout concerné les femmes, mais les hommes sont de plus en plus souvent touchés également, surtout les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH).
Chez les femmes, il est commun de pratiquer un dépistage du cancer du col de l’utérus à partir de l’âge de 25-30 ans. Bien effectué, ce dépistage est très efficace mais, en Belgique, il ne touche pas suffisamment de femmes. Il est important de faire savoir que ce dépistage reste utile même chez les femmes qui sont vaccinées, car les vaccins n’offrent pas une protection totale
Pour entrer en contact avec les chercheurs du KCE :Karin Rondia, Communication scientifique KCE
Tél. : +32 (0)2 287 33 48
GSM : +32 (0)475 769 766
Email : press@kce.fgov.be
Première publication dans La Santé en action n°444 – juin 2018Pour les organismes publics, les réseaux sociaux sont un outil de promotion de la santé publique dans tous les domaines, nutrition incluse. La littérature scientifique montre que, pour être efficaces, les interventions doivent se fonder sur les théories psychosociales afin d’influer sur les comportements. Les réseaux sociaux (par exemple, Facebook, Youtube, Google+, Twitter, Snapchat ou Instagram) font partie des médias sociaux au même titre que les applications mobiles, blogs, forums santé, jeux en ligne, etc. Cependant, ils s’en différencient grâce à leurs fonctionnalités permettant aux internautes de créer un véritable réseau d’individus (création de profils d’utilisateurs et communication avec d’autres personnes connectées). Les médias sociaux peuvent être des vecteurs d’information intéressants pour promouvoir des comportements favorables à la santé. En France, selon le CREDOC (baromètres du numérique 2017 et 2018), les réseaux sociaux sont de plus en plus utilisés (59 % de la population en 2017 contre 48 % en 2014). Cette progression est plus élevée parmi les personnes les moins connectées : peu diplômées et/ou disposant de faibles revenus et habitant en zones rurales. Cependant, des inégalités sociales subsistent : en 2017, les 18-24 ans et les plus diplômés étaient les internautes les plus connectés.Face à cet engouement, de plus en plus d’organismes de santé publique utilisent les réseaux sociaux pour atteindre leurs publics lors d’interventions en santé telles que des campagnes de prévention et de promotion de la santé.En ce qui concerne le sujet de la nutrition plus spécifiquement, l’alimentation et les boissons représentaient, en 2017, le troisième thème de recherche des internautes le plus fréquent sur le moteur de recherche Google, après le sport et les voyages. Sur les réseaux sociaux, 208 millions de posts (messages) sont estampillés #food (hashtag « alimentation »), faisant de ce hashtag – outil qui permet de marquer un contenu avec un motclé plus ou moins partagé – l’un des plus populaires. En effet, 29 % des internautes partagent des photos de plats (50 % pour les 18-24 ans) et 39 % donnent leur avis sur les marques et produits alimentaires.
Intérêts des réseaux sociaux lors d’interventions en santé
Comprendre les comportements et attentes des internautes
Les réseaux sociaux permettent d’analyser en temps réel les pensées des individus. Les organismes publics peuvent donc s’appuyer sur l’analyse des conversations et des commentaires des internautes pour élaborer des messages répondant aux besoins et attentes de leur(s) cibles(s).
Diffuser et partager de l’information
Les réseaux sociaux permettent de diffuser des messages à un nombre élevé de personnes, « là où les gens sont », c’est-à-dire dans un espace déjà occupé par les internautes. Ces messages pourront alors être partagés entre les individus. Le partage d’information sur ce support étant gratuit, les campagnes de santé publique peuvent alors facilement se propager d’un « ami » à l’autre, et permettre, a priori, un plus grand impact des messages de santé publique. Au-delà de l’intérêt du partage massif, cette action est particulièrement importante car le bouche-à-oreille est un moyen puissant d’accroître la confiance des internautes. Il a d’ailleurs été montré que les personnes partagent de l’information sur Facebook quand elles pensent que celle-ci est bénéfique pour les autres.
Créer de l’engagement
Les fonctions like (aimer), share (partager) et post (poster) des réseaux sociaux permettent des interactions et conversations entre internautes, mais également entre ces réseaux et les structures de santé publique. Le fait de recourir plus ou moins aux diverses fonctionnalités des réseaux sociaux constitue un engagement plus ou moins fort des utilisateurs pour le réseau social en question. Par exemple, une personne qui n’utilise que la fonction like est considérée comme moins engagée qu’une personne qui partage des publications. Tout l’enjeu des organismes de santé publique est donc de créer un haut degré d’engagement chez ses internautes ; cet engagement influe positivement sur la motivation des individus, sur leur volonté à suivre l’intervention en santé jusqu’à sa fin et leur capacité à se sentir aptes à adopter des comportements sains.
Points de vigilance lors d’interventions en santé sur les réseaux sociaux
La surcharge d’information
La grande disponibilité des réseaux sociaux induit un accroissement de l’exposition à une diversité de messages qui peut impliquer une surcharge d’informations et conduire à une exposition aux messages de santé publique plus difficile. Cette abondance d’informations peut également être délétère pour l’utilisateur qui se trouve face à des discours parfois discordants et des informations erronées, mais également pour les organismes de santé publique qui doivent s’assurer que l’information délivrée est correctement comprise par les internautes et correctement reprise, c’est-à-dire que les messages diffusés ne sont pas déformés.
Le manque d’engagement et l’attrition
La plupart des études qui évaluent les interventions en santé menées via les réseaux sociaux n’attestent d’un bon niveau d’engagement que sur une courte durée (moins de 4 semaines) avec une diminution progressive de la participation sur cette période. Ce déclin rapide de l’engagement est probablement dû à la difficulté de motiver les internautes dans un environnement évoluant sans cesse et dans lequel les organismes doivent toujours être en interaction avec les utilisateurs. Du fait des conséquences négatives d’un manque d’engagement sur l’efficacité des interventions, les organismes de santé doivent donc rester vigilants face à cette problématique et à l’attrition élevée qui peut en découler (fait de perdre des internautes durant la durée de l’intervention).
Agir sur les comportements alimentaires via les réseaux sociaux
Ce que dit la recherche
Des recherches bibliographiques non exhaustives réalisées début 2017 n’ont pas permis d’identifier d’étude traitant uniquement de l’efficacité des réseaux sociaux sur les changements de comportements alimentaires. Ceci peut-être dû à la complexité du recueil de données sur l’alimentation des individus. Cependant, des résultats sur d’autres thématiques, telle l’activité physique, semblent encourageants pour accroître le niveau des connaissances, créer de l’engagement, favoriser le soutien social et induire des changements de comportement.Afin de développer des interventions efficaces reposant sur les réseaux sociaux, la littérature suggère que celles-ci se fondent sur au moins une théorie psychosociale de la santé et s’appuient sur des techniques de changement de comportement. Les théories psychosociales permettent d’identifier les facteurs psychosociaux susceptibles d’influencer le comportement et d’adapter ainsi les interventions. La théorie de l’action planifiée d’Ajzen (TAP) et la théorie sociale cognitive de Bandura (TSC) semblent être les théories les plus efficaces dans le changement de comportement alimentaire. La TAP stipule que l’intention d’une personne d’adopter ou non un comportement est déterminée par son attitude à l’égard du comportement, par l’importance accordée à l’opinion des personnes qui l’entourent (normes subjectives) et par la perception de son contrôle sur un comportement donné. La TSC reprend aussi l’importance de l’environnement social mais aborde deux notions supplémentaires : l’apprentissage social (expériences antérieures et observation de son entourage) et l’efficacité personnelle (efficacité du comportement pour obtenir le résultat désiré et sa propre efficacité à adopter ce comportement).En parallèle, des techniques de changement de comportement ont été identifiées comme particulièrement efficaces en nutrition ; il s’agit du soutien social (apporté par ses proches ou ses pairs), de la comparaison sociale (évaluation de son comportement en fonction de celui des autres), des retours d’expérience et de l’auto-surveillance.En conclusion, les réseaux sociaux se caractérisent par l’interaction sociale et le partage d’informations. Ce sont deux leviers majeurs pour agir. Ainsi, lors d’interventions via ce média, la sensibilité d’un individu aux opinions des personnes qui l’entourent (normes subjectives) est la variable psychosociale la plus susceptible d’influencer son comportement. Enfin, le soutien social est la technique de changement de comportement la plus efficace.
Perspectives
Que cela soit dans le domaine de l’alimentation ou de la santé en général, des études robustes, telles que des essais contrôlés randomisés, menées sur une longue période et tenant compte des caractéristiques des publics et des différents types de réseaux sociaux, semblent intéressantes à conduire pour mieux comprendre le potentiel des réseaux sociaux, les clés de l’efficacité et remédier aux problématiques du manque d’engagement. Cependant, étant donné le nombre croissant d’informations diffusées sur les réseaux sociaux, notamment dans le domaine de l’alimentation, et l’augmentation du temps passé par les Français sur ces média, il semble judicieux que les organismes de santé publique les incluent rapidement dans leurs programmes de santé pour éviter à d’autres structures de combler le manque d’informations par des données non fiables.
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Idem note 3
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Idem note 9
Idem note 10
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Escalon H., Serry AJ., Nguyen-Thanh V., Vuillemin A., Oppert JM., Sarrazin P. Construction d’un dispositif de communication scientifiquement fondé visant à promouvoir la marche des femmes peu actives et l’activité physique des adultes. Santé Publique, 2016, vol. 28.
La transformation digitale n’est pas un sujet nouveau pour les documentalistes. Au contraire, chargés d’aider les acteurs et le public à bien s’informer, ils font figure de pionniers en ayant pris ce virage très tôt via la création de bases de données, d’outils de veille, de portails d’information… Aujourd’hui pourtant, l’impact de cette évolution auprès des usagers est énorme. Dans un contexte de surabondance de l’information, de dématérialisation et de sentiment d’accès immédiat à celle-ci, force est de constater que les usages et pratiques ont évolué et que les frontières des métiers de l’information évoluent. Le Réseau Bruxellois de Documentation Santé (RBD Santé) a organisé une matinée d’étude avec les acteurs du secteur pour pousser la réflexion sur ces nouveaux usages et sur le (nouveau ?) rôle que peuvent endosser les acteurs de santé et les professionnels de l’information.
Le contexte s’est radicalement transformé ces dernières décennies. Comme le souligne Bernadette Taeymans invitée à introduire la matinée, « à l’époque, le militantisme était de mettre les informations santé à destination du public parce qu’elles étaient détenues par le pouvoir médical. Aujourd’hui, nous sommes dans une toute autre réalité, avec la difficulté de savoir comment se retrouver dans une surabondance d’information et avec des informations pas toujours fiables, que ce soit pour les professionnels ou pour le public lui-même ». Bien entendu, le sentiment d’accès à toute l’information existante est à relativiser fortement : la plupart des publications scientifiques ne sont accessibles et compréhensibles que par les experts, les algorithmes d’internet nous enferment de plus en plus dans des silos d’information/de contenus, etc. Un autre paramètre majeur à prendre en compte est le rôle prépondérant des communautés d’usagers dans la co-construction de l’information et dans la légitimité et la confiance qu’on attribue à une source, qu’elle soit issue du monde scientifique, des pairs…
Dès lors, quel rôle pour le documentaliste santé… et les acteurs de santé de manière plus globale ? Un rôle de communicateur (« celui qui maîtrise le web 2.0 ») ? Celui d’animateur pour favoriser les échanges ? Un médiateur pour faciliter l’accès aux sources d’information ? Un facilitateur pour rendre celle-ci compréhensible ? … Ou un peu de tout cela à la fois ?
Revenons sur les initiatives présentées au cours de la matinée qui s’est tenue à l’Observatoire du sida et des sexualités de l’Université Saint-Louis – Bruxelles.
La capitalisation issue de l’expérience
Une petite mise en contexte s’impose pour présenter cette initiative française en cours de construction. Au départ nommée InSPIRe-ID et désormais pilotée par le Ministère de la santé français, une initiative a vu le jour en 2013 en France de construire un portail d’accès aux données probantes et prometteuses pour l’ensemble des professionnels du champs de la santé publique (axe 1, porté par Santé Publique France), ainsi qu’un accompagnement et un support des acteurs à l’accès et l’usage de ces données probantes via des formations (axe 2), le développement de la recherche interventionnelle (axe 3). La construction du portail de données probantes (c’est-à-dire l’axe 1) comprend notamment la mise en place d’un outil de capitalisation de l’expérience. C’est de ce travail en cours plus particulièrement que vient nous parler Anne Laurent, en nous partageant aussi toutes les questions que cela soulève, les difficultés et parfois les contradictions à surmonter…
En 2013, la Société Française de Santé Publique (SFSP) a envoyé à tous les acteurs de santé publique (parmi lesquels les acteurs de promotion de la santé) un questionnaire en ligne pour avoir une idée de leurs besoins en termes d’accès à l’information, de leurs rôles de « producteurs de connaissance », mais aussi les principaux obstacles qu’ils rencontrent. 408 acteurs du champ de la santé publique ont répondu, les résultats permettent de tirer une photographie de la situation :
En termes d’accès et d’utilisation des données produites :
plus de la moitié évoque des difficultés à repérer et se procurer des ressources documentaires.
(la majorité) ne s’appuie pas sur des ressources documentaires pour élaborer des projets.
un quart est accompagné pour identifier les ressources. (« documentalistes deviennent des denrées rares en France, et la raison principale est à chercher dans les moyens alloués » A. Laurent)
60% n’ont pas accès aux bases de données scientifiques
70% n’ont pas de budget dédié
60% ne maitrisent pas l’anglais (Une réalité uniquement française ?)
40% mentionnent des difficultés d’opérationnalité de données disponibles
Pour ce qui est du rôle de « producteurs de connaissance » :
des productions essentiellement sous forme de rapports synthèses ou de rapports pour les bailleurs
moins de 20% de production d’articles/données partagées dans le cadre de publication; moins de 5% d’articles publiés dans des revues à comité de lecture. Ces données sont très peu diffusées en dehors de leurs institutions.
Et les compétences et moyens qu’on y accorde :
12% des fiches de poste intègrent un travail rédactionnel et/ou production de connaissances
les deux tiers des structures n’ont pas de financement dédié à la production de connaissances
L’enquête menée par la SFSP le montre : les principaux freins à la recherche, à l’utilisation et à la production de données probantes pour appuyer les actions de promotion de la santé sont l’absence d’un paysage favorable dont l’absence de moyens, la non reconnaissance des compétences et des besoins d’accès celles-ci, etc. C’est pourtant paradoxal ! Nous ne sommes pas sans savoir qu’appuyer ses actions par ces fameuses données probantes est devenu un critère incontournable exigé par les financeurs et les pouvoirs publics.
De plus, « la capitalisation de l’expérience est d’autant plus nécessaire dans le champ spécifique de la promotion de la santé. On retrouve en effet une somme importante d’actions menées qui partagent les caractéristiques d’être peu visibles, réalisées à petite échelle, avec des financements restreints et implantées au niveau très local. (…) Ces actions relèvent de l’expertise de professionnels ou non professionnels (elles ne sont pas forcément coordonnées par des acteurs de promotion de la santé ou même de la santé publique). Elles sont très rarement et très peu évaluées de manière approfondie, les modèles théoriques sous-jacents ne sont souvent pas identifiés, etc. » Et pourtant ces actions constituent une mine de connaissances peu ou pas exploitées.
Mais comment faire émerger de la connaissance à partir de cette multitude d’expériences qui parfois « sans même le savoir » traduisent en acte des concepts théoriques et des stratégies que la littérature décrit comme efficaces ? Comment ensuite traduire, organiser, partager et rendre utile cette connaissance, tant pour les professionnels de santé que les politiques et les citoyens ?
Une méthode en cours d’élaboration
Forts de diverses expériences, les membres du groupe de pilotage n’ont pas souhaité mettre en place une base de données qui recense une masse de fiches-actions peu détaillées, peu ou pas exploitables donc exploitées, comme il en existe déjà. Ils se sont inspirés des approches compréhensives (« un va et vient entre l’expérience et les modèles théoriques »), dans une démarche empirique, pour construire une méthode de capitalisation de l’expérience. Pour penser cette approche, le groupe de pilotage s’est inspiré d’initiatives similaires dans le champ de l’environnement (et plus particulièrement le développement durable), mais aussi dans le knowledge management en entreprise ou auprès du secteur des ONG humanitaires (comme Handicap International) par exemple. La méthode est pensée comme un processus d’accompagnement afin que la connaissance qui émerge soit rendue partageable. Plus concrètement, ce dispositif prend la forme de rencontres entre un « capitalisateur » et les porteurs de projets, qui se construit en trois niveaux de capitalisation (qui va du plus simple au plus complexe) selon l’ampleur de l’action. Dans le premier niveau, par exemple, seul le porteur de projet est rencontré. Dans le second niveau, on prend en compte aussi les propos d’un partenaire qui a participé à l’action.
Quel que soit le niveau utilisé, une fois la « carte d’identité » de l’action établie (c’est-à-dire une description habituelle de projet), un entretien semi-directif d’une durée de deux à trois heures environ a lieu. L’objectif est de détricoter entièrement le projet avec l’interlocuteur, c’est-à-dire décrire très finement le contexte et les stratégies d’action, travailler les leviers et les freins du projets et identifier avec eux les éléments-clés du projet en terme de stratégie, de compétence…, mais aussi traiter tout ce qui relève de la mobilisation du public, de la perception de transférabilité de l’action, etc. Ces entretiens sont ensuite retranscris et analysés par le capitalisateur. L’étape suivante est alors d’illustrer tout ce travail par des publications scientifiques essentielles qui vont décrire les stratégies mises en place comme probantes. « On fait le travail « à l’envers » car de nombreux professionnels de terrain ne se sont pas appuyés sur ces données scientifiques au départ, le plus souvent pour les raisons évoquées plus haut – et par conséquence, leurs actions ne sont pas reconnues – alors qu’ils ont une telle expertise du terrain que le plus souvent, les stratégies utilisées sont intéressantes, les leviers sont pertinents, etc. (…) . »
A ce jour, le guide pour réaliser les entretiens a été validé et le dispositif est expérimenté avec une quinzaine d’entretiens. Les fiches rédigées vont faire l’objet d’un retour auprès des promoteurs et d’un test auprès d’usagers.
Les enseignements que l’on peut déjà en tirer… et les nombreuses questions
Une des principales plus-values de cette méthode par entretiens qualitatifs est le processus d’auto-formation auprès des acteurs de terrain rencontrés. En effet, « on leur offre un temps qui leur permet d’avoir une vision réflexive sur leur action. Cet aspect est très apprécié et permet un questionnement, une ébauche d’évaluation, une aide à prendre conscience du caractère construit des actions…»
Par contre, plusieurs difficultés et questions se posent. D’une part, au niveau opérationnel, le processus requiert des moyens importants pour chaque action (le travail du capitalisateur par projet est estimé à 5 jours), des ressources doivent y être allouées et il s’agit d’aller à la rencontre de tous les projets, dont les actions « invisibles », méconnues, portées par des acteurs autres que ceux du secteur santé…
Mais les principaux obstacles à surmonter auparavant sont avant tout les réticences liées à la culture du « tout-probant » défini comme la seule connaissance scientifique. « Nous avons du mal à faire reconnaitre cette connaissance expérientielle et sa singularité et notre processus comme pertinents, utiles et valides car ce que les financeurs des projets attendent, c’est surtout qu’on fournisse des preuves scientifiques de l’efficacité de ces actions… Or la capitalisation d’expériences n’a pas pour visée de fournir des preuves de cette nature, mais de donner à voir des stratégies, de produire des idées et inspirer les porteurs de projets, et de créer du lien entre des données scientifiques et le terrain, de montrer que les acteurs de terrain déclinent de manière originale des connaissances liées à leur expertise propre mais dont on retrouve souvent des éléments dans la littérature scientifique. Il s’agit d’illustrer le ‘comment faire’, peu décrit dans la littérature. Notre idée n’est pas non plus de fournir des données en terme d’efficacité sur l’état de santé d’une population (…) Cela relève d’autres disciplines ou méthodes. Nous ne souhaitons pas non plus créer une base de données ‘normalisante’, ou normative qui modéliserait les actions de terrain comme un catalogue d’actions ‘qui marchent’ à répliquer. »
Ces réflexions amènent leur lot de questions sur la présentation et la transmission du travail de capitalisation (faut-il prévoir un rendu différent suivant les usages : pour les porteurs de projets ? Pour les politiques (auxquels seraient transmises plutôt des analyses transversales) ? etc.).
Par ailleurs, la place des usagers et des participants aux actions est questionnée dans l’ensemble du processus de capitalisation. Des réflexions au sein du groupe de pilotage sont en cours.
« Cela m’amène à une autre question que l’on se pose : pourrait-on faire de la capitalisation sur les échecs cuisants ?(…) Ça apporterait énormément… mais ce n’est pas vraiment dans l’air du temps d’aller parler de ce qu’on a raté. (…) Cela pose aussi de nombreux défis pour identifier ces actions, interroger les acteurs, ne pas faire peser le regard des financeurs de ces actions, etc. » (Anne Laurent)
La construction et la prise en compte des savoirs profanes
La place des usagers non professionnels de santé est justement abordée via la présentation de Seronet.info par Sophie Fernandez et nous apporte un autre éclairage sur les nouveaux usages en matière d’information santé. Lancé en 2008, ce site web (2.0) dédié aux personnes vivant avec le VIH « qui fonctionne dans une démarche communautaire et participative » compte 20.300 inscrits (appelés ‘séronautes’). Ses objectifs sont notamment de combattre l’isolement et de permettre de s’informer et d’échanger. L’anonymat constitue un élément essentiel dans le fonctionnement du site.
En ce qui concerne la recherche d’information, il est intéressant de constater que le site dispose de deux entrées distinctes : un onglet « actualités » et un onglet « communauté » qui « sont complémentaires et imbriqués » comme nous le verrons par la suite.
D’une part, le premier volet reprend l’ensemble de l’actualité nationale et internationale et brosse des sujets allant des questions thérapeutiques, épidémiologiques jusqu’aux actualités politiques et même culturelles. Il permet aussi de réaliser des sondages auprès des séronautes (qui n’ont pas une visée scientifique mais qui donnent une photographie à un moment précis, qui permettent de prendre le pouls… ce qui peut se répercuter sur le second volet).
D’autre part, le volet « communauté » quant à lui comporte des forums (déclinés en thématiques), mais aussi différents types d’espaces « pour que tout le monde trouve sa place » et le mode d’expression qui lui convient, allant des témoignages, au chat, etc.
« En offrant un accès diversifié à la connaissance sur le VIH, les hépatites et la prévention diversifiée, les enjeux sociaux et les politiques de santé, le suivi des conférences et les données épidémiologiques, Seronet implique les séronautes et offre une complémentarité avec les soignant-e-s par un savoir maîtrisé. D’une part, les informations publiées sont discutées au sein de la communauté ; et d’autre part, les sujets portés par la communauté sont traités par l’équipe éditoriale (ndlr. la coordinatrice du projet, appuyée par un journaliste qui écrit pour Seronet et des contributeurs occasionnels) pour apporter une information exhaustive et alimenter le débat. »
On le constate, ici le porteur de projet endosse à la fois un rôle de communicateur (par la maîtrise de la plateforme), de facilitateur (pour rendre l’information accessible), mais aussi de médiateur (pour faciliter l’accès aux sources d’information). Il s’agit tant de garantir le cadre et le respect de la charte (bien que la tendance soit plutôt de faire confiance au groupe pour l’auto-régulation) que d’encourager la réflexion, d’outiller les séronautes et renforcer l’empowerment des individus et de la communauté qui se retrouve sur le site, comme nous l’explique Sophie Fernandez. Une attention particulière est portée sur les informations prosélytes (par exemple qu’elles puissent être clairement identifiées par les séronautes, qu’elles ne mettent pas en danger la santé d’autrui ou qu’elles ne soient pas encouragées, etc.).
