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a pregnant woman in the last months of pregnancy is cleaning the house.

Perturbateurs endocriniens : des experts du vécu en pauvreté aident les autorités à communiquer 

Le 3 Juin 24

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Une campagne nationale veut sensibiliser les femmes enceintes – ou qui souhaitent l’être, au risque d’exposition aux perturbateurs endocriniens. Des experts du vécu en matière de pauvreté ont adapté les messages.

En Belgique, seulement une personne sur deux a conscience de la nocivité des perturbateurs endocriniens – ces molécules chimiques qui modifient le fonctionnement du système hormonal. Lancée fin mai, une campagne nationale entend sensibiliser les futures mamans aux bons gestes pour les aider à réduire leur exposition.  

Extrait de la campagne de sensibilisation pour les femmes enceintes contre l'exposition aux perturbateurs endocriniens
Une des affiches de sensibilisation de la campagne qui alerte sur la dangerosité de l’utilisation de peintures ou de solvants lors de la préparation de la chambre du bébé (Crédit SPF Santé Publique)

Invisibles et pourtant omniprésents, dans les produits ménagers, les cosmétiques, les jouets et les aliments, ces polluants chimiques troublent le bon fonctionnement du système hormonal des humains. Lors de la grossesse, ils imprègnent l’organisme de la mère et traversent la barrière placentaire. 

Le cumul de ces expositions – leur effet cocktail – a un impact sur la santé du fœtus. Il augmente les risques des malformations génitales et sexuelles, de pubertés précoces, de cancers, de diabète et de certains troubles autistiques. 

« Les fœtus, et donc les futures mamans font partie des populations les plus vulnérables. S’adresser aux futures mamans est une priorité pour répondre à cet enjeu de santé publique et environnementale », explique Sandrine Jouan, qui a piloté l’élaboration de la campagne pour le Service Public Fédéral (SPF) Santé Publique dans le cadre du Plan d’action national sur les perturbateurs endocriniens (NAPED) 2022-2026. 

Consulter des experts du vécu en pauvreté 

L’objectif de cette campagne est de réduire le plus rapidement possible l’exposition des femmes enceintes et de leur enfant à naître dès le stade pré-conceptionnel, et tout au long de la grossesse. Mais comment informer sans effrayer ou décourager ? Et comment conseiller des mesures de protection qui soient accessibles à toutes et tous, et peu coûteuses ? 

Car les populations précarisées sont les plus exposées à ces substances chimiques, en raison de leurs conditions de vie (de logement notamment) et des difficultés d’accès à une alimentation de qualité, ou tout simplement à défaut d’être bien informées. 

Début 2020, le SPF Santé Publique sollicite le SPP Intégration Sociale pour s’assurer que les messages soient accessibles au plus grand nombre. Celui-ci leur propose de soumettre leur projet de campagne à leur service des Experts du vécu en matière de pauvreté et d’exclusion sociale (EdV). Au sein de ce service méconnu, des personnes, qui ont connu la pauvreté ou l’exclusion sociale, travaillent à améliorer l’accès aux droits et l’accès aux soins (lire notre article). 

Sept EdV volontaires se réunissent donc en groupe de travail. Parmi eux, une seule connaît un peu le sujet. Une enfant de son entourage a connu une puberté précoce en raison de son imprégnation à plusieurs toxiques. Les autres découvrent l’ampleur et la complexité du problème.  

« A vrai dire les perturbateurs endocriniens, je ne savais pas trop ce que c’était »

concède Cécile Charlet, EdV détachée chez Solidaris à Liège.

Au cours des séances d’information, la quinquagénaire fait le lien avec son quotidien. « Ces pollutions-là sont insidieuses, on ne voit pas les conséquences de suite, alors quand on a des tracas, ça nous passe au-dessus », ajoute-t-elle.

La gestion d’un budget familial très serré oblige à être très concret. Il faut déjà prioriser tel ou tel enfant quand il s’agit d’aller chez le médecin, ou même racheter une paire de baskets. A posteriori, Cécile se dit qu’elle aurait « aimé être informée » sur ces risques invisibles pendant ses trois grossesses. « Maintenant je m’inquiète surtout pour mes petits-enfants » dit-elle. 

Outiller sans culpabiliser 

Au sein du groupe de travail, les discussions se concentrent sur les formulations pour susciter l’intérêt et l’action. Le travail consiste à supprimer toutes les formules impératives qui ont un effet culpabilisant ou anxiogène. Ainsi le conseil : « changez vos poêles lorsque le revêtement est abîmé » se transforme en « évitez d’utiliser une poêle lorsque le revêtement est abîmé ».  

« Une femme enceinte doit déjà faire attention à beaucoup de chose : la listéria, la toxoplasmose, alors les perturbateurs endocriniens, on peut comprendre que cela lui semble hors de portée. Et puis, changer une poêle abimée pour éviter l’ingestion de PFAS, certaines personnes ne pourront pas se le permettre, quand elles n’arrivent déjà pas à boucler les fins de mois »

alerte Amélie Legrand, experte du vécu depuis 2016 qui travaille désormais à la coordination des EdV au sein du SPP IS. 

Même précaution pour le fait de réchauffer la nourriture dans des contenants en plastique au micro-ondes. « Pour simplifier le message, on n’entre pas dans le détail, on explique simplement qu’il y a un risque de migration des substances chimiques présentes dans les contenants en plastique vers les aliments » précise Sandrine Jouan. Les conseils proposent de veiller à varier les modes de cuisson en alternant vapeur, four, etc. 

Donner des moyens de savoir et d’agir 

« La priorité, c’est de trouver des solutions peu coûteuses et faciles à mettre en place » confirme Amélie Legrand. Le groupe de travail des EdV a donc relu les conseils de la campagne et a proposé des modifications. L’idée est de prioriser des actions accessibles financièrement pour redonner à chacun.e du pouvoir d’agir au sein de son habitation. 

La campagne de sensibilisation propose près de trente conseils pour chaque espace de la maison : la cuisine, la salle de bain, la buanderie, la future chambre du bébé. « Ça permet aux gens de savoir par quoi commencer » précise Amélie Legrand. Aérer leur logement deux fois par jour limite l’accumulation des polluants dans l’air intérieur. « On rassure sur le fait que ça ne va pas refroidir les murs et qu’il n’y aura pas de problème de perte énergétique », ajoute l’experte.  

Pour l’alimentation, les experts conseillent de laver et éplucher les légumes et de privilégier des produits peu transformés. « L’alimentaire, c’est tous les jours dans notre assiette, tout le monde n’a pas la chance d’avoir un potager non traité », dit Cécile Charlet, qui produit une partie des légumes qu’elle consomme. 

« Ces trucs et astuces donnent du pouvoir d’action facile, direct et peu coûteux. Même si cela ne révolutionne pas le quotidien, ça donne des moyens de savoir et d’agir ».  

dit Amélie Legrand

Les EdV interviennent aussi sur l’utilisation de certains mots ou tournures de phrases perçus comme compliqués ou trop vagues. Les termes « produits cosmétiques », sont ainsi remplacés par « savon, maquillage et shampooing ».  

Gommer les maladresses 

La collaboration permet aussi d’enrichir les messages et de gommer des maladresses. Les EdV conseillent de supprimer l’expression connotée de « l’hygiène de vie », un terme qui pointe la responsabilité individuelle, « alors qu’en soi les perturbateurs endocriniens, c’est un problème généralisé », ajoute Amélie Legrand. 

La campagne s’appuiera sur des visuels et des films d’animation, qui seront diffusés sur les réseaux sociaux. Puis des affiches et des flyers au format carte postale seront distribués dans les organismes en charge de la grossesse et de la petite enfance. Ils contiendront les informations essentielles de la campagne et renverront vers un site internet dédié avec une double page sur les perturbateurs endocriniens et les moyens de les éviter. Sur ces supports, les EdV ont mis en avant la nécessité d’indiquer l’adresse url du site internet, à côté du QR-Code pour tenir compte de la fracture numérique. 

Le SPF développe aussi un outil informatique à destination des professionnels de la santé, en particulier les médecins généralistes qui se sentent souvent démunis face aux besoins de leur patientèle sur les perturbateurs endocriniens comme le constate la Société scientifique de médecine générale (SSMG). 

La prochaine campagne devrait s’adresser aux enfants et aux adolescents en essayant à nouveau de prendre en compte les besoins des populations défavorisées.

Retrouvez toute cette campagne sur perturbateursendocriniens.be. Elle a été réalisée en collaboration avec Departement Zorg, AVIQ, Departement Leefmilieu, SPW Environnement, Bruxelles Environnement, Office National de l’Enfance (ONE), Agence Opgroeien, SPF Emploi, les mutuelles.

teamwork meeting concept

Plan wallon de Prévention et de Promotion de la santé : des indicateurs d’évaluation des objectifs transversaux co-construits avec les acteurs

Le 27 Avr 22

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Depuis 2019, ESPRIst-ULiège accompagne la Fédération wallonne de promotion de la santé (FWPSanté) pour définir des indicateurs d’évaluation pertinents, qui permettent de rendre compte des pratiques de ses membres auprès du pouvoir subsidiant. Ce dernier avait proposé un canevas d’évaluation dans lequel les acteurs peinaient à refléter leurs activités. L’appui à l’évaluation réalisé par ESPRIst se traduit par la conduite de la réflexion en concertation avec la Fédération, depuis la construction d’une culture commune en matière d’évaluation jusqu’à la construction d’un canevas commun de collecte des informations.

teamwork meeting concept

Les membres du GT Evaluation de la FWPSanté sont : Patricia Bernaert (Prospective Jeunesse asbl), Manu Condé (Comme chez nous asbl), Martin de Duve (Univers Santé asbl), Christian Dongmo (Observatoire du Sida et des Sexualités), Amandine Felten (Service éducation pour la santé asbl), Estelle Georgin (ESPRIst-ULiège), Valérie Hubens (Fédération des maisons médicales), Hélène Lambert (UCL-Réso), Philippe Mouyart (CLPS – Charleroi-Thuin), Maryline Nicolet (CLPS Brabant wallon), Caroline Rasson (FARES asbl), Chantal Vandoorne (ESPRIst-ULiège), Rocco Vitali (Infor Drogues asbl)

Contexte et origine de la démarche

En 2019, la FWPSanté a lancé une réflexion sur l’évaluation avec ses membres. Un groupe de travail (GT) évaluation a alors été mandaté pour formaliser le travail sur la définition d’indicateurs communs et concertés pour les objectifs transversaux du Plan wallon de Prévention et de Promotion de la santé (WAPPS). Le groupe de travail est composé d’une dizaine de membres aux activités et publics variés. Ainsi, les trois niveaux d’intervention sont représentés : la première ligne au contact direct avec la population, la deuxième ligne agissant auprès des professionnels et relais, et enfin la troisième ligne à l’interface entre les acteurs de première et seconde ligne et les politiques et administrations. Ainsi, le GT est représentatif de la diversité qui constitue le secteur de promotion de la santé, de façon transversale au niveau des pratiques et également de façon spécifique sur les thématiques et champs d’action qu’il couvre (assuétudes, tabac, drogues, milieu carcéral, rue…).

Ce travail a été réalisé à un moment charnière pour le secteur de la promotion de la santé en Wallonie. Alors que les opérateurs sont dans l’attente d’une révision du Décret Promotion de la Santé et de sa traduction opérationnelle dans un arrêté du Gouvernement, ils se sont engagés dans une réflexion commune sur les modalités d’une évaluation qui soit porteuse de sens pour chacun en regard de ses principes d’actions, des activités et des thématiques privilégiées. L’objectif du GT évaluation était aussi de trouver une façon de rendre compte des actions qui offre un juste reflet des pratiques et fondamentaux de la promotion de la santé, et ce, en cohérence avec le WAPPS.

Une méthodologie de co-construction inductive et itérative

En 2019, la FWPSanté a sollicité l’appui méthodologique et scientifique d’ESPRIst-ULiège, afin d’amorcer la construction d’une culture d’évaluation commune. A cet effet, une enquête en ligne a été adressée aux membres afin d’avoir une vision des informations quantitatives ou qualitatives dont ils disposent selon le type d’activités qu’ils mènent (réseaux, formation, accompagnement, construction d’outils, centre de ressources, etc.). Les résultats ont été enrichis par l’organisation d’une journée de rencontre. Au cœur des discussions, étaient : les buts et finalités de l’évaluation, les modalités utilisées pour rendre visibles les actions et les résultats, les critères d’évaluation, et enfin les outils et démarches d’évaluation.

En 2020, le pouvoir subsidiant a soumis aux membres un canevas standardisé de plan d’action dans lequel les opérateurs ont peiné à refléter la complexité de leurs interventions. Le GT de la FWPSanté oriente alors son travail sur la proposition d’une alternative, un dénominateur commun à tous. La piste de travail dans laquelle s’engage le GT est la formulation d’indicateurs d’évaluation pour les 12 objectifs transversaux du Plan, délaissés par les autorités par manque de substance objectivable. En effet, ces objectifs reflètent les pratiques diversifiées de la plupart des opérateurs en promotion de la santé, en revanche, bon nombre d’opérateurs ne peuvent refléter les interventions transversales au travers des objectifs thématiques du Plan. Cela est symptomatique de la difficulté qu’ont les opérateurs de visibiliser les effets de leurs pratiques sur la santé des populations.

