Le CPAM (Comité de pilotage et d’appui méthodologique), organe représentatif des intervenants du secteur de la prévention des IST/SIDA et de promotion de la santé, a rédigé ce plaidoyer afin de mettre en avant les nouveaux défis qui se posent au regard des avancées biomédicales et préventives récentes. Ce texte souligne les principaux besoins et objectifs du secteur et identifie les priorités d’action pour les cinq prochaines années.
Dans un contexte de régionalisation des compétences, il vise également à initier une réflexion et une discussion entre décideurs politiques et membres du CPAM autour de l’opérationnalisation de ces priorités d’action.
Des besoins mieux identifiés
Le sida reste à un niveau très élevé. En 2013, 1.115 nouveaux diagnostics d’infection au VIH étaient rapportés en Belgique, soit plus de trois par jour. En outre, une augmentation de plusieurs épidémies d’infections sexuellement transmissibles (IST) est parallèle (principalement Chlamydia, Gonorrhée et Syphilis). L’incidence du VIH est la plus élevée dans la Région bruxelloise. En Wallonie, les provinces de Liège et du Brabant wallon sont les plus touchées.
Une approche globale et universelle permettant de toucher la population générale et les jeunes doit être articulée à des approches spécifiques et sélectives visant les publics cibles suivants: les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH), les migrants dont une forte proportion de femmes, les travailleurs du sexe masculins et féminins, les usagers de drogue et les détenus. Parmi eux, le Plan national VIH 2014-2019 souligne l’existence de deux publics prioritaires: les HSH et les migrants.
Sur le plan social, le sida engendre encore de la stigmatisation et des discriminations multiples. Les personnes vivant avec le VIH rencontrent des difficultés dans le domaine des assurances, de l’emploi et des soins en raison de leur séropositivité. Par conséquent, la prévention du sida doit aller de pair avec des actions en matière de lutte contre les discriminations et de défense des droits des personnes séropositives. La promotion de la solidarité, mais aussi la visibilité et la ‘dicibilité’ du VIH, restent primordiales.
La prévention évolue
Validée par le Plan national VIH 2014-2019, la prévention combinée consiste à associer les approches comportementales et biomédicales en misant sur leur complémentarité. Trois stratégies sont désormais indissociables et se résument en trois mots-clés: préservatif + dépistage + traitement.
Le préservatif protège du VIH et des autres IST. Il est pourtant encore insuffisamment accessible, notamment en raison de son coût, et insuffisamment disponible sur les lieux festifs et dans les milieux scolaires. Il est, de plus, encore nécessaire de travailler à augmenter et améliorer son utilisation et sa combinaison avec les autres stratégies de prévention.
La connaissance de son statut sérologique est un levier clé dans la lutte contre l’épidémie. Il est donc prioritaire de promouvoir le dépistage en tant qu’outil de prévention. Le dépistage tardif reste important (43% en 2013) particulièrement chez les personnes migrantes et d’origine subsaharienne: il faut multiplier et diversifier les points d’entrée, favoriser un accompagnement de qualité lors de ces dépistages et développer des lignes de conduite et un cadre réglementaire entourant les dispositifs communautaires, délocalisés et/ ou démédicalisés, les tests rapides et les autotests.
L’efficacité préventive des traitements anti-rétroviraux (ARV) est désormais avérée et permet de réduire les risques de transmission du virus lorsque la charge virale est indétectable. Mais les parcours de soin restent inégalitaires. Il faut donc faciliter l’entrée et le maintien dans les soins des publics cibles et garantir l’accès au traitement, y compris en post-exposition (TPE). Il faudra également prochainement statuer sur l’intégration de la prophylaxie pré-exposition (PrEP) compte tenu des avancées scientifiques et des enjeux éthiques. Enfin, il faut maintenir ou restaurer l’aide médicale urgente pour les soins et traitements des personnes sans statut légal ou déboutées et lutter contre les expulsions abusives de personnes malades.