Mais l’élément central de la présentation que nous retenons est la faculté de cet outil de changer la relation au savoir (de l’expert vers le profane, qui se trouve dans une situation de grande vulnérabilité qui plus est). En effet, les échanges se font entre les séronautes (la modération a lieu a posteriori) et valorisent ce savoir profane basé sur les expériences de chacun. On retient aussi la fonction d’observatoire de l’outil, qui a notamment permis d’arriver à la publication d’un guide Vie positive qui est « issu du savoir profane mais qui est complémentaire avec le savoir officiel ou théorique ». Ce guide permet notamment de renforcer le dialogue entre le patient et son médecin.
« Il ne faut pas oublier que dans l’histoire du VIH, le savoir profane issu de l’expérience et du vécu de la maladie a alimenté le débat scientifique dès le début de l’épidémie. » (Sophie Fernandez)
Diffuser de l’information, aussi un choix de posture
Enfin, la dernière intervention de la matinée, par Claire-Anne Sevrin, nous apporte une troisième piste de réflexion. La présentation de « Yapaka », un programme transversal de prévention de la maltraitance infantile pour la Fédération Wallonie-Bruxelles, nous apporte un éclairage sur la posture dans laquelle peut se placer un professionnel de la santé (ou autre) pour travailler et transmettre l’information. Plus exactement, elle nous invite en tant que professionnel à nous questionner et à être bien au clair sur la posture que nous choisissons d’adopter et le type de message que nous portons.
La thématique de la maltraitance infantile est une thématique qui peut se révéler délicate à traiter auprès du grand public, le sujet tend facilement à « déchaîner l’opinion publique ». Il importe donc d’être au clair sur le message de fond que l’on souhaite faire passer. Et le contexte dans lequel Yapaka a vu le jour est éclairant : le programme est né en 1998 suite à l’affaire Dutroux, affaire sordide qui a très fortement marqué la Belgique, si besoin est de le rappeler. Dans les aspects de prévention de la maltraitance infantile, l’équipe du projet a fait le choix de ne pas accentuer le focus sur les drames « marginaux mais qui font la une de l’actu » pour essayer d’avoir une représentation au plus proche de ce qu’observent les professionnels de la prise en charge de ces familles et de ces enfants (car la maltraitance infantile concerne avant tout la cellule intrafamiliale et potentiellement tout un chacun). Un long travail sur les représentations s’est lancé (et continue aujourd’hui) dont le choix en matière de prévention et de message public est de dire : il n’existe pas de réponse toute faite du genre « y’a qu’à faire ci, y’a qu’à faire ça »… mais justement « y’a pas qu’à… », le sujet est bien plus complexe et la meilleure prévention (de large spectre) est de valoriser la confiance, soutenir la cellule familiale, etc.
Pour conclure en quelques mots…
La matinée d’étude a brossé des projets et des questions très différentes sur les nouveaux usages en matière d’information et de documentation santé, mais qui semblent pour chacune avoir fait écho auprès de la salle, dans les questionnements des professionnels présents. La méthode de capitalisation de l’expérience portée par la SFSP a attisé les curiosités et suscité des questions quant à son évolution, nous suivrons de près l’évolution de ce projet.
Surtout, il ressort des échanges avec la salle que toutes ces initiatives posent la question du gap, voire des tensions, entre le savoir des experts et celui des usagers, ou comment garder le lien entre ces deux réalités de manière à ce qu’elles s’enrichissent et se soutiennent l’une l’autre ? Les questions sur la transmission et transférabilité des savoirs restent nombreuses…mais toutes se doivent d’être réfléchies à l’éclairage des inégalités sociales de santé.
Pour en savoir plus…
Les supports de chacune des interventions sont disponibles sur le site du Réseau Bruxellois de Documentation en promotion de la Santé (RBD Santé) : https://www.rbdsante.be/matinee15102018/
Le RBD Santé est un réseau métier de professionnels de la gestion de l’information dans le secteur de la promotion de la santé en région bruxelloise, fondé en 2000. Il regroupe le CEDIF – Fédération Laïque des Centres de Planning Familial (FLCPF), le Centre de documentation santé Bruxelles (CDSB) asbl (& CBPS – Centre Bruxellois de Promotion de la Santé), Cultures & Santé, le FARES – Fonds des Affections Respiratoires asbl, le Fil d’Ariane – L’Equipe asbl, l’Observatoire du sida et des sexualités – Université Saint-Louis – Bruxelles, Pédagogie Interactive en Promotion de la Santé (PIPSa) – Solidaris, le Point Culture (Collection « Education pour la santé ») et le RESO – Service Universitaire de Promotion de la Santé (UCL – IRSS). www.rbdsante.be
Directrice de Question Santé asbl
Chargée de mission à la Société Française de Santé Publique (SFSP)
Pour être exacts, 670 personnes ont répondu au questionnaire, mais 408 d’entre elles l’ont complété jusqu’au bout.
On parle bien entendu ici des actions et projets qui ont « fonctionné »
Coordinatrice pour le secteur Nouvelles stratégies de santé de Aides, responsable de Seronet
Responsable de la cellule de coordination de l’aide aux enfants victimes de maltraitance de la Fédération Wallonie-Bruxelles.
Claire-Anne Sevrin illustre ce soutien par divers exemples tels que réapprendre le jeu aux parents, la campagne « Un enfant difficile a toujours quelque chose à nous dire », etc.
Bruxelles, 17 Octobre 2018Une étude publiée aujourd’hui met en évidence la présence alarmante de produits toxiques issus de déchets électroniques dans des produits de consommation courante en plastique recyclé. Ces toxiques provoquent des perturbations du fonctionnement de la thyroïde, des troubles neurologiques et des déficits de l’attention chez les enfants. Un renforcement des normes sur la qualité des plastiques recyclés est indispensable et urgente.L’étude réalisée par IPEN, HEAL et Arnika, analyse 109 jouets, accessoires pour cheveux et ustensiles de cuisine récoltés dans toute l’Europe. Les retardateurs de flamme toxiques recherchés (PBDEs et HBCDs) comptent parmi les 28 produits chimiques les plus dangereux présents sur la planète à cause de leur persistance dans l’environnement. On les retrouve notamment dans les boîtiers et l’isolation métallique d’appareils électroniques ou dans les mousses de polystyrène et les plastiques pour l’électronique et les voitures.Les résultats montrent qu’entre 70 à 98% des produits testés sont contaminés par ces molécules toxiques. Plus précisément : 107 articles (98 %) contiennent des fortes concentrations de polybromodiphényléthers (PBDEs) et 80 échantillons (73 %) contiennent des hexabromocyclododecane (HBCD). En ce qui concerne les produits achetés en Belgique (3 accessoires pour cheveux et un jouet), les 4 échantillons contenaient de l’OctaBDE, à des concentrations comprises entre 3 et 17 ppm, et du DécaBDE, à des concentrations comprises entre 26 et 660 ppm. Globalement, ces résultats montrent que des retardateurs de flamme toxiques, connus pour leur présence dans les déchets électroniques, se retrouvent dans des produits de consommation courante faits en plastiques recyclés. Plusieurs de ces substances dangereuses sont listées dans la Convention de Stockholm (OctaBDE, DecaBDE, and HBCD).Ces résultats illustrent la nécessité de revoir les normes appliquées aux produits en plastiques recyclés, qui sont beaucoup plus laxistes que celles appliquées aux produits neufs. En effet, les teneurs autorisées en PDBEs sont deux fois plus élevées pour produits recyclés que neufs. « Personne ne donnerait sciemment aux enfants des déchets toxiques avec lesquels jouer », avance Genon Jensen, la co-auteure de l’étude, directrice exécutive de l’Alliance de la santé et de l’Environnement (HEAL). « L’UE permet actuellement des exemptions pour qu’une partie du matériel le plus dangereux dans les plastiques soit recyclé. Les députés ont le pouvoir de supprimer cette dérogation pour protéger la santé des citoyens. »« Les plastiques toxiques contenant des retardateurs de flamme bromés à des niveaux supérieur à 50 ppm devraient être considérés comme déchets dangereux », précise Jindrich Petrlik – Directeur exécutif, chez Arnika, du Programme Déchets et Toxines et Dioxine IPEN, PCBs et co-président du Groupe de travail sur les déchets. « Seule une limite stricte sur les déchets dangereux peut régler la situation puisque cela exigerait que les plastiques toxiques soient retirés du circuit du recyclage. »Jitka Strakova, chercheur chez Arnika et auteur principal de l’étude poursuit : « Un enfant ne se soucie pas du fait que son jouet est en plastique neuf ou recyclé, mais son système endocrinien, lui, perçoit parfaitement la différence si du PBDE s’y trouve ! La seule façon de protéger les gens des produits chimiques dangereux est de retirer l’échappatoire existante et d’éloigner tous les déchets dangereux des plastiques recyclés. »« Il est indispensable d’agir rapidement pour assurer des normes respectueuses de la santé et de l’environnement qui s’appliquent tant aux produits neufs qu’au produits fabriqués à partir de matériaux recyclés. A défaut d’une telle démarche, c’est toute la mise en œuvre de l’économie circulaire qui pourrait en pâtir » souligne Lionel Delvaux, coordinateur chez Inter-Environnement Wallonie.La sortie du rapport coïncide avec un vote déterminant au Parlement européen sur la refonte des dérogations pour le recyclage des POPs (polluants organiques persistants) dans les déchets et une révision des limites pour les POPs dans les déchets par la Commission européenne. Ces deux décisions détermineront la légalité de la présence de déchets toxiques dans les plastiques recyclés, comme les déchets électroniques contenant des retardateurs de flammes bromés. Les auteur.e.s de ce rapport appellent donc les eurodéputé·es à voter contre toute dérogation pour les plastiques recyclés, au plus tôt lors de la session plénière du Parlement européen qui aura lieu à partir du 22 octobre.
Elke Zanders, Health and Environment Alliance (HEAL), elke@env-health.org, tel. : +32 (0)2 234 36 47
Arnika Association est une organisation non-gouvernementale tchèque établie en 2001. Sa mission est de protéger la nature ainsi que d’assurer un environnement sain pour les générations futures tant à la maison qu’à l’étranger. Depuis ses commencements, Arnika a travaillé sur la protection de consommateurs des produits chimiquement dangereux. Ces derniers temps, Arnika a conduit sa propre recherche se concentrant sur les produits chimiques toxiques dans les produits de consommation, principalement les produits de garderie et les jouets. Arnika devient Regional Hub pour l ’Europe Central and IPEN pour l’Europe de l’Est.Health and Environment Alliance (HEAL) est la conduite pas pour profit l’adresse d’organisation comment l’environnement affecte la santé humaine dans l’Union Européenne (EU) et au-delà. HEAL réalise des travaux pour établir des lois qui promeuvent la santé humaine et de l’environnement ainsi que de protéger les plus exposés à la pollution. HEAL travaille également pour augmenter la prise de conscience sur les avantages d’agir en faveur de l’environnement pour la santé. Le Numéro de l’HEAL au Registre de Transparence de l’UE est le : 00723343929-96IPEN est un réseau mondial de plus de 500 d’organisations d’intérêt publiques pour la santé et l’environnement dans plus de 100 pays, en travaillant pour éliminer les produits chimiques les plus malfaisants du monde, afin de créer un avenir sans toxines. Le numéro de l’IPEN’s au registre de Transparence de l’UE est : 157269723532-97
Si ces produits étaient faits en plastique vierge plutôt que recyclé, l’un d’entre eux n’aurait pas respecté les normes européennes sur les Polluants Organiques Persistants du fait de la teneur en octabBDE spérieure à la limite de 10 ppm.
L’étude “L’Échappatoire Toxique : le Recyclage des Déchets dangereux dans de Nouveaux produits » a été conduite par Arnika, HEAL et IPEN. 430 échantillons ont été recueillis dans les pays suivants : États membres de l’Union Européenne (Autriche, Belgique, République Tchèque, Danemark, France, Allemagne, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Espagne et Suède) et pays de l’Europe Centrale et d’Europe orientale environnants (Albanie, Arménie, Biélorussie, Bosnie-Herzégovine, Macédoine, Monténégro, Russie et Serbie) entre avril et juillet 2018. 109 produits ont été alors analysés plus en détail en ce qui concerne les concentrations de produits chimiques retardateurs de flamme bromés, spécifiques par le laboratoire de l’université de Chimie et Technologie de Prague.
A travers des formations de relais, « Community Voices », le GAMS cherche à renforcer les capacités de femmes et d’hommes issu.e.s des communautés pratiquant les mutilations génitales féminines afin qu’ils.elles puissent lutter contre ces pratiques et soutenir celles qui les ont subies. Cette action communautaire a pour finalité de prévenir les MGF en Belgique et d’améliorer le bien-être des femmes et filles concernées. Dans cet article nous analysons l’impact positif de cette action sur le pouvoir d’agir et le bien-être des participant.e.s elles- et eux-mêmes.
La dernière étude belge de prévalence des mutilations génitales féminines (MGF), publiée en 2018, estime que presque 26.000 filles et femmes vivant en Belgique sont concernées par les mutilations génitales féminines, soit parce qu’elles en ont déjà subies (17.273) soit parce qu’elles risquent d’y être confrontées (8.644). Le GAMS Belgique est la principale organisation belge œuvrant pour la prévention des MGF et dans la prise en charge psycho-sociale des personnes concernées par ces pratiques. Depuis 2014, l’association organise des formations pour les femmes et hommes originaires de pays où les MGF sont pratiquées, en vue de devenir des relais dans la sensibilisation et l’accompagnement de personnes concernées par ces pratiques.
Une formation « GAMS Community Voices » : Pourquoi ? Pour qui ? Comment ?
La formation, d’environ 8 demi-journées permet d’acquérir une meilleure connaissance des MGF, de savoir les analyser en tant que violation des droits humains des femmes et d’en connaitre les conséquences sur la santé des filles et des femmes. Les relais apprennent à aborder les MGF avec les personnes concernées de manière non-stigmatisante, dans le but d’entraîner un changement d’opinion et de comportement. La formation permet également aux participant.e.s d’acquérir des connaissances sur des sujets connexes tels que la sexualité, la contraception, l’égalité femmes-hommes et les (autres types) de violences de genre.
Une fois la formation terminée, ces relais travaillent de manière bénévole dans l’accompagnement et la traduction lors d’entretiens psychologiques, médicaux ou sociaux des femmes concernées par les MGF, ainsi que lors d’actions de sensibilisation auprès des communautés affectées. Le projet de formation de relais communautaires participe ainsi à la finalité du GAMS Belgique qui est de prévenir les MGF dans la société belge (y compris en cas de retour au pays d’origine) et d’améliorer la santé et le bien-être des femmes et filles concernées, à travers une prise en charge holistique des personnes.
Tout comme d’autres interventions dans le champ des MGF, la démarche du GAMS Belgique s’inscrit dans une approche communautaire, basée sur la conviction que les communautés concernées par les MGF doivent elles-mêmes être au centre des interventions visant un changement de comportement. La formation de relais vise ainsi à permettre à des « leaders communautaires » d’acquérir les connaissances, les compétences et le pouvoir d’agir sur leurs propres communautés.
Une analyse qualitative pour évaluer les acquis
Cet article se base sur les résultats de l’évaluation d’une session de formation de 19 relais francophones, tenue entre février et mai 2017 grâce à un financement par la Fédération Wallonie-Bruxelles. Les thèmes suivants étaient abordés lors de la formation :
Approche de la problématique de genre
Santé sexuelle
Connaissances de base sur les MGF
Mariages forcés et Droits des femmes migrantes
Conséquences psychologiques des MGF
Techniques de communication et d’animation – approche socio-culturelle
Stratégies de mobilisation
L’entretien individuel et l’animation de groupes
Le viol (séance optionnelle)
La masculinité (séance optionnelle)
Les 19 personnes formées (16 femmes et 3 hommes) sont originaires d’Afrique subsaharienne (8 originaires de la Guinée-Conakry, 7 de la Somalie, 3 originaires de Djibouti, une du Sénégal et une du Niger), dont la grande majorité de communautés pratiquant les MGF. Beaucoup d’entre elles et eux étaient demandeur.e.s d’asile ou sans-papiers au moment de la formation. L’évaluation de la session de formation des relais communautaires 2017 a été réalisée grâce à :
un recueil de données via des observations pendant la formation,
des Focus groupes,
des entretiens individuels
des questionnaires auprès des formateurs et formatrices.
Nous vous présentons ici les résultats de cette évaluation au regard des attentes et motivations des participants d’une part, et sur l’acquisition tant des connaissances que des savoir- faire et savoir-être au sujet des MGF, et plus largement sur la santé sexuelle et l’égalité de genre. Ceci nous amènera à analyser le potentiel d’une dynamique d’empowerment à l’œuvre grâce à la formation.
Les attentes, les craintes et la motivation
Les attentes
Au début de la formation, les participant.e.s ont exprimé des attentes de celle-ci en matière de l’acquisition :
d’un savoir : comprendre la problématique des violences de genre et des MGF ;
d’un savoir-faire : aborder les MGF, répondre aux besoins et attentes des femmes, sensibiliser sans offenser, dépasser les tabous autour de la pratique ;
d’un savoir-être : être professionnel.le, avoir des compétences en matière de multiculturalité.
Lors de la formation, la personne relais est perçue de manière positive par les futur.e.s relais et considérée comme importante au sein de la communauté, bénéficiant d’un savoir-faire, savoir-être et « savoir dire » au sujet des MGF.
Les craintes
Les premières craintes exprimées sont liées aux capacités linguistiques personnelles, à une peur d’être mal vu.e.s, d’offenser la communauté (d’origine) voire même d’être rejeté.e.s de celle-ci. Certaines incertitudes ont également été mentionnées quant à la capacité d’aborder le sujet des MGF publiquement ou de ne pas savoir comment agir face à une victime pour créer un lien de confiance et de confidentialité.Des craintes au niveau de la capacité à assurer la formation ont également été citées (peur de rater un module, d’être en retard), au niveau des relations entre collègues ainsi que des craintes liées à la future mission de relais.En plus des craintes, les participants ont relevé un certain nombre de freins à la participation : le fait que les formations se déroulaient le week-end, le cumul avec une activité salariée, l’aspect bénévole du travail, ainsi que la pudeur et les émotions liées à la thématique.
La motivation
La motivation pour participer à la formation est quant à elle souvent liée à une expérience personnelle en tant que femme excisée, ou en tant que personne ayant des proches à risque :« J’ai 9 petites sœurs. J’ai subi quelque chose qui est horrible (…) je veux pas que mes sœurs subissent la même chose. » (une participante)La formation au GAMS est alors vue comme un moyen de trouver des arguments et le courage de s’opposer à une pratique très ancrée dans la communauté. Une participante souhaitait ainsi pouvoir justifier pourquoi elle n’a pas fait exciser ses filles, pointant le poids de la pression de la communauté, au pays d’origine comme en Europe, à perpétuer cette pratique considérée comme nécessaire.
La plupart des relais semblent ainsi avoir été motivé.e.s par leur conviction personnelle de la nécessité de combattre les MGF, l’envie de produire un changement, d’apprendre, de sensibiliser, d’« aider les femmes à être plus indépendantes et émancipées pour pouvoir choisir et décider de leur corps », de lutter contre les violences ou de protéger leurs filles/amies/voisines. Toutefois, pour certaines personnes, la formation était également (du moins au début) un moyen d’améliorer leur situation professionnelle et/ou administrative (demande d’asile ou de nationalité), ou simplement d’avoir une activité en dehors du centre de demandeurs d’asile. Si la mixité du groupe, en termes de genre et d’âge, a été vécue comme une barrière par certain.e.s au début de la formation, la confiance instaurée au fur et à mesure avec les autres participant.e.s et les animateurs/trices a permis à chacun.e de se sentir suffisamment à l’aise pour aborder des sujets considérés comme tabous, tels que la sexualité et l’excision.
L’acquisition de savoirs, savoir-être, savoir-faire
Lors des focus groupes et d’entretiens individuels, nous avons cherché à comprendre quels savoirs, savoir-être et savoir-faire étaient acquis par les personnes grâce à la formation relais.Fort heureusement, les futur.e.s relais ont estimé avoir acquis de nouvelles connaissances sur les MGF : les différents types et notamment l’existence de l’infibulation (type 3 selon la définition de l’OMS), les pays où elles se pratiquent, leurs conséquences (y compris psychologiques), les lois et les moyens de prévention. « Avant de faire cette formation je n’avais pas tellement considéré la gravité des mutilations, je me disais juste que c’était coutumier. Mais grâce à cette formation j’ai découvert que les femmes souffrent tellement. » (un participant)En plus de la connaissance spécifique aux MGF, les participant.e.s ont acquis des connaissances plus générales sur l’appareil génital féminin, les violences de genre (notamment le mariage forcé) et les moyens de contraception. Plusieurs personnes ont dit vouloir continuer à se former sur d’autres sujets après la formation.
En termes de savoir-faire, les participant.e.s ont exprimé avoir acquis les compétences nécessaires pour parler des MGF et d’autres violences envers les femmes : la capacité d’écoute active et d’accompagnement d’une personne dans la recherche de solutions concrètes à son problème, le repérage de signes du syndrome de stress post-traumatique et des capacités de dialogue avec la personne concernée. Les participant.e.s ont appris à parler de sujets jusqu’alors considérés comme tabous et ont acquis des connaissances sur les moyens de communication efficaces afin de sensibiliser au sujet des MGF sans offenser.
Des observations pendant les séances ont aussi montré que les participant.e.s s’exprimaient, pour la plupart, librement sur des sujets « sensibles », notamment sur la sexualité. Parmi les savoir-être que les participant.e.s ont rapportés, on compte entre autres : la confiance et le courage, la capacité d’être à l’écoute et attentif.ve à l’histoire d’une personne, la patience, la capacité de se remettre en question et de prendre du recul par rapport à son histoire, et s’en servir pour parler aux gens. Les participant.e.s rapportent également des acquis au niveau du respect des points de vue des autres ainsi qu’une plus grande ouverture d’esprit. Un homme a exprimé que la formation lui a permis de changer la façon dont il perçoit les femmes. Cependant, l’implication en tant que relais communautaire du GAMS n’est pas facile pour tout le monde, étant donné la sensibilité du sujet dans certaines communautés migrantes originaires de pays où les MGF sont pratiquées, comme le montre cet exemple: « ils me disaient ‘tu pars là-bas, pour parler des trucs de femmes ? qu’est-ce qui va pas, c’est à cause du stress ? (…), tu es fou » disait un participant djiboutien.