Les 12 objectifs transversaux du WAPPS

  1. Promouvoir la santé dans toutes les politiques
  2. Adapter les stratégies pour faire face aux inégalités sociales de santé
  3. Favoriser l’accessibilité et veiller à une bonne couverture territoriale en matière de promotion de la santé et de prévention
  4. Veiller à l’efficience des actions et instaurer une culture de l’évaluation dès le départ
  5. Intégrer les priorités de santé dans une approche selon les parcours de vie
  6. Intégrer les priorités de santé dans une approche selon un continuum global et pas que de soins, de l’éducation à la santé en passant par la promotion de la santé et la prévention ainsi que le soin
  7. Renforcer l’action communautaire (bottom-up), promouvoir la participation citoyenne et l’empowerment
  8. Développer le travail en réseau et le partenariat intersectoriel
  9. Créer des milieux de vie et environnements favorables à la santé
  10. Inscrire la promotion de la santé dans une perspective durable
  11. Promouvoir l’innovation au service de la santé
  12. Tenir compte de la dimension de genre

En 2020, le GT évaluation s’est réuni régulièrement lors de rencontres préparées par ESPRIst-ULiège. Pour chaque objectif transversal, une série de dimensions-clés (critères de qualité), identifiées dans la littérature scientifique et grise, étaient proposées et soumises à la réflexion du GT.

Dans un premier temps, ces dimensions étaient expliquées, sélectionnées puis reformulées. Très vite, la nécessité d’utiliser un vocabulaire commun pour parler d’évaluation a été identifiée. Le GT s’est alors accordé sur une proposition de glossaire qui a balisé la rédaction des dimensions-clés. Ce glossaire a été transmis aux membres de la Fédération et aux autorités de tutelle.

Dans un second temps, ESPRIst-ULiège a réalisé une sélection de ces dimensions-clés afin d’en limiter le nombre et d’éviter les doublons, des reformulations ont de nouveau été nécessaires. Vingt-deux dimensions ont finalement été sélectionnées. Le GT a alors travaillé sur base de propositions d’indicateurs au départ des données d’enquête auprès des membres de la FWPSanté ainsi que de la littérature grise et scientifique. Il était demandé aux membres du GT de se positionner par rapport à la pertinence des indicateurs et à leur portée quantitative ou qualitative. ESPRIst-ULiège a recueilli l’ensemble du travail réalisé par le GT et proposé un canevas contenant 86 indicateurs d’évaluation, assortis d’un document descriptif de chaque dimension-clé. Ces fiches descriptives des dimensions-clés reprennent une courte description de la dimension-clé ainsi qu’un tableau avec les critères et les indicateurs associés. Les critères sont les caractéristiques plus précises qui, ensemble, permettront de juger de la rencontre de la dimension-clé par les opérateurs. Les indicateurs sont les manifestations concrètes de ces critères. Les indicateurs définis sont de trois types : indicateurs de processus, indicateurs de réalisations et indicateurs de résultats. Ils peuvent être quantitatifs ou qualitatifs.

La logique est renversée par rapport à la proposition de l’administration compétente. Le point d’entrée ne sera plus les objectifs mais bien les dimensions-clés.

Le canevas se présente sous la forme d’un tableau qui reprend les indicateurs par dimension-clé. L’opérateur a le choix de les documenter ou non en fonction de leur adéquation à ses projets, activités ou actions. Pour limiter les ambiguïtés et homogénéiser le remplissage du canevas, le type d’indicateur y est directement spécifié. Dans la mesure du possible, des catégories d’informations ou des questions sont suggérées afin de guider l’opérateur dans la façon de rendre visibles et concrètes les caractéristiques de ses actions.

Les objectifs de santé tout comme les objectifs transversaux, y seront associés dans un second temps. Les membres de la FWPSanté ont pu prétester le canevas durant l’été 2021. 

Implication des membres de la Fédération

Dès le départ, il importait que ce travail soit porté et validé par les membres de la Fédération wallonne de promotion de la santé. C’est pourquoi, deux rencontres ont été organisées pour les membres et leurs équipes. Une première rencontre avait pour objectif de présenter le travail du GT évaluation et son aboutissement sous forme d’un canevas d’indicateurs. La seconde rencontre avait pour objectif de présenter le prétest du canevas et d’amorcer l’appropriation du canevas proposé lors d’ateliers en sous-groupe. Les membres participants ont pu prétester le canevas durant l’été 2021.  

Ces rencontres, au même titre que le prétest, ont permis de préciser la description des dimensions-clés pour qu’elles soient le juste reflet des pratiques du plus grand nombre.

Les principaux résultats et enseignements du prétest

Le prétest a permis d’identifier les points forts et les points faibles de la proposition de canevas d’indicateurs. Quatorze opérateurs aux activités variées ont prétesté le canevas. Cet exercice consistait à sélectionner quelques actions au sein d’un projet et à documenter les indicateurs jugés pertinents pour en rendre compte. Le nombre d’indicateurs à documenter n’était volontairement pas précisé afin de laisser aux opérateurs l’occasion de s’approprier pleinement le contenu du canevas. Il ressort que certaines dimensions ont été plus documentées que d’autres. Les dimensions moins documentées ne sont pas pour autant à éliminer de la liste, il restera à définir pourquoi elles ont été moins sélectionnées. Permettent-elles de refléter les spécificités de certains opérateurs ? Sont-elles trop écartées des actions mises en place par les opérateurs ? Est-il pertinent de mieux les développer à l’avenir ?

Les dimensions les plus documentées reflètent les stratégies de promotion de la santé largement partagées au sein du secteur, parmi lesquelles : la santé dans toutes les politiques au travers des relations qui se créent avec des organismes qui ne sont pas issus du secteur de la promotion de la santé, les interventions universelles, le renforcement des aptitudes de professionnels-relais sur les déterminants sociaux de la santé, la couverture territoriale des activités, le partenariat et le travail en réseaux sur des aspects de diversité et de participation.

La plus-value de l’exercice a été soulignée par les testeurs, d’une part pour sa valeur formative et d’autre part, pour l’utilité de disposer d’une liste d’indicateurs comme réservoir d’idées dont il n’est pas obligatoire de se servir dans son entièreté. En effet, cet exercice a permis aux opérateurs et à leurs équipes de marquer un temps d’arrêt et de questionner leurs projets et activités. La liste d’indicateurs devient alors un soutien à la formalisation structurée de ce temps d’arrêt.

La volonté n’est pas d’imposer aux opérateurs de s’astreindre à un travail fastidieux de rapportage en dépit des activités de terrain qu’ils mènent au quotidien. Les testeurs ont par ailleurs relevé le caractère chronophage du passage systématique par tous les indicateurs et la perte de vision globale qui en relève. De plus, certains indicateurs nécessitent une collecte de données en routine que tous les opérateurs ne sont actuellement pas en mesure de réaliser, faute de temps ou d’accessibilité aux données. Le modèle adopté pour le prétest se devra d’être revu afin de permettre un remplissage plus dynamique et spontané. L’idée d’une plateforme informatique a par ailleurs été soulevée par les testeurs.

A la suite de ce prétest, le GT a pu finaliser la liste des indicateurs d’évaluation pour les objectifs transversaux du plan. Cette liste prend la forme de fiches descriptives par dimension-clé. Une fois le travail validé par l’AG de la Fédération wallonne de promotion de la santé, il a été transmis au pouvoir subsidiant, accompagné de certaines balises en vue de sa mise en œuvre concrète pour les opérateurs de promotion de la santé.

Un canevas d’indicateurs d’évaluation, pour qui, pour quoi ?

L’évaluation est toujours synonyme de questionnements pour les opérateurs. Quelles sont les finalités de l’évaluation ? A quoi et à qui vont servir les résultats ? En vue de quelles décisions évalue-t-on ? S’agit-il d’un monitoring ou d’une évaluation des projets ?

Ces questions ont également coloré le travail du GT Evaluation de la FWPSanté. En effet, l’enjeu était de définir des indicateurs qui soient porteurs de sens pour les opérateurs et leurs publics, et utiles au pilotage du WAPPS pour les autorités de tutelle. Dans la réflexion sur les instruments qui seront envisagés dans les futurs arrêtés d’application, l’utilité du prétest serait d’anticiper les écueils qu’un tel outil pourrait soulever.

Afin d’éviter les difficultés dans l’adoption d’un tel outil, les membres de la FWPSanté ont défini quelques balises à adopter. La contextualisation des projets s’avère primordiale et déterminante dans le rapportage et l’évaluation réalisées par les opérateurs. L’appropriation d’un set d’indicateurs conséquent demande un temps d’appropriation non négligeable qui nécessitera sans doute un accompagnement. La réponse à un nombre limité d’indicateurs (une dizaine) semble réaliste pour les opérateurs. Ces indicateurs pourraient être choisis en concertation avec l’Administration. Chaque opérateur pourrait alors répondre aux indicateurs pertinents en regard de ses projets, actions ou activités. De cette façon, l’évaluation du WAPPS reviendra à interpréter une constellation d’indicateurs qui seraient fournis par un ensemble d’opérateurs. Le choix de ces indicateurs pourrait dès lors évoluer en cours de projet.

L’intégration des indicateurs proposés par la FWPSanté est dans les mains des autorités compétentes. Avec le soutien des opérateurs, cette liste pourrait prendre pleinement sa place dans le pilotage du WAPPS.

2019 : Un travail sur l’évaluation s’amorce au sein de la FWPS

  • Février : le Groupe de Travail (GT) définit la méthodologie et la présente aux membres de la FWPS.
  • Avril – Mai : 22 organismes membres de la FWPS répondent à l’enquête en ligne du GT.
  • Juin : le GT analyse les résultats, et une journée de réflexion collective pour les membres de la FWPS est organisée, à laquelle participent 19 organismes.
  • Septembre : un premier rapport de synthèse suite à l’enquête en ligne et aux consultations est rédigé. Mais ce même mois, l’AViQ envoie aux membres de la FWPS un « projet de modèle de plan d’action 2020 pour les opérateurs en prévention et en promotion de la santé disposant d’une subvention facultative ».
  • Octobre : suite à la réception de ce document, un nouveau mandat est octroyé au GT par les membres de la FWPS : travailler sur une proposition porteuse de sens pour les acteurs et l’administration.

2020 : le GT s’empare de son nouveau mandat et co-construit les indicateurs

  • Mars : les membres de la FWPS envoient à l’AViQ un avis sur le « projet de modèle de plan d’action » proposé.
  • De Juin à Septembre : le GT construit la méthode de travail pour répondre à son nouveau mandat.
  • Entre Octobre et Janvier 2021 : le GT définit les dimensions-clés pour chacun des objectifs transversaux.

2021

  • Mars : le GT rédige un glossaire pour parler d’évaluation. Ce glossaire est envoyé à toutes les parties-prenantes (les membres de la FWPS et l’AViQ).
  • Entre Mars et Juin : le GT rédige les fiches descriptives de chaque dimension-clé, comprenant la sélection des critères et indicateurs. Ce travail est ensuite présenté aux membres de la FWPS.
  • Juillet-Août : les membres de la FWPS pré-testent le canevas des indicateurs.
  • Septembre : le GT analyse les résultats du pré-test et ajuste les fiches descriptives.
  • Octobre : les membres de la FWPS valident ces fiches. Elles sont envoyées à l’AViQ, avec des balises pour leur utilisation.

Exemples de dimensions-clés

Pour illustrer davantage le propos de l’article, découvrez ici deux extraits de dimensions-clés.

Dimension-clé 2.2: Concevoir l’intervention selon différentes intensités et modalités en fonction du gradient
socio-économique (universalisme proportionné)

In Objectif transversal 2 : Adapter les stratégies pour faire face aux ISS.

Description de la dimension-clé
L’universalisme proportionné met en place des interventions universelles qui concernent toute la population avec une intensité (« le combien ») et des modalités (« le comment ») proportionnelles aux besoins des différents groupes de la population et aux obstacles d’ordre socio-économique auxquels ils se heurtent. Les actions mises en place selon ce principe sont adaptées au contexte local, le but étant de les rendre les plus accessibles aux personnes qui en ont le plus besoin[1]. Le gradient socioéconomique fait référence à l’association entre la position socio-économique et la santé dans l’ensemble de la population. Ainsi, plus une personne ou un groupe est socialement avantagé, meilleure est sa santé. Réduire le gradient dans cette perspective revient à améliorer l’état de santé des plus défavorisés sans réduire le niveau de santé des personnes qui bénéficient d’une meilleure santé (nivellement par le haut).

[1] LUTZ A., ZUERCHER K., NANCHEN D., PASCHE M. (2019). Vers un universalisme proportionné en promotion de
la santé et prévention : réflexions et pistes d’action. Rev Med Suisse 2019 ; 15 : 1987-90

critèresindicateurs
L’opérateur décline les interventions universelles avec
des intensités et des modalités en fonction du gradient
socio-économique des publics-cibles ou de leurs
vulnérabilités
2.2 a) Oui-Non. Si oui, expliquez les déclinaisons. Par
exemple en vous référant aux caractéristiques des
publics-cibles listées ci-dessous. (Réalisations)
Le développement des initiatives de transition intègre
les préoccupations pour l’équité
2.2 b) Proportion d’initiatives de transition auxquelles
l’opérateur a participé (voir exemples ci-dessous).
(Réalisations)
Des activités ciblées sur certains publics qui cumulent
des désavantages ont été prévues en plus des
dispositifs universels
2.2 c) Oui-Non. Quelles sont les caractéristiques des
publics qui ont été touchés ? (Réalisations)

Informations nécessaires
Caractéristiques des populations concernées par les actions* et/ou les activités*

  • Groupes d’âge (p. ex., petite enfance, adolescence, âge adulte, personnes âgées, etc.)
  • Incapacité (p.ex., physique, surdité, déficience auditive, visuelle, intellectuelle/développementale, apprentissage, maladie mentale, dépendances/ usage d’alcool ou de drogues.)
  • Sans-abri (y compris les groupes marginalisés, les mal-logés, etc.)
  • Groupes linguistiques (p. ex., personnes qui ont des difficultés à parler français ou dont la faible alphabétisation nuit à la communication, etc.)
  • Personnes à faible revenu (p. ex., chômeurs, sous-employés, etc.)
  • Populations rurales, éloignées ou de quartiers urbains défavorisés (p. ex., isolement géographique ou social, zones mal desservies, etc.)
  • Genre (p.ex., personnes de sexe masculin, de sexe féminin, hommes, femmes, transsexuels, transgenres, bi-spirituel, etc.)
  • Orientation sexuelle (p. ex., lesbiennes, gais, bisexuels, etc.)
  • Autre : à préciser …

Exemples d’initiatives de transition

  • La mise à disposition d’une alimentation bio est généralement plus accessible aux populations nanties qu’aux populations précarisées.
  • Promouvoir la mobilité douce par le vélo, les populations plus précaires vivent généralement plus loin des quartiers qui sont aménagés pour une mobilité sécurisée et il faut avoir les moyens de s’équiper.
  • Economie sociale et solidaire : solidarité avec les maraichers qui travaillent dans une perspective durable, ces produits sont-ils accessibles aux personnes plus précaires ?
  • Au niveau environnemental : isolation des habitations, l’enjeu est que les personnes à faible revenu habitent dans des habitations mieux isolées.