Les objectifs de prévention pour les cinq prochaines années
Face aux défis actuels, les objectifs finaux d’une politique efficace et pertinente de prévention du sida sont non seulement de réduire l’incidence du VIH et des autres IST; mais aussi de réduire les vulnérabilités et les discriminations multiples à l’égard des publics cibles. Ces objectifs doivent s’inscrire dans une perspective plus large de promotion de la santé, d’amélioration de la santé sexuelle et de promotion d’une sexualité libre, choisie et épanouie. Ils impliquent, enfin, d’approfondir continuellement les connaissances et la compréhension des dynamiques et des déterminants de l’épidémie.
1. Améliorer l’information sur la prévention combinée et la réduction des risques;
2. Faciliter l’accès aux préservatifs et aux lubrifiants et améliorer leur utilisation lors des prises de risque;
3. Augmenter le nombre de dépistages précoces du VIH et des autres IST;
4. Améliorer l’accès aux traitements et l’accueil des personnes séropositives dans le système de soins;
5. Améliorer la qualité de vie des personnes vivant avec le VIH;
6. Accroître la connaissance sur les déterminants de l’épidémie de VIH et les autres IST.
Des activités diversifiées
Les différentes activités de prévention du secteur s’orientent autour des axes d’intervention suivants:
- la diffusion d’informations et de messages accessibles et actualisés sur la prévention combinée, déclinés adéquatement pour les différents publics (campagnes, animations, brochures);
- la distribution élargie de matériel de prévention (préservatifs, lubrifiants, matériel de réduction des risques liés à l’usage de drogue);
- la promotion du dépistage et la mise en oeuvre de stratégies alternatives de dépistage;
- le travail de proximité et le travail communautaire et participatif;
- l’accompagnement dans l’accès aux soins et aux traitements;
- la défense des droits et le soutien aux initiatives des personnes séropositives.
En amont, la qualité, la pertinence et l’efficience des interventions reposent sur une connaissance actualisée de l’épidémie et sur une maîtrise de la gestion de projet à travers:
- la formation continue des acteurs;
- le support scientifique et méthodologique;
- le recueil de données et la recherche-action;
- la concertation et la planification de santé;
- a mise à disposition d’une documentation spécialisée;
- les échanges de bonnes pratiques, aux niveaux local, national et international.
Des acteurs spécialisés
Il reste capital de maintenir une approche thématique et spécifique en matière de prévention du sida et des IST. Cela implique de pouvoir compter sur des acteurs de terrain reconnus et forts d’une expertise accumulée depuis de nombreuses années.
Les acteurs de prévention du VIH déploient de longue date une approche globale et positive de la santé sexuelle. Les principes d’action ressortent tant de l’autonomie et de la participation que de la transversalité et du partenariat.
Ces professionnels travaillent dans un cadre global de promotion de la santé sexuelle et collaborent avec d’autres acteurs concernés par la problématique, (agissant aux niveaux tant préventif que curatif), ainsi qu’avec les communautés elles-mêmes.
En matière d’EVRAS, l’accroissement des collaborations entre les acteurs de prévention du VIH/IST, de réduction des risques, les centres de planning familial et les professionnels scolaires et de la jeunesse devrait permettre d’améliorer la qualité des interventions et des outils à destination des jeunes.
Les acteurs de prévention estiment prioritaire que les décideurs politiques
- soutiennent activement la mise en oeuvre, au niveau régional et selon leurs compétences, du Plan interfédéral VIH 2014-2019;
- préservent l’expertise du secteur sida et la spécificité des associations communautaires;
- garantissent la pérennité financière et le volume d’emploi des organismes de prévention;
- se concertent avec les acteurs de prévention pour la programmation de la politique régionale de prévention du sida et des autres IST.
Les membres du CPAM : Alias, Centre de référence Sida du CHU de Charleroi, Centre de référence Sida du CHU de Liège, Centre de référence Sida du CHU St Pierre Bruxelles, Elisa, Espace P…, Ex Aequo, Fédération Laïque de Centres de Planning Familial, Modus Vivendi, Observatoire du sida et des sexualités (Université Saint-Louis), Plate-forme Prévention Sida, Service Éducation pour la Santé, Sid’Aids Migrants Siréas, Sida IST Charleroi Mons, Sida Sol, Sida SOS.