Analyse d’une dynamique d’empowerment
La notion d’empowerment nous permet d’examiner l’impact de la formation en termes de renforcement du pouvoir d’action des personnes l’ayant suivie. Parmi les nombreuses définitions de ce terme, nous empruntons celle de l’association Le Monde selon les Femmes : « le fait que les individus, femmes et hommes sont acteurs-trices de changements. [La notion d’empowerment] fait référence à l’individu, au pouvoir qu’il peut avoir sur sa propre vie, au développement de son identité ainsi qu’au collectif, au pouvoir des individus au sein du groupe dans une vision collective de gestion de la société, de la politique.» En promotion de la santé, l’empowerment peut être défini comme « un processus par lequel les individus et les communautés acquièrent la capacité à prendre en charge eux-mêmes les questions de santé qui les concernent. »
Hofmann propose une définition du processus d’empowerment des femmes selon quatre niveaux, qui doivent tous être inclus :
« le niveau cognitif où l’attention est centrée sur la prise de conscience de la réalité et des causes de la domination masculine ;
le niveau psychologique, en relation avec le développement des sentiments d’estime de soi et de confiance en soi, nécessaires pour prendre des décisions ;
le niveau économique, en relation avec l’importance d’avoir des activités permettant de générer un revenu et d’assurer un certain niveau d’indépendance économique (non seulement un accès à des ressources ou des bénéfices, mais aussi le contrôle de ceux-ci) ;
le niveau politique, impliquant la capacité d’analyser et de mobiliser son milieu social afin d’y introduire des changements. »
Nous pensons que la formation de relais communautaires peut avoir un effet positif sur l’empowerment individuel ainsi que collectif. Bien que l’impact d’un projet sur le processus d’empowerment est difficile à mesurer, nous avons tenté de classifier les résultats de l’évaluation selon les différentes composantes ci-dessus. Nous pouvons ainsi estimer si et comment la formation contribue à un tel processus de renforcement du pouvoir d’agir pour les participant.e.s.
Une prise de conscience de la réalité sociale
Les relais ont signalé avoir pris conscience de la réalité des MGF et d’autres violences faites aux femmes. La formation leur a ainsi permis de déconstruire l’obligation, dans leur communauté, de pratiquer les MGF. Les hommes du groupe ont exprimé que le dialogue avec les femmes, ainsi que les apports théoriques, leur ont permis de saisir l’importance de cette violence de genre et la souffrance qu’elle inflige aux femmes concernées. De plus, la formation semble également avoir permis dans une certaine mesure de déconstruire les idées préconçues sur la virginité féminine, la contraception ou encore et la fécondité et la stérilité. La formation a permis aux femmes de se libérer de certaines normes qui leur sont imposées. « J’ai appris, par rapport à l’hymen, que c’est pas toutes les femmes qui saignent (pendant le premier rapport sexuel), (…) alors qu’elles sont vierges ! Franchement ça je suis contente de l’apprendre et je vais expliquer ça aussi à ma communauté parce que y a tellement de pression (…) ça me soulage (tout le monde est d’accord avec elle). Et j’ai aussi appris que toutes les femmes n’ont pas le même hymen, que tous les hymens sont différents. » (une participante guinéenne)
Le GAMS permet aux personnes de trouver un espace sûr (« safe ») pour dialoguer sur ces sujets difficiles. « Le GAMS est le seul endroit, (…) en tant qu’usager et (…) futur relais communautaire (…) où on peut se retrouver et parler de choses vraiment sans tabou et sans complexes. » (une participante)
Le développement de l’estime de soi
En permettant d’aborder des sujets tabou, la formation « Community Voices » pourrait permettre aux participant.e.s de développer les aspects psychologiques de l’empowerment à travers la diminution des sentiments de honte, de culpabilité et de peurs liées à la pratique des MGF et d’autres violence de genre, de même que le développement d’un sentiment d’aise par rapport au fait de parler de leur vécu de ces violences. Des personnes ont aussi exprimé que l’expérience leur a permis d’avoir une meilleure confiance en elles, de se sentir plus à même de s’exprimer sur des sujets sensibles (notamment dans un groupe mixte) et se sentir plus fort.e.s et courageux/euses.
Le renforcement du pouvoir d’agir
Le volet politique de l’empowerment concerne le fait d’être en mesure d’apporter du changement dans la société. Lors des FGD, les personnes ont exprimé à quel point la formation leur a permis de renforcer leur militantisme et leur conviction qu’il est nécessaire de se battre contre les MGF et d’autres violences faites aux femmes. Les personnes estimaient avoir acquis les outils nécessaires pour intervenir et aborder ce sujet dans leur communauté, y compris une connaissance des associations œuvrant dans ce domaine et la loi belge la concernant.
« Avant j’avais peur du regard des gens, quand ça parle de l’excision et de choses comme ça, pour moi c’était silence radio, je parlais pas, là maintenant j’ai appris que je peux parler sans crainte, sans avoir honte. » (une participante)
« [La formation] m’a d’abord permis de me libérer, parce qu’avant je n’arrivais pas à parler de l’excision ou des violences faites aux femmes. » (une participante). Certain.e.s évoquent le sentiment de pouvoir faire quelque chose de positif pour la communauté. De plus, dans le cas d’une participante anglophone, le fait de participer à la formation lui a permis de renforcer son niveau de français, augmentant sa capacité d’agir dans la société francophone.Les relais se sentent généralement confiantes quant à leur futur mission en tant que relais et bien préparées pour mener des actions de sensibilisation sur les MGF. « Après cette formation, on a cette envie d’aider les gens, de s’impliquer, et bien qu’il y ait une certaine peur (…) il y a une certaine force qui nous a été donnée et on se sent vraiment courageux, on veut tout aborder. » (une participante)
Des questions en suspens et des perspectives
Le projet de formation de relais n’aborde pas directement la composante économique de l’empowerment. Nous pouvons nous demander dans quelle mesure les savoirs et savoir-faire acquis dans le cadre de la formation peuvent avoir un effet positif pour la capacité des personnes à acquérir une activité salariée. Pareillement, les problèmes liés au manque de droit de séjour a une influence sur la capacité d’agir des participant.e.s et mériterait peut-être plus d’attention dans notre analyse du projet.
Dans une perspective d’analyse genrée, nous pouvons questionner l’impact du projet sur l’empowerment général des participantes dans la société patriarcale. Dans quelle mesure la participation à la formation peut-elle avoir un effet positif sur le pouvoir qu’elles occupent au sein de leurs familles, couples et communautés ? Sont-elles en meilleure capacité de participer et d’influencer leur communauté, que ce soit sur l’excision ou dans d’autres domaines ? Auraient-elles plus de pouvoir pour résister aux violences sexistes dont elles peuvent être victimes ? Parallèlement, nous pouvons espérer, mais pas prouver, que des hommes formés sur les questions de violence de genre sont moins enclins à être auteurs de violences sexistes. Peut-il, par exemple, aussi y avoir un résultat positif sur leur capacité à remettre en question une division traditionnellement genrée des tâches au sein de leurs couples et de leurs familles ?
Aussi, des questions se posent naturellement par rapport à la manière dont des professionnel.le.s en tant que groupe relativement privilégié comparé aux personnes visées par cette action, peuvent contribuer à l’empowerment de ces dernières. Une première réponse réside dans le fait de servir de ressource et de facilitateur du dialogue. Néanmoins, c’est une question à laquelle nous nous devons d’être vigilant.e.s.Enfin, comment pourrait-on mesurer et éviter d’éventuels effets adverses d’un projet comme celui-ci, sur l’empowerment justement ? De nombreuses expériences de projets de développement montrent que ceux-ci peuvent, aussi, avoir des effets négatifs pour les femmes en augmentant leur charge de travail, y compris le travail de care.
Quels sont les impacts de notre projet et comment pourrait-on mettre en place des stratégies pour réduire un tel impact (garde pour les enfants pendant la formation, décentralisation des séances, prise en compte de l’agenda des participant.e.s) ?
En conclusion, notre analyse permet d’illustrer l’enrichissement personnel et le potentiel d’empowerment de ce type de formations de relais dans les domaines de la promotion de la santé des femmes, et des hommes, et de la réduction des violences sexistes. Un bénéfice du projet qui pourrait sans doute être d’autant plus fort si l’empowerment constituait un objectif bien précis dès le début du projet et que la définition de cette notion était faite avec les participant.e.s elles/eux-mêmes.
Nous adoptons une écriture « inclusive » permettant de mettre les hommes et les femmes à égalité
Richard, F et Dubourg D. (2018) Estimation de la prévalence des filles et femmes excisées ayant subi ou à risque de subir une mutilation génitale féminine vivant en Belgique, 2018 – Mise à jour au 31 décembre 2016 , SPF Santé public et IEFH. Accessible : https://www.strategiesconcertees-mgf.be/wp-content/uploads/20180302_FGM_PrevalenceStudy_12-pages_FR.pdf (17/05/2018)
Barrett, H (2018) Researching Female Genital Mutilation / Cutting, eds. Leye, E, Coene, G. VUB Brussels University Press ; Barrett, H. & Alhassan, Y. (2016) Community Mapping with FGM Affected African Communities in the EU – PRACTICAL HANDBOOK, Coventry University; Barrett, H. & Alhassan, Y. (2016) The REPLACE Community Readiness to
End FGM Assessment PRACTICAL HANDBOOK, Coventry University
Barrett, H (2018) Researching Female Genital Mutilation / Cutting, eds. Leye, E, Coene, G. VUB Brussels University Press ; Barrett, H. & Alhassan, Y. (2016) Community Mapping with FGM Affected African Communities in the EU – PRACTICAL HANDBOOK, Coventry University; Barrett, H. & Alhassan, Y. (2016) The REPLACE Community Readiness to
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Le Monde Selon les Femmes, Les Essentiels du Genre, N°10 – Empowerment
Breton, Jabot, Pommier, Sherlaw (2017) La promotion de la santé – comprendre pour agir dans le monde francophone, Rennes : Presses de l’EHESP.
Hofmann E. (2003) Comment évaluer l’empowerment des femmes défavorisées?, Genre en action. (www.genreenaction.net, 15 juni 2008)
Bishop, D. and Bowlan, K. (2014) Still learning: a critical reflection on three years of measuring women’s empowerment in Oxfam, Gender & Development, 22:2, 253-269
Wallerstein, N., Bernstein E. (1994) “Introduction to community empowerment, participatory education, and health, Health education quarterly, 21 (2), p. 141-148.
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A l’occasion du premier Forum européen « Addictions et Société » qui s’est tenu en octobre à Bruxelles, des actrices du champ de la Réduction des Risques (RdR) ont partagé leurs expériences passées, présentes et leurs réflexions et souhaits sur le futur du secteur. Revenons sur les points essentiels abordés lors de cette session intitulée « Réduire les risques, maximiser la promotion de la santé ».
Un regard sur le passé
C’est tout d’abord Anne Coppel qui ouvre la danse. Sociologue dans le champ des drogues, elle est l’une des pionnières de la RdR liés aux usages de drogues en France. Au travers de son expérience, elle retrace l’émergence d’une prise de conscience très (trop) lente face à l’épidémie du VIH-Sida lié à l’usage de drogues, ‘une catastrophe sanitaire et sociale’ (comme le soulignera le rapport de la Commission Henrion en 1994, soit avec une dizaine d’années de retard). Il y avait peut-être, au début des années ’80, un consensus sur le fait que la toxicomanie et la propagation du VIH étaient un problème de société, mais aucun consensus par rapport à la question de santé publique que cela entraînait (notamment l’accès à un traitement de dépendance aux opiacés). Le tabou reste très prégnant à l’heure actuelle, insiste-t-elle… mais un glissement dans les croyances collectives a fait doucement du chemin et lie désormais davantage la problématique de la toxicomanie à une question de santé publique. D’ailleurs, « le changement des croyances collectives ne s’est pas fait dans le débat public mais dans les pratiques ». Au départ faites dans l’illégalité, les premières actions de RdR étaient des pratiques purement empiristes mises en place par des personnes « proches du terrain, et nécessairement moins insérées dans les dispositifs institutionnels » : des médecins, des militants dans des associations (Médecins du Monde, par exemple, fait figure de pionnier en France), des pharmaciens et d’autres professionnels de la santé. Toutefois, pour appuyer ce basculement des croyances, il a fallu également l’appui et la médiation d’experts internationaux. Anne Coppel a depuis lors publié plusieurs ouvrages sur l’émergence de la RdR en France et son évolution.
Transition vers aujourd’hui
Les deux oratrices suivantes partagent ensuite leurs expériences de projets menés actuellement en Belgique et dans le Nord-Pas-de-Calais. En premier lieu, Laurence Przylucki nous parle du Comptoir à Charleroi qui a ouvert ses portes il y a 17 ans. Contrairement à la France, l’association a attendu l’arrivée d’un Arrêté royal autorisant la distribution de matériel stérile d’injection pour ouvrir ses portes. Le point principal que nous retiendrons de sa présentation et de l’activité du Comptoir est qu’il s’agit avant tout d’un lieu d’accueil et d’écoute. Toute l’attention et l’énergie de l’équipe ne se concentre pas uniquement sur la problématique de consommation mais aussi sur l’importance de « tisser du lien ». Les activités variées qui ont progressivement vu le jour dans les murs du Comptoir « le sont en fonction d’une réalité plus que d’un idéal ». En effet, le travail réalisé sur place avec les usagers permet à Laurence Przylucki et son équipe de constater l’ampleur des besoins non couverts chez les usagers : l’absence de liens affectifs, des conditions de vie déplorables, une grande précarité financière, un cadre de vie non sécurisant… « Les représentations autour de la toxicomanie ont évolué mais on reste dans une perception très limitée de la réalité de ces personnes ». Ce trait reste persistant, ajoute-t-elle, et le changement des mentalités a encore du chemin devant lui : « nos actions sont encore perçues comme des incitations à la consommation. Le droit à la santé est pourtant un fondement… » Pour conclure son intervention, elle souhaite souligner qu’on n’a pas encore atteint un seuil suffisant dans la réponse apportée en Belgique et qu’il est nécessaire d’évoluer vers la possibilité d’allier prévention et prise en charge de la toxicomanie et des usages de drogues. Pour en apprendre davantage sur le projet et les activités du Comptoir, n’hésitez pas à consulter leur site https://www.lecomptoirdecharleroi.net/.
Audrey Senon nous parle de la RDR « 2ème génération », avec la présentation de la « Spiritek » active à Lille et dans ses environs. Avec l’émergence de la musique électronique (des musiques, corrigerons les connaisseurs), l’arrivée de nouveaux stimulants de synthèse, dans un contexte de fêtes de type rave party… une nouvelle forme de RdR voit le jour, qui se focalise moins sur la problématique du VIH et des consommations de drogue par voie intraveineuse mais davantage sur les pratiques festives au sens plus large : les consommations, les impacts liés à l’environnement (les sons, les lumières…), les rencontres qui s’y font, etc. A ce propos, elle applaudit le pragmatisme belge qui les a fort inspirés au départ.
L’association est d’ailleurs accompagnée par Modus Vivendi pour la mise en place des labels « Quality Night ». Cette initiative leur a permis d’améliorer les compétences et l’inclusion d’une co-responsabilité des gérants de milieux festifs.
L’accompagnement, la sensibilisation et la formation des gérants ou des organisateurs de temps festifs en tout genre, qu’ils soient reconnus ou non, des professionnels, des étudiants… est l’un des axes clés de leur travail. On retiendra par exemple quelques outils aux noms marrants, originaux et évocateurs mis à leur disposition tels que la « Borne to be alive » (qui propose un ensemble d’outils tels que des éthylotests, des « roule-ta-paille », des préservatifs, des bouchons d’oreille…) et les « kiff » (des kits pour faire la fête, disponibles pour toute personne qui organise une fête chez elle avec quelques amis). Nous vous invitons à découvrir plus largement le travail et l’accompagnement réalisés par l’équipe de la Spiritek sur le site de l’association www.spiritek-asso.com.
Les enjeux futurs
La parole revient ensuite à Catherine Van Huyck. Forte de son expérience de terrain, la directrice de Modus Vivendi revient sur les défis et les points d’attention pour le secteur. La RdR est aujourd’hui reconnue, tant par les politiques que par les usagers. Le secteur s’est peu à peu institutionnalisé et peut enfin « dire son nom » ! Le cadre de travail reste fragile mais est devenu plus pérenne, le cadre légal évolue parfois positivement (c’est le cas par exemple pour les comptoirs d’échange de matériel stérile, pour le transport de produits vers des laboratoires pour du testing…) même si, ne nous leurrons pas, nous sommes loin (très loin !) d’un cadre légal porteur et favorable. Un projet comme la salle de consommation à moindre risque (SCMR) a vu le jour dernièrement à Liège. Et le secteur peut jouir d’une excellente expertise en termes d’évaluation et d’ ‘evidence-based’… Tous ces points positifs ne sont pas à balayer d’un revers de la main.
Pourtant, le secteur de la RdR, analyse-t-elle, se trouve aujourd’hui en tension entre deux courants : d’une part sa reconnaissance et son institutionnalisation, et d’autre part le mépris de ses principes. Catherine Van Huyck nous liste ici cinq points d’attention pour l’avenir :
« Nous devons faire attention à ne pas devenir des gestionnaires, pour rester avant tout au service des personnes ». Pour cela, elle recommande aux acteurs de « sortir de leur milieu », de retourner se confronter aux réalités changeantes du terrain, de rester au plus proche des usagers. Valoriser le temps du contact humain et ne pas se cantonner à un rôle de distributeur de matériel… voilà un défi et une tension frustrante et usante auxquels sont confrontés les travailleurs, qui se trouvent à courir derrière les chiffres de leur file active plutôt que d’avoir du temps pour tisser du lien et travailler sur les autres déterminants, comme le soulignait Laurence Przylucki avec Le Comptoir.
D’un point de vue éthique, il est essentiel de « ramener le débat au sein de la collectivité sur la représentation des drogues mais aussi sur la responsabilité collective – commune, civique et politique – toujours plus fragilisée de nos jours ».
Dans le même ordre d’idée, elle insiste sur la responsabilisation individuelle toujours plus prégnante dans l’imaginaire et le discours collectif. Pourtant, tout le monde n’est pas égal face aux produits, face à l’accès aux soins, etc. « Il faut se mettre dans une vision de justice sociale ».
Le point d’attention suivant porte sur les usagers et sur la reconnaissance de leurs savoirs. Une reconnaissance mutuelle entre professionnels et usagers est centrale et ne doit pas être oubliée. Elle cite des exemples comme le fait que les pairs-aidants sont parfois moins considérés dans des équipes de travailleurs ou le manque de confiance qu’on peut témoigner face aux usagers concernant l’usage de produits tels que le Naloxone (un antidote utilisé en cas d’overdose aux opiacés tels que l’héroïne).
Et enfin, bien qu’il faille porter une attention aux déterminants de la santé, c’est aussi le cadre prohibitionniste en Belgique qu’il faudrait réformer, souligne-t-elle (applaudissements dans la salle). Sortir du camp systématique de l’opposition pour construire une nouvelle politique et pouvoir se mettre dans la posture « avec qui et pourquoi travaillons-nous, plutôt que contre qui et pourquoi » apporterait beaucoup au secteur.
En guise de conclusion, nous citerons Anne Coppel : « La réduction des risques, c’est en fait le principe de base de toute prévention. ‘Si tu fais de la moto, mets un casque’ par exemple. Il s’agit pourtant de quelque chose de banal appliqué à un contexte spécifique : celui de la consommation de drogues… au fond, ce n’est que ça.Malgré tout, nous n’arrivons pas à changer le caractère d’exception de cette politique. Une fois qu’on a basculé dans ce principe, c’est une évidence.»
Pour en savoir plus :
Le Forum « Addictions et Société » : https://www.addictionetsociete.com/ (toutes les sessions ont été filmées, elles seront accessibles prochainement sur le site).
Arrêté Royal du 05/06/2000 relatif à l’exercice des professions de soins de santé
Nous vous invitons à lire son analyse plus détaillée et approfondie dans l’article « RDR et prohibition : quel sens donner à l’action ? » paru dans Prospective Jeunesse, n°78, novembre 2017.
Aujourd’hui, la médecine se révèle de plus en plus divisée en spécialisations multiples et la santé[1] de chacun-e n’est plus que très rarement analysée dans sa globalité. C’est l’approche biomédicale qui s’impose principalement, proposant une vision de la personne, de la santé et de la maladie axée sur la biologie. Pourtant, d’autres approches de la santé ont toujours coexisté et continuent de se développer un peu partout, et tout particulièrement au Québec. Celles-ci remettent en cause le modèle biomédical dominant. Le présent article se focalise sur une théorie québécoise, dite de l’approche globale et féministe de la santé.
Particulièrement utile pour réaliser des diagnostics, le modèle biomédical réduit la santé à l’absence ou à la gestion de la maladie, alors qu’il s’agit d’un concept bien plus large. Il se focalise sur des facteurs biologiques pour expliquer une maladie, sans inclure des facteurs sociaux et psychologiques ni prendre en compte les interactions réciproques entre le physique et le mental. Ce système s’inscrit dans une médicalisation croissante de la santé, soutenue par le poids toujours plus important des firmes pharmaceutiques, notamment au travers des publicités.
Depuis toujours, d’autres approches de la santé remettent en cause ce modèle biomédical, estimant, entre autres, que celui-ci est dépassé au vu de l’évolution du secteur de la santé : si pendant longtemps les principales causes de décès étaient des maladies infectieuses, pour lesquelles le diagnostic était fondamental (tuberculose, pneumonie, grippe, etc.), aujourd’hui ce sont les maladies chroniques, dites « de société » (c’est-à-dire liées à nos modes de vie), qui sont en hausse (crises cardiaques, cancers, accidents cardio-vasculaires, etc.). À cela s’ajoute également les maladies mentales, de plus en plus identifiées et médicalisées. Celles-ci sont par contre encore parfois considérées comme moins graves que des maladies physiques, le biomédical établissant une sorte de « hiérarchie » du corps sur le mental.
Une approche globale, genrée et inclusive ?
Outre les soins, la santé englobe également le bien-être, le bien-vivre, la santé mentale, et bien d’autres éléments. Pour l’appréhender dans sa globalité, toutes les facettes de la santé doivent être prises en compte de manière équivalente et complémentaire : tout le monde gagnerait à ce que notre système de santé soit moins « compartimenté ».
Afin de développer une approche globale, il est également nécessaire de prendre en compte divers facteurs fondamentaux (sociaux, environnementaux, économiques, etc.), oubliés du système biomédical. Parmi ceux-ci figure le genre. On ne le répètera jamais assez : l’égalité entre les femmes et les hommes est encore loin d’être acquise et le domaine de la santé n’échappe pas à ce constat. Report plus fréquent des soins de santé, plus forte consommation d’antidépresseurs, etc.
Divers éléments indiquent des différences significatives entre les femmes et les hommes en matière de santé, qui ne sont pourtant que peu (voire pas du tout) prises en compte dans notre système de santé. Certains pans de la santé des femmes (notamment en matière de santé sexuelle, comme l’endométriose ou encore le vaginisme) ne sont encore que très peu explorés. De plus, l’approche biomédicale a tendance à ne pas considérer l’influence du patriarcat et des phénomènes sociaux dans le développement d’un éventuel mal-être, axant la santé sur l’aspect curatif et interventionniste, au détriment de la prévention et de la promotion de la santé.
L’ approche globale et féministe de la santé
Cette théorie québécoise s’articule autour de huit axes fondateurs.
Concevoir l’être humain comme un tout
Plutôt que de segmenter la personne au travers d’une conception mécaniste du corps, une approche globale de la santé se base sur la conception de l’être humain comme un tout (physique et mental), en perpétuelle interaction avec son environnement social et physique. La santé est dès lors considérée aussi comme le résultat de rapports sociaux et est définie de manière holistique, c’est-à-dire considérant l’humain comme un tout indivisible.