Dimension-clé 4.2: Dans le cadre d’un projet à moyen terme, veiller à actualiser régulièrement le diagnostic

in Objectif transversal 4 : Veiller à l’efficience des actions et instaurer une culture d’évaluation continue

Description de la dimension-clé
Actualiser régulièrement le diagnostic consiste à faire le point à intervalles réguliers pour réorienter les interventions en cours de projet*. Cette actualisation est pertinente en regard de l’ampleur et du dynamisme du projet. En effet, elle s’applique davantage dans le cadre d’un accompagnement à plus long terme que dans le cadre d’une intervention unique. Cette dimension est l’occasion de mettre en lumière les liens qui peuvent exister entre les besoins dans votre population cible et des objectifs de santé du WAPPS. Il est question de discuter de la pertinence et de l’efficience du projet et de son adaptabilité à l’évolution du diagnostic.

Critères Indicateurs
Evaluation continue des besoins des publics-cibles
(relais et finaux)
4.2 a) Une évaluation des besoins a été réalisée en amont de
l’action (Oui-non + Descr quali) (Réalisations)

4.2 b) Les publics-cibles expriment leurs attentes et besoins
au travers des activités menées par l’opérateur (Oui-non +
Descr quali) (Résultats)

4.2 c) Adaptation des stratégies d’action à l’évolution du
contexte et des besoins des publics cibles (Oui-non + Descr
qualitative) (Processus)
Confrontation des diagnostics avec les objectifs
du WAPPS
4.2 d) Le diagnostic en cours de projet met en évidence la
nécessité d’incrémenter de nouvelles actions dans le
WAPPS (Oui-non + Descr qualitative) (Réalisations)
Prise en compte des dimensions de genre4.2 e) L’analyse des besoins tient compte des rapports de
pouvoir et des inégalités femmes-hommes (sociales,
économiques, politiques et culturelles). (Oui-Non + Descr
quali) (Processus)
4.2 f) L’analyse des besoins tient compte de la norme
hétérosexuelle et des discriminations à l’égard des
sexualités minoritaires. (Oui-Non + Descr quali) (Processus)
Prise en compte des ISS dans le diagnostic4.2 g) Oui-Non + Description qualitative (exemples :
problématiques liées au niveau d’éducation, au statut
socio-économique, au territoire, au milieu de vie…)
(Réalisations)

Références

Gouvernement wallon (2014). Plan prévention et promotion de la santé en Wallonie. Partie 1 : Définition des priorités en santé horizon 2030: 105.

Gouvernement Wallon (2018). Plan wallon de prévention et de promotion de la santé. Ensemble pour une vie de qualité en Wallonie ! Rapport Prévention et Promotion de la Santé. Horizon 2030. Partie 2 : Référentiel pour l’action. Belgique: 116.

World Health Organization (2012). Intersectoral Governance for Health in All Policies. Structures, actions and experiences. Danemark, Copenhagen. 221p. [En ligne] https://www.euro.who.int/__data/assets/pdf_file/0005/171707/Intersectoral-governance-for- health-in-all-policies.pdf

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Promouvoir la santé mentale par la voie des médias Web

Le 25 Fév 22

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Dans le contexte de pandémie que nous traversons, le Service Universitaire de Promotion de la Santé UCLouvain/IRSS/RESO s’est penché, à la demande du cabinet du Ministre Alain Maron, sur l’utilisation des médias Web pour promouvoir la santé mentale de la population, fortement impactée par la crise pandémique actuelle.

La crise de la pandémie due à la Covid-19 a engendré une augmentation des problèmes de santé mentale au sein de la population. Les diverses mesures d’isolement social imposées pendant presque deux ans et les conséquences de la crise représentent des causes de stress psychologique pour les individus (Xiong et al., 2020). Ces facteurs de stress, conjugués à des facteurs de vulnérabilité préexistants ou spécifiques au contexte pandémique, ont rendu certaines personnes particulièrement à risque de développer de la détresse psychologique (Hossain et al., 2020 ; Chevance et al., 2020 ; Carmassi et al., 2020 cités dans Conseil Supérieur de la santé, 2021).

Dès lors, il apparait essentiel de mettre en œuvre des actions pour promouvoir la santé mentale des individus. C’est sur base de ce constat que nous avons effectué une revue de la littérature scientifique et grise, belge et internationale, pour tenter d’en extraire des stratégies identifiées comme prometteuses pour promouvoir la santé mentale de la population par la voie des médias Web.

Dans la suite de cet article, nous nous penchons plus particulièrement sur les avantages et limites à l’utilisation des médias Web pour promouvoir la santé et sur quelques recommandations pour le développement de campagnes de promotion de la santé mentale par le biais d’outils numériques

A propos…

« Promouvoir la santé mentale » n’est pas à confondre avec « prévenir les troubles mentaux ». La promotion de la santé mentale vise à renforcer les capacités et ressources individuelles et collectives permettant aux individus de « prendre leur vie en main » pour améliorer leur santé (Clarke et al., 2015 ; Roscoät, 2017). En d’autres mots, promouvoir la santé mentale comprend le développement de la résilience individuelle et collective (Roscoät, 2017 ; Pereira et al., 2021).

La santé mentale est déterminée par une série de facteurs, qui se situent à différents niveaux et sur lesquels l’individu a plus ou moins de pouvoir d’agir. Promouvoir la santé mentale revient à agir sur ces différents déterminants, avec une attention particulière au renforcement des facteurs « salutogènes » ou protecteurs pour la santé mentale des individus et des populations (Lamboy et al., 2011 ; Roscoät, 2017 ; Roberge & Déplanche, 2017 ; Sebbane et al., 2017 ; Pereira et al., 2021).

Dans cette perspective, les objectifs d’une campagne de promotion de la santé mentale axée sur les facteurs salutogènes pourraient cibler (Livingston et al., 2013 ; Balatsoukas et al., 2015 ; Luxton et al., 2012 ; Wright et al., 2006 ; Craig et al., 2014 ; Saha et al., 2019 ; Berry et al., 2017 ; Freeman et al., 2015) :

• l’amélioration de la littératie en matière de santé mentale ;
• la sensibilisation aux problèmes de santé mentale ;
• le renforcement du soutien social et émotionnel ;
• le renforcement des liens communautaires, de la cohésion sociale et de la solidarité ;
• le renforcement des compétences psycho-sociales (par exemple, l’estime de soi, le sentiment d’impuissance, la capacité de rebondir face à des réactions négatives ou stigmatisantes) ;
• une meilleure auto-identification de symptômes psychiques.

Ces objectifs participent, indirectement, à réduire la stigmatisation liée aux troubles de la santé mentale.
De plus, il convient de souligner que la plupart des campagnes de promotion de la santé menées par la voie des médias Web poursuivent des objectifs qui semblent se référer à une approche basée sur les changements de comportements (Scheen et al., 2019). Or, les évaluations de ces interventions révèlent que les conséquences des campagnes sur les déterminants comportementaux sont en général modestes : peu de changements de comportements sont observés après la campagne, par comparaison aux mesures relevées pré-campagne (Balatsoukas et al., 2015 ; Livingston et al., 2013 ; Henderson et al., 2012 ; Randolph et al., 2011). De plus, un risque serait que les interventions axées sur les changements de comportements perpétuent ou accroissent les inégalités sociales de santé. En effet, les personnes plus à même d’adapter leurs comportements vers le changement souhaité sont celles qui vivent dans des environnements favorables à ces changements (Buetti et al., 2021 ; Observatoire du Hainaut, 2020). Plus globalement, mener des campagnes qui ciblent des déterminants se situant à d’autres niveaux – tels que les niveaux interpersonnel, institutionnel, communautaire et politique – en s’appuyant sur le modèle socio-écologique semblerait produire des changements individuels et sociétaux plus durables (Scheen et al., 2019 ; Arwidson, 2014).

Avantages et limites à l’utilisation des médias Web pour promouvoir la santé mentale

A une échelle globale, les médias Web compteraient en 2019 plus de 2,5 milliards d’utilisateurs actifs (Saha et al., 2019). En Belgique, c’est 65% de la population qui utilisait les médias sociaux en 2018 (Scheen et al., 2019). De plus, une enquête de Solidaris (2017) révèle qu’après le médecin généraliste, Internet serait devenu le canal de référence le plus consulté par les Belges en ce qui concerne leur santé (Solidarité, 2017 cité par Scheen et al., 2019).

Les médias Web sont mentionnés dans la littérature comme des outils novateurs et peu coûteux de sensibilisation et de propagation de l’information en santé mentale (Saha et al., 2019, Latha et al., 2020 ; Williams & Swierad, 2019). Ces derniers pourraient favoriser la communication entre les personnes, le soutien émotionnel et le partage de témoignages (Latha et al., 2020 ; Minotte, 2020). Cependant, bien que les médias Web comprennent de nombreux avantages pour promouvoir la santé des individus, ils présentent également certaines limites. Voici quelques exemples des uns et des autres :

Les avantages

• Les médias Web permettraient l’émergence de plateformes communautaires d’échanges (Arwidson, 2014). Ces plateformes favoriseraient le sentiment d’identité et d’appartenance à un groupe (Apuke & Omar, 2021 ; Sihombing, 2017 ; Park et al., 2012).
• Les médias Web permettraient d’atteindre un large public rapidement (Arwidson, 2014).
• La multiplication des canaux de diffusion de l’information et la fragmentation de cette dernière permettrait d’atteindre des publics très spécifiques (Arwidson, 2014).
• Les interventions en ligne seraient un moyen pertinent pour promouvoir la santé de certaines populations défavorisées, par exemple, en rendant les services plus accessibles à ces dernières (Clarke et al., 2015).

Les limites et risques

• Une première limite, qui ne constitue pas un risque, est représentée par le fait que les comportements d’approbation (les « likes ») risqueraient d’être plus courants que les comportements de diffusion de l’information lorsqu’il s’agit d’une campagne en ligne. En effet, les utilisateurs « likent » plus facilement un contenu qu’ils ne le partagent, ce qui représente un degré plutôt faible d’engagement de la part du public envers la campagne (Saha et al., 2019). Des niveaux d’abandon plus élevés seraient, par ailleurs, observés pour les campagnes en ligne par rapport aux campagnes hors-ligne, car elles nécessiteraient peu d’engagement et d’effort pour en faire partie (Clarke et al., 2015).
• De manière plus préoccupante, les défis relatifs au niveau de littératie des publics seraient parfois exacerbés lorsque les informations sont diffusées sur Internet (Scheen et al., 2019 ; Arwidson, 2014).
• Les contenus stigmatisants à l’égard des personnes souffrant de problèmes de santé mentale seraient parfois davantage attractifs et relayés que les contenus visant à combattre la stigmatisation (Saha et al., 2019).
• Alors que certains chercheurs observent des améliorations significatives du fonctionnement social à la suite de l’utilisation des médias Web (Berry et al., 2017), d’autres démontrent un lien entre l’utilisation de médias Web et l’apparition ou l’amplification d’épisodes psychotiques, de troubles de l’humeur, de troubles de la personnalité ou de troubles obsessionnels compulsifs (Berry et al., 2017).
• Une partie non négligeable de la population (notamment plus âgée et vulnérable) ne disposerait que d’un accès limité aux technologies numériques (Lambert et al., 2021; Brotcorne & Mariën, 2020 ; Service de lutte contre la pauvreté, 2017). A titre d’exemple, selon un rapport datant de 2020, 40 % de la population belge serait en effet en “situation de vulnérabilité face à la numérisation croissante de la société” (Brotcorne & Mariën, 2020). Ainsi, l’utilisation exclusive des médias Web, si elle ne s’accompagne pas d’actions visant la littératie numérique de certains publics, risquerait de renforcer la fracture numérique déjà existante.

Pistes de stratégies pour développer une campagne de promotion de la santé mentale par la voie des médias Web

Notre analyse de la littérature a mis en évidence diverses stratégies pour développer une campagne de promotion de la santé mentale par la voie des médias Web. Ces dernières sont résumées sur le schéma ci-après.

schema sante mentale
Figure 1 : Niveaux et stratégies d’action pour élaborer une campagne de promotion de la santé mentale par la voie des médias Web. Lambert H. et Rousseaux R., Le Boulengé O, Aujoulat I. Promouvoir la santé mentale par la voie des médias web. Leçons et stratégies issues de la littérature scientifique et grise. Woluwé-Saint-Lambert: UCLouvain/ IRSS/RESO, 52 p.

Comme pour tout programme de promotion de la santé qui ambitionne par essence d’agir sur de multiples déterminants, il convient d’agir à différents niveaux d’intervention (individuel, interpersonnel, milieux de vie et éventuellement au niveau des systèmes et contextes plus globaux). Cela peut être réalisé en informant et en sensibilisant les individus, en renforçant leurs forces personnelles, en renforçant leur soutien social et émotionnel, en renforçant les liens communautaires, en impliquant des leaders communautaires, en favorisant la mobilisation citoyenne et en faisant du plaidoyer politique (voir différents niveaux sur le schéma).

