C’est certain, une grande majorité des étudiants du supérieur sont en pleine forme et vivent très bien leur nouvelle vie trépidante et exigeante, avec son lot d’apprentissages et de festivités divers. Mais ce n’est pas une raison pour oublier ceux qui ne passent pas ce cap aussi facilement, comme a voulu le souligner le colloque «La santé des étudiants», organisé en juin dernier par le Service d’aide aux étudiants de l’UCL.
L’un des enseignements les plus marquants de cette journée concerne la santé mentale de ces jeunes qui vivent difficilement cette période de chamboulement. L’objectif est que l’étudiant en souffrance ne reste pas seul face à ses soucis ou son mal-être. Face à des difficultés, il est utile de rappeler que chacun peut trouver une oreille attentive, que ce soit chez un médecin, chez un psychologue ou chez un assistant social.
La somatisation n’est pas rare, comme le confie le Dr Myriam Provost , médecin généraliste en milieu estudiantin depuis 30 ans: « Une plainte fréquente est celle des maux de tête ou du stress , qui peut être rattachée à d’innombrables situations . Par exemple , lorsque des parents vivent comme un échec personnel celui de l’étudiant , ce qui peut engendrer des conflits ; ou encore les angoisses apparaissant avant un stage , vécu comme une entrée déstabilisante dans la vie active . On remarque aussi chez les étudiants étrangers des inquiétudes propres , comme l’isolement par rapport à la famille ou encore une plus grande fragilité par rapport à la maladie . Ainsi , en janvier dernier , une ‘ épidémie’ de pneumonie les a frappés …»
Une catégorie très spécifique d’étudiants fait l’objet d’une attention toute particulière: ceux de médecine… « Ils ont tendance à reconnaître chez eux et des personnes de leur entourage les symptômes étudiés en cours ! Ensuite , il y a leur implication trop précoce dans un rôle de médecin : dès la 3e année , on leur accorde déjà la place d’un médecin en consultation , dans une relation d’aide et d’écoute . Ils sont interpellés par des patients ou des amis , considérés comme des médecins , alors qu’eux – mêmes se sentent encore trop ‘ novices’ ; cela peut aussi générer un mal – être . Enfin , il y a l’accès aux soins , perturbé par le savoir médical ; heureusement qu’ils ne peuvent pas ‘ se’ prescrire , cela les oblige à consulter . De plus , ils sont souvent réticents à cette consultation , puisqu’ils risquent de croiser leurs professeurs ou des amis stagiaires …»
Bobos à l’âme…
Les étudiants qui consultent le généraliste ne le font pas nécessairement pour traiter une maladie somatique, mais parfois aussi pour trouver une oreille attentive et compatissante. «Un contact sur deux ne fait pas l’objet d’une attestation de soins. En plus des renouvellements de prescriptions ou des vaccins réalisés gratuitement, nous jouons un rôle essentiel de conseil, d’écoute, qui ne fait pas non plus l’objet d’une facturation. Car il est important que les jeunes sachent qu’ils peuvent venir nous dire qu’ils vont mal sans sortir le portefeuille… Ils sont très sensibles à cette proximité et à la confidentialité, pas uniquement par rapport aux problèmes médicaux qu’ils rencontrent, mais aussi par rapport à ce qu’ils n’osent pas dire à leur entourage. C’est par exemple le cas lorsqu’un stage se passe mal, ils n’osent pas en parler à leur professeur, par crainte d’avoir de mauvaises cotes…»
D’autres, face à ces problèmes, se tourneront plus facilement vers un psychologue. Tout particulièrement en période d’examens, d’ailleurs. Car il s’agit, comme l’explique Christian Ghistelinck , psychologue au Service d’aide aux étudiants (SAE), d’une situation propice à l’angoisse et la mauvaise estime de soi. « Il y a bien sûr des motifs rationnels , tout à fait accessibles qui permettent de comprendre cette angoisse : une année d’étude coûte cher , l’image de soi est engagée , voire la réputation des parents , et puis on est dans une société où il faut réussir à tout prix …» Le jeune peut alors craindre l’échec ou le moment de l’annoncer à la famille.
…et au portefeuille!
Et puis il y a les soucis matériels que pas mal d’étudiants connaissent, comme l’a expliqué Anne-Michèle De Jonge , assistante sociale au SAE qui gère 1500 demandes d’aide (sur les 20.000 étudiants inscrits).
«Des demandes d’aide généralement financières, mais qui peuvent cacher d’autres réalités… On assiste à des problèmes familiaux, comme une pression très forte pour faire de longs trajets, une formation non choisie par l’étudiant, des parents qui contrôlent de manière stricte les budgets, voire la rupture familiale. On peut aussi retrouver une difficulté à affronter la pression académique, comme le concours lors de la spécialisation chez les étudiants en médecine. Chez les étudiants étrangers s’ajoutent l’isolement, la perte de repères, les problèmes médicaux spécifiques qui ne sont pas pris en charge par les mutuelles, la pression de la famille qui compte sur cet investissement lourd, le déracinement culturel, les bourses insuffisantes ou encore des garants qui les ‘laissent tomber’. Nous constatons également que l’augmentation des familles mono-parentales va de pair avec une augmentation des situations où l’étudiant doit être encore plus attentif à son budget, au détriment bien souvent des soins de santé, de l’alimentation correcte et de la prévention…»
Toutes ces préoccupations ne doivent pas être oubliées car même si elles ne concernent pas ou ne constituent pas un frein pour tous les étudiants, certains peuvent perdre pied à cause d’elles. « Il est donc nécessaire d’avoir et de maintenir un dispositif qui veille à préserver la santé à l’université », conclut Michel Tavernier , l’un des initiateurs d’Univers santé. Car si la santé n’est pas la préoccupation majeure des jeunes, elle n’est pas pour autant à sous-estimer!
Carine Maillard
Service d’aide aux étudiants, rue des Wallons 10-12, 1348 Louvain-la-Neuve. Tél.: 010 47 20 02. Courriel: jacobs@aide.ucl.ac.be