Prôner l’intersectionnalité
Dans cette logique holistique, l’approche globale et féministe remet également en question la vision « uniformisante » de la santé : les spécificités physiologiques et sociales de chaque sexe et de chaque genre doivent être prises en compte. Cela peut se faire au travers de l’intersectionnalité, un concept utilisé principalement en sociologie pour « croiser » différentes caractéristiques d’une personne qui peut alors faire face à des discriminations multiples et/ou à des rapports de domination divers. C’est par exemple le cas du sexe, du genre, de l’orientation sexuelle, du niveau de vie, d’un éventuel handicap, de la religion ou encore de l’origine ethnique. Cette notion est particulièrement utilisée par les militant-e-s antiracistes et par les féministes car il permet de penser les discriminations dans des cadres plus larges et, à nouveau, moins segmentés.
Prendre en compte les déterminants sociaux
Selon toute approche globale de la santé, il est nécessaire de prendre en compte une série de déterminants sociaux, c’est-à-dire des facteurs définissables qui influencent l’état de santé d’une personne ou qui y sont associés. En interagissant entre eux, ces déterminants engendrent des conditions de vie qui ont une influence sur la santé de chacun-e. Ces facteurs peuvent être classés de diverses façons, en voici un exemple[2] :
Le niveau de revenus et le statut social
Les réseaux de soutien social
L’éducation
L’emploi et les conditions de travail
Les environnements sociaux
Les environnements physiques
Les habitudes de santé et la capacité d’adaptation personnelle
Le développement de la petite enfance
Le patrimoine biologique et génétique
Les services de santé
Le sexe
La culture
Parmi ceux-ci, les déterminants sociaux sont l’une des principales causes d’inégalités en matière de santé, car ils conditionnent les circonstances dans lesquelles chacun-e naît, grandit, vit, travaille et vieillit, influençant ainsi la façon dont chaque personne peut faire face à une éventuelle maladie.
Privilégier la prévention et la promotion de la santé à une médecine interventionniste et curative
Dès le moment où l’on appréhende la santé de manière plus large que les maladies, il est également nécessaire de ne pas considérer la médecine interventionniste et curative comme l’unique solution. C’est dans ce cadre que la prévention et la promotion de la santé jouent un rôle fondamental.
L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) définit la promotion de la santé comme « le processus qui confère aux populations les moyens d’assurer un plus grand contrôle sur leur propre santé, et d’améliorer celle‑ci ». Dès lors, la santé est considérée comme une ressource de la vie quotidienne (et non comme le but de la vie) ; c’est un concept positif qui met en valeur les ressources sociales, individuelles et les capacités physiques. Au-delà de prôner des modes de vie sains, la promotion de la santé vise le bien-être : la santé n’est donc pas réduite au secteur sanitaire.
Dans ce cadre, l’approche globale et féministe de la santé considère que « la santé est affaire de justice sociale. C’est pourquoi les pouvoirs publics ne doivent pas abdiquer leur devoir de légiférer et de règlementer dans tous les domaines qui touchent les déterminants de la santé[3]».
Développer l’autosanté
L’autosanté implique une démarche personnelle permettant à chacun-e de percevoir les liens entre sa santé et sa situation de vie. L’autosanté est trop souvent réduite à l’autodiagnostic (autopalpations, autotests permettant le dépistage de certaines pathologies, etc.), mais ce concept est plus large : il implique que chaque personne puisse agir sur elle-même et sur son environnement dans le but d’améliorer son état de santé et sa qualité de vie. L’autosanté n’est pourtant pas qu’une démarche individuelle, elle peut également être collective. De tous temps, les femmes en particulier, se transmettaient des connaissances pratiques, de génération en génération, au sujet de la santé féminine, mais ces traditions se sont petit à petit perdues, à l’avantage du savoir médical.
L’autosanté s’inscrit dans le développement global de l’empowerment, soit « la prise en charge de l’individu par lui-même, de sa destinée économique, professionnelle, familiale et sociale[4] ». L’empowerment en matière de santé recouvre notamment l’éducation thérapeutique du patient, décrit par l’OMS comme « un processus continu, intégré dans la démarche de soins et centré sur le patient. Il comprend des activités organisées de sensibilisation, d’information, d’apprentissage et d’accompagnement psychosocial concernant la maladie, le traitement prescrit, les soins, l’hospitalisation et les autres institutions de soins concernées. Ce processus éducatif vise à aider le patient et son entourage à comprendre la maladie et le traitement, à mieux coopérer avec les soignants et à maintenir ou à améliorer sa qualité de vie » [5].
Promouvoir l’empowerment en matière de santé permet de rendre chacun-e véritablement actrice/teur de santé et ce même en-dehors de toute prise en charge, par exemple en développant de saines habitudes de vie. Prévenir des problématiques de santé s’inscrit dans une attention aux attitudes et aux comportements qui construisent la santé (privilégier une alimentation saine et équilibrée, veiller à conserver une activité physique quotidienne et modérée, accorder de l’importance à la relaxation, limiter la consommation de tabac et d’alcool, etc.). Les patient-e-s sont dès lors partie prenante de leur santé mais cela ne les en rend pas responsables pour autant : l’empowerment doit toujours s’inscrire dans un cadre d’accompagnement professionnel psycho-médico-social et n’exclut en rien la possibilité de recourir à la médecine « classique ».
Favoriser l’autonomie des patient-e-s et respecter leur droit au consentement éclairé
Cet axe est une illustration « miroir » du précédent : si l’autosanté se développe, le corps médical se doit de respecter cette autonomie croissante des patient-e-s et de s’y adapter. En Belgique, depuis 2002, une loi est consacrée aux droits des patient-e-s. Celle-ci reprend entre autres le droit au consentement éclairé, qui est un droit fondamental, signifiant que toute l’information disponible doit être transmise aux patient-e-s afin de leur permettre de prendre une décision en toute connaissance de cause et de comprendre chaque acte médical posé.
Développer un sens critique face aux savoirs à prétention universelle
L’empowerment réel et efficace des patient-e-s ne peut se faire qu’à travers une démocratisation du savoir (dans une logique de prévention) ainsi qu’une remise en question des savoirs à prétention universelle tels que la religion, la politique et la médecine. Cette dernière se fonde encore fortement sur des savoirs biomédicaux qui doivent être analysés avec un sens critique, notamment au vu de la norme masculine, blanche et hétérosexuelle qui reste la référence.Couplé au droit au consentement éclairé, le développement de ce sens critique permet également d’instaurer une relation plus égalitaire entre les patient-e-s et les thérapeutes. Il ne s’agit nullement ici de dire que les patient-e-s doivent se substituer aux médecins ou ne plus croire ce que celles/ceux-ci disent, mais bien de permettre une discussion plus équilibrée entre le savoir du corps médical et les volontés, souhaits, préférences de chaque patient-e afin de trouver ensemble la solution la plus appropriée à chaque situation.
Favoriser l’ouverture aux approches alternatives
Toujours dans une logique d’adopter l’approche la plus adéquate pour chacun-e, il peut s’avérer utile d’être ouvert-e aux approches alternatives. Il ne s’agit pas de dire qu’il faut les préférer à l’approche « traditionnelle », mais qu’il faut être conscient-e que certaines d’entre elles conviennent mieux que d’autres à certaines personnes, ce que l’approche médicale dominante fait relativement peu.Nous insistons toutefois sur le fait que celles-ci doivent nécessairement être encadrées et règlementées de manière à assurer le respect total des droits de la personne, tout en lui offrant une solution de qualité, ayant fait ses preuves. Nous prônons donc la complémentarité des approches plutôt qu’une approche unique.
Des clefs pour penser la santé autrement
La santé est un domaine complexe dont on oublie trop souvent les multiples déterminants pour se concentrer sur les soins de santé. Ils sont bien entendu un aspect fondamental de la santé, mais celle-ci ne doit pas être réduite à cette dimension. Les influences réciproques du social et de la santé doivent impérativement être prises en compte pour tendre vers plus d’égalité en la matière.
L’approche globale et féministe de la santé présente des clefs pour l’appréhender différemment et permettre à chacun-e de se l’approprier pour en devenir actrice/teur à part entière. Cela ne signifie pas pour autant qu’elle soit parfaite ni que les autres approches soient à rejeter. Si les huit axes autour desquels elle s’articule sont pertinents, certains doivent être appliqués avec précaution. C’est notamment le cas de l’autosanté, qui doit s’inscrire dans un encadrement professionnel du secteur psycho-médico-social, ou encore des approches alternatives, qui doivent être règlementées.
Il est important de préciser que l’approche globale et féministe n’est pas contradictoire avec l’approche biomédicale, et que cette dernière ne doit donc en aucun cas être « rejetée en bloc », la médecine curative et interventionniste sauvant de nombreuses vies. Il s’agit plutôt d’une alternative pouvant s’avérer complémentaire à l’approche biomédicale dominante.
Les mouvements féministes ont toujours joué un rôle fondamental dans la remise en question et la contestation de l’approche biomédicale, celle-ci étant très « andronormée », c’est-à-dire que les hommes y constituent la norme. C’est pourquoi il est nécessaire que les soins de santé, et plus largement la vision de la santé, soient adaptés aux spécificités de genre. Cet aspect n’est encore que trop peu pris en compte, en ce compris dans les actions de prévention et de récolte des données. Afin d’agir également sur le plan collectif, nous porterons cette revendication afin que ces éléments puissent transparaître dans les futures déclarations politiques gouvernementales en matière de santé.
Picard Jean-François, « Naissance de la biomédecine, le point de vue d’un historien », dans M/S : Médecine Sciences, n°12, 1996, p. 97, https://www.ipubli.inserm.fr/handle/10608/611.
[1] Nous utiliserons ici le terme « santé » dans son sens le plus global, sans connotation ni positive, ni négative. Nous ne suivons donc pas ici la définition de l’OMS qui considère la santé comme un concept positif : « La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité. ». Pour plus d’information, voir www.who.int.
La non-mixité consiste à créer des espaces de travail et/ou de parole entre personnes appartenant à un même groupe social. On retrouve cette non-mixité, par exemple, dans des corporations, dans des mouvements de minorités ethnique, de génération, de genre…
Cette pratique est utilisée par certains militants ou autoreprésentants, notamment dans les mouvements féministes, LBTG, antiracistes ou encore de personnes vivant en situation de handicap. La non-mixité fait l’objet de critiques, y compris au sein même de ces mouvements, car elle est parfois jugée comme excluante ou contre-productive et apparait de nos jours comme une option marginale.
Mixité/non mixité, une recherche d’égalité ?
Pour comprendre l’évolution de notre société en matière de mixité/non-mixité, il est intéressant de faire un détour par le monde scolaire. En effet, le temps de l’école des filles séparée de l’école des garçons nous semble révolu et la mixité s’impose aujourd’hui à nous comme une norme. C’est une réalité qui tend à se propager à l’ensemble des lieux de socialisation. La majorité des institutions, des lieux d’accueil, de formation et autres mouvements de jeunesse fonctionnent désormais en mixité de genre. Cette mixité de genre et, plus largement, la mixité sociale sont encouragées et en sont même élevées au rang de valeur.
Pourtant, la mixité dans les écoles, par exemple, est une construction récente qui s’est imposée pour répondre à des contingences matérielles avant tout. Selon Michel Fize[i], sociologue de la famille et auteur d’un ouvrage sur la mixité scolaire (2003), la mixité dans les écoles françaises est née dans les années 1960 sans réelle réflexion pédagogique préalable et dans le but de faire face à l’augmentation de la population scolaire et au manque d’infrastructures. Par la suite, dans les années 1980, des idées égalitaires sont venues renforcer l’option prise par l’enseignement public. En Belgique comme en France, la mixité a émergé dans les années 1960 pour se généraliser dans les années 1970, mais il a fallu attendre le décret « Missions » de 1997 pour voir la Communauté française en faire une obligation légale dans les écoles de son réseau.
Pour Michel Fize[ii] (2003, p274), « la mixité scolaire a échoué, puisque l’égalité des sexes n’est toujours pas assurée ». Il argumente par le fait que la mixité a une part de responsabilité dans la moindre réussite des garçons, en plus de n’avoir pas permis de réduire les stéréotypes et les discriminations sexuelles. Il faudrait, écrit-il, repenser la mixité. Pour repenser la notion de mixité, il est intéressant de l’articuler avec la notion d’égalité.
Christine Delphy[iii], sociologue et féministe (2016), dénonce que la mixité ne suffit pas toujours à rétablir l’équilibre et à assurer l’égalité. Elle considère que la mixité, si elle n’est pas accompagnée d’un réel travail de recherche d’égalité, conduit à « l’hyper sexualisation des conduites des deux sexes» et favorise les inégalités. Elle propose une alternative : instaurer une « non-mixité choisie » dans certains lieux afin de favoriser l’auto-émancipation. «La pratique de la non-mixité est tout simplement la conséquence de la théorie de l’auto-émancipation. L’auto-émancipation, c’est la lutte par les opprimés pour les opprimés. »
Les mouvements américains de lutte pour les droits civiques en sont une illustration. Dans les années 1960, après deux ans de travail mixte, le mouvement s’est ouvert uniquement aux Noirs « (…) estimant que c’était la condition pour que leur expérience de discrimination et d’humiliation puisse se dire …» (Delphy[iv] 2016).
Pour comprendre le choix de la non-mixité, il est important de se souvenir que la mixité n’est pas synonyme d’égalité, mais plus modestement un moyen d’obtenir de l’égalité. Un moyen qui, s’il n’est pas accompagné d’un réel travail de recherche d’égalité, peut se montrer contre-productif. L’introduction de la notion de « recherche d’égalité » permet de sortir d’une lecture binaire : mixité/non-mixité. Elle nous offre une grille d’analyse plus complexe avec quatre possibilités au sein d’un groupe :
une mixité sans égalité, au sein de laquelle on n’a pas instauré une politique d’égalité dans laquelle se développe un renforcement des rapports de force entre les sexes ;
une mixité émancipatrice accompagnée d’une réelle recherche d’égalité ;
une ségrégation, dans laquelle le groupe des dominés est mis à part ;
une non-mixité choisie comme outil d’auto-émancipation.
Mixité/non mixité, une adaptation en fonction des objectifs
Nous avons interrogé des professionnels du secteur social à ce sujet et il est apparu comme essentiel que la question de la mixité ou de la non-mixité à l’intérieur des actions sociales est à mettre en lien avec les objectifs à atteindre.
Par exemple, s’il s’agit de sensibiliser le public à la problématique des violences faites aux femmes, il est sans doute intéressant de travailler en mixité. Mais s’il s’agit d’outiller ces femmes pour se défendre, il est intéressant d’envisager la non-mixité comme une option valide.
Irène Zeilinger[v] de l’asbl Garance témoigne : « on se sent très mal compris quand on travaille en non-mixité parce que les gens ne comprennent pas toujours l’objectif principal qui est d’outiller les femmes. Dans les groupes mixtes, les rapports de pouvoir se reproduisent malgré la meilleure volonté des hommes et des femmes. On passe alors beaucoup de temps à déconstruire les rapports de violence. Nous avons observé aussi que la prise de parole n’est pas la même ; ce sont les hommes qui parlent le plus même lorsqu’ils sont minoritaires. Enfin, c’est aussi une question de sécurité et de confiance. La majorité des femmes qui ont été victimes de violence, l’ont été par des hommes. Elles ont du mal à refaire confiance aux hommes et nous devons constater qu’il est plus facile de parler de ces sujets entre femmes. »
Audrey de Briey[vi], coordinatrice des asbl Mode d’Emploi (2016), argumente le choix de la non-mixité des formations Vie Féminine de la manière suivante : « la non-mixité permet aux femmes (…) d’acquérir plus de confiance en elles, en leurs capacités, leur potentiel, de les rendre plus sûres d’elles.»
A l’asbl Garance, lorsqu’ils organisent des groupes de self défense, Irène Zeilinger[vii] a observé « que certains hommes tentent d’impressionner les femmes laissant à celles-ci moins l’occasion de développer leur potentiel. Pour certains, il est inconcevable que les femmes assurent elles-mêmes leur sécurité.
D’autre part, on remarque qu’ils ont du mal à laisser une provocation sans réponse. Ce qui les amène à se mettre en danger plus que les femmes. »
Pour toutes ces raisons, il est intéressant de travailler en groupes non mixtes afin d’outiller chacun en fonction de sa différence.
Dans le champ du handicap, les concepts d’autodétermination tels que le « peer counseling » et l’ « empowerment » se sont répandus depuis les années 1990 ; ils regroupent des actions de formation par les pairs (appelés « pairs aidants ») et d’ « auto-représentation » dont le leitmotiv est : « Rien pour nous sans nous ! » (déclaration de Madrid[1]). Il s’agit d’accompagnements de personnes vivant avec un handicap désireuses d’augmenter leur autonomie, par des personnes vivant en situation de handicap qui ont atteint un niveau d’autonomie plus grand.
Le professeur Michel Mercier[viii] mène, depuis plus de 20 ans, avec son équipe, des recherches et des actions en faveur des personnes en situation de handicap, notamment dans le domaine de l’éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle (EVRAS). Il connait bien les notions de « peer counseling » et d’ « empowerment » et nous en parle : « des personnes concernées par le handicap, leurs accompagnants et des chercheurs ont développé des procédures visant à orienter les champs de recherche. C’est là l’esprit du programme international d’éducation à la citoyenneté démocratique où les personnes bénéficiaires deviennent des experts et les experts, des bénéficiaires.»
Dans ses formations d’autodéfense, l’asbl Garance recourt à des formatrices en situation de handicap mental accompagnées simplement par une assistante non porteuse de handicap qui n’intervient pas dans les débats.
« En raison de son handicap, l’animatrice peut davantage communiquer pour être comprise. Le fait que l’animatrice est une femme en situation de déficience intellectuelle permet aux participantes de s’identifier à elle. Elles en sortent grandies. Le fait que le savoir soit transmis par une femme qui leur ressemble leur permet d’entrevoir de nouveaux possibles. » (H Zeilinger[ix])
L’EVRAS demande, selon nous, à être questionnée en terme de mixité et de non-mixité. A ce sujet, le Professeur Mercier met en évidence la pertinence de différentes approches : « dans le domaine de l’EVRAS, il est intéressant de travailler, d’une part, avec des groupes mixtes, puisque dans de nombreux cas, la vie relationnelle, affective et sexuelle se joue en mixité, et d’autre part, avec des groupes non-mixtes, notamment lorsqu’il s’agit d’homosexualité, afin que les personnes du même sexe puissent s’exprimer entre elles à propos de leur orientation sexuelle. En outre, même dans l’hétérosexualité, les sensibilités et les représentations sociales des hommes et des femmes sont différentes. Il est donc intéressant, dans les animations, d’alterner les moments de mixité et de non-mixité. Lorsqu’il s’agit de personnes en situation de handicap et de personnes valides, la mixité combinée à la non-mixité est également riche. La mixité répond à la nécessité d’apprendre à s’adapter l’un à l’autre dans l’hétérogénéité. Il est aussi important d’avoir des groupes non-mixtes à d’autres moments pour permettre aux participants d’exprimer leur différence avec l’autre groupe. »
En guise de conclusion
En conclusion, la mixité est largement répandue dans notre société et nous avons tenté de démontrer que dans le champ du handicap comme en matière de genre, elle n’est pas fatalement porteuse d’égalité et de possibilité d’expression pour les groupes dominés. La mixité est un moyen nécessaire, mais non suffisant pour atteindre l’égalité. Elle est un facteur essentiel d’inclusion. Elle est idéale pour reconnaitre la différence et pour permettre le « vivre ensemble » des hommes et des femmes d’une part, et des personnes vivant ou non en situation de handicap d’autre part.
Cependant, tout au long de cet article, nous avons tenté de montrer l’intérêt que peuvent avoir des moments de non-mixité au sein des actions sociales. La non-mixité est intéressante dans le champ du handicap, comme dans le travail sur le genre, parce qu’elle permet l’expression des individualités, la transposition des stratégies et le partage du vécu, dans une démarche d’autodétermination.
Pour que la mixité et la non-mixité soient émancipatrices, elles doivent être choisies en fonction des objectifs à atteindre et accompagnées d’une recherche d’égalité.Enfin, l’idéal, selon nous, dans une visée d’universalisme proportionné, est de rester ouvert et souple dans nos pratiques.
[i] Fize, M. (2003) Les pièges de la mixité scolaire (éd. 1er). Paris : Presses de la Renaissance.
[ii] Ib idem
[iii] Delphy, C. (2016). La non-mixité : une nécessité politique, Les mots sont importants.net, Récupéré sur https://lmsi.net/La-non-mixite-une-necessite
[iv] Ib idem
[v] Irène Zeilinger en entretien avec l’auteure le 17 octobre 2018
[vi] de Briey, A. (2016). L’ISP au féminin, L’Essor, (n ° 75), Bruxelles : L’Interfédé, p30
[vii] Op sit.
[viii] Michel Mercier, en entretien avec l’auteur le 19 octobre 2018
Aujourd’hui, en Belgique, les femmes sont majoritairement en charge de la contraception. Les hommes ne partagent pas, ou très peu, cette responsabilité. La question est même rarement abordée au sein des couples, tant elle semble naturellement incomber aux femmes. Pourtant, un partage des responsabilités aurait de nombreux avantages. Quels sont alors les freins à plus d’égalité en la matière et comment les dépasser ?
Le partage des responsabilités, une question de santé et d’égalité
Selon une étude[1] récente menée en Belgique, 68% des femmes et 33% des hommes déclarent utiliser un moyen de contraception. Une femme sur deux se dit seule à décider de la contraception de son couple. On retrouve ce même déséquilibre au niveau financier : 87% des femmes payent personnellement leur contraceptif[2]. Cette responsabilité inégale se traduit aussi par une forme de travail invisibilisé[3] et naturalisé. Les femmes portent la charge mentale qu’implique ce travail souvent quotidien. C’est à elles que revient la responsabilité de la bonne utilisation de la contraception : prendre son comprimé à heure et à temps, placer correctement, et au bon moment, un nouveau patch ou un nouvel anneau, etc. Elles sont aussi contraintes de se plier à un suivi médical régulier étant donné que la majorité des contraceptions sont prescrites après consultation.
Encore une charge financière et même horaire (rendez-vous chez un·e practicien·ne, visite à la pharmacie…). Ce travail influence également la sexualité et le désir dans le couple : le travail des femmes anticipe les relations sexuelles et crée toutes les conditions pour que le désir des hommes puisse, lui, être spontané, sans qu’ils doivent se soucier de la contraception. On le voit : que ce soit techniquement, financièrement ou mentalement, la contraception est majoritairement à charge des femmes. Les hommes sont souvent absents comme s’ils n’étaient pas féconds ou concernés par les conséquences possibles d’une relation sexuelle non contraceptée : la naissance d’un enfant, devenir père.
Leur vie reproductive est pourtant plus longue que celle des femmes et, contrairement à elles, ils sont fertiles tous les jours du mois. Ce n’est d’ailleurs que depuis sa médicalisation dans les années 1960 que la contraception s’est féminisée[4]. Auparavant, le retrait était la méthode la plus utilisée en Europe. Pourtant, si les hommes « se contraceptaient », les bénéfices d’un partage équitable seraient socialement importants.