Multiplier les canaux de diffusion de l’information permet de toucher une large audience et des publics divers. L’identification de ces canaux peut se faire en consultant les partenaires du projet, les publics cibles, des experts en communication en promotion de la santé, en travaillant avec des professionnels relais en contact avec des publics spécifiques et en effectuant un pré-test des messages auprès des publics concernés.

Il est nécessaire d’élaborer des messages stratégiques c’est-à-dire des messages simples, concrets, créatifs, sincères, suscitant la confiance, culturellement pertinents, contenant un appel à l’action et mobilisant divers sens (auditifs, visuels, etc.).

Il convient de prendre en considération les spécificités des groupes à qui est destinée la campagne (jeunes, personnes issues de l’immigration, personnes présentant un faible niveau de littératie, personnes âgées, etc.) en consultant les partenaires du projet et la littérature. Il est intéressant de cibler des groupes spécifiques tout en étant attentif à ne pas stigmatiser.

Il apparait également stratégique de favoriser les partenariats et collaborations avec divers acteurs (collectivités locales, associations, professionnels, leaders communautaires etc.) afin de favoriser la diffusion de l’information dès le départ et tout au long du projet. Plus spécifiquement, impliquer des acteurs clés bénéficiant d’une reconnaissance et forte visibilité sur les médias Web est intéressant.

Il est pertinent de se faire accompagner par des experts de différentes disciplines (promotion de la santé, communication, santé mentale) ainsi que par des experts du vécu. Cela peut être réalisé en créant un comité consultatif composé d’experts de diverses disciplines et de représentants des publics cibles.

De plus, baser ses actions sur des données probantes, issues de la littérature scientifique, de la littérature grise et de l’expérience et conduire une évaluation rigoureuse de la campagne sont des stratégies recommandées pour toute intervention en promotion de la santé mentale.

Enfin, plus globalement, les campagnes de promotion de la santé mentale par la voie des médias Web devraient s’inscrire dans des actions et stratégies plus globales en vue de produire des changements structurels et durables avec l’objectif d’améliorer la santé de toutes et tous. Il convient dès lors de multiplier les stratégies et les niveaux d’intervention, pour agir sur la diversité des déterminants, y compris les déterminants socio-économiques et structurels, qui impactent de manière significative la santé mentale.

Cet article propose un aperçu de la synthèse de connaissances réalisée par le RESO sur le thème de la promotion de la santé mentale par la voie des médias Web :
Lambert H. et Rousseaux R., Le Boulengé O., Aujoulat I., Promouvoir la santé mentale par la voie des médias Web. Leçons et stratégies issues de la littérature scientifique et grise (2021). Woluwé-Saint –Lambert : UCLouvain/IRSS/RESO, 52p.
A retrouver ici : https://uclouvain.be/fr/instituts-recherche/irss/reso/actualites/promouvoir-la-sante-mentale-par-la-voie-des-medias-web-lecons-et-strategies-issues-de-la-litterature-scientifique.htm

Références

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Balatsoukas, P., Kennedy, C. M., Buchan, I., Powell, J., & Ainsworth, J. (2015). The Role of Social Network Technologies in Online Health Promotion : A Narrative Review of Theoretical and Empirical Factors Influencing Intervention Effectiveness. Journal of Medical Internet Research, 17(6), e141. https://doi.org/10.2196/jmir.3662

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Apports de la démarche communautaire en santé en situation de Covid-19

Le 30 Déc 20

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Rédigé par le GT Démarches communautaire

Une quinzaine d’institutions membres de la Fédération bruxelloise de promotion de la santé (FBPS) mettant en œuvre des projets de démarche communautaire se sont réunies pour générer une parole concertée sur les spécificités de la/des démarches communautairesNote bas de page dans le champ de la promotion de la santé. La principale ambition de cette note est de clarifier les spécificités et apports des démarches communautaires dans le champ de la promotion de la santé et de diffuser ces approches au sein des autres politiques de santé, plus particulièrement dans le cadre de la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19. La crise actuelle est bien plus que sanitaire : elle est totale, car elle touche toutes les sphères de la société et de l’humanité. Au même titre que la santé est un fait social total : elle est la résultante de tous les facteurs qui définissent la société ( l’économie, le rapport à l’éco-système, l’habitat, l’insertion dans le tissu social, etc.)La situation sanitaire occasionnée par la Covid-19Note bas de page a révélé une fois de plus que les déterminants sociaux de la santé (logement, conditions de travail, éducation, littératie…), moins pris en compte que les aspects médicaux dans la gestion de cette crise, sont pourtant essentiels pour réduire les inégalités en santé. En effet, cette non prise en compte des déterminants sociaux de la santé dans la première phase de la crise a eu de nombreux effets collatéraux : absence d’instances sociales pouvant faire « tiers », rupture de liens, sentiment d’angoisse et de solitude exacerbés, fracture numérique, etc. Et l’épidémie de Covid-19 frappe particulièrement durement les populations les plus précairesNote bas de page et nécessite une prise de responsabilité collective.Le rapport à l’Etat et aux communautés d’appartenance (communautés locales, culturelles, etc.) est également remis en question par la situation sanitaire et sa gestion : le confinement, les injonctions aux «gestes barrières » et à la restriction de sa « bulle sociale », sont autant d’épreuves qui ont fortement fragilisé le lien social, et impacté durement la population et les groupes les plus vulnérables.

Il est incontestable que la démarche communautaire en santé constitue une stratégie adéquate dans la gestion de la situation sanitaire. Ses spécificités méthodologiques sont en effet caractérisées par la mise en contact des individus, leur participation et leur implication dans le processus collectif mis en place. Il s’agit de rappeler la force du travail en groupe, une bonne proximité pour des dynamiques de groupe constructives permettant de faire émerger des solutions collectives face à des problématiques collectives. Si les problématiques actuelles sont totales, la démarche communautaire constitue bien une force par sa méthodologie concrète : meilleure adhésion des populations aux politiques de prévention, amélioration de l’adéquation des politiques de santé aux besoins des populations…

La/les démarches communautairesNote bas de page en santé consistent à travailler collectivement et de manière participative sur les déterminants de la santé afin de réduire les inégalités en santé et ainsi d’améliorer la santé de toutes et tous. Cette stratégie de travail est balisée par des repères méthodologiquesNote bas de page qui permettent une large adaptation dans la mise en œuvre : les démarches communautaires en santé donnent lieu à de multiples mises en pratique, adaptées notamment aux contextes et aux besoins spécifiques des communautés concernées.Ces communautés, nous les définissons comme des regroupements de personnes partageant un sentiment d’appartenance à un « commun » qui peut être un territoire partagé et/ou des intérêts convergents et/ou des expériences de vie communes et/ou une même culture, etc. Ce sentiment d’appartenance peut également ne pas préexister au processus communautaire et se développer au cours de celui-ci.

Parmi les déterminants, les capacités de résilience individuelles et collectives et les compétences psychosociales sont des ressources qui doivent être renforcées, et sur lesquelles il est nécessaire de s’appuyer. Les projets de démarche communautaire contribuent au premier plan à les soutenir. Ces compétences psychosociales sont fortement sollicitées dans des situations de crise que nous traversons. Elles renforcent le recours à la ou aux communautés, qui jouent un rôle de « roues de secours » pour les individus tant pour gérer des situations angoissantes que pour se positionner sur un plan éthique, ou encore pour adopter de nouveaux comportements. Or ce recours à la communauté est questionné par la nature de la crise actuelle et sa gestion.La nécessaire récolte des besoins des publics, et de leurs ressources, de façon structurée à travers les diagnostics communautaires constitue un levier utile pour faire face à cette crise sanitaire. Ces diagnostics permettent en effet d’identifier les priorités des citoyen.nes et sont des cadres dont les différents pouvoirs (communaux, COCOF, COCOM, etc.) pourraient se saisir pour planifier leurs différentes réponses. La question du financement de ces instruments est donc centrale.L’évaluation participative partagée et permanente des politiques sanitaires et de leur communication est également un apport essentiel de la démarche communautaire dans la crise actuelle. Elle permet d’adapter continuellement la planification sanitaire aux nouveaux événements et obstacles identifiés par les publics concernés et de favoriser une meilleure adhésion à ces politiques et aux consignes sanitaires par l’ensemble des citoyen.nes.La participation au sein des démarches communautaires en santé s’inscrit dans un réel partage de pouvoir décisionnaire. Les opérateur.trices de la démarche communautaire en santé reconnaissent la capacité des communautés à être des acteurs responsables de leur propre santé. La « participation citoyenne » dépasse donc la consultation des communautés et de leurs besoins, ainsi que la formulation de propositions et de conseils. Elle implique les communautés dans un véritable partenariat où la prise de décision est négociée et partagée entre les communautés, les acteur.trices de terrain, les expert.es et les politiques au sein de structures décisionnaires réunissant toutes les parties prenantes.Alors comment cultiver cette force que constitue la stratégie communautaire, et pouvoir, dans le contexte actuel, transformer les nouveaux freins en atouts ? Autrement dit, si les actions basées sur la proximité physique entre les personnes sont aujourd’hui rendues difficiles, la distanciation physique ne constitue pas forcément une « distanciation « sociale » » contrairement à l’expression consacrée. Il s’agit là aussi d’être créatif.ves et de ré-inventer de la proximité, tant en présentiel que par les outils numériquesNote bas de page.En dépit des difficultés qu’ont rencontrées et rencontrent encore actuellement les professionnel.les de la démarche communautaire en santé, force est de constater que le secteur a pu s’adapter durant la crise et fait preuve de « grande créativité »Note bas de page, de « force de proposition » pour maintenir en tout ou en partie leurs activités, mais surtout les liens avec les participants de leurs projets, et initier de nouvelles activités, de nouveaux outils.Cette créativité vigilante en Région de Bruxelles-Capitale a donné lieu à la mise en place de permanences, de lignes téléphoniques de soutien auprès des publics, à la mise en place d’outils numériques et d’appropriation de ces outils, au transfert des campagnes et outils de prévention après adaptation aux spécificités des publics (traduction, mise en image, etc.), etc.Des collectifs citoyens se sont également spontanément mis en place et ont œuvré solidairement dès le cœur de la crise ; il y a lieu de s’en inspirer et de les soutenir en reconnaissant l’effet régulateur de la responsabilité collective. D’ailleurs, à l’échelon local, certaines communes ne se sont pas contentées d’appliquer les règles fédérales, elles ont utilisé leur pouvoir autonome pour activer, en fonction de leur contexte, des mesures qui leur semblaient plus adaptées parce qu’elles avaient pu entendre la parole des habitants qui ont ainsi contribué à l’orientation de ces décisions. Les assemblées délibératives prévues par la COCOF vont dans ce sens et constituent donc une belle méthodologie de participation citoyenne, à condition de veiller à ce que les plus vulnérables puissent y faire entendre leur voix.Il est d’ailleurs essentiel de ne pas se focaliser sur la seule épidémie de Covid-19 mais de poursuivre le travail sur les problématiques que nous rencontrons habituellement et qui s’avèrent cruciales dans la situation sanitaire actuelle : le lien social, l’urbanisme, le logement, les assuétudes, le sida, le diabète, la parentalité, etc.

Aujourd’hui, où mettre le curseur entre le risque épidémiologique que constitue le rassemblement de personnes et les gains en termes de santé publique de l’action communautaire (donc au rassemblement collectif) ?Les personnes les plus fragiles constituent justement les publics impliqués dans nos institutions (publics vulnérables, jeunes et 3ème âge, sans papiers, sans domicile, publics migrants, porteur.ses de pathologies telles que VIH ou diabète, etc.). La notion de « bonne proximité » ou de « proximité suffisamment bonne », à envisager différemment en fonction de chaque groupe, du contexte, de la vulnérabilité des participants, etc. est propre à la stratégie de démarche communautaire. Cette notion nous semble être un modus operandi à promouvoir dans la situation pandémique actuelle.La démarche communautaire génère de multiples effets salvateurs pour la santé tant au niveau individuel (compétences psycho-sociales, résilience, lutte contre le repli sur soi, bien-être et joie de vivre, etc.) qu’au niveau collectif (maintien des liens sociaux, lutte contre le repli communautaire, adoption des comportements dits « gestes barrières », expression des besoins pour une prise en compte dans la gestion de la crise sanitaire par les autorités, etc.). Il est nécessaire de développer des projets selon cette stratégie d’action et de promouvoir la démarche communautaire et la participation citoyenne dans tous les secteurs, et dans le décisions politiques. Et d’appliquer les stratégies de réduction des risques, pour permettre d’engranger les bénéfices de la mise en présence collective.A partir de ces constats, nous souhaitons reprendre ci-dessous les apports des démarches communautaires qu’il nous semble essentiel de développer, de soutenir ou de renforcer, d’autant plus dans cette situation de crise sanitaire au regard de décisions prises précédemment.

