Les personnes séropositives peuvent aujourd’hui susciter un sentiment de solidarité spontanée lorsqu’elles sont victimes d’un comportement de rejet. Une caméra cachée en témoigne. Mais… accepter un/une partenaire vivant avec le VIH, cela reste beaucoup moins évident. Et vous comment réagiriez-vous?
Caméra cachée: le scénario
Ils se sont connus sur internet et c’est leur première rencontre, dans un bar. Il l’attend en buvant un verre ; elle arrive, souriante mais essoufflée. Elle a couru, elle a soif et demande si elle peut boire dans son verre, ce qu’il accepte. Très vite, il lui révèle ensuite sa séropositivité. Elle se fige, s’énerve, lui reproche de l’avoir laissé boire dans son verre alors qu’il est porteur du VIH. Le ton monte, le serveur s’en mêle, invoque le risque de contamination des couverts, refuse de le servir, lui clame de sortir du bar…
Comment réagissent les autres personnes présentes dans l’établissement?
C’est-ce que révèle la ‘caméra cachée’ de la Plate-forme Prévention Sida, réalisée en partenariat avec l’association belge Would You React? et diffusée sur internet. Would You React s’est donné pour mission de promouvoir les valeurs d’entraide et d’action citoyenne, notamment en réalisant et diffusant le plus largement possible des vidéos filmées en caméra cachée, qui montrent les réactions des gens face à des situations négatives du quotidien. Les vidéos intègrent les commentaires et analyses de spécialistes.
Précisons d’emblée que la situation montrée ici est donc bien, au départ, une fiction: le garçon et la fille qui se sont donné rendez-vous, ainsi que le serveur de l’établissement sont interprétés par trois acteurs professionnels, dans le but de susciter des réactions.
Objectif atteint: plusieurs autres personnes ont réagi spontanément sans savoir qu’elles étaient filmées.
La caméra cachée est accessible sur le site de la Plate-forme Prévention Sida: www.preventionsida.org.
Des réactions de solidarité à l’égard du client séropositif
Bonne nouvelle: la caméra cachée réalisée par Would You React et la Plate-forme Prévention Sida nous montre des réactions d’empathie et de solidarité avec le client séropositif. Et nous ne pouvons que nous en réjouir. La séropositivité susciterait donc, aujourd’hui, moins de rejet et d’exclusion dans la vie quotidienne, comme ici, dans un bar.
La discrimination n’a pas complètement disparu pour autant, mais, peu à peu, les mentalités évoluent. De plus en plus de gens le savent: le VIH ne se transmet pas dans les gestes de la vie quotidienne et les personnes séropositives ne sont pas des ‘virus ambulants’: boire un verre, partager un repas, travailler, jouer, faire du sport, etc. avec une personne séropositive ne comporte et n’a jamais comporté aucun risque de transmission.
Vivre avec une personne séropositive, vous le feriez?
Dans les domaines du quotidien, c’est sans doute plus facile de montrer sa tolérance vis-à-vis des personnes vivant avec le VIH que dans le secteur de la vie affective et sexuelle. En effet, combien des personnes accepteraient d’avoir une personne vivant avec le VIH comme partenaire?
Toutefois, même ceux qui se veulent tolérants par rapport à la séropositivité peuvent avoir des réactions d’exclusion par crainte d’une infection. Dans la caméra cachée, la jeune femme a une réaction très négative en apprenant la séropositivité du garçon rencontré sur internet. Cela fait partie du scénario, mais vous, comment auriez-vous réagi? Seriez-vous prêt (prête) à envisager une relation avec une personne séropositive?
Grâce aux progrès des traitements médicaux, il est plus que jamais possible de partager la vie d’une personne séropositive sans risque d’infection. C’est-à-dire, pour être clair, de vivre en couple et d’avoir des relations sexuelles, de fonder une famille.
Les traitements actuels empêchent la transmission du virus, sont plus efficaces, mieux supportés et permettent d’avoir une vie épanouissante
Ces traitements réduisent la charge virale (la quantité de virus présente dans le sang et les sécrétions sexuelles). Plus la charge est faible, moins la personne est contaminante. Une personne séropositive qui a un suivi médical régulier et prend correctement son traitement peut arriver à avoir une charge virale indétectable. La personne dont la charge virale est indétectable reste séropositive, mais le risque de transmission du virus a disparu.
A cet égard, un médecin britannique vient encore tout récemment de confirmer l’absence de risque de transmission lorsque la charge virale est indétectable depuis au moins six mois: «si vous prenez le traitement VIH comme prescrit, et que vous avez une charge virale indétectable depuis plus de six mois, vous ne pouvez pas passer le VIH à votre partenaire, avec ou sans préservatif.»
Par ailleurs, l’espérance de vie d’une personne séropositive sous traitement rejoint celle d’une personne séronégative! Enfin, quel que soit le statut sérologique de son/sa partenaire, on peut, grâce aux traitements, avoir des enfants séronégatifs.
Une caméra cachée en lien avec la campagne
«Partager sa vie avec une personne séropositive, c’est possible.»
La Plate-forme Prévention Sida a réalisé en 2015 une campagne qui invite à porter un autre regard sur les personnes vivant avec le VIH tout en informant sur les progrès des traitements capables aujourd’hui d’empêcher la transmission du VIH au/à la partenaire d’une personne séropositive.
Cette campagne, reprise en 2016 souligne qu’en vivant avec une personne séropositive, on prend surtout le risque d’être amoureux, d’avoir de merveilleux enfants, de vieillir ensemble, ou encore tout simplement, de prendre son pied ! En d’autres mots, rejeter une personne parce qu’elle vit avec le VIH, c’est se priver d’une belle rencontre ! Ce qui rejoint bien la situation présentée dans la caméra cachée.
La campagne est déclinée en spots TV et radio, ainsi qu’en affiches et cartes postales qui ont notamment été distribuées lors de la journée du 1er décembre 2016.
La discrimination: les faits
La première enquête menée en Belgique francophone sur les conditions de vie des personnes séropositives le confirme: même si de façon générale, les résultats sont encourageants, les discriminations à l’égard des personnes séropositives restent néanmoins une réalité. Et ce dans les différentes sphères de la vie quotidienne: soins de santé, vie affective, vie professionnelle, vie scolaire…
Dans le domaine médical, par exemple, l’enquête révèle que 13,1 % des répondants ont déjà connu des refus de soins du fait de leur séropositivité et que 21,4 % ont ressenti de la gêne de la part du personnel médical pour la même raison.
Par ailleurs, si 76,9 % des répondants ont déclaré ne pas avoir connu de situation de discrimination dans leur vie sociale et professionnelle, la moitié d’entre eux (49,8 %) ont renoncé à quelque chose de peur d’être discriminés.
Enfin, dans le domaine de la vie affective et sexuelle, 24,5 % des personnes séropositives ont connu une rupture de relation à cause de leur séropositivité.
Le Docteur Michael Brady, directeur médical de l’association britannique Terence Higgins Trust, et chef de clinique au service de santé sexuelle du Kings College Hospital.
Voir l’article ‘Partager sa vie avec une personne séropositive, c’est possible’, par la Plate-forme Prévention Sida, Éducation Santé no 318, janvier 2016.
Enquête sur les conditions de vie des personnes vivant avec le VIH en Belgique francophone (Wallonie et Bruxelles) 2010-2012.