Des avantages conséquents
D’un point de vue de santé publique, une alternance contraceptive pourrait diminuer les risques liés aux effets secondaires potentiels de la contraception hormonale que les femmes sont actuellement seules à supporter : risques d’accidents thromboemboliques veineux et artériels, douleurs, céphalées, règles plus longues et plus abondantes, tensions mammaires, trouble de l’humeur, acné…
« Une contraception va peut-être convenir parfaitement à une femme et d’autres vont s’en plaindre, explique Yannick Manigart, gynécologue-obstétricien au CHU Saint-Pierre et spécialiste de la contraception féminine. Pour certaines patientes, beaucoup, rien ne convient. Et c’est un vrai problème. Je me retrouve souvent à me demander ce que je vais leur prescrire. Elles expulsent leur stérilet, elles ne peuvent pas prendre ceci, la ligature des trompes implique un risque… S’il existait une alternative pour les hommes, ce serait bien ! »
Une prise en charge masculine représenterait aussi une possibilité supplémentaire de réduire le nombre de grossesses non désirées et d’avortements. La moitié des femmes souhaitant avorter utilisaient en effet une contraception[5], ce qui démontre l’ampleur des échecs contraceptifs, dus à une mauvaise utilisation ou au pourcentage d’échec de la méthode utilisée.
Enfin, en étant « contraceptés », les hommes pourraient contrôler plus efficacement leur propre fertilité et choisir plus concrètement et de manière responsable le moment de devenir père. Par ailleurs, de nombreux couples souhaiteraient partager plus équitablement la contraception. 39% des hommes se disent prêts à utiliser une contraception masculine et 51% des femmes y sont favorables[6]. Si les avantages d’une responsabilité partagée sont nombreux, si une volonté des couples se dessine, quelles sont alors les raisons de ce déséquilibre systématique ?
Etat des lieux
Une première raison régulièrement invoquée est le manque de moyens contraceptifs masculins. En Belgique, n’existent que le préservatif externe et la vasectomie, considérée le plus souvent comme une contraception définitive. En France, deux autres contraceptions[7] sont disponibles : une contraception hormonale par injection, validée par l’Organisation Mondiale de la Santé, et une contraception thermique qui prend la forme d’un slip permettant d’augmenter la température des testicules et, ce faisant, de suspendre la production de spermatozoïdes. L’utilisation de ces méthodes est loin d’être généralisée. Le préservatif est rapidement abandonné par les couples qui entrent dans une relation stable[8]. La vasectomie connait une progression intéressante en Belgique (10.000 hommes ont été vasectomisés en 2017 contre 8000 en 2007, dont une large majorité en Flandre[9]) mais timide en regard des pays anglo-saxons. Les méthodes alternatives utilisées en France le sont de manière encore très marginale.
Régulièrement, on voit poindre dans la presse des titres accrocheurs affirmant l’arrivée imminente d’une pilule contraceptive pour hommes… qui n’arrive jamais. Une piste qui ne serait toutefois pas une solution-miracle vu le nombre d’échecs contraceptifs dus à une mauvaise utilisation déjà constatée pour la pilule pour femmes. Daniel Murillo, gynécologue et andrologue au CHU Saint-Pierre, spécialiste de la fertilité, attend quant à lui beaucoup du Vasalgel, un gel injecté dans les canaux déférents et qui, tel un bouchon, bloque les spermatozoïdes. Il peut ensuite être dissous grâce à une deuxième injection, sans que la fonction des testicules ne soit altérée. Mais cette méthode ne sera sans doute pas disponible avant minimum cinq ans.
« Ça n’intéresse pas les investisseurs. La Fondation Parsemus, qui développe le Vasalgel, est une fondation sans but lucratif. La Big pharma n’est pas intéressée car ce n’est pas rentable du tout. On va faire deux injections et le patient est parti pour des années ! Ce qu’elle préfère, c’est vendre des pilules car c’est rentable. On est donc obligé de passer par des associations non gouvernementales dont la capacité financière est évidemment réduite. Ça prend beaucoup plus de temps pour obtenir des fonds et développer les études ».
Freins techniques et professionnels
Au désintérêt de l’industrie pharmaceutique, s’ajoutent celui de la médecine et des pouvoirs publics, le doute quant à la volonté des hommes d’utiliser une contraception… et donc le manque de moyens alloués aux études sur la fécondité masculine[10]. Ces budgets ont toujours été très limités. Les contraintes et les effets secondaires potentiels sont aussi cités pour expliquer l’échec de la diffusion des contraceptions masculines hormonales et thermiques.
Une étude commanditée par l’OMS justifie ainsi la décision de ne pas mettre sur le marché un nouveau contraceptif masculin hormonal en raison d’effets secondaires subis par vingt hommes… sur 320[11]. Les effets secondaires cités sont pourtant comparables à ceux subis par les femmes, ce qui pose par ailleurs la question de la hiérarchisation sexuée de la santé, à court ou long terme[12].
Un autre facteur conséquent qui freine l’utilisation de la contraception masculine est à trouver du côté des conseils dispensés par les professionnel·le·s de la santé. Une recherche[13] comparative entre les prescripteurs français et anglais est à cet égard très explicite. En France, 15% des femmes entre 15 et 49 ans déclarent bénéficier de méthodes considérées comme masculines (préservatifs, vasectomie et retrait) tandis que, au Royaume-Uni, elles sont 54%. Pourquoi une telle différence ? Cette étude démontre que les recommandations contraceptives diffèrent fortement en fonction du contexte national : mode de rétribution des praticien·ne·s, historique légal des méthodes, encadrement des formations, des pratiques et de l’information donnée à la patientèle… ainsi que la représentation genrée de la contraception qui influence l’ensemble des médecins, tant français·e·s qu’anglais·e·s. Iels[14] partagent en effet la vision d’une responsabilité majoritairement féminine, avec toutefois des tendances très différentes. Les Français·e·s présentent une perception plus naturalisante (les femmes seraient naturellement plus concernées que les hommes), tandis que les Britanniques abordent généralement le sujet comme une question de société et d’éducation, avec une possibilité d’évolution.
Proposer une contraception masculine n’est pas non plus une évidence en Belgique. « Ce n’est pas facile, même pour moi, concède Yannick Manigart. Souvent, le partenaire n’est pas présent. C’est clair que je propose une vasectomie quand on se trouve dans un cul de sac au niveau des possibilités. (…) Là, ça vient tout de suite à l’idée. Mais j’avoue sans problème que je n’y pense pas facilement non plus. Parfois ça dépend des patientes. Si on est en ligature, je propose directement la vasectomie. Maintenant, si on n’est pas dans ce cas-là, que la patiente n’en parle pas, c’est vrai que je ne vais pas dire systématiquement ʺEt votre mari ?ʺ. Et pourtant, je pourrais, à partir de 40 ans ».
Du côté des centres de planning familial, malgré la production de quelques analyses et d’une campagne en 2017 mettant en avant la responsabilité partagée, le sujet semble également peu abordé.
Les rôles de genre en cause
A la vue de ces éléments rapidement brossés, l’argument de l’évidence de la contraception féminine s’étiole. Pour la sociologue Cécile Ventola, «l’usage de la contraception est une pratique sociale, influencée par les rapports sociaux, notamment de sexe, dans lesquels les individu·e·s se situent, et par leur socialisation en matière de sexualité et de contraception »[15].
Pour de nombreux·ses chercheur·e·s, le déséquilibre contraceptif trouve en effet son origine dans les représentations des rapports sociaux de genre, c’est-à-dire les rôles spécifiques attribués aux femmes et aux hommes, des constructions sociales qui dessinent la masculinité et la féminité, variables dans le temps et l’espace.
La division sexuelle du travail[16] en est un enjeu essentiel : les tâches sont séparées selon le genre et hiérarchisées, celles dites masculines étant davantage valorisées. La contraception médicale est ainsi socialement liée à la sphère reproductive elle-même attachée aux femmes. Ces principes de séparation et de hiérarchie étant bien ancrés, il est plus facile de comprendre pourquoi il s’agit pour les hommes, en matière de contraception aussi, de se différencier à tout prix des femmes, afin d’affirmer une identité sociale masculine.
La socialisation genrée est un outil puissant pour construire ces identités. La famille, l’école, les pairs, les médias… autant d’agents de socialisation qui peuvent influencer les individu·e·s dans leur adoption des rôles de genre, en matière de sexualité, de contraception et dans tout autre domaine. C’est ainsi que l’on rencontre régulièrement l’argument de l’homme irresponsable[17], ne pouvant pas être enceint, auquel la femme ne pourrait faire confiance, quand on évoque la contraception masculine. Une vision naturalisante qui freine les avancées vers plus d’égalité, infantilise et dédouane les hommes de leurs responsabilités, et pèse au final sur les femmes. Ces constructions sociales doivent donc évoluer vers d’autres modèles pour que les hommes se sentent soucieux et responsables de leur fertilité[18].
Par ailleurs, l’une des résistances principales à la contraception masculine se trouverait dans la symbolique du lieu-même de son action: le phallus, symbole suprême de la virilité. Daniel Murillo pointe ce facteur pour expliquer le refus de la vasectomie. « Il faut démystifier le concept. Parce qu’on se fait vasectomiser, on devient un eunuque et on se fait châtrer. Le grand fantasme des hommes, c’est qu’on est châtré comme un chat. Un fantasme très présent en Belgique. (…) Tout est encore un concept par rapport à la masculinité, la virilité ». Perte d’érection, de libido, peur de devenir un sous-homme… les craintes imaginaires sont encore bien ancrées et liées à une certaine vision de la masculinité[19].
Des hommes en action
Si la majorité des hommes ne s’implique pas en matière de contraception, il existe pourtant diverses actions possibles : se renseigner sur l’offre contraceptive et s’impliquer dans la décision, participer équitablement aux frais, se rendre à la pharmacie, partager la charge mentale du rappel de la prise de pilule, questionner la pénétration comme condition obligatoire d’un rapport sexuel…
Certains hommes vont plus loin : ils ont décidé de « se contracepter » et de militer en faveur de la contraception masculine. C’est le cas, en France, de l’association ARDECOM[20] qui, dans les années 1980, a développé les contraceptifs hormonaux et thermiques pour hommes. A nouveau active, elle travaille aux côtés des centres de planning familial. C’est le cas aussi du collectif breton Thomas Bouloù[21] qui organise des ateliers et soirées d’information, et collabore également avec les professionnel·le·s de la promotion de la santé.
Une menace pour les femmes ?
Une majorité de femmes semble désormais favorable au partage de la contraception mais certaines restent réticentes. Il faut rappeler que la contraception médicale, et en particulier la pilule, est considérée comme une victoire fondamentale pour les femmes. Certaines craignent donc que cette liberté leur échappe avec la contraception masculine. Le risque est en effet que certains hommes, forts des rapports de pouvoir en leur faveur, instrumentalisent l’égalité contraceptive pour contrôler la contraception des femmes, leur imposer une grossesse et limiter leur droit à disposer de leur corps[22].
Là encore, il apparaît primordial de déconstruire les rapports sociaux de genre qui subordonnent les unes aux autres. Les mêmes rapports qui assignent solidement les femmes à la responsabilité contraceptive et plombent l’utilisation et le développement de la contraception masculine. Ces rôles de genre ne sont toutefois pas immuables puisqu’ils sont construits. Les domaines d’action sont nombreux et les professionnel.le.s de la santé y ont un rôle à jouer. L’éducation des plus jeunes, via notamment une éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle (EVRAS) homogénéisée, obligatoire et égalitaire, est essentielle pour amorcer une prise de conscience, connaître son corps, déconstruire les stéréotypes de genre et faire émerger de nouveaux modèles de responsabilités.
Les adultes aussi doivent être éduqué·e·s et s’éduquer. La formation des professionnel·le·s de la santé doit s’enrichir en matière de contraception pour suivre ces mêmes objectifs. Les pouvoirs publics doivent également soutenir ces programmes ainsi que les initiatives de la société civile. La gratuité de la contraception doit enfin être organisée pour bénéficier au plus grand nombre. Assumer chacun·e ses responsabilités et sa fertilité, alterner la charge contraceptive, partager les risques et le plaisir, ne pourra être envisagé qu’en provoquant une transformation radicale de nos scénarios culturels.
[3] Thomé Cécile, Jouir sans entraves ? Analyse des effets sur la sexualité de la féminisation de la contraception, Bruxelles, Observatoire du Sida et des Sexualités, 27 février 2018.
[4] Le Guen Mireille et al., « Cinquante ans de contraception légale en France : diffusion, médicalisation, féminisation », dans Population et Sociétés, n°549, 2017.
[5] Braun Frédou, Dépasser le pour/contre : l’avortement vu autrement, Louvain-la-Neuve, Centre d’Education et de Formation en Alternance, 2012.
[8] Thomé Cécile, « D’un objet d’hommes à une responsabilité de femmes. Entre sexualité, santé et genre, analyser la métamorphose du préservatif masculin », dans Sociétés contemporaines, n°104, 2016, 4, pp. 67-94.
[9] INAMI, 2018.
[10] Spencer Brenda, « La contraception pour les hommes – une cause perdue ? », dans Andrologie, n°22, 2012, 3, pp. 205-210.
[11] Cannone Robin, Contraception hormonale masculine : des résultats prometteurs, Le Figaro, novembre 2016.
[12] Picarat Marine et Mieusset Roger, « La contraception masculine, méthodes nouvelles et résistances », dans Chronique féministe, n° 114, 2014, 2, pp. 55-59.
[13] Ventola Cécile, « Le genre de la contraception : représentations et pratiques des prescripteurs en France et en Angleterre », dans Cahiers du Genre, n°60, 2016, 1, pp. 101-122.
[14] Combinaison de « il » et « elle ».
[15] Ibid, p. 103.
[16] Kergoat Danièle, « Division sexuelle au travail et rapports sociaux de sexe », dans Dictionnaire critique du féminisme, Hirata Helena, Laborie Françoise, Le Doaré Hélène, Senotier Danièle, Paris, PUF, 2000, pp. 35-44.
[17] Spencer Brenda, « La femme sans sexualité et l’homme irresponsable », dans Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 128, 1999, pp. 29-33.
[18] Oudshoorn Nelly, « Technologies de la reproduction et identités des usagers : une co-construction. Le cas de la pilule masculine », dans Reproduire le genre, Dorlin Elsa et Fassin Eric (dir.), Paris, Bibliothèque publique d’information Centre Pompidou, 2010, pp. 35-45.
[19] Kalampalikis Nikos et Buschini Fabrice, « La contraception masculine médicalisée : enjeux psychosociaux et craintes imaginaires », dans Nouvelle revue de psychologie, 2007, 4, pp.89-104.
[22] Andro Armelle et Desgree Du Loû Annabel, « La place des hommes dans la santé sexuelle et reproductive : enjeux et difficultés », dans Autrepart, n°52, 2009, 4, pp. 3-12.
Les 23, 24 et 25 mai derniers, un colloque organisé par l’IFERISS en collaboration avec l’Association des épidémiologistes de langue française (Adelf), l’Association française de droit de la santé (AFDS) et la Société française de santé publique (SFSP) s’est tenu à Toulouse, sous l’intitulé Santé : équité ou égalité ? Définir, mesurer, agir. Cet article propose de revenir sur quelques thématiques fortes mises en exergue lors de ces trois journées, à travers le point de vue d’un acteur belge de promotion de la santé.Quelque 120 participants, chercheurs mais aussi praticiens et professionnels de la santé publique, ont pris place dans les salles de l’Hôtel-Dieu Saint Jacques, lieu chargé d’histoire qui se dresse sur la rive gauche de la Garonne. Le colloque avait pour but de faire le point sur les travaux et les perspectives de recherche développés dans les pays francophones sur les questions d’inégalités sociales et territoriales de santé. Le comité organisateur avait pour ambition d’aller au-delà des constats pour investiguer les solutions possibles à différents niveaux. Organisés à travers une logique interdisciplinaire, ces trois jours ont surtout été intéressants par le récit d’expériences de terrain (recherches et interventions) et la mise en perspective d’enjeux sous-jacents à la question centrale.
Soins
Même si les inégalités sociales de santé se construisent essentiellement à partir de déterminants non-médicaux, le soin aura eu la part belle lors de ces échanges toulousains. Nombreux orateurs ont mis en avant les inégalités présentes dans ce domaine qui, comme nous le rappelait Pierre Chauvin à travers l’exemple de la prise en charge du cancer, ne se résument pas à des disparités d’accès à l’offre curative. Elles s’inscrivent tout au long du parcours de soins et sont déterminées par de nombreux facteurs sociaux et culturels. Délai de diagnostic, dispositif d’annonce de la maladie, qualité de la relation thérapeutique, traitements proposés, accès à l’innovation médicale, proposition de soins de support… : les pratiques médicales se révèlent fortement inégalitaires et corrélées au milieu social du patient. Pour réduire ces inégalités, l’universalisme proportionné est requis. Il ne s’agit pas de soigner tout le monde de la même manière mais d’adapter l’offre et les pratiques en fonction des réalités et besoins de chacun. L’appel à des médiateurs pairs ou à des navigateurs de soins, la mise en réseau d’acteurs de champs ou de territoires différents auront été des pistes de solution évoquées lors des débats.
Intersectorialité
Une des conférences marquantes a été celle portant sur l’intersectorialité de Marina Honta. La sociologue de l’action publique a souligné d’emblée que l’organisation politique et les choix posés en France n’invitent guère à l’adoption d’une grammaire partenariale et horizontale indispensable pour réduire les inégalités sociales de santé. Il existe un véritable enjeu de diffusion des avancées scientifiques qui portent sur le décryptage de ces inégalités (leur caractère systémique et transversal, en l’occurrence). Cependant, le travail d’acculturation du politique dans ce domaine est particulièrement difficile. Les politiques s’engagent sur des voies qui se révèlent peu efficaces pour atteindre plus d’équité. Tout d’abord, il y a la prédominance des stratégies de moralisation des comportements ; avec de nombreux acteurs politiques qui ignorent les mécanismes sociaux à l’origine des usages différenciés du corps et de la prise en compte ou non des injonctions relatives à la santé. Du côté des financements, l’heure est à la mise en concurrence des acteurs (au moyen d’appels à projets) ainsi qu’à des budgets octroyés à court-terme et peu stables. Enfin, le pouvoir politique et les administrations sont organisés pour défendre des intérêts sectoriels et se montrent très réticents à fondre leurs actions par peur de perdre de la visibilité. Il faudra sans doute encore du temps pour que les politiques sortent de leur pré-carré et coordonnent leurs efforts. Pour les acteurs de promotion de la santé, il est plus que jamais utile d’endosser ce rôle d’entrepreneur de cause et de plaider un changement de vision. Les projets d’évaluation d’impact en santé qui ont fait l’objet de communications lors de ce colloque pourraient constituer un levier pour fédérer autour d’objectifs de santé et d’équité une diversité d’intervenants politiques ou autres provenant de différents domaines et disciplines.
Territoires
Les inégalités de santé se structurent sous le prisme du territoire, autre thème largement discuté lors du colloque. De nombreuses études géographiques ont montré les profondes disparités apparaissant sur le plan social et de la santé entre différentes zones territoriales. Une approche par territoire semble donc pertinente pour réduire les inégalités sociales de santé. Dans cette perspective, les cartes montrant les ségrégations socio-spatiales se révèlent utiles pour prioriser et échafauder des actions.Cependant, deux éléments sont à prendre en compte quand ces supports sont utilisés. Premièrement le fait, qu’on ne cerne pas à travers elles les micro-fractures qui existent au sein d’un même territoire (souvent fruit d’un découpage administratif) : il peut y avoir des mini-déserts médicaux dans des régions pourvues sur le plan de l’offre socio-sanitaire ou des poches de pauvreté au sein de quartiers réputés favorisés économiquement. Deuxièmement, les cartes constituent généralement des référentiels domo-centrés c’est-à-dire qu’elles se focalisent sur la résidence et ne prennent pas en compte la mobilité quotidienne des personnes. En effet, une personne habitant dans un quartier peu doté en ressources socio-médicales pourrait fréquenter un quartier voisin bénéficiant d’offres multiples. Il est dès lors intéressant d’adopter une vision non-statique des territoires. Questionner les représentations spatiales et la pratique des territoires des habitants permettra d’établir des diagnostics plus fins et d’agir de manière plus adaptée sur les déterminants de santé.
Big data
L’organisateur a eu l’excellente idée de mettre les nouvelles technologies de l’information au menu du colloque. Mis en regard du thème de l’équité en santé, elles constituent un creuset de réflexions qu’il serait judicieux d’investir plus intensément en Belgique. Les données massives (big data) résultent du potentiel technologique numérique actuel (calculateurs hyperpuissants et objets connectés) qui permet d’amonceler rapidement une grande quantité de données et de les traiter. Dans le champ de la santé publique, elles constituent une opportunité pour mieux comprendre les comportements et les facteurs influençant l’état de santé et ouvrent, grâce à des algorithmes décisionnels et en s’appuyant sur une forme de solidarité numérique, des possibilités de prédiction et de gestion de la santé (moyens d’anticiper la santé). Mais, est-ce que ce développement technologique va contribuer à réduire les inégalités en matière de santé ? Paul-Loup Weil-Duluc est plutôt sceptique sur la question. Ces technologies permettraient, au mieux, de réparer quelques défauts de l’organisation sociale mais ne remettraient certainement pas en cause les injustices. Pire, l’e-santé rendrait les inégalités sociales acceptables dans le sens où elle aurait vocation à transférer la responsabilité de la santé du collectif vers l’individu. Les applications d’auto-quantification qui recueillent les données biologiques personnelles en vue de guider un comportement l’illustrent bien (ex : pisteur d’activité physique, de sommeil, tensiomètre, glucomètre…). Avec l’hégémonie de ces outils, on peut certes s’attendre à une réduction de l’hétérogénéité des modes de vie mais ils ne vont pas à eux seuls accroître fondamentalement les capacités des personnes les plus fragiles à se conformer aux attitudes saines.
Conclusion
Dans des sociétés prospères et bénéficiant de systèmes de santé hautement performants comme la France ou la Belgique, la lutte contre les inégalités sociales de santé devrait être placée au rang de priorité absolue. Traversant l’ensemble du corps social, elles interrogent notre responsabilité collective et notre capacité à agir sur des causes fondamentales qui dépassent largement l’univers du soin et de la prévention des maladies. C’est donc à l’ensemble des politiques publiques de se penser comme acteur de santé et de justice sociale. Pour les praticiens de la promotion de la santé qui développent déjà des interventions complexes en vue de réduire ces inégalités, l’enjeu actuel est de contribuer à essaimer des données prometteuses ou probantes en mettant en avant la manière dont leurs propres pratiques fonctionnent et en décrivant le contexte spécifique dans lequel elles s’inscrivent. Présenté lors du colloque, l’ouvrage collectif édité aux Presses universitaires du Midi, Réduire les inégalités sociales de santé : Une approche interdisciplinaire de l’évaluation peut être déclencheur d’une réflexion sur l’évaluation et la transférabilité des interventions.Ce colloque extrêmement dense a bien mis en évidence certains champs explorés actuellement par la recherche dans le domaine. Il ouvre la voie à de nouvelles actions à mener et encourage l’utilisation des connaissances issues de la recherche dans le travail quotidien des opérateurs. Néanmoins, on pourra regretter des communications trop centrées sur le soin, la faible représentation des acteurs de promotion de la santé au programme et dans les rangées des auditoires, ainsi que l’absence de véritable discussion sur l’intitulé de la rencontre. Une nouvelle édition s’impose donc pour creuser notamment le sujet du meilleur modèle stratégique à adopter pour réduire les inégalités sociales de santé : équité ou égalité ?
Institut Fédératif d’Études et de Recherches Interdisciplinaires Santé Société.
Pierre Chauvin est directeur de recherche à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). Pour en connaître plus sur le travail de recherche exposé, veuillez consulter le rapport de l’ARS Ile-de-France Les inégalités sociales en soins de cancérologie : comprendre pour adapter les pratiqueshttps://www.iplesp.upmc.fr/eres/files/Plaidoyer_ISS_cancer_ARS_vfinale.pdf
Professeure des universités au Centre Emile-Durkheim
Ensemble de procédures, méthodes et outils qui vise à évaluer les effets positifs et négatifs potentiels d’un projet, d’un programme ou d’une politique sur la santé, ainsi que la distribution de ces effets au sein de la population.