1. Gestion politique

Constats concernant la gestion politique de la pandémie et concernant les comportements des populations

Apports des démarches communautaires à mettre en place ou à renforcer

Moyens

  • Approche médico-centrée, traitement top down de la situation, avec des décisions issues de quelques experts et politiques pas toujours concordantes, avec des messages pas toujours cohérents, et basées principalement sur des données épidémiologiques et économiques.
  • Prise en compte, pour les décisions, de l’impact sur certains secteurs tels que : l’économie, l’éducation et le social.
  • Prise en compte des apports des publics les plus précaires reconnus comme un savoir
  • Adaptation continue des politiques de santé et meilleure adhésion des citoyen.nes aux politiques mises en place
  • Mise en œuvre de diagnostics communautaires participatifs préalables, formation de citoyen.nes relais pour contribuer à la collecte de données en situation dans leurs environnements respectifs.
  • Mise en œuvre d’évaluations partagée avec les citoyen.nes et personnes-relais au sein de focus-group.
  • Mise en place de centres de santé communautaire dans toutes les communes et notamment sur tous les territoires éligibles dans le cadre des Contrats locaux social-santé (approche « quartiers »).
  • Démocratie sanitaire
  • Concertation entre experts/politiques/acteur.trices de terrain/citoyen.nes : participation des acteur.trices de terrain et des citoyen.nes aux cellules d’évaluation et de crise COVIDau niveau fédéral, régional, provincial et communal.
  • Soutien des initiatives collectives, citoyennes, souvent spontanées, nées pendant le confinement
  • Soutien méthodologique (formation, apport d’expertise), mise en réseau avec les acteur.trices de terrain.
  • Action collective sur les déterminants sociaux de la santé
  • Prise en compte des besoins des publics et de leurs spécificités
  • Actions concertées
  • Mise en place de concertations intersectorielles avec les publics concernés (avec une attention à la représentativité des publics les plus vulnérables) et intégration de citoyen.nes Relais dans les concertations existantes.
  • Mise en place de réseaux locaux d’acteur.rices intersectoriel.le.s de terrain de l’éducation, du social, du logement, de l’environnement, de la culture, de l’emploi… afin de partager les diagnostics sur les besoins des publics concernés et de coordonner les actions.
  • Démarche systémique qui permet de travailler en amont sur les comportements favorables à la santé, et en aval sur la gestion participative et intersectorielle de la maladie dans une approche globale de la santé.
  • Articulation et coordination des différentes composantes de la démarche tout au long du processus.
  • Focalisation sur la Covid-19 au détriment des autres problématiques et pathologies : par exemple les violences conjugales qui ont explosé, les personnes diabétiques qui ont vu leur diabète augmenter par le report des soins et le manque d’activité physique, le stress…), les personnes atteintes de VIH dont l’état de santé s’est détérioré, etc.
  • Vision globale de la santé et de la personne et intégration de la santé mentale dans cette vision
  • Prise en compte des inégalités sociales de santé, liées au genre, à l’origine sociale, au niveau d’instruction, aux conditions de vie
  • Attention particulière portée aux plus vulnérables
  • Prise en charge et suivi intégré de toutes les pathologies
  • Prise en compte des violences dans tous les milieux de vie (familles, écoles, communautés, quartiers)
  • Action structurelle sur les différents secteurs tout en associant les citoyens aux décisions
  • Renforcement des projets communautaires agissant sur l’ensemble des déterminants sociaux de la santé et les autres pathologies (ex: action de sensibilisation au diabète, au VIH)

 

2. Communication et effets sur la population

Constats concernant la gestion politique de la pandémie et concernant les comportements des populations

Apports des démarches communautaires à mettre en place ou à renforcer

Moyens

  • Stress et angoisse face à la situation, traitement anxiogène médiatique, isolement des personnes, limitation des contacts
  • Approche communautaire en santé mentale qui met en avant des troubles et souffrances psychiques ainsi que la contextualisation sociale de la santé mentale ainsi que la prise de conscience de l’interdépendance de la santé de chacun.e/de tou.te.s, tout en portant une attention singulière aux personnes les plus fragilisés psychiquement et socialement avec comme objectif le développement du support social et de la solidarité entre pair.es.
  • Mise sur pied de groupes de paroles ou d’échanges de vécus et construction de discours collectifs pour identifier et agir sur les facteurs ayant une incidence sur la santé mentale, mobilisation des ressources des personnes pour favoriser leur santé mentale et celle des membres de leurs communautés
  • Echanges de vécus et construction de discours collectifs dans des groupes de paroles sur la situation sanitaire, l’expérience de la covid-19 ou l’accompagnement de personnes atteintes, etc.
  • Diffusion de ces savoirs collectifs construits via des actions de sensibilisation et dans les environnements respectifs des citoyen.nes impliqué.es dans ces groupes de paroles.
  • Renforcement des compétences psychosociales de manière transversale et augmentation de la capacité des personnes à maintenir un état de bien-être psychique
  • Renforcement des compétences psychosociales tout au long du processus de démarche communautaire
  • Renforcement du tissu social au sein et entre communautés, ce qui permet de lutter contre l’isolement des personnes.
  • Travail sur le lien social dans l’ensemble du processus de démarche communautaire notamment en situation de pandémie en mettant en œuvre de nouvelles manières de se rencontrer (voire dernière ligne de ce tableau).
  • Injonctions gestes barrières, criminalisation des comportements très souvent inégalitaire / « levée de boucliers » sur les libertés individuelles
  • Travail sur les représentations de la santé de tou.te.s, leur influence sur les comportements de chacun.e et travail de réflexion sur les comportements protecteurs (“gestes barrières”).
  • Responsabilisation citoyenne, en acceptant de n’avoir aucune garantie d’adoption des comportements souhaités.
  • Echanges de vécus, groupes de paroles.
  • Formation de citoyen.nes-relais et d’expert.es du vécu : acquisition des balises permettant de proposer une posture et mettre en place des méthodologies en lien avec les démarches PS (non- culpabilisation, non-stigmatisation, non-suresponsabilisation, participation des publics, travail sur le sens des normes, recueil et travail des représentations, etc.).
  • Discours non nuancés, injonctions pour tou.te.s alors que les risques sont différents en fonction des comportements/contextes/profils épidémiologiques, (âge, maladies chroniques, poids, etc.).
  • Focalisation critique et sanction des comportements d’autrui en fonction d’une évaluation des risques (ceux qui sortent sans masque, qui partent en vacances, qui ne respectent pas les consignes versus « les moutons », etc…).
  • Jugement porté sur certains groupes de population (ex : les jeunes).
  • Travail de décloisonnement, de construction d’un discours collectif
  • Travail sur les représentations de la maladie, le rapport au risque, la gestion de la maladie, la responsabilité collective
  • Approche de la Réduction des Risques (RdR) comportant une diversification d’outils d’intervention et incluant divers risques tels que l’exclusion, l’isolement, les consommations abusives compensatoires, l’abandon de comportements protecteurs tels que l’alimentation adaptée, les activités physiques, le suivi médico-social.
  • Echanges de vécus et construction de discours collectifs par des groupes de paroles, la formation de citoyen.nes-Relais
  • Formation de professionnels et professionnelles intersectoriel.les et personnes relais
  • Ateliers animés sur base des outils renforçant la littératie en santé
  • Co-construction, partage et évaluation avec les citoyen.nes et les personnes-relais (citoyen.nes et professionnel.les intersectoriel.les) des informations provenant de sources multiples (ex: internet, pair.es, professionnel.les, expert.es du vécu, communications politiques, campagne de sensibilisation) concernant les risques en situation de pandémie, ainsi que des outils et canaux de communication de ces informations, afin qu’ils soient adaptés aux différents contextes sociaux et linguistiques et aux différents profils épidémiologiques, au sein de groupes de paroles et de focus-group
  • Partage d’information et des outils nécessaires à la réduction des risques (gestes barrières, limitation des contacts, dépistages et suivis de contact) notamment selon une approche de proximité et par les pair.es (exemple : pair.es aidant.es et personnes-relais formés pour informer les citoyen.nes sur les modalités du dépistage dans les files d’attente des centres de dépistage) en tenant compte des différentes communautés linguistiques bruxelloises (travailler avec des traducteurs et/ou des pair.es de ces communautés linguistiques)
  • Partage des expériences et de l’expertise du vécu des citoyen.nes avec les professionnel.les impliqué.es dans la gestion des risques sanitaires (pharmacien.nes, personnel médical des centres de dépistage, gardien.nes de la paix, médecins généralistes…)
  • Traitement médiatique anxiogène, surinformation, fake news, circulation de thèses complotistes, notamment sur les réseaux sociaux.
  • Incompréhension entre groupes selon les expériences, par ex : ceux.celles qui ont eu le covid avec peu de symptômes ainsi que ceux et celles qui sont resté.es traumatisé.es par un covid très violent ou la perte de proches.
  • Travail à partir des différents points de vue pour améliorer la compréhension mutuelle et créer de la solidarité
  • Approche par les pairs
  • Travail sur la littératie en santé : réduire les inégalités d’accès aux informations (fracture numérique, analphabétisme) et augmenter la capacité des personnes à identifier les ressources fiables concernant leur santé , renforcer leurs compétences psycho-sociales (esprit critique, estime de soi, gestion du stress, capacité de résilience…)
  • Echanges de vécus et construction de discours collectifs par des groupes de paroles
  • Formation de professionnel.le.s intersectoriel.les et de citoyen.nes- Relais : formation à la collecte de données sur les comportements dans leurs environnements respectifs + formation à la sensibilisation des comportements à adopter)
  • Soutien méthodologique aux collectifs citoyens spontanés…
  • Multiplication des espaces publics numériques (EPN) pour renforcer l’accès à du matériel informatique et à la formation aux technologies de l’information et de la communication.
  • Acquisition d’abonnements, gsm, ordinateurs, etc.
  • Animation d’ateliers sur base des outils renforçant la littératie en santé
  • Renforcement des compétences psychosociales des citoyen.nes de manière transversale dans tout le processus de démarche communautaire
 

3. Aspect sociologique

Constats concernant la gestion politique de la pandémie et concernant les comportements des populations

Apports des démarches communautaires à mettre en place ou à renforcer

Moyens

  • Risque de discours communautaristes et de repli sur sa communauté d’appartenance par (le choix de) la limitation des contacts au sein de sa bulle familiale et sociale : identification à telle ou telle culture, à telle ou telle facette identitaire, limitation des contacts interculturels par exemple : la Covid19 est considérée par certaines personnes comme une maladie chinoise, une «maladie des occidentaux »
  • Lutte contre le repli identitaire
  • Faire remonter l’expertise du vécu vers les experts et les politiques
  • Soutien à la co-construction de discours collectifs, par les différents groupes d’opinion : ceux.celles qui ont eu la covid/les soignant.es/les aidants proches/…
  • Mise en contacts interculturels autour de la Covid19, comme thématique transversale, au sein d’ateliers communautaires pré- existants et/ou lors de groupes de parole, focus-group
  • Mise en place de groupes de paroles, de formation de personnes-relais (professionnel.les intersectoriel.les et citoyen.nes), d’action de sensibilisation envers le grand public par des citoyen.nes ayant eu la Covid et/ou par des accompagnants des personnes ayant contracté la Covid
 

4. Situation de pandémie

Constats concernant la gestion politique de la pandémie et concernant les comportements des populations

Apports des démarches communautaires à mettre en place ou à renforcer

Moyens

  • Situation de pandémie par transmission aérosol et contacts directs
  • Mise à disposition de l’expérience des acteurs et actrices en démarche communautaire oeuvrant depuis 40 ans auprès des populations, en termes de réduction des risques, de travail avec des groupes de paroles, etc., par exemple dans le cadre des assuétudes, de la lutte contre le VIH, le diabète, et dans le travail pour l’adoption de comportements adéquats permettant le renforcement d’une santé globale (hygiène de vie, alimentation équilibrée, etc.).
  • Mise en réseau des acteur.trices, mise en commun de leur expérience, mise en place de méthodologies et d’outils communs de réduction des risques et de promotion des comportements sains spécifique à la situation de pandémie du SRAS-CoV-2 lors de réunions inter-acteur.trices et avec des personn.es-relais.
  • Fermeture des lieux collectifs (totale en 1er lieu puis partielle aujourd’hui), atteinte du lien social/bulle de personnes, restriction des contacts physiques
  • Création de nouvelles pratiques de contacts sociaux.
  • Rencontres virtuelles, présentielles en plus petits groupes, en extérieur, en intégrant des gestes de protection, en limitant les rencontres dans le temps (2 heures maximum) et les occasions de prises de risques (ex : catering)…
  • Partage/diffusion de ces nouvelles pratiques.

 

Conclusion

La méthodologie et les valeurs sous-tendues par cette démarche communautaire constituent l’apport essentiel que les promoteur.trices de démarches communautaires peuvent apporter dans les groupes de travail actuellement mis en place, notamment dans le cadre de la gestion de la pandémie mais aussi dans le cadre du Plan social santé intégré : nécessaire concertation intersectorielle avant toute décision, nécessaire concertation avec les publics concernés, en s’assurant de la présence ou tout au moins de la représentation des plus « vulnérables » dans cette concertation, notamment des plus isolés et/ou désinstitutionnalisés.

La démarche communautaire est un processus qui s’inscrit dans une vision à long terme afin d’agir sur les déterminants sociaux de la santé. Il est donc nécessaire de développer un financement structurel et pérenne des organismes et associations de démarche communautaire en santé parallèlement aux financements par projet.

Enfin, la mise en œuvre des démarches communautaires (maintien du lien avec la population, diagnostics et recueil des besoins, mises en place de stratégies locales et de stratégies adaptées aux besoins et aux contextes de vie, etc.) est et sera essentielle dans la gestion des crises climatique et socio-économique présentes et à venir. Cela nécessite un changement structurel qui pérennise la démarche communautaire dans toutes les institutions, à tous les niveaux de pouvoir et dans tous les secteurs.

Pour toute demande d’information supplémentaire:

Voir « Note mars 2017, GT Demcom FBPS, en vue du Plan de Promotion de la Santé ».

Cf Carte blanche 2020, FBPSanté

Andréa Réa, notamment, a démontré que les inégalités sociales de santé s’observaient aussi dans le cadre de la pandémie actuelle : https://www.sciencesetavenir.fr/sante/cerveau-et-psy/video-covid-19-et-inegalites-sociales-il-faut-en-finir-avec-la-moralisation-des- conduites_147197

Les différentes mises en œuvre constituent la raison pour laquelle certaines institutions préfèrent parler deS démarcheS communautaireS en santé au pluriel.

Cf Repères méthodologiques de la démarche communautaire in Brochure Sepsac réactualisée, téléchargeable : https://www.maisonmedicale.org/Action-communautaire-en-sante-un-outil-pour-la-pratique-2013.html

Pour cela, il est nécessaire d’accompagner les publics dans la capacité à s’approprier ces outils numériques pour ne pas renforcer les inégalités https://www.kbs-frb.be/fr/Newsroom/Press-releases/2020/20200828NDBarDigIncl?utm_source=newsletter&hq_e=el&hq_m=6285082&hq_l=6&hq_v=8ef52c5b7c

Le secteur spécialisé en matière d’assuétudes appelle à réglementer le cannabis en Belgique

Le 30 Déc 20

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Communiqué – décembre 2020

La FEDITO BXL asbl est une fédération qui regroupe près d’une trentaine d’associations actives dans le domaine des drogues, des dépendances et des conduites addictives en région bruxelloise. Elle a publié un rapport intitulé ‘Pour une réglementation du cannabis en Belgique’. Dans son rapport, elle dénonce le manque d’ambition des gouvernements successifs à s’emparer de cette question et plaide pour un changement de cap des politiques menées ces dernières décennies en la matière.

Le secteur spécialisé en matière d’assuétudes appelle à réglementer le cannabis en Belgique

Une consommation de cannabis importante et en augmentation dans la population belge

Au regard des chiffres liés au trafic et à la consommation de cannabis, la politique actuelle est un échec sur plusieurs tableaux : la disponibilité de ce produit est plus grande que jamais, à l’image du dynamisme des réseaux criminels et les taux de prévalence de la consommation de cannabis au sein de la population en augmentation depuis 10 ans.

Après l’alcool et le tabac, le cannabis est la drogue la plus consommée en Belgique. Près de 23% de la population belge âgée de 15 à 64 ans ont déjà consommé du cannabis, soit plus d’1,65 million de personnes ; 7% l’ont fait au cours des 12 derniers mois et 4,3% au cours des 30 derniers jours (Health Interview Survey, Sciensano, 2018). Et si l’on regarde de plus près quelles sont les prévalences auprès des jeunes, on s’aperçoit que la consommation est encore plus importante dans ces groupes : 25% des jeunes de 15-24 ans ont déjà consommé du cannabis et plus de 38% chez les 24-34 ans.

Autant de citoyens consommateurs de cannabis, jeunes ou moins jeunes se retrouvent ainsi en contact avec ce marché noir (qui ne propose pas que du cannabis, par ailleurs) et sans que le moindre contrôle sur les produits consommés ne soit réalisés.

Un coût sanitaire et social important

La prohibition du cannabis remonte à la loi du 24 février 1921 qui, encore à ce jour, définit le cadre légal de la politique drogues en Belgique.

Non seulement cette stratégie s’avère impuissante à réduire l’offre ou la demande mais, ce faisant, elle laisse une économie parallèle perdurer et être source de violence, de corruption, de blanchiment d’argent… Du point de vue sanitaire, elle s’avère contre-productive en matière de prévention ou d’offre de soin, le tabou reste de mise. Elle est également inopérante pour limiter l’accès à ce produit (par exemple aux mineurs) et à contrôler sa qualité, alors qu’il est consommé largement au sein de la population et se trouve parfois être frelaté, comporter des résidus de pesticides, de bactéries, de champignons… autrement dit, être sanitairement impropre à la consommation. Enfin, en termes de justice sociale, elle stigmatise et pénalise aussi toute une série de populations, particulièrement celles en situation de précarité (économique, sociale,…) ou issues de l’immigration.

Cela étant, il faut reconnaître que l’État n’est pas pour autant passif : des millions d’euro d’argent public sont dépensés chaque année dans l’appareil répressif et judiciaire, la police, les services des douanes, le système pénitentiaire… mais pour quels résultats?

Des patients qui appellent à l’aide pour un usage médical du cannabis
Les professionnels du secteur drogues sont régulièrement sollicités par des patients qui cherchent à comprendre la complexe législation belge en matière de cannabis et qui sont à la recherche d’un accès à un cannabis légal à des fins thérapeutiques ou en complément du traitement qu’ils reçoivent pour diverses maladies chroniques ou d’autres pathologies.

Bien que la plupart de ces patients répondent aux critères pour accéder à ces traitements dans de nombreux pays (notamment en Allemagne, au Grand-Duché du Luxembourg, au Pays-Bas, en Italie), force est de constater que les patients belges ne sont pas logés à la même enseigne pour apaiser leur douleur ou mieux supporter les effets secondaires de leurs traitements. Pourtant, depuis 2001, la législation autorise l’usage du cannabis à des fins médicales, mais dans un cadre extrêmement restreint qui n’a pratiquement pas évolué depuis lors et qui est très loin de permettre de rencontrer les besoins et attentes de ces patients.

L’appel de ces patients ne peut plus être ignoré. C’est une question d’éthique et de liberté de traitement à laquelle le législateur se doit de donner suite. A défaut d’une filière légale qui peut leur procurer un traitement de qualité contrôlée, ces personnes malades n’ont d’autre choix, aujourd’hui encore, que de se tourner vers le marché noir ou de produire eux-même du cannabis, de manière illicite.

Propositions pour un modèle belge

Au-delà de ces constats, la FEDITO BXL asbl analyse dans son rapport différents modèles de régulation du cannabis à travers le monde et propose plusieurs clés pour envisager de sortir de ce paradigme.
Elle propose à l’État de dépénaliser l’usage de cannabis et de créer une filière légale et contrôlée de cannabis. A ses yeux, c’est la seule option réaliste pour qu’il reprenne le contrôle de la situation.

La régulation de l’alcool ou du tabac ne sont pas pour autant des exemples à suivre. Au contraire, l’asbl attire l’attention sur les risques d’un modèle trop libéral dont l’appât du gain risquerait vite de prendre le dessus sur l’impératif de santé publique qui, par ailleurs, est l’élément premier qui motive ces professionnels de la santé à soutenir la régulation du cannabis.

Une régulation dans une perspective non marchande serait une piste à explorer en priorité. Plusieurs travaux académiques menés notamment à l’Université de Gand, par le Prof. Tom Decorte, montrent l’intérêt et la faisabilité d’une régulation reposant sur des Cannabis Social Clubs. L’autoculture à des fins personnelles pourrait également être une piste à exploiter.

Enfin, il est nécessaire d’envisager d’investir davantage qu’aujourd’hui dans le domaine de la promotion de la santé, de la prévention et de la réduction des risques.

Une politique drogues efficace, en termes de santé publique et de justice sociale doit avant tout être une politique équilibrée entre les moyens alloués à la répression du trafic illégal et du blanchiment d’argent et ceux alloués à la promotion de la santé, à la prévention, à la réduction des risques et à une offre de soins adaptée, lorsque cela s’avère nécessaire.

On estime qu’actuellement entre 2% et 3% seulement des budgets en matière de drogues sont investis dans la prévention et la réduction des risques (Socost, Belspo) au profit des autres piliers de la politique drogues. Impossible dans cette situation de mener une politique efficace du point de vue de la santé publique.

Aujourd’hui, le constat de l’inefficacité de la prohibition du cannabis est sans appel, et d’autres voies doivent être explorées.

Retrouvez le rapport ‘Pour une réglementation du cannabis en Belgique’ ici.

Lignes directrices de l’OMS sur l’activité physique et la sédentarité : en un coup d’oeil

Le 30 Déc 20

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Extrait de publication

L’activité physique régulière est un facteur de protection essentiel pour la prévention et la prise en charge de maladies non transmissibles comme les maladies cardiovasculaires, le diabète de type 2 ou encore divers cancers. L’activité physique est en outre bénéfique pour la santé mentale, notamment en termes de prévention d’une baisse des fonctions cognitives et des symptômes de dépression et d’anxiété. Elle peut également contribuer au maintien d’un poids sain et du bien-être général. Selon les estimations mondiales, 27,5 % des adultesNote bas de page et 81 % des adolescentsNote bas de page ne respectent pas les recommandations de 2010 de l’OMS concernant l’activité physiqueNote bas de page, pratiquement aucune amélioration n’ayant du reste été constatée au cours de la décennie écoulée. Il existe par ailleurs d’importantes inégalités, les données révélant que dans la plupart des pays, les filles et les femmes sont moins actives que les garçons et les hommes, et qu’il y a également des différences significatives de niveau d’activité entre les personnes appartenant aux groupes économiques plus favorisés et moins favorisés et d’un pays et d’une région à l’autre.

Lignes directrices de l’OMS sur l’activité physique et la sédentarité : en un coup d’oeil

Champ d’application

Les Lignes directrices de l’OMS sur l’activité physique et la sédentarité offrent des recommandations de santé publique reposant sur des bases factuelles concernant la quantité d’activité physique (fréquence, intensité et durée) dont ont besoin les enfants, les adolescents, les adultes et les personnes âgées pour que cette activité ait des effets bénéfiques significatifs sur leur santé et permette d’atténuer les risques liés à la santé. Pour la première fois, des recommandations sont formulées concernant les associations entre la sédentarité et les résultats sanitaires, ainsi que pour des sous-populations, comme les femmes enceintes et en post-partum ou encore les personnes vivant avec une affection chronique ou un handicap.

Public visé

Les lignes directrices s’adressent aux décideurs des pays à revenu aussi bien élevé qu’intermédiaire et faible, actifs au sein des ministères de la santé, de l’éducation, de la jeunesse, des sports et des affaires sociales et familiales, aux fonctionnaires publics chargés d’élaborer des plans nationaux, sous-régionaux ou municipaux visant à accroître l’activité physique et à réduire la sédentarité au sein des différents groupes de population à l’aide de documents d’orientation, aux personnes qui travaillent dans des organisations non gouvernementales, dans le secteur de l’éducation, le secteur privé et de la recherche, ainsi qu’aux prestataires de soins de santé.

Message clés

  1. L’activité physique est bonne pour le cœur, le corps et l’esprit. La pratique d’une activité physique régulière peut prévenir et aider à gérer les maladies cardiaques, le diabète de type 2 et le cancer, responsables de près des trois quarts des décès dans le monde. L’activité physique peut également réduire les symptômes de dépression et d’anxiété et améliorer la réflexion, l’apprentissage et le bien-être général.
  2. Toute quantité d’activité physique vaut mieux qu’aucune activité physique, et « plus, c’est mieux ». Dans l’intérêt de la santé et du bien-être, l’OMS recommande que les adultes pratiquent au moins 150 à 300 minutes d’activité aérobique d’intensité modérée par semaine (ou la durée équivalente d’activité d’intensité soutenue) et que les enfants et les adolescents pratiquent en moyenne 60 minutes d’activité physique aérobique d’intensité modérée par jour.
  3. Toute activité physique compte. L’activité physique peut être pratiquée au travail, pour se déplacer (à pied, en roller et à vélo), sous forme de sport ou de loisir, ou encore dans le cadre des tâches ménagères et quotidiennes.
  4. Le renforcement musculaire est bénéfique pour tous. Les personnes âgées (de 65 ans et plus) devraient ajouter des activités physiques qui mettent l’accent sur l’équilibre et la coordination et des exercices de renforcement musculaire, pour contribuer à prévenir les chutes et pour une meilleure santé.
  5. Une sédentarité excessive peut être mauvaise pour la santé. Elle peut accroître le risque de maladies cardiaques, de cancer et de diabète de type 2. Limiter la sédentarité et être actif est bon pour la santé.
  6. Tout le monde a intérêt à être plus actif et moins sédentaire, y compris les femmes enceintes et en post-partum et les personnes qui souffrent d’une affection chronique ou d’un handicap

Entre quatre et cinq millions de décès pourraient être évités chaque année si la population mondiale était plus active physiquement. Les pays peuvent s’appuyer sur les présentes lignes directrices pour élaborer des politiques nationales de santé fondées sur des données factuelles. Les lignes directrices appuient par ailleurs la mise en œuvre du Plan d’action mondial de l’OMS pour promouvoir l’activité physique 2018-2030. L’investissement dans l’élaboration de politiques promouvant l’activité physique et la réduction de la sédentarité peut contribuer à la réalisation des objectifs de développement durable fixés pour 2030, notamment l’ODD3 visant la bonne santé et le bien-être, l’ODD11 visant des villes et communautés durables, l’ODD13 relatif à l’action climatique et l’ODD4 visant une éducation de qualité.LE MOINDRE MOUVEMENT COMPTE

Lignes directrices de l’OMS sur l’activité physique et la sédentarité : en un coup d’œil [WHO guidelines on physical activity and sedentary behaviour: at a glance]. Genève : Organisation mondiale de la Santé ; 2020. Disponible à l’adresse: https://apps.who.int/iris

GRADE: Grading of Recommendations Assessment Development and Evaluation

Guthold R, Stevens GA, Riley LM, Bull FC. Global trends in insufficient physical activity among adolescents: a pooled analysis of 298 population-based surveys with 1.6 million participants. Lancet Child Adolesc Health. 2020;4(1):23-35

Organisation mondiale de la Santé, Recommandations mondiales sur l’activité physique pour la santé. Genève : Organisation mondiale de la Santé, 2010.

Le cancer n’attend pas : les retards de diagnostic peuvent avoir de très lourdes conséquences !

Le 30 Déc 20

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Pendant la crise du Covid 19, la peur d’attraper le virus et les invitations à rester chez soi et ne se rendre dans les hôpitaux et chez les généralistes qu’en cas d’urgence ont eu un impact sur les diagnostics de cancers. De très nombreuses personnes n’ont pas consulté, alors qu’elles présentaient pourtant des symptômes qui, en temps normal, les auraient conduits chez leur médecin.

Le cancer n’attend pas : les retards de diagnostic peuvent avoir de très lourdes conséquences !