Notamment les interventions de Yan Kestens (Université de Montréal) et de Julie Vallée (CNRS).
Chercheur en éthique auprès d’Espace éthique.
Sans parler (dans le pire des cas), de la question de l’utilisation de ces données par le pouvoir public ou des organismes assureurs pour faire le tri entre des personnes diagnostiquées à risque et coûtant cher à la société, et les autres.
Nadine Haschar-Noé et Thierry Lang (dir.), Réduire les inégalités sociales de santé : Une approche interdisciplinaire de l’évaluation, Toulouse, PUM, 2017, 522p.
Reproduction non seulement de la mise en œuvre d’une intervention mais aussi de ses résultats dans un nouveau contexte.
En juin dernier, les Mutualités chrétiennes ont organisé un Symposium sur la « santé positive », un concept qui nous arrive tout droit des Pays-Bas. En réaction à ce modèle, le Pr. Jean Macq nous propose une analyse des menaces et des opportunités au regard de l’organisation de notre système de soins de santé. Suite à son intervention lors du Symposium, Education Santé l’a rencontré et revient avec lui sur les projections. Mais de quoi parle-t-on avec la « santé positive » ? En tant qu’acteurs en promotion de la santé, la première réaction serait de dire « rien de nouveau sous les tropiques ». La définition de la santé de manière positive et non plus comme l’absence de maladie remonte officiellement à 1946. Pourtant, le nouveau concept de la « santé positive », élaboré par le Dr. Machteld Huber (2011), revoit la définition de l’OMS et met en avant la résilience et le caractère dynamique de la santé, en la définissant comme la capacité à s’adapter et se gérer face aux défis sociaux, philosophiques et émotionnels. Suite à cette définition, la santé a été modélisée en forme de « toile d’araignée » plaçant l’individu au centre et identifiant 6 dimensions constituantes de la santé (les fonctions physiques, le bien-être mental, le fonctionnement quotidien, le sens, la participation et la qualité de vie). Chacun est invité à évaluer son niveau de santé « positive », qui apparait visuellement comme une « surface de santé » indicatrice pour guider ses propres actions vers une meilleure santé (et donc augmenter sa surface de santé).Au regard de ce concept de « santé positive » tel que présenté par le Dr. Huber, le Pr. Jean Macq identifie deux scénarios au niveau du fonctionnement communautaire : une menace mais aussi une opportunité à saisir pour penser différemment notre système de soins de santé en Belgique. Il nous explique les deux manières d’appréhender ce concept.
La menace : un plongeon dans l’économie du « wellness »
Si on déroule le scénario « du pire », cela se passe ainsi : une personne identifie son niveau de santé positive (via la toile d’araignée). En fonction de son résultat et pour améliorer celui-ci, elle contacte un coach (éventuellement payant) et s’inscrit à des formations « bien-être » (payantes), des cours de cuisines (payants), prend un abonnement à une salle de fitness (payant)… Pour aller plus loin dans cette dynamique, la personne achète un logement dans un quartier « exclusif » (et très cher) dans lequel tous ces services sont proposés. Et ainsi de suite.Dans ce scénario, la responsabilité de la santé revient à la personne. Il est en effet convenu que c’est elle qui doit se prendre en charge (identifier ses faiblesses et identifier ce qu’il faut faire pour son bien-être). Cela nous renvoie aux nouvelles tendances de « coaching positif », « discipline positive »… qui constituent le nouveau marché du « wellness ». Ce marché vend la recette « santé-bonheur » et customise toute une série d’activités que doit faire l’individu pour se sentir mieux. L’individu est ici consommateur de services « bien-être », et le système entretient et creuse les inégalités.« Tout ceci n’est pas un concept théorique. Cette tendance existe déjà et tend à s’amplifier dans nos sociétés », insiste le Pr. Jean Macq. « C’est le piège dans lequel il ne faut pas tomber avec le concept de « santé positive » ».
L’opportunité : une vision positive de la santé
A contrario, le Pr. Jean Macq perçoit aussi dans la mise en avant de ce concept par les Mutualités chrétiennes l’occasion de remettre en lumière une vision positive de la santé, vision dans laquelle la santé est comprise comme une ressource, un moteur de développement individuel et communautaire. Cette fois-ci, cette vision de la santé « à valence positive » ne cherche pas à se distancier mais rejoint celle de l’OMS. A l’inverse du premier scénario, elle souligne le rôle du « vivre ensemble », de la communauté et de l’environnement social qui participent à la « bonne santé ». Les déterminants de santé dits « structurels » (au niveau sociétal) ne sont pas omis. Mais l’échelle et le processus inhérent que nous étayerons ci-dessous s’inscrivent davantage et en premier lieu au niveau communautaire.Le constat de départ est le suivant : tout citoyen s’inscrit dans un environnement social composé de différentes structures sociales (associations de quartier, crèches, écoles, le secteur de la santé mentale, les institutions du secteur social, la première ligne de soins généralistes…). Ensemble et au même titre que tout individu, elles forment le maillage social d’une personne.Il y a là une opportunité à saisir, nous explique le Pr. Jean Macq, de lier la santé perçue de manière positive à la santé communautaire et à une logique de soins de santé. Dans ce scénario, les citoyens et les structures de proximité promeuvent une approche positive de la santé et proposent des dynamiques communautaires à même de renforcer des dynamiques de santé communautaire. Les dynamiques de participation au niveau communautaire et la santé des individus se renforcent mutuellement. Notons que tout ceci n’est pas possible si on ne se trouve pas dans un contexte qui permette à cette dynamique communautaire de se développer, une action sur les déterminants structurels est donc intrinsèque et à développer en parallèle.Le domaine du Pr. Jean Macq étant l’analyse des systèmes et de l’organisation des soins de santé, nous approfondissons avec lui cet angle de vision. Car cette approche positive de la santé (la santé comme moteur de développement individuel et communautaire) amène à repenser le fonctionnement de notre système en plaçant les services de santé de première ligne au centre de la communauté, intégrés à celle-ci.
Un système de soins intégré et solidaire en renforcement du « maillage » local
Si on se trouve dans la logique « la santé est une responsabilité individuelle » (avec les travers du marché du wellness en conséquence), les soins de santé ont pour unique mission de s’occuper de la maladie. Toute la place est laissée aux hôpitaux, éléments centraux du système. « Il est alors demandé à d’autres de s’occuper de la santé positive et de construire les capacités des personnes. On pourrait tomber dans l’idée qu’il faudrait moins de soins de santé (et alors moins de financements) et davantage de place pour des services commerciaux. Dans l’autre logique par contre, les soins de santé ne sont pas là uniquement pour traiter la maladie. Ils sont dans une double logique : toujours s’occuper de la maladie mais également renforcer les capacités individuelles dans un contexte social donné. C’est là un de leur challenge principal. Pour y répondre, il est nécessaire d’avoir dans ces systèmes de soins des personnes qui puissent faire le lien entre leurs connaissances du contexte de la personne et son besoin de santé, mais qui puissent également aller vers les personnes qui ne se rendent pas dans les services de santé. » (Pr. Jean Macq)
De proximité et intégré dans la communauté
Ces structures de santé ont pour première caractéristique d’être intégrées à la communauté et de développer des activités avec elle. Les maisons médicales sont des exemples intéressants à ce propos. La première ligne généraliste joue un rôle capital, les soins de santé primaire ont une fonction de coordination du réseau de soins, tant au sein de la collectivité qu’avec des partenaires extérieurs (tels que les hôpitaux, par exemple).La proximité en est un facteur essentiel car cela permet aux prestataires de ne pas seulement diagnostiquer la maladie et donner le traitement médicamenteux adéquat mais de comprendre le contexte de vie des gens, de pouvoir conseiller et réorienter les personnes. Autrement dit, de rentrer dans une démarche d’ « asset-based health » (la santé centrée sur le renforcement des ressources des individus et de la communauté). « Pour les personnes qui se trouvent dans une situation ‘négative’ de santé, dans un contexte de vie difficile…, le prestataire peut les accompagner pour qu’ils prennent conscience et utilisent leurs ressources propres. Ce processus est bénéfique en soi et les renforce. Mais sans changements dans notre société et sans une aide, ce n’est pas possible pour de nombreuses personnes. »
Des équipes interdisciplinaires de petite taille
Que ce soit au sein d’une même structure ou non, ce mode de fonctionnement fait nécessairement appel à des équipes qui travaillent de manière interdisciplinaire. Pour fonctionner de manière optimale dans cette logique, il s’agit de trouver l’équilibre entre le professionnel de santé isolé et de trop grosses équipes, trop élargies. « Pour reprendre l’exemple des maisons médicales, c’est une dérive que l’on peut constater dans certaines qui se sont considérablement agrandies. Elles restent dans la philosophie des maisons médicales mais l’organisation se structure de plus en plus de manière à ce que la dimension de proximité se perde, et le partage et les échanges au sein de l’équipe s’amenuisent. J’identifie également ce risque au niveau des mutuelles aujourd’hui. Pour s’inscrire dans une logique de santé positive, il est nécessaire de retourner au plus près des gens pour être des moteurs de dynamique sociale et un acteur intégré dans le maillage social d’une communauté. »
Une approche en fonction des bassins de vie
Au niveau du territoire couvert, le maillage social est à réfléchir en regard des bassins de vie des individus et communautés. Délimiter l’espace de cette manière a bien plus de sens en termes de proximité qu’une délimitation du territoire au moyen de règles administratives. Enfin, parmi les autres facteurs nécessaires pour la mise en place de ce système, le Pr. Jean Macq ajoute que cela nécessite un autre type de financement qui permette aux acteurs de travailler ensemble, ainsi que de développer davantage des connaissances sur les systèmes et moins les centrer sur des actions isolées comme c’est souvent le cas aujourd’hui.
Des possibilités qui existent déjà, d’autres à implanter, une tendance à généraliser
Plusieurs projets vont déjà dans ce sens en Belgique, « il ne s’agit pas de réinventer la roue mais de renforcer ces structures et de repenser globalement notre système et notre approche». Outre l’exemple des maisons médicales, le Pr. Jean Macq cite les approches de quartier dont on parle de plus en plus à Bruxelles telles que le travail communautaire réalisé par l’asbl Forest Quartiers Santé. Toutes les structures ne font pas nécessairement partie du système de santé tel qu’on le comprend en général, comme par exemple des crèches parentales qui mettent l’accent sur la solidarité entre parents.L’occasion aussi de mettre en avant d’autres logiques de soins telles que la prescription sociale qui n’est pas encore étendue/reconnue en Belgique. Les prestataires sont amenés à prescrire non pas des médicaments mais des activités – remboursées par la sécurité sociale – qui permettent à la personne d’améliorer son bien-être. Ces activités tendent essentiellement à réunir les gens pour permettre à chacun de « se reconstruire » dans une logique de réciprocité.
Une (re)mise au goût du jour qui tombe à pic
Selon le Pr. Jean Macq, parler de la santé positive (entendue donc comme vision positive de la santé) pour nous aider à repenser notre système de soins de santé tombe à point nommé aujourd’hui. Non seulement, il nous faut répondre à des enjeux de société actuels tels que ceux liés aux changements démographiques (vieillissement de la population) et épidémiologiques (place des maladies chroniques et des soins de longue durée). Mais d’autres occasions nous permettent de nous saisir de cette opportunité. « La logique actuelle est de dire « les soins de santé coûtent trop cher, il faut réformer »…et plusieurs réformes-clés se jouent actuellement en Belgique :
Les soins de santé de première ligne sont en pleine mutation avec les nouvelles compétences données aux régions et communautés, etc. « C’est le moment de définir clairement ce qu’on entend par « renforcer la première ligne de soins », expression qu’on entend régulièrement sans vraiment savoir ce que l’on met derrière. »
La réforme du financement des hôpitaux se joue actuellement avec la mise en avant des réseaux hospitaliers et la diminution des soins « intra-muros ».
Un système de payement en révision avec la place du payement forfaitaire en première ligne qui est discutée.
…
Alors pourquoi ne pas profiter de la mise en lumière de la « santé positive » pour repenser un système de soins dans une vision positive de la santé ?
Médecin et professeur en santé publique à l’Université Catholique de Louvain
Médecin néerlandaise et chercheuse, elle est la fondatrice et la directrice de l’« Institute for Positive Health »
signifie ‘bien-être’ en anglais
Collectif (2017). La promotion de la santé. Comprendre pour agir dans le monde francophone. Rennes : Presses de l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique. Pp. 47-79
Trop peu de mères allaitent en Wallonie, et la majorité n’allaitent pas assez longtemps. Décrire la situation de l’allaitement en abordant différentes dimensions offre une lecture et un éclairage permettant de mieux comprendre les raisons d’une situation épidémiologique parmi les moins favorables des pays à hauts revenus.Afin de pallier le manque de données représentatives de l’allaitement maternel à l’échelle régionale, un module d’une vingtaine de questions sur le sujet a été introduit dans les enquêtes de couverture vaccinale (ECV) ayant lieu en Wallonie et à Bruxelles et qui portent sur les enfants de 18 à 24 mois. Au-delà de quelques données épidémiologiques qui balisent l’article, la réflexion portera essentiellement sur les principales raisons qui pourraient expliquer des taux et durées d’allaitement parmi les plus bas des pays ou régions à hauts revenus. Un bref éclairage historique permettra de constater que l’allaitement a toujours été sous influences multiples. L’hypothèse que celui-ci n’a jamais véritablement été, parmi la population autochtone, un comportement profondément inscrit dans la culture peut clairement être posée. Par ailleurs, les diverses « emprises » que l’allaitement maternel subit, que celles-ci soient médicale, féministe, maritale, politique… ne laissent pas suffisamment la place à une information objective, scientifique et rigoureuse. En 2012 et 2015, ces enquêtes qui portaient sur plus de 520 familles montrent que le sevrage est plus souvent subi que désiré, que celui-ci est souvent dû à des problèmes directement liés à l’allaitement (engorgement, douleurs, perception de manque de lait entre autres), ce qui laisse supposer une prise en charge non adéquate ou non efficace des diverses difficultés rencontrées. Par ailleurs, l’information reçue par les professionnels de santé en la matière est lacunaire.
Moins de 12% des enfants allaités exclusivement pendant 6 mois
Alors que dans certains pays nordiques l’allaitement dépasse 95%, en Wallonie celui-ci est initié par 82% des mères. Une diminution significative est observée entre l’allaitement à la naissance et à la sortie de la maternité puisque celui-ci chute à 77% (et de 74% à 69% pour l’allaitement exclusif). En Wallonie, seuls 12% des enfants sont allaités exclusivement à 6 mois, durée pourtant recommandée par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS).
Le pourcentage de mères qui allaitent ainsi que les durées d’allaitement sont en Wallonie, et de façon générale, en Belgique, parmi les plus faibles des pays à hauts revenus (1,2).
Depuis un certain nombre d’années, des efforts sont réalisés dans notre pays, notamment au travers de l’Initiative Hôpital Ami des Bébés (IHAB). Cette stratégie élaborée en 1992 par l’OMS et l’UNICEF en vue d’améliorer les taux d’allaitement maternel partout dans le monde a été initiée en Belgique en 2002. À ce jour, 23% des sites de maternités sont labellisées en Belgique. Dans le sud du pays, ce sont 25% des enfants qui naissent dans l’une de ces maternités.D’après les enquêtes de couverture vaccinale, les caractéristiques des parents qui initient plus fréquemment l’allaitement exclusif sont cohérentes par rapport à la littérature scientifique internationale (3) : notamment, un niveau d’études supérieur des parents, une nationalité étrangère, le fait d’avoir un emploi, un conjoint soutenant, le fait d’être primipare… . Il en est de même pour les paramètres liés à la naissance, comme le fait d’être né par voie basse ou à terme qui sont associés positivement à l’allaitement. En ce qui concerne la durée, le profil des mères qui allaitent plus longtemps est assez proche de celui décrit par ailleurs, par exemple être multipare, être de nationalité étrangère, avoir un congé de maternité prolongé par un congé parental (4), mais aussi ne pas avoir introduit de compléments lactés à la maternité. La littérature regorge d’analyses épidémiologiques à propos de ces différents facteurs ou prédicteurs des différents modes d’allaitement (exclusif, total, complété), les données wallonnes et bruxelloises ont été discutées dans différents articles publiés précédemment (3–5). Connaître ces différents facteurs de risque permet de mieux cerner les sous-groupes de la population plus à même de ne pas adopter le comportement attendu et devrait donc permettre par la même occasion de mieux cibler la population sur laquelle devrait porter les messages de promotion de l’allaitement. Oui, mais … en Belgique, il semblerait que nous n’en soyons pas encore là !
Trop peu d’informations dispensées aux (futures) mamans
Près de 53% des mères déclarent avoir été informées par un prestataire de soins sur les avantages de l’allaitement pour l’enfant à naître et 42% sur les avantages pour elles. Or, la littérature internationale (5) et nos données antérieures (3,5) démontrent que le fait de connaître les avantages mais aussi d’avoir pris tôt la décision d’allaiter, et si possible avant même la grossesse, sont gages de fréquence et de durée d’allaitement plus importantes. De façon générale, les données récoltées en 2012 montrent le trop peu d’informations reçues sur le sujet pendant la période prénatale. L’information est plus fréquente et ceci de façon statistique quand les mères ont été suivies par une sage-femme plutôt que par un gynécologue. En Wallonie, pourtant, le gynécologue est de loin le prestataire de soins le plus consulté pendant la grossesse. Dans le même ordre d’idées, alors que l’OMS recommande d’allaiter 6 mois exclusivement, selon les ECV, seules 20% des mères connaissent cet objectif. Les mères ayant accouché dans une maternité IHAB ne connaissent pas plus souvent cette durée « idéale » que celles ayant accouché dans une maternité non labellisée. Pourtant, les enfants sont allaités plus longtemps (6 mois) quand la mère connaît cette durée que dans le cas contraire (3.5 mois) (4).
Les mères suivies par une sage-femme pendant la grossesse ont une meilleure connaissance des durées idéales de l’allaitement et des avantages de celui-ci.
Manque de formation des prestataires de soins
À ce stade nous pouvons ébaucher plusieurs hypothèses pour expliquer ces données qui démontrent une faible transmission des connaissances sur le sujet entre professionnels et patientes, notamment avant l’accouchement. Les gynécologues pensent-ils qu’il n’est pas toujours de leur ressort de promouvoir l’allaitement, considèrent-ils suffisamment l’importance d’entamer la réflexion le plus tôt possible ? Ne pensent-ils pas trop souvent que la discussion pourra avoir lieu au moment même ou peu après la naissance de l’enfant ? Ceux-ci possèdent-ils suffisamment de temps lors des consultations prénatales pour faire la promotion de l’allaitement ? De façon générale, en Belgique francophone, contrairement à d’autres pays (Australie, Etats-Unis …) (6) ou régions (Québec…) (7), il n’existe pas de lignes directrices inter-professionnelles, ni a fortiori intra-professionnelles, en matière d’allaitement ni de promotion de celui-ci. Par ailleurs, les médecins ne sont pas suffisamment formés. Une étude flamande publiée en 2006 démontre le manque de connaissances des différents types de prestataires de soins qui ont un lien avec la dyade mère/enfant (entre autres : gynécologue, puéricultrice, travailleur médico-social, pédiatre…) (8). Ce même constat a été dressé il y a une quinzaine d’années déjà (9) et plus récemment dans le plan opérationnel du Plan nutrition santé (PNNS-B) (10). Il semble donc que les professionnels ne possèdent pas de connaissances suffisantes pour pouvoir promouvoir correctement l’allaitement, le soutenir et intervenir adéquatement en cas de difficultés, bien plus fréquentes qu’on ne le croit. Or, de façon générale en Belgique, « les mères se montrent en général très influencées par leur médecin » (9), alors qu’elles « sont peu souvent conscientes du fait qu’ils n’ont pas reçu de solide formation en matière d’accompagnement pratique de l’allaitement et qu’ils ont tendance à décourager la poursuite de celui-ci dès qu’il y a des difficultés, tout simplement parce qu’ils ne savent pas comment y remédier (9)».
Il n’existe pas en Belgique francophone de lignes directrices communes intra- ni inter-professionelles au sujet de l’allaitement maternel.
La moitié des mères ont rencontré des difficultés liées à l’allaitement
Avant leur premier accouchement, 47% des mères ont déclaré ne pas avoir eu conscience que l’allaitement est une pratique qui pouvait s’avérer douloureuse et parfois compliquée à mettre en place. Or la littérature montre que les mères qui sont averties de la possibilité de douleurs et difficultés liées à l’allaitement dépasseront plus facilement celles-ci si elles doivent y faire face.En 2012, l’analyse détaillée sur les raisons de sevrage a démontré que :
les difficultés y compris la perception de manque de lait était responsable de près de 60% de sevrage avant que l’enfant ait atteint l’âge de 3 mois (11).
la majorité des mères (plus de 60%) ont déclaré avoir eu le désir d’allaiter plus longtemps.
Ce constat ne doit pas être une fatalité puisque l’on sait qu’une prise en charge correcte à la maternité mais aussi à la sortie de celle-ci a un impact considérable sur la durée de l’allaitement. A contrario, sans aide adéquate, la plupart des mères sont amenées à sevrer leur enfant (12). Dans ce sens, une revue systématique de la littérature publiée en 2016 arrive à la conclusion que le soutien communautaire apparaît comme essentiel pour maintenir l’effet de l’IHAB sur la durée de l’allaitement (13). Or, en 2014, le Centre fédéral d’expertise de soins de santé (KCE) dénonçait l’existence d’ « un vide de soins » dans notre pays, malgré la mosaïque de possibilités de prise en charge (en général disparates et peu connues) (14).
Raccourcissement du séjour à la maternité : contrainte supplémentaire ?
Dans le cadre de la réforme du paysage hospitalier et du financement des hôpitaux, sept projets pilotes portant sur le thème « accouchement avec séjour hospitalier écourté » ont cours dans les différents hôpitaux sélectionnés (15). Ces projets pilotes prendront fin en 2018. Au terme de cette période, le gouvernement décidera quels aspects des projets seront introduits à plus grande échelle (16). Il reste à espérer qu’une fois le raccourcissement de séjour effectif, la prise en charge à domicile de la parturiente soit suffisamment efficace afin de réduire le nombre de mères sevrant leur enfant par manque de soutien approprié. En effet, il semble assez évident qu’un séjour hospitalier raccourci ne joue pas en faveur d’un meilleur soutien à l’allaitement maternel. La parturiente plus rapidement livrée à elle-même devrait trouver seule ou avec l’aide de ses proches des solutions en cas de nécessité. Par conséquent, si aucun programme de soutien n’est mis en place, le risque de ne pouvoir dépasser les difficultés liées à la montée de lait (engorgement, crevasses, entre autres), augmentera de façon drastique. Ce moment s’avère pourtant périlleux pour un nombre important de mères. Dans notre échantillon, plus de la moitié de celles-ci ont déclaré avoir rencontré des difficultés les premières semaines de vie de l’enfant.
Quelle culture de l’allaitement dans nos régions?