Selon les craintes relayées par les professionnels de la santé en France, au Royaume-Uni ou aux Pays-Bas, la surmortalité liée au cancer pourrait être importante à terme. On y a observé de 20 à 50 % de baisse de nouveaux diagnostics pendant le confinement. Cette chute du nombre de diagnostics est préoccupante. Elle ne signifie pas une baisse du nombre de cancers, mais bien un retard dans la prise en charge, avec à la clef le risque de devoir recourir à des traitements plus agressifs, sans parler d’un pronostic moins favorable.

On le sait, les cancers n’attendent pas : plus tôt le diagnostic est posé et le traitement entamé, meilleures sont les chances de guérison !

Moins de diagnostics depuis le début de la crise du Covid-19

Environ 68 000 nouveaux cas de cancers sont détectés en Belgique chaque année. Les chiffres des trois derniers mois ne sont pas encore disponibles, mais on entend déjà du côté des médecins généralistes qu’il y a eu beaucoup moins de visites pour causes de suspicion que d’habitude.

Cependant, comme nous le rappelons sur le site de la Fondation contre le Cancer, une anomalie persistante requiert la consultation d’un médecin. . Mais avant de vous inquiéter inutilement, sachez qu’une anomalie n’est pas nécessairement synonyme de cancer, mais elle doit impérativement faire l’objet d’une investigation plus approfondie.

Les signaux d’alarme les plus courants :

  • enrouement ou toux persistante (surtout chez les fumeurs et anciens fumeurs)
  • difficultés à avaler (surtout chez les personnes qui fument et boivent de l’alcool
  • modification chronique du transit intestinal (constipation, diarrhée ou alternance des deux)
  • problèmes pour uriner (surtout chez les hommes)
  • perte de sang anormale (pertes vaginales en dehors des règles ou après la ménopause)
  • sang dans l’urine, les selles, les expectorations
  • apparition spontanée d’hématomes (bleus)
  • grosseur ou gonflement, n’importe où sur le corps (testicule, sein, sous la peau…)
  • modification subite de la poitrine (rétraction de la peau, écoulement, rougeur…)
  • modification ou apparition d’une tache pigmentée sur la peau
  • blessure dans la bouche ou sur la peau qui ne guérit pas
  • perte de poids, fatigue ou fièvre persistante sans cause précise

Pas de raison de paniquer, mais consultez sans attendre !

Ces symptômes peuvent être la conséquence d’un problème de santé qui n’a aucun rapport avec un cancer. De plus, pour être significatifs, ils doivent être persistants (plus de 2 semaines) ou répétés. Notez que le risque de cancer augmente avec l’âge, et qu’il faut donc d’être encore plus attentifs à ces signes en vieillissant.

Votre médecin est le seul à pouvoir déterminer si une anomalie persistante nécessite des examens pour préciser son origine. Si nécessaire, il vous dirigera vers un spécialiste pour un suivi complémentaire. Il est donc indispensable de consulter votre généraliste en cas de doute.

Par ailleurs, n’oubliez pas l’importance du dépistage qui reprend également en cette période de déconfinement.

Le service Cancerinfo, confidentiel et anonyme, est à votre disposition. Vous pouvez y poser toutes vos questions sur le cancer par téléphone 0800 15 801 (numéro vert gratuit), par mail cancerinfo@fondationcontrelecancer.be ou via la page Facebook. Vous serez accueillis par des professionnels de la santé qui vous offriront une oreille attentive,et une information de qualité, mise à jour et validée scientifiquement.

Article paru initialement le 11 juin 2020 sur le site de cancer.be.

Les Cannabis Social Clubs : un dispositif de Promotion de la Santé ?

Le 30 Déc 20

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L’existence d’une distinction légale entre produits licites et illicites et la criminalisation de certains usages entraînent de fortes discriminations sociales et sanitaires entre les consommateur·trice·s de produits illicites et les autres patient·e·s ou citoyen·ne·s en général. Ainsi le caractère influe sur la dangerosité des produits, sur l’environnement et la limitation de l’éventail thérapeutique et sur la situation sociale et psychologique de la personne.

Les Cannabis Social Clubs : un dispositif de Promotion de la Santé ?

Préambule

Les lois qui criminalisent certaines drogues sont la source de stigmatisations et de discriminations à l’encontre des consommateurs et des consommatrices. Pour rappel, 1.600.000 Belges ont déjà consommé du cannabis (chiffre de la dernière enquête HIS, 2018).L’illégalité de l’usage a un impact négatif sur la santé :

  • Il implique une absence de transparence sur la composition des produits, favorisant ainsi la circulation de produits frelatés ou trop concentrés : autant de sources de risques de consommations problématiques et pour la santé ;
  • Il stigmatise, isole, fragilise l’individu dans son estime de soi, sa capacité de discernement, sa responsabilisation, la restriction de ses droits fondamentaux ;
  • Il entrave l’accès aux soins et à des dispositifs de soins adaptés, restreint l’éventail des traitements et de la liberté de choix de ceux-ci, renforce les préjugés et la retenue des soignant.e.s.

Les Nations Unies ont récemment émis une série de recommandations portant sur la lutte contre les discriminations de santé qu’elles estiment indissociables des objectifs de développement durable déjà adoptés par les États membres. Elles enjoignent les États membres à examiner et à abroger les lois qui ont un impact négatif révélé sur la santé. Parmi ces lois, elles citent les lois qui interdisent la détention de drogues en vue de l’usage personnel ou qui criminalisent les usagers de drogues. Par cette déclaration les Nations Unies confortent un postulat partagé par l’ensemble du secteur « assuétudes » : la criminalisation des usages de drogues constitue un déterminant négatif de la santé.

Le modèle des Cannabis Social Clubs s’inscrit dans le cadre de la promotion de la santé

La promotion de la santé est définie dans la Charte d’Ottawa comme « le processus qui confère aux populations les moyens d’assurer un plus grand contrôle sur leur propre santé et d’améliorer celle-ci » Note bas de page.

Les Cannabis Social Clubs sont des associations sans but lucratif dans lesquelles les personnes usagères décident de reprendre le contrôle de leur santé :

  • en refusant de devoir se fournir dans un marché dérégulé, qui empêche d’identifier la qualité du produit ;
  • en décidant d’adopter des méthodes de culture biologiques ;
  • en discutant collégialement du prix du produit ;
  • en échangeant sur les manières les moins nocives de consommer.
Les Cannabis Social Clubs (CSC) participent à la lutte contre les inégalités sociales de santé

• En assurant la qualité, entre autres, des produits consommés et donc la sécurité de celles et ceux qui y ont recours mais aussi favorisant l’inclusion sociale de l’ensemble des personnes usagères que ces dispositifs favorisent.

• Les CSC agissent également sur les déterminants sociaux et non-médicaux de la santé comme l’éducation à une consommation responsable, l’environnement en favorisant une culture locale du cannabis sans pesticides, mais aussi en créant du lien social. En effet, en se rassemblant, les personnes consommatrices vont à la rencontre de leurs pairs et peuvent à ce titre parler de leur consommation sans crainte du jugement. Le modèle des CSC permet de lutter contre les facteurs de discrimination et de stigmatisation qui pénalisent souvent les publics les plus vulnérables. En œuvrant pour une politique pragmatique et non-commerciale, les CSC s’opposent à l’interdit et à la criminalisation des populations les plus marginalisées.

Quelles sont les stratégies développées pour réduire ces inégalités Note bas de page ?

Les actions de promotion de la santé reposent sur la participation des publics. L’approche communautaire de la santé permet d’amener les communautés à définir elles-mêmes les priorités, à prendre elles-mêmes des décisions et à agir elles-mêmes pour la santé.

  • Le modèle des CSC est une approche communautaire où les décisions sont prises par l’ensemble des membres dans le cadre des réunions régulières et lors des assemblées générales.

La promotion de la santé s’appuie sur des démarches éducatives qui permettent de développer chez les personnes des aptitudes leur donnant plus de capacités pour agir individuellement et collectivement sur les déterminants de la santé (empowerment).

  • Par les rencontres et le partage d’expérience, les personnes développent une meilleure connaissance à la fois du produit mais aussi de l’importance du contexte de consommation. Les CSC constituent par ailleurs un espace privilégié pour diffuser des messages de prévention.

L’action pour créer des environnements sociaux, culturels, économiques, matériels, physiques favorables à la santé et qui soutiennent l’adoption d’attitudes saines est promue.

  • Les CSC mettent au centre de leur préoccupations la personne consommatrice afin qu’il/elle puisse bénéficier d’un produit de qualité (non frelaté ou surdosé), en évitant qu’il/elle ne doive rencontrer des dealers de rue, et lui permettant d’intervenir par rapport au prix de vente du produit.

• La réduction des risques est une stratégie de promotion de la santé visant à prévenir les dommages liés à l’utilisation de drogues chez les personnes qui ne peuvent ou ne veulent pas s’abstenir d’en consommer.

  • Les CSC s’inscrivent dans cette stratégie en faisant la promotion d’alternatives moins nocives à la consommation de cannabis et en favorisant l’échange de conseils de RdR.

Toute action de promotion de la santé prend en compte la dimension culturelle des acteurs qui y sont impliqués, en prenant appui sur leurs références culturelles au sens large et sur leurs représentations sociales.

  • Participer à un CSC, c’est aussi rencontrer des personnes d’univers différents qui consomment pour des raisons différentes et qui peuvent s’enseigner de ces différences.

• La promotion de la santé s’inscrit également dans le secteur du soin. Le décloisonnement entre l’activité de nature curative et la prévention ainsi que l’articulation de la promotion de la santé avec les pratiques de soins contribuent à une meilleure efficacité des actions en faveur de la santé de la population.

  • Un nombre important de consommateurs et consommatrices de cannabis, parmi lesquel·le·s des personnes âgées, en font un usage thérapeutique. Les CSC leur proposent différentes variétés de cannabis et leur offrent des conseils sur celles qui peuvent être les plus adaptées à leur condition médicale.

C’est en s’appuyant sur ces constats que la Fédération bruxelloise de promotion de la santé rejoint les Cannabis Social Clubs dans leur volonté de voir leur modèle protégé et soutenu dans tous les secteurs de l’action publique. Pour ce faire, elle interpelle, avec eux, les décideurs politiques et leur demandent de veiller à conduire une autre politique en matière de drogues, basée sur les droits humains et la santé.

#STOP1921, pour une nouvelle politique en matière de drogues.Cette note s’inscrit dans la campagne #STOP1921, en soutien aux Cannabis Social Clubs.#STOP1921 est une campagne de la société civile souhaitant sensibiliser le législateur et l’opinion publique à la nécessité de remettre en question la politique de prohibition des drogues, vieille de cent ans et dont les effets sont désastreux, notamment en matière de santé publique et d’engorgement du système judiciaire.Pour en savoir plus, rendez-vous sur le site www.stop1921.be

Plateforme bruxelloise du secteur de la promotion de la santé, Besoins et priorités en promotion de la santé pour Bruxelles, Note de synthèse, Février 2015, p.3.

Nous nous inspirons de la note de synthèse de 2015 citée précédemment, p.9.

Déclaration pour une santé planétaire

Le 30 Déc 20

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Il y a déjà un an de cela, en avril 2019, se déroulait la 23e conférence internationale de l’Union Internationale de Promotion et d’Education pour la Santé (UIPES, née en 1951 !). De cette rencontre est née la Déclaration de Rotorua : « Promouvoir la santé planétaire et le développement durable pour tous » (Nouvelle-Zélande, 2019). Quelles sont les lignes de force de cette déclaration ? Faut-il y voir un colloque supplémentaire ? Une déclaration de bonnes intentions ? En quoi la déclaration est-elle mobilisatrice de nouvelles stratégies ? Voici une proposition de lecture critique.

Déclaration pour une santé planétaire

PARTIE 1

Présentation de la déclaration

La déclaration est avant tout l’occasion de lier la promotion de la santé aux Objectifs du Développement Durable (ODD) : de démontrer sa contribution à l’accomplissement des ODD mais aussi de reconnaître comment ces ODD contribuent à améliorer la santé et le bien-être.

Une particularité de cette déclaration est que les participants à la conférence ont souhaité lier leurs travaux aux revendications des populations locales. La promotion de la santé rejoint ainsi le concept autochtone de Waiora : la santé des peuples et l’environnement naturel interagissent. La déclaration conjointe en appelle à une action urgente de la communauté mondiale sur les déterminants environnementaux et sociaux de la santé : promouvoir la santé planétaire et le développement durable pour tous.

Analyse partagée des défis pour une action urgente

L’accroissement régulier des inégalités au sein de – et entre les classes sociales, entre les générations mais aussi entre les territoires, internes et externes aux pays, est inextricablement lié à l’augmentation des pollutions tant locales que régionales et planétaires, ainsi qu’aux dérégulations climatiques et leurs impacts. Les travaux de la conférence s’appuient sur ces constats factuels, mais devenus pérennes. Constats de plus en plus clairement démontrés et qui ont un impact indéniable sur la santé et la qualité de vie des populations.

La déclaration rappelle qu’en 2015, l’Assemblée Générale des Nations Unies a adopté un nouveau programme pour le développement durable à l’horizon 2030. 17 objectifs (ODD) intégrant le développement économique, social et environnemental définissent un plan d’action mondial. Parmi ceux-ci figure la santé.

Les preuves s’accumulent et conduisent à interroger le modèle de développement qui organise la production de ces inégalités, de ces dérégulations climatiques, de ces pollutions… La déclaration souligne que le paradigme actuel de développement socio-économique de croissance infinie et d’exploitation sans fin des ressources limitées est injuste et insoutenable. Il a une incidence sur la santé et la qualité de vie des populations.Les signataires de la déclaration de Rotorua réclament dès lors une action urgente.