Un petit détour historique montre l’importance de la mise en nourrice aux 18ème et 19èmesiècles principalement en France (17) où cette pratique est massive et tardive (50% des enfants à Lyon en 1890) (17), et dans une moindre mesure en Belgique (18), ainsi que l’usage répandu du lait d’animaux pour la préparation de biberons. Ces pratiques trouvent notamment leur origine dans le fait que la religion catholique interdisait les relations sexuelles pendant la période de l’allaitement (avec l’effet d’une surfécondité chez les mères non allaitantes qui pouvaient avoir jusqu’à 8, 10 enfants à Lyon au 18 ème siècle). Autrement dit, dès que les moyens financiers le permettaient, l’enfant était placé en nourrice, parfois à plusieurs centaines de kilomètres des parents (17). Ces pratiques liées à la mise en nourrice et à l’usage du lait animal de qualité souvent médiocre (frelaté ou coupé d’eau douteuse (19) à une époque où la pasteurisation n’était pas connue (il a fallu attendre 1865) ont été responsables d’une surmortalité des enfants en bas âge jusqu’à la fin du 19ème siècle (17,18). En France, il a fallu attendre la première guerre mondiale pour voir la pratique de la mise en nourrice disparaître (17). L’usage des wet nurses a été nettement moindre en Angleterre et aux États-Unis où le modèle de la mère au foyer était dominant (17).Les premiers laits en poudre de qualité sont apparus en Europe dès la fin de la seconde guerre mondiale, période où le travail des femmes à l’extérieur du domicile a pris toute son ampleur. Le féminisme égalitariste avec Simone de Beauvoir comme chef de file, aura lui aussi joué un rôle néfaste pour l’allaitement. Celle-ci écrira en 1949 : « l’allaitement ne leur apporte aucune joie, au contraire, elles redoutent d’abîmer leur poitrine ; c’est avec rancune qu’elles sentent leurs seins crevassés, leurs glandes douloureuses, la bouche de leur enfant les blesse : il leur semble qu’il aspire leurs forces, leur vie, leur bonheur. Il leur inflige une dure servitude, et il ne fait plus partie d’elles : il apparaît comme un tyran, elles regardent avec hostilité ce petit individu étranger qui menace leur chair, leur liberté, leur moi tout entier » (20). A contrario, pour les féministes d’Outre-Atlantique, l’allaitement et la maternité, étaient considérés comme une manifestation de libération des femmes.Le nadir des taux d’allaitement du 20ème siècle a été atteint dans les années 1960. Epoque qui correspond à l’extension de la médicalisation de l’accouchement (à la veille de la seconde guerre mondiale 80% des accouchements avaient encore lieu à domicile) (18). Le biberon est alors vu « comme l’instrument de l’alimentation scientifique » (21) puisqu’il permet de mesurer de façon objective la quantité de liquide absorbé. Le paradigme pasteurien, dominant à l’époque, dans cette volonté de tout mesurer, tout quantifier, impose par le biais des médecins aux mères allaitantes la régularité des tétées ou les tétées à heures fixes comme règle absolue, quitte à devoir réveiller ou laisser le nourrisson pleurer, s’il désire des tétées complémentaires (22). Ces conditions qui ont été observées jusque dans les années 1980 (17) ne respectaient pas la physiologie de l’allaitement et nuisaient à la production lactée. Les mères n’arrivaient, par conséquent, pas à poursuivre l’allaitement ou le poursuivre de façon optimale.
Transmission des savoirs : modèle « savant » versus modèle « populaire »
Depuis les années 60, la diffusion des règles d’alimentation s’est principalement faite par les professionnels de santé, majoritairement masculins, dans un premier temps. Ceux-ci étaient détenteurs d’un savoir considéré comme légitime. La transmission des connaissances s’est faite selon un modèle que l’on peut définir de « savant » (21). Le corps médical reste encore à l’heure actuelle la principale source de transmission de connaissances en la matière. En Belgique, en 2003, le rapport de l’asbl Réseau Allaitement Maternel soulignait que « le médecin belge prend une place prédominante (…) pour ce qui concerne la naissance, les soins et l’alimentation des jeunes enfants. (9) » Les parents ne remettent pas en question le savoir médical (9). Le statut de médecin implique automatiquement une légitimation des conseils qu’il donne. En opposition à ce modèle de transmission « savant », le modèle « populaire » est basé sur une transmission familiale et intergénérationnelle (21). Ce mode de transmission est plus fréquent dans les populations allochtones. Dans un tel contexte où les comportements de maternage sont observés, les messages issus du discours savant ont moins d’impact et d’influence, tout particulièrement en matière de puériculture.
La religion : influence positive, influence négative…
Plus largement dans la culture arabo-musulmane, et juive aussi, l’allaitement a toujours été considéré comme un devoir sacré. La durée de l’allaitement est d’ailleurs recommandée, selon le Livre considéré, pour une période de 18 mois, 2 ans, 5 ans (Coran, Haddith, Torah). L’usage d’une nourrice est possible mais uniquement dans des conditions définies (décès ou maladie de la mère, jumeaux…). Dans le droit positif d’un certain nombre de pays arabo-musulmans, des dispositions légales sont consacrées à l’allaitement et à la mise en nourrice (prohibition de mariage entre frères et sœurs de lait y compris sur leur descendance… ) (23).
Un article publié en décembre 2016 démontre qu’au sein des pays occidentaux les plus densément peuplés de catholiques, les taux d’allaitement sont moins élevés (Irlande, France, Pologne, Belgique…). L’inverse est vrai pour les pays à majorité protestante (Suède, Danemark, Islande…) (24).
Ce constat se retrouve à l’intérieur même des pays où les taux d’allaitement sont inférieurs dans les provinces ou régions les plus catholiques (en France, Irlande, Canada) (24). Dans les années 60, à Bruxelles, la propagande pour l’allaitement semblait plus importante dans les maternités laïques que catholiques (25).D’après les différentes étapes historiques brièvement décrites jusqu’ici, on peut se poser la question de l’existence (ou plutôt de l’inexistence) d’un mode de transmission « populaire » dans la population autochtone. Encore aujourd’hui, la plupart des (futures) mères d’origine belges n’ont pas reçu conseils et recommandations de leur propre mère. Ces dernières n’ont pour ainsi dire pas allaité et ne peuvent être en conséquence des référentes en la matière. En France et en Belgique, le résultat se marque par une faible connaissance en matière d’allaitement tant dans la population autochtone que chez les praticiens, probablement parce que cette «culture de l’allaitement» n’a jamais été profondément ancrée dans les mœurs et par conséquent n’est jamais arrivée à contrer les différents « effets de mode » auxquels l’allaitement a dû et doit encore faire face.L’ensemble de ces diverses influences façonnent les normes socio-culturelles. Ces dernières influencent les choix individuels qui à leur tour renforcent les normes et les habitudes. Celles-ci cautionnent des comportements qu’on peut finir par ne plus questionner tellement ceux-ci apparaissent comme « normaux » (ex : le lait en poudre considéré comme la norme).
Trop peu de promotion de l’allaitement en Belgique
Un hiatus existe entre l’évidence scientifique de la supériorité du lait maternel et le manque de volonté de promouvoir l’allaitement. En effet, la promotion de l’allaitement doit encore trouver ses marques dans notre pays. Il existe aujourd’hui un paradoxe entre « la philosophie » de l’IHAB qui promeut l’allaitement à la maternité et le manque de prise en charge à la sortie de celle-ci ainsi que l’inexistence pour ainsi dire de promotion de l’allaitement dans la durée. La promotion de l’allaitement maternel doit devenir une affaire de responsabilité partagée par tous. Or à présent c’est un consensus mou que l’on observe par peur de culpabiliser les mères qui feraient le choix de ne pas allaiter. Par la même occasion, on observe une complaisance par rapport aux préparations pour nourrissons qui est en parfaite contradiction par rapport au CodeInternational de commercialisation des substituts de lait maternel (1981) (28) et son application en Belgique par l’arrêté royal du 18/02/1991 relatif aux denrées alimentaires destinées à une alimentation particulière.
Les sociétés commerciales de préparations lactées sont plus dynamiques et convaincantes pour imposer une image positive et favorable de leurs produits que ne l’est le secteur public pour promouvoir l’allaitement maternel.
« Dans une culture où le poids des règles imposées par l’alimentation artificielle est si fort » (29), où l’allaitement nocturne n’est pas discuté, où le besoin élevé de tétées est mal compris (et par conséquent mal vécu), où l’autonomie et l’indépendance des tout petits sont valorisées dès les premières semaines (l’enfant « doit » pouvoir faire ses nuits rapidement)…, les conditions nécessaires à une mise en route efficace de l’allaitement sont peu fréquemment réunies.La prévention reste la solution la plus adéquate mais nécessite :
la prise de conscience de taux et durées inférieurs aux autres pays européens ou de l’OCDE ;
la formation de tous les types de professionnels de l’enfance (médecins mais aussi puéricultrice, travailleuses médico-sociales…) afin d’éviter les messages contradictoires et contre-productifs dénoncés par les mères.
Trop souvent, comme le dit Gojard, les discours de promotion de l’allaitement (souvent peu cohérents et mal maîtrisés) correspondent à un modèle « savant » de l’allaitement et sont donc voués à l’échec auprès de mères qui ne relèvent pas de ce modèle et ont un effet de stigmatisation pour les mères de milieux supérieurs qui pour une raison ou l’autre ne veulent pas allaiter (21).L’allaitement maternel reste un enjeu majeur de santé publique qui demande et nécessite avant tout un questionnement sur la place qu’on veut lui réserver dans notre pays. Il est temps de définir une stratégie de promotion de l’allaitement qui aille bien au-delà de l’Initiative Hôpital Ami des Bébés car cette dernière seule ne suffit pas à maintenir les bénéfices gagnés par la qualité de la prise en charge de ces maternités.
Vers une vision pluridisciplinaire et multidimensionnelle
A l’heure où les compositions les plus diverses de laits commerciaux s’inventent (hypoallergéniques, anti-reflux, diarrhées chroniques, confort digestif, satiété…) et dans un marché en pleine expansion, la promotion de l’allaitement maternel semble pour certains ne pas nécessiter de déployer attention et soutien spécifiques, alors que pour d’autres l’allaitement maternel semble être à la pédiatrie ce que la vaccination est à la santé publique. Certes, les laits commerciaux sont de qualité suffisante pour assurer une croissance correcte mais c’est trop rapidement oublier ou faire fi de toutes les vertus immunologiques, anti-inflammatoires, anti-infectieuses, trophiques, épigénétiques mais aussi écologiques et économiques du lait maternel. Les approches sociologiques, anthropologiques, historiques, psycho-sociales… sont essentielles pour mieux cerner les représentations de l’allaitement maternel dans la société actuelle et mieux expliquer les raisons des taux et durées si faibles. Ces différentes représentations traduisent plus profondément le rapport mère/enfant particulier la place de la mère dans la société, les pratiques de la puériculture et la pédiatrie dans la sphère du maternage, la perception de la mère par rapport à sa responsabilité en matière de soins maternels…Réduire les études sur des comportements, tel que l’allaitement, à l’analyse des facteurs socio-démographiques ou socio-économiques ne permet en aucun cas d’expliquer les causes et mène trop souvent à un discours simpliste, manichéen dans lequel on fige les patients (en l’occurrence les mères) dans une catégorie dans laquelle il est difficile de s’extraire. Ouvrir la réflexion au contexte plus global (politique, sociétal, religieux…) et moins ciblé sur l’individu permet d’être moins stigmatisant, accusateur et culpabilisant.
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Pour être « labellisable » une maternité doit respecter « les 10 conditions pour favoriser le succès de l’allaitement » énoncées dans « la Déclaration conjointe OMS/UNICEF sur l’allaitement et les services de maternité » ainsi qu’avoir un taux d’allaitement maternel exclusif de minimum 75%.
Ce Code cherche à protéger le consommateur contre les pratiques commerciales susceptibles de décourager l’allaitement maternel comme par exemple la promotion de laits artificiels, la distribution d’échantillon gratuit, la promotion d’aliments pour bébés comme les petits pots, céréales, jus, eau embouteillée afin de ne pas nuire à l’allaitement exclusif…
Un matin ensoleillé aux prémices de l’été, les acteurs du secteur de la promotion de la santé se sont retrouvés sur les bancs du campus bruxellois de l’UCL. Conviés par le RESO (le service universitaire de promotion de la santé de l’UCL) pour une matinée d’échange, nous étions impatients de venir écouter cette grande dame de la promotion de la santé, Christine Ferron. Au programme, une ambitieuse question : « Partenariats acteurs-chercheurs-citoyens et décideurs politiques : pourquoi et comment travailler ensemble ? ». Avec la contribution du RESO, Education Santé vous propose un retour sur cette matinée.
Des données probantes, une absolue nécessité
« Pourquoi travailler ensemble ? Pour produire et diffuser des données probantes en promotion de la santé », c’est ainsi que démarre la présentation de Christine Ferron. Tout sourire et d’une façon toute professorale (dans son riche parcours, elle a aussi enseigné), la première partie de son exposé porte sur ces données probantes et les enjeux capitaux qu’elles représentent en promotion de la santé. La préoccupation n’est pas nouvelle bien entendu, mais il est indéniable que les termes « evidence-based », « programmes modèles », « fondés sur la science »… sont en vogue, notamment auprès des politiques et autres pouvoirs subsidiants. L’OMS définit ces données fondées sur des preuves comme « des conclusions tirées de recherches et autres connaissances qui peuvent servir de base utile à la prise de décision dans le domaine de la santé publique et des soins de santé ».Suivant cette définition, ces données peuvent être issues d’autres lieux que la recherche scientifique. Christine Ferron revient de long en large sur ces « autres lieux » tels que la littérature grise, ou encore sur leurs diverses natures (des données tacites issues de l’expérience des acteurs de terrain, des données contextuelles, etc.). On parle d’ « evidence ice-berg » pour désigner la quantité gigantesque de données probantes existantes et « tout l’enjeu de faire remonter à la surface ces données issues de l’expérience, en général mal connues, mal diffusées mais néanmoins essentielles ». Pour cela, des partenariats entre acteurs, chercheurs et décideurs devront se mettre en place…Les enjeux pour le secteur sont en effet gigantesques, que ce soit pour prouver l’efficacité de la promotion de la santé (« Hé oui, on en est encore là aujourd’hui » soupire Mme Ferron avec un air goguenard), l’augmenter et améliorer ses actions, etc. On ne vous apprend rien en affirmant que notre secteur souffre encore parfois d’un manque de crédibilité. Par ailleurs, l’enjeu est aussi éthique : « Une démarche non probante peut être une démarche inutile, inefficace, voire délétère. Prenons par exemple le cas des recommandations de couchage des bébés dans les années ’80 – sur le ventre – qui étaient intuitives mais pas basées sur des preuves… et il s’est avéré que ces recommandations étaient délétères pour les cas de mort subite du nourrisson. »La notion d’utilité se pose aussi d’emblée lorsqu’on parle de données probantes. En effet, déployer des moyens considérables pour tirer des conclusions « de bon sens » ne nous avancera pas beaucoup. Mais il faut aussi que les recommandations issues des résultats des recherches « collent » avec les réalités de terrain et les pratiques, et soient jugés éthiquement acceptables. L’utilisation de la peur auprès du public par exemple est depuis longtemps remise en cause. Pour éviter d’entendre « ceux du terrain » dire « tout ça, ce n’est que de la théorie de labo », pour éviter que des programmes complexes soient mal compris et réduits à quelques résultats attendus dans les conclusions d’une recherche, la rencontre entre les personnes issues de la recherche et ceux qui mettent en place des projets de promotion de la santé est absolument nécessaire. Christine Ferron parle même d’une nécessaire « acculturation et reconnaissance réciproque aux principes méthodologiques et éthiques de leurs secteurs d’intervention respectifs, et à leurs contraintes et ressources respectives ».Avant de revenir sur ces incontournables rencontres entre acteurs (dans le but de créer des partenariats de recherche, qui vont guider l’action avec des données probantes, donc utiles… vous me suivez ?), Christine Ferron assure nos bases théoriques et nous explique la recherche interventionnelle.
Vers une science des solutions
« Il existe un mythe tenace et pernicieux en santé publique, selon lequel la connaissance des mécanismes et des facteurs de risque des maladies constitue un savoir suffisant pour planifier des interventions de prévention et de promotion de la santé des populations », expriment très justement Louise Potvin et consorts. Et Christine Ferron d’ajouter : « Louise Potvin l’explique comme tel : il existe une science des problèmes, fortement investiguée, et une science des solutions. Tout un pan de la recherche actuelle va s’intéresser à tester des solutions, c’est-à-dire tester la mise en œuvre d’actions pour répondre aux problèmes identifiés, optimiser les modalités d’implantation de ces actions, etc. La recherche interventionnelle en promotion de la santé se positionne dans le cadre de cette science des solutions et plutôt du côté des approches populationnelles, voire environnementales ou sur les écosystèmes. »La recherche interventionnelle en promotion de la santé regroupe en soi tous types de recherches, allant de l’épidémiologie sociale à la recherche évaluative, en passant par la recherche en sciences sociales… L’éventail est large. Peu importe le type, du moment que cette recherche « utilise des méthodes scientifiques pour produire des connaissances sur les interventions, les programmes ou les politiques (que ce soit dans le secteur de la santé ou d’autres) dont les finalités sont
d’avoir un impact favorable sur les déterminants sociaux, culturels et environnementaux de la santé dans une population ;
d’agir sur la répartition des facteurs de risque et de protection dans cette population, de réduire les inégalités sociales de santé. »
La recherche interventionnelle s’applique à des interventions de nature complexe, qui caractérisent les approches en promotion de la santé. Elle peut porter sur toutes les étapes de la résolution des problèmes (et donc de la mise en place des solutions…) : la pertinence et la cohérence des interventions, son adaptation dans le contexte local et l’évolution de ce contexte suite à l’application du projet ou programme, ou plutôt l’objectivation du lien entre l’évolution du contexte et l’intervention en elle-même.Car la question de la transférabilité de l’intervention est tout à fait centrale et étudiée explicitement. La recherche interventionnelle ne se concentre pas tant sur l’évaluation des résultats obtenus d’une intervention en promotion de la santé que sur l’analyse et la compréhension des effets, des processus et des mécanismes à l’œuvre. Elle se distingue ainsi des recherches évaluatives, à ce jour plus courantes dans le milieu.
La recherche interventionnelle, vecteur de partenariat acteur-chercheur
Revenons donc à la question centrale, celle du partenariat entre acteurs, chercheurs, citoyens et décideurs politiques. Christine Ferron nous emmène au Pays de Redon, en Bretagne, pour nous conter l’expérience formidable qui y a été menée. Une vaste intervention intersectorielle de promotion de la santé a été montée sur plusieurs années, sous-tendue dès sa conception par une recherche interventionnelle. Cela a abouti notamment à la mise en place d’une assemblée locale de santé qui regroupe des décideurs, des citoyens, des acteurs… Nous ne détaillerons pas ici toute l’expérience mais sachez que celle-ci est décryptée dans l’ouvrage « Intervenir localement en promotion de la santé. Les enseignements de l’expérience du Pays de Redon – Bretagne du Sud ».La question des partenariats entre les différentes parties prenantes se trouve donc à la source, tout au long du processus, et dans le résultat et la pérennisation du programme. Questions-réponses avec la salle.
La participation citoyenne
D’emblée, une personne interpelle Christine Ferron sur la question de l’implication des citoyens de manière générale, comment procéder ? « Toutes ces questions mobilisent notre expertise en promotion de la santé. En tant qu’acteurs de promotion de la santé, on dispose déjà de nombreux outils et d’un savoir-faire pour impliquer les personnes dans nos projets. Dans le cadre d’une recherche interventionnelle, on peut s’appuyer sur les mêmes ressources, les acteurs-relais, etc. L’enjeu sera plutôt de maintenir leur intérêt pour le projet, ce qui veut dire qu’à aucun moment, ils ne doivent se sentir exclus, manipulés ou instrumentalisés. »
Quid des rapports de pouvoir ?
« C’est vrai pour la recherche interventionnelle mais aussi pour les recherches participatives, collaboratives… : ça change les relations entre les acteurs concernés ! On ne peut pas monter ce type de projet en maintenant des hiérarchies fortes et descendantes. La co-construction est un élément-clé, avec un effet relativement durable d’après mon expérience. C’est aussi pour cela qu’il est indispensable au départ de travailler nos représentations réciproques. »
Comment impliquer les décideurs et les chercheurs ?
L’implication des décideurs n’est pas une évidence… en tant qu’acteurs de promotion de la santé, on le sait déjà. Mais avec l’expérience du Pays de Redon, Christine Ferron nous donne une note d’optimisme : « Ils n’ont pas tout de suite saisi l’enjeu et l’intérêt de la démarche. Les décideurs membres du comité local – des élus pour la plupart, sont venus par curiosité et ont beaucoup appris en prenant part au projet. Mais faute de temps leur présence était intermittente… L’Agence régionale de santé (les services de l’Etat en région) a trouvé progressivement sa place au sein du comité de pilotage. C’est en prenant une part active aux échanges et à la prise de décision que ses représentants se sont appropriés le projet, et l’ont valorisé comme un gain significatif pour le territoire. C’est là que c’est devenu très intéressant. Ces décideurs se sont vraiment impliqués au moment-clé du projet où les chercheurs ont commencé à céder leur place et où il s’agissait de penser la suite. »« Selon moi, l’enjeu est plutôt de faire entrer les chercheurs dans cette dynamique participative. Ils n’ont en général pas l’habitude d’avoir en face d’eux des citoyens ou des représentants de la population auxquels on donne l’opportunité de donner un avis sur un protocole de recherche, sur la façon dont certaines dimensions sont explorées… »
Un traducteur-coordinateur
« A chaque étape, il s’agit d’être attentif à la compréhension et à la validation des données théoriques, des choix méthodologiques, de constructions d’hypothèses, etc. Evidemment, cela prend du temps mais la réussite du projet en dépend. Il ne faut pas hésiter à faire en permanence des aller-retour à chaque étape du projet pour s’assurer que chacun est d’accord et a entièrement saisi ce qui se passe, le pourquoi, la formulation…Tout doit être très explicite. D’où l’enjeu de mettre en place dès le départ une fonction de traduction et de coordination. »« De mon expérience, ce rôle (de traducteur-coordinateur) est joué par le pilote de l’intervention. Ne fût-ce que parce que nous autres, acteurs de la promotion de la santé, avons l’habitude des partenariats complexes, d’animer des dynamiques de groupe, de veiller à l’implication de tous. »« Bien que ce rôle échoit souvent aux acteurs de la promotion de la santé, une formation supplémentaire est tout de même requise. Pour jouer un rôle de traducteur, il faut maîtriser les deux langues et donc être un minimum formé à la recherche de manière à maîtriser le vocabulaire, les méthodes, la compréhension des concepts scientifiques. En France, ce type de formation de base à la recherche se développe de plus en plus. Attention toutefois, il n’est pas demandé aux chargés de projet de changer de métier, mais de s’équiper pour mener à bien ce nouveau type de partenariat. »Pour conclure, l’absolue nécessité de fournir des données probantes sur les actions et programmes en promotion de la santé n’est plus à démontrer. Mais au cours de cette matinée, Christine Ferron nous a fourni des pistes sur le « comment ». Basculer vers une science des solutions, un défi de taille à relever pour le secteur !
Portfolio de ressources proposé par le RESO
Intervenir localement en promotion de la santé. Les enseignements de l’expérience du Pays Redon-Bretagne Sud.
You C., Joanny R., Ferron C., Breton E. Rennes (France) : Ecole des hautes études en santé publique (EHESP). 2017. 191p.https://www.ehesp.fr
Promotion de la santé : une dynamique d’échanges entre chercheurs et intervenants du terrain
Sourimont M. Rennes (France) : Instance régionale d’éducation et de promotion de la santé (IREPS) Bretagne. Horizon pluriel. 2013/25. p.16.https://irepsbretagne.fr
Recherche interventionnelle en santé publique : quand chercheurs et acteurs de terrain travaillent ensemble
Ferron C., Breton E., Guichard A. Saint-Denis (France) : Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES). Santé en Action. 2013/245. pp.10-41.https://inpes.santepubliquefrance.fr
Collaborer entre chercheurs et acteurs de terrain ? Réflexions, points d’attention et questions à se poser pour une collaboration fructueuse
Développer un projet de recherche interventionnelle en promotion de la santé : principes, outils, place et rôle de chacun
Sizaret A., Sandon A. Dijon (France): Instance régionale d’éducation et de promotion de la santé (IREPS) Bourgogne Franche-Comté. 2018. p.28https://ireps-bfc.org
Recherche interventionnelle en santé publique, transfert de connaissances et collaboration entre acteurs, décideurs et chercheurs – le défi français de l’innovation
Recommandations pour l’élaboration d’un projet de recherche interventionnelle en promotion de la santé
Joanny R. Rennes (France) : Instance régionale d’éducation et de promotion de la santé (IREPS) Bretagne. 2014. p.60https://www.cres-paca.org
La recherche en promotion de la santé. Actes du colloque du Pôle régional de compétences Lyon, janvier 2015
Berger D., Boussouar M. Lyon (France) : Editions des archives contemporaines. 2016. p.94
Global health promotion and population health intervention research
Jackson S. New-York (USA): Sage Publishing. Global Health Promotion. 2017/3 (Vol.24). pp.3-4
Ce que l’intervention fait à la recherché dans un contexte de maladie grave
Marchand A., Rollin Z. Laxou (France) : Société Française de Santé Publique (SFSP). Santé Publique. 2015/3 (Vol.27). pp.331-338
Valoriser les résultats de la recherche auprès des acteurs de terrain
Paris (France) : Fondation Internationale de la Recherche Appliquée sur le Handicap (Firah). 2018. p.76https://www.firah.org
Promotion de la santé basée sur des données probantes : un domaine émergeant
Juneau C-E., Jones C., McQueen D., et al. New-York (USA) : Sage Publishing. Global Health Promotion. 2011/1 (Vol.18). pp. 122-133
Analyser la transférabilité d’une intervention: application du modèle fonctions clés/ implémentation/ contexte à un programme de prévention du diabète
Fianu A., Villeval M., Naty N., et al. Laxou (France) : Société Française de Santé Publique (SFSP). Santé Publique. 2017/4 (Vol. 29). pp. 525-534
La complexité : concept et enjeux pour les interventions de santé publique
Pagani V., Kivits J., Minary L., et al. Laxou (France) : Société Française de Santé Publique (SFSP). Santé Publique. 2017/1 (Vol. 29). pp. 31-39https://www.cairn.info
Unpacking Black Boxes : Mechanisms and Theory Building in Evaluation
Astbury B., Leeuw F. New-York (USA): Sage Publishing. American Journal of Evaluation. 2010/3 (Vol.31). pp.363-381
Déléguée générale de la Fédération Nationale d’Education et de promotion de la santé (FNES) en France.
« Fondé sur des preuves » en anglais
On entend par là toute la masse de publications « non conventionnelles » (non gérées par l’édition) comme les rapports de réunion, les mémoires étudiants, etc.
UIPES, 2004.
Cfr. Recherche interventionnelle en santé publique : Quand chercheurs et acteurs de terrain travaillent ensemble : portfolio ci-dessous
Les enfants et les adultes ont leurs réseaux spécifiques de soins de santé mentale, mais qu’en est-il des personnes âgées ? Faut-il organiser leurs soins en un réseau séparé ou peut-on les intégrer dans le système de soins des « adultes » ? À cette question, le Centre fédéral d’Expertise des Soins de Santé (KCE) répond que l’âge chronologique ne doit pas servir de critère décisif car les « personnes âgées » constituent un groupe de population très hétérogène, avec des individus en pleine forme et d’autres très fragiles. Il est également d’avis qu’il faut maintenir leurs contacts privilégiés avec leur médecin généraliste, tant pour leurs problèmes somatiques que psychiques. Toutefois, certains problèmes de santé mentale nécessitent des connaissances spécifiques. Le KCE plaide donc pour une extension des différentes offres de soins de santé mentale des « adultes » aux personnes âgées, tout en prévoyant de les renforcer par des spécialistes (à former) en santé mentale de la personne âgée et en mettant l’accent sur les interventions dans les lieux de vie et sur la collaboration entre tous les intervenants d’aide et de soin. En Belgique, les soins de santé mentale ont fait l’objet d’une série de réformes depuis une vingtaine d’années. Leur objectif global est de permettre aux personnes de rester le plus possible dans leur milieu de vie, et de n’avoir recours à l’hospitalisation que lorsqu’il n’y a plus d’autre solution. Dans le cadre de ces réformes, le SPF Santé publique a demandé au KCE de déterminer s’il fallait organiser les soins de santé mentale des personnes âgées en un réseau séparé (comme pour les enfants et adolescents) ou si l’on pouvait les englober dans les soins des « adultes » en général.
L’âge de la carte d’identité n’est pas le plus important…
Dans la plupart des pays occidentaux, on considère que l’âge chronologique de 65 ans – qui a été jusqu’il y a peu celui de la retraite professionnelle – correspond au passage du statut d’adulte actif à celui de « personne âgée ». Or une très grande partie des personnes qui ont dépassé cet âge sont encore en bonne forme, actifs et autonomes. Sur un plan médical aussi, on considère aujourd’hui que la vieillesse se définit davantage par une certaine fragilité et par l’accumulation de pathologies, que par une limite d’âge précise. Bref, les personnes âgées constituent une catégorie de patients très hétérogène. Leurs soins ne doivent donc pas être organisés sur la seule base de l’âge des personnes.
…même si les personnes âgées nécessitent des compétences spécifiques
Cela ne veut pas dire, pour autant, que les personnes âgées peuvent toujours être traitées comme n’importe quel adulte d’âge moyen. Certains de leurs problèmes de santé mentale nécessitent bel et bien des connaissances spécifiques, à la frontière entre la psychiatrie et la gériatrie (p.ex. distinguer une dépression d’une démence débutante, tenir compte des problèmes physiques concomitants, ajuster les doses des médicaments, etc.). Il est donc indispensable de sensibiliser tous les soignants aux spécificités de la psycho-gériatrie et de créer une compétence spécifique en psychiatrie de la personne âgée.
Le médecin généraliste au cœur du système
Les exemples d’organisation des soins de santé mentale étudiés dans d’autres pays montrent que les médecins généralistes sont très souvent les premiers professionnels contactés par les personnes âgées, comme c’est également le cas chez nous. Leur rôle est central pour identifier les problèmes de santé mentale et proposer un premier traitement, tout en tenant compte des problèmes somatiques qui coexistent. Les autres intervenants à domicile sont également bien placés pour aider à l’identification précoce des problèmes de santé mentale.Un bémol toutefois : les acteurs de la première ligne n’ont généralement pas assez de formation et de temps pour prendre en charge les problèmes de santé mentale des personnes âgées. Il est donc indispensable qu’ils abordent ces problématiques avec une vision plus multidisciplinaire et qu’ils bénéficient d’une collaboration franche et ouverte avec les professionnels plus spécialisés (psychologues, psychiatres, gériatres).
Aller à domicile…
Tant en Flandre qu’en Wallonie, certains projets pilotes, issus des Services de Santé Mentale (Centra voor Geestelijke Gezondheid en Flandre), s’adressent directement aux personnes âgées. Une des clés de leur réussite est leur disposition à se déplacer au domicile de leurs patients. Ces initiatives sont cependant trop peu nombreuses et méconnues ; elles mériteraient d’être généralisées à tout le pays.Dans le cadre de la réforme des soins de santé mentale, notre pays a également mis sur pied des équipes mobiles psychiatriques (« article 107 », SPAD – Soins psychiatriques pour personnes séjournant à domicile) en lien avec les institutions de soins psychiatriques. Elles se rendent au domicile des patients mais elles se concentrent principalement sur les personnes de moins de 65 ans. Le KCE suggère donc d’étendre leur champ d’action, de les renforcer en nombre et de les soutenir par des équipes mobiles de troisième ligne, spécialisées dans les soins aux personnes âgées, qui pourraient intervenir dans les cas les plus complexes.D’autres outils existants, comme les « consultations multidisciplinaires autour du patient psychiatrique à domicile » et le recours à des coordinateurs des soins, devraient être activés plus souvent afin de favoriser les indispensables collaborations entre acteurs de terrain.
…y compris dans les maisons de repos
Les MRS doivent souvent héberger des personnes âgées dépendantes présentant des problèmes de santé mentale. Dans la mesure où l’on peut considérer que ces MRS sont bel et bien le « lieu de vie » des personnes qui y résident, le KCE suggère que toutes les interventions à domicile mentionnées ci-dessus soient également possibles en MRS. Il souligne également l’intérêt d’unités spécialisées, avec une offre de soins personnalisée, pour les personnes âgées présentant des troubles du comportement.
Une offre hospitalière suffisante
Pour les personnes âgées dont les soins ne peuvent pas ou plus être prodigués à domicile ou en MRS, il existe à l’étranger des services de psycho-gériatrie, où collaborent des psychiatres, des gériatres et des neurologues. Dans notre pays, il est nécessaire de prévoir une capacité hospitalière suffisante dans les services de psychiatrie, de gériatrie et de psycho-gériatrie. En parallèle, les hôpitaux doivent faire usage de leurs équipes de liaison interne gériatriques et psychiatriques afin d’assurer une prise en charge globale aux patients âgés hospitalisés, dans une vision de continuité et de qualité des soins. L’intégration de psychiatres spécialistes de la personne âgée devrait être favorisée au sein de ces équipes de liaison.
Changer le regard de la société
Enfin, la prise en compte des problèmes de santé mentale des personnes âgées appelle également de nouvelles attitudes dans la société, qui doit lutter contre les stéréotypes liés à l’âge et à la maladie mentale. Il ne faut jamais oublier que la santé mentale est un aspect clé de la promotion du « bien vieillir », tout comme le maintien du sens de la vie et du sentiment d’utilité et d’inclusion dans la communauté.
Pour entrer en contact avec les chercheurs du KCE:Karin Rondia, Communication scientifique KCETél. : +32 (0)2 287 33 48GSM : +32 (0)475 769 766Email : press@kce.fgov.be
La Province de Namur accorde un soin particulier à la mise en œuvre de partenariats avec les communes de son territoire. L’été dernier, elle a lancé à ses 38 communes un troisième appel à construire des projets communs, au bénéfice de leurs habitants. Sur les 205 projets choisis par les communes, 58 concernent la santé ou le bien-être.Entre 2017 et 2019 se déroule la troisième phase des partenariats Province-communes en province de Namur. Pour cette édition, la Province de Namur propose aux 38 communes namuroises de faire leur choix au sein d’un catalogue de 47 fiches correspondant chacune à une de ses expertises, un de ses métiers spécifiques, dans ses six domaines de compétences que sont l’action sociale et la santé, la culture, l’économie, l’enseignement, l’environnement et le tourisme.
205 projets dans 38 communes
Au total, la Province a réservé 2,4 millions d’euros pour les partenariats Province-communes 2017-2019. Concrètement, chaque commune dispose d’une enveloppe financière – une sorte de « droit de tirage » – calculée sur base de son nombre d’habitants, de sa superficie et de son indice de cohésion sociale. Et à chaque projet correspond une valeur budgétaire, soit prédéterminée, soit à préciser sur base des spécificités et de l’ampleur du projet envisagé. La Commune sélectionne les projets qui l’intéressent et répartit son enveloppe entre ceux-ci. Si aucune des thématiques proposées ne correspond aux besoins locaux, il existe aussi la possibilité, à certaines conditions, de déposer des projets dits «hors catalogue». L’offre a séduit, puisque la Province a enregistré, pour cette troisième phase de partenariats, pas moins de 205 projets ! Focus sur quelques-uns de ceux-ci, axés en particulier sur la santé et le bien-être.
Un répertoire d’outils « 0-5-30 » à Hastière
Pour la Cellule Promotion Santé, une équipe de la Direction de la Santé publique, travailler en partenariat est une évidence. Les projets qui s’élaborent avec les communes s’inscrivent naturellement dans ce fonctionnement. C’est la deuxième fois que la Commune d’Hastière choisit le thème «0-5-30», une combinaison qui résume trois comportements de santé: 0 tabac, 5 portions de fruit et de légume et 30 minutes d’activité physique par jour. Au cours de la phase II des partenariats Province-communes (2014-2016), les employées de l’Accueil Temps Libre (ATL) de la commune ont suivi un module de formation pour développer leurs connaissances dans ce domaine et leur permettre de construire des activités de promotion de la santé auprès des enfants dont elles ont la charge. A l’issue du module, les accueillantes ont créé ensemble des outils et des animations leur permettant de mettre le concept en application. Deux journées d’échanges ont alors été organisées et co-construites par les accueillantes, leur coordinatrice et la Province de Namur accompagnée de son partenaire, le Centre local de Promotion de la Santé en province de Namur pour partager les outils ou les animations développés. Carine Crucifix est en charge de ce projet pour la Cellule Promotion Santé provinciale: «Pour cette nouvelle phase de partenariats, l’objectif est de mettre en valeur les idées des accueillantes et de créer un répertoire reprenant de manière détaillée les animations et outils qu’elles ont-elles-mêmes conçus, afin de faciliter l’échange des pratiques et de mutualiser les ressources. Conçu sous une forme évolutive, ce répertoire pourra s’enrichir au fil du temps ». Les employées de l’Accueil Temps Libre d’Hastière souhaitent qu’il puisse servir aux enseignants de la commune et aux accueillantes des autres communes. La fiche projet 0-5-30 a aussi été sélectionnée par les communes d’Havelange et de La Bruyère, qui la déclineront en fonction de leurs besoins propres, avec le public qu’elles identifieront comme prioritaire.
En route vers le label Ecole 21
Le dispositif Ecole 21 est né en 2008 dans le cadre du projet franco-belge Interreg IV Générations en santé, auquel ont collaboré plusieurs Provinces wallonnes. Depuis, la Cellule Promotion Santé accompagne des écoles vers l’obtention de ce qui est beaucoup plus qu’un label. En choisissant la fiche projet «Ecole 21», les communes proposent à leurs écoles d’entrer dans une démarche alliant promotion de la santé et développement durable. Nadège Fivet, de la Cellule Promotion Santé, coordonne ce vaste travail, qui vise à faciliter l’acquisition et le développement de comportements favorables à l’éducation, à la santé et à l’environnement : «L’adhésion des écoles au projet se fait sur base volontaire. A Gesves, Floreffe et La Bruyère, les 12 établissements auxquels nous avons présenté le concept ont choisi de s’engager. Ils acquièrent le label en signant la Charte Ecole 21 et rejoignent ainsi le réseau européen des Ecoles 21». Actuellement, les comités de pilotage se mettent en place dans chaque école. Les prochaines étapes sont la réalisation de diagnostics des besoins par école, l’identification des priorités et l’élaboration de plans d’actions. En outre, des outils pédagogiques permettant d’aborder différentes thématiques (développement durable, santé, climat scolaire…) sont rassemblés dans une malle mise à la disposition de chaque Commune, en collaboration avec le Centre de Ressources Documentaires provincial qui propose aussi une formation à l’utilisation de ces outils. Enfin, dans le cadre de ce partenariat, chaque école bénéficie d’un petit subside pour soutenir la concrétisation d’un projet au choix.
Prévention des risques à Havelange
A côté de la Cellule Promotion Santé, un autre service provincial possède une expertise dans le domaine de la promotion de la santé, et plus spécifiquement dans la prévention du SIDA, des infections sexuellement transmissibles, des hépatites et dans la réduction des risques liés à l’usage de produits psychotropes. Le Service de Santé Affective, Sexuelle et Réduction des Risques (SASER) a également une pratique de travail en réseau profondément ancrée. Il élabore des projets de proximité avec des acteurs de terrain, mettant en action des personnes issues des publics-cibles en vue de les rendre actrices de leur santé. La Commune d’Havelange a décidé de prendre au sérieux la consommation d’alcool chez les jeunes et les risques d’accidents de la route qui y sont liés. Elle a sélectionné la fiche «Contribuer à la réduction des risques lors d’événements festifs par la formation de pair locaux». Jaqueline Collin du SASER travaille en très étroite concertation avec les «Jeunesses» locales et le Patro, en vue de sensibiliser les jeunes à une consommation responsable. Le projet comportera des actions de réduction des risques liés à la consommation de psychotropes, principalement l’alcool, et des nuisances sonores dans les fêtes. Ces actions seront déterminées par les jeunes eux-mêmes, qui ont déjà identifié des moments-clés: les grands feux, les kermesses, les soirées et week-ends du Patro.
C’est quoi le bonheur à Philippeville ?
Ambitieux projet, que celui dans lequel la Commune de Philippeville et la Province de Namur se sont lancées ensemble ! Au départ, le choix de la thématique de «santé dans toutes les politiques» (health in all policies) par le Collège communal de Philippeville est en lien avec la Déclaration de politique communale «Philippeville, Commune où il fait bon vivre !». Pour opérationnaliser cette intention, la Commune souhaite mettre en place un outil pérenne d’aide à la prise de décisions et à la priorisation d’actions. Le CLPS en province de Namur est aussi partie prenante. En mobilisant citoyens, agents communaux et décideurs autour d’une réflexion sur le bien-être à Philippeville, le projet vise à dégager et à hiérarchiser – par une enquête qualitative participative – les principales composantes qui déterminent le bien-être collectif des habitants de Philippeville. Il a aussi pour objectif de sensibiliser le Collège communal à l’impact des politiques sur la santé et le bien-être collectif de la population et de doter l’Administration communale d’un outil qui lui permettra d’estimer, de manière prospective, l’impact de décisions prises par le collège sur le bien-être de la population.En donnant un rôle aux citoyens, aux professionnels actifs sur le territoire et aux employés des services communaux dans la prise de décision, la démarche participative permet à chacun de devenir acteur de l’organisation de la société et du processus de changement. Le projet a officiellement été lancé le 23 avril, lors d’une soirée au cours de laquelle a été le nouveau documentaire «C’est quoi le bonheur pour vous?» de Julien Peron.
Santé mentale: soutenir les professionnels de première ligne et augmenter l’offre de soins
Dans le catalogue proposé aux communes, deux offres de partenariat étaient proposées par les Services de Santé mentale de la Direction de la Santé publique : l’une offre un soutien aux professionnels de première ligne et l’autre permet un accès de proximité aux soins de santé mentale pour la population. «La première a été choisie par trois communes, dont les équipes du CPAS bénéficieront prochainement de séances de supervision élaborées sur mesure en fonction des besoins et animées par des spécialistes de la santé mentale. La seconde, sélectionnée par cinq communes, se décline de manière très différente selon les réalités locales. Dans chaque cas, le premier travail est de bien comprendre les besoins locaux et d’élaborer ensemble un projet qui contribue à y répondre», explique Colette Nigot, responsable du Département de Santé mentale. A Bièvre, il s’agit de poursuivre le partenariat initié dans la phase II, en offrant des ateliers collectifs pour les parents et les adolescents, ainsi que des plages de permanence d’une assistante sociale. A Eghezée, un psychologue sera mis à disposition du CPAS un après-midi par semaine pour apporter à la population et particulièrement, aux bénéficiaires du CPAS et aux personnes éprouvant des difficultés de mobilité, une offre de proximité en matière de soins psychologiques. A Philippeville, le projet vise la prévention des violences conjugales et familiales, partant du constat d’un aggravement de cette problématique et d’un déficit de prise en charge par les structures existantes. Il se concrétise par la mise en place et l’animation d’une plateforme de concertation locale sur les violences intrafamiliales et conjugales, par des permanences de l’asbl « Ça vaut pas le coup » du Réseau Solidaris spécialisée dans l’accompagnement des personnes victimes de violences conjugales et intrafamiliales et par des groupes de paroles.
Et encore…
Les thématiques de partenariat sont multiples. Sans entrer dans les détails :
Trois communes ont choisi de faire appel aux services du SAMI (service d’analyse des milieux intérieurs) pour mener une campagne d’information sur les risques du radon sur la santé et distribuer des détecteurs à la population ;
Quatre communes ont inscrit des employés à une formation d’animateurs socio-sportifs des espaces publics ;
Avec les conseils et l’accompagnement du directeur du Domaine provincial de Chevetogne, quatre communes créeront une nouvelle plaine de jeux, vue comme espace de socialisation et de loisir actif ;
Dix communes se sont engagées ou ont décidé de poursuivre le processus « Ville amie des aînés » ;
Cinq communes ont demandé la création ou le développement sur leur territoire d’une ou plusieurs haltes-accueil du Bébé Bus. Il s’agit d’une formule itinérante d’accueil des tout-petits, adaptée aux publics fragilisés, qui offre aux petits une opportunité de socialisation et de stimulation, tandis que leurs parents bénéficient d’un accompagnement et d’un soutien à la parentalité ;
Face au problème de la mobilité en milieu rural qui a de réels impacts sur la santé, l’emploi, la formation ou encore l’accès à la culture, six communes ont décidé de prioriser la mobilité inclusive et solidaire pour leurs publics fragiles et dépendants, au travers d’un partenariat à trois : la commune (et/ou son CPAS), la Province et une centrale de mobilité ;
Trois communes ont choisi d’acquérir des vélos et/ou d’organiser des formations à la conduite cycliste.
Au plus près des besoins locaux
Si les thématiques et les objectifs généraux sont prédéfinis dans le catalogue, chaque projet concret cherche à rencontrer un réel besoin local identifié par la commune. Un comité de pilotage propre au projet rassemble des représentants de la Commune, de la Province et bien souvent d’organismes partenaires comme une association locale ou, pour les projets de santé, le CLPS… Ce comité détermine, sur base d’une analyse des besoins, les objectifs spécifiques du projet, le contexte, les modalités de ce qui sera mis en place, en suivant une méthode commune de gestion de projet. Et une équipe mène le projet au quotidien sur le terrain. Même si, à côté des projets sur mesure, certains sont davantage «clé sur porte», dans tous les cas, on est loin de la politique de «simple» subsidiation d’autrefois. Pour les Communes, cela requiert parfois d’adapter leurs attentes et leur vision du partenaire provincial. Un changement de culture qui paraît parfois inconfortable mais dont la plus-value est rapidement visible.
Selon la définition de l’ONE : « L’accueil extrascolaire temps libre : Ces lieux d’accueil fonctionnent avant ou après l’école, le mercredi après-midi et parfois durant le week-end. Ils sont situés dans les écoles ou en dehors. Les plus connus sont les ‘garderies scolaires’, et les associations qui organisent des animations spécifiques. » (https://www.one.be/parents/accueil-temps-libre/)
Lire à ce sujet BROUSSOULOUX S., LORENZO P., TINTINGER V., Évaluation du dispositif École 21: des pistes pour sa pérennisation, Education Santé, n°308, février 2015 (https://educationsante.be/article/evaluation-du-dispositif-ecole-21-des-pistes-pour-sa-perennisation/)
Le radon est un gaz radioactif qui peut s’infiltrer dans les bâtiments par le sous-sol. Chaque année, le radon cause environ 480 cancers du poumon en Belgique. Plus d’info sur le radon et sa prévention : www.actionradon.be
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