Appel à l’action à travers quatre domaines clés

La déclaration de Rotorua en appelle à une action immédiate de la communauté mondiale pour :

  1. Assurer l’équité en santé tout au long de la vie, au sein des pays et entre eux, au sein des générations et entre elles.

Autrement dit, il s’agit de

  • s’attaquer aux facteurs structurels qui alimentent la répartition inéquitable du pouvoir, de l’argent et des ressources ;
  • améliorer les conditions de vie quotidienne, en particulier des plus démunis ;
  • mesurer le problème, le comprendre dans son ensemble. Et évaluer l’incidence des mesures décrites par la Commission sur les déterminants sociaux de la santé (OMS)[1].
  1. Rendre tous les habitats urbains et autres, inclusifs, sans danger, résistants, durables et favorables à la santé et au bien-être de la population et de la planète.

Pour ce faire, des mesures immédiates pour lutter contre le changement climatique et la perte de la biodiversité sont à prendre, ainsi que pour réduire les disparités des ressources disponibles, la dégradation de l’environnement, les migrations massives contraintes des populations…

  1. Concevoir et mettre en œuvre des stratégies efficaces et équitables d’adaptation aux changements climatiques.

Le défi à relever ici est notamment d’élaborer des nouvelles approches en matière de gouvernance et d’intendance mondiales, régionales, nationales et locales. Celles-ci auront comme objectif et comme effet, d’une part de favoriser équitablement la santé et le bien-être ; et d’autre part, de prévenir et atténuer la dégradation catastrophique du climat et de l’environnement, en particulier dans les pays à faible et moyen revenu.

Cela implique donc de développer des politiques et des partenariats avec d’autres secteurs pour agir sur la santé et le climat.

  1. Etablir une gouvernance, des systèmes et des processus collaboratifs, efficaces, responsables et inclusifs à tous les niveaux afin de promouvoir la participation, la paix, la justice, le respect des droits de la personne et l’équité intergénérationnelle en santé.

Au programme, donc :

  • respecter les droits inhérents des peuples ;
  • mettre en place une gouvernance mondiale efficace et non plus dominée par des considérations économiques et des intérêts commerciaux ; et limiter les conflits d’intérêts
  • promouvoir la démocratie participative, l’élaboration de politiques cohérentes et la régulation dans l’intérêt public .

La communauté de la promotion de la santé

Les participants à la conférence de Rotorua soulignent également, au travers de la déclaration, que la communauté de la promotion de la santé joue un rôle crucial pour promouvoir la santé humaine et la santé planétaire. Cette communauté dispose d’une expertise pertinente, y compris pour mettre en œuvre les ODD. Ainsi, les participants exhortent la communauté à faire preuve de leadership à travers notre seule et unique planète en ce sens.

LIEN VERS LA DECLARATION: https://www.iuhpe.org/images/CONFERENCES/world/2019/Rotorua_statement_fr.pdf

PARTIE 2

Proposition de lecture critique

Développement durable et promotion de la santé

La déclaration de Rotorua apportera-t-elle du neuf dans les convergences entre la promotion de la santé et le développement durable ?

Ces convergences sont mises en avant depuis quelques décennies.

Dès la fin des 30 glorieuses et aux premiers soubresauts de l’état providence, des interrogations et des inquiétudes émergent, à l’intérieur même du système, sur la nature du développement et son avenir. Le rapport Meadows[2], publié en 1972 sous le titre « The limits to growth » (« Les limites à la croissance »), est sans doute la première étude importante mettant en exergue les dangers, pour la Terre et l’humanité, de la croissance économique et démographique que connait alors le monde. Voilà donc bientôt 50 ans que cette question se pose : le développement de nos sociétés est-il soutenable, malgré une utilisation « sauvage » des ressources limitées par une population en croissance rapide et une technologie galopante mais aussi polluante et consommatrice ? Cette équation est aux prémices de l’écologie, du développement durable, puis de l’écologie politique.

Depuis la Charte d’Ottawa (1986) et le rapport Bruntdland (1987) à l’OMS qui définit les rapports entre la santé et le développement durable, une dizaine de déclarations, chartes et conférences n’ont de cesse de promouvoir la prise en compte des déterminants sociaux, économiques, éducatifs et, bien sûr, environnementaux de la santé. Mais la difficulté réside dans la mise en œuvre de ces prises en compte.

Le Sommet de la Terre à Rio, tenu en 1992 sous l’égide des Nations Unies, officialise la notion de développement durable et ses trois piliers : un développement économique efficace, socialement équitable et écologiquement soutenable. Par la suite, à travers Rio+20 et l’Assemblée générale de l’ONU de 2015, les lieux de décision ont conduit à une opérationnalisation plus large, via les Agendas 21 et les Objectifs 2030 (ODD). L’intérêt est d’offrir aux nations un programme appropriable tant au niveau global que local. Dans les faits, de nombreux pays ont institutionnalisé des compétences en matière de développement durable (en mettant en place des ministères, des administrations, des services d’études, etc. dédiés à ces matières). La Cop 21 et celles qui ont suivi en sont la traduction politique à l’échelle planétaire. Le développement durable, et surtout son volet environnemental et climatique devient un sujet local, régional, national mais aussi mondial. Pourtant, ces avancées déclaratives, institutionnelles et politiques ne préjugent guère de résultats…

Sur ce plan, la déclaration de Rotorua est dans la continuité des Conférences depuis celles d’Ottawa et de Rio. Toutefois, elle se projette dans un espace mondialisé avec une analyse actualisée mais aussi plus globale des rapports entre santé et développement. Son appel à l’urgence d’agir est activée par les crises sociales et environnementales en cours.

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Quelques points d’accroche qui différencient cette déclaration des précédentes

  1. Mondialisation et santé planétaire

La pauvreté, les inégalités, le changement climatique et la pollution impactent de manière différente les parties du monde…mais ne s’arrêtent guère aux frontières de quelque nature. L’envolée démographique, la finalité des ressources naturelles, la répartition inéquitable des richesses traversent les continents et relèvent d’un modèle ‘économique’ et idéologique quasi universalisé autour de la pensée néo-libérale.

Pourtant, dès lors que le DD n’est pas confiné à l’environnement ou à un outil d’analyse, son cadre devient une option pertinente en tant que plan d’action global pour transformer le paradigme actuel.

Une perspective de « santé planétaire » – même si l’appellation paraît planante – est sans doute une utopie légitime. On perçoit la pertinence de cette nouvelle appellation à l’égard de la mondialisation de l’économie, de l’internationalité des échanges, de la distribution planétaire des pollutions impactant la santé de l’humanité…

Les dérégulations climatiques agissent comme les crises le font souvent : les maladies mobilisent. Elles sont un indicateur significatif de « maladie » pour la planète. Significatif car elles intègrent des forces qui traversent le modèle de société actuel : capitaliste, exploitant les hommes et la nature. L’appel de Rotorua rejoint cette analyse et en appelle à des transformations structurelles.

Le complément de cette approche « planétaire » est la prise en compte des compétences des autochtones et populaires, tant dans les travaux de la conférence que dans sa déclaration finale. Le terreau du changement se trouve auprès des populations, dans la valorisation de leur culture et de leur savoir, mais aussi dans la prise en compte des conditions de leur vie quotidienne.

Mais au-delà des constats et des déclarations, l’absence de volonté de traduire les mobilisations populaires – contre le réchauffement climatique, par exemple – en capacité d’agir, à tous les niveaux de société, est capable de les étouffer… fussent-elles planétaires.

  1. Etablir une gouvernance libre et efficace

La posture planétaire, traduite par les organisations internationales, est régulièrement perçue comme très éloignée des réalités. Leur fonctionnement handicape l’efficacité d’y faire face. Les conflits d’intérêt et l’asservissement des politiques et des scientifiques sont aujourd’hui encore des facteurs d’influence limitants. Les exemples de temps écoulé entre les constats, leur analyse et les décisions de réactions opportunes sont pléthores.

La déclaration de Rotorua a voulu s’associer à une revitalisation de la démocratie en valorisant la participation, les processus collaboratifs, des pratiques politiques plus responsables, des gouvernances capables de réguler l’intérêt public et de le préserver de l’emprise de la marchandisation, par exemple.

La contribution des populations, la reconnaissance de leurs compétences et de leurs capacités à dire leur vie et agir collectivement reste un chantier indispensable pour « réincarner » les institutions, et ainsi la filière des décisions politiques.

  1. Les stratégies de la transformation concrète peu élaborées

Les décisions portent davantage sur des aménagements que sur des transformations et laissent alors la place à beaucoup de détournements. Bien des contournements de la règle son possible, ce qui traduit sa fragilité. Citons, en guise d’exemples, le rachat des excédents aux normes de CO2, les détaxations de fuel pour l’aviation, les reports d’interdiction des pesticides…

Si les rapports entre santé et environnement commencent à éclairer certaines décisions, on est encore loin d’une approche plus globale qui, outre l’environnement, prendrait en considération les piliers économique et social du DD, et leurs interactions. De la même façon, les déterminants de la santé tels que le logement, l’urbanisme, la culture, l’emploi ou les revenus ont beaucoup de mal à être considérés concrètement comme des leviers à actionner pour promouvoir la santé.

La santé n’est guère dans toutes les politiques. Les différents secteurs de la vie sociale sont loin d’être considérés – et de se considérer comme – des acteurs de santé. Les études d’impact sur la santé, comme celles sur l’environnement, trouveraient à s’étendre à partir des piliers du DD.

  1. Exercer un leadership

La déclaration de Rotorua exhorte la communauté de la promotion de la santé à exercer un leadership dans cette perspective de « promouvoir la santé et le développement durable pour tous ».

Ainsi, la promotion de la santé est intégrée au cœur du développement durable. Cette conception stratégique est du même ordre que « la santé dans toutes les politiques », mais avec une ambition de conforter un nouveau modèle social. Cette conception est utopique mais mobilisatrice… à condition de ne pas être incantatoire.

En passant du concept à l’action (tant locale que globale), on perçoit aisément le porte-à-faux avec le modèle social dominant. On peut noter ô combien le projet est contre-culturel et combien sa traduction politique s’inscrit dans des rapports de force.

L’approche contributive de la population est confrontée à la diversité et la multiplicité des acteurs impliqués. Pourtant, dès lors que la collectivité s’organise avec cohérence, cela devient une force mobilisatrice : dynamique d’empowerment et éducation citoyenne, aiguillon culturel, expériences novatrices de concrétisation d’un développement équitable et soutenable de nos sociétés ,plaidoyer auprès des responsables institutionnels et politiques. Une force contenue, encore insuffisante dans le rapport de force…

C’est bien à un changement du modèle de société – avec une urgence que confirment les faits, qu’observent les experts et que vivent les gens – que la politique de promotion de la santé et du développement durable doit contribuer. Inscrire le développement durable et la promotion de la santé au cœur d’un nouveau projet politique n’est pas aussi explicite dans le texte, malgré l’évocation de ‘nécessité de réformes structurelles’ (je me permets de combler ce déficit !).

En guise de conclusion, je m’(vous) interroge : vivons-nous réellement le changement de paradigme de la promotion de la santé, en miroir de la transformation des sociétés… vers une transition loin d’être aboutie ?

Image Quelques ressources pour aller plus loin:

  • Almendra, R., Bolte, G., Buekers, J. et al. (2019) Environmental health inequalities in Europe. Second assessment report. Coppenhagen: World Health Organization Regional Office for Europe. 148p.: disponible en ligne (en anglais) sur www.euro.who.int
  • Sourimant, M. (2012) Santé environnementale: promouvoir la qualité de vie dans toutes ses dimensions. Horizon pluriel, n°23, 12p.: disponible en ligne sur www.irepsbretagne.fr
  • Bélanger, D., Bustinza, R., Campagna, C. (2019) Changements climatiques et santé : Prévenir, soigner et s’adapter. Canada: Les Presses de l’Université de Laval, 236p.: disponible au centre de documentation du RESO

[1]
[1] Le rapport de la Commission sur les déterminants sociaux de la santé est consultable ici : https://www.who.int/social_determinants/thecommission/finalreport/fr/

[2]
[2] Réalisé par le Massachuset Institute of Technology (MIT) à la demande du Club de Rome en 1968

Agir contre l’obésité amènerait davantage de bien-être économique et social

Le 30 Déc 20

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Les maladies liées à l’obésité emporteront plus de 90 millions de personnes dans les pays de l’OCDE au cours des 30 années à venir, amenant un recul de l’espérance de vie de près de 3 ans. L’obésité et ses conséquences médicales entament d’autre part de 3.3 % le PIB des pays de l’OCDE et grèvent les finances des ménages d’un montant de 360 USD par habitant et par an en moyenne, d’après un nouveau rapport de l’OCDE.

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Ce rapport, intitulé The Heavy Burden of Obesity – The Economics of Prevention, nous apprend que plus de la moitié de la population est aujourd’hui en surpoids dans 34 des 36 pays membres de l’Organisation, et pratiquement un quart obèse. La proportion d’adultes présentant une surcharge pondérale sévère dans les pays de l’OCDE est passée de 21 %, en 2010, à 24 % en 2016, soit 50 millions d’obèses supplémentaires.

L’obésité infantile entraîne des conséquences particulièrement graves. Plutôt à la peine à l’école, qu’ils manquent relativement fréquemment, les enfants en surpoids seront plus tard moins enclins à suivre des études supérieures jusqu’à leur terme. Moins épanouis, ils ont aussi trois fois plus de chances d’être victimes de harcèlement scolaire, ce qui n’est sans doute pas étranger à la faiblesse de leurs résultats.

Les adultes obèses, quant à eux, s’exposent à un risque accru de développer une maladie chronique, comme le diabète, et de mourir prématurément. Dans les 28 pays de l’UE, les personnes aux revenus modestes ont une probabilité d’être obèses supérieure à celle des personnes aisées, de 90 % chez les femmes et 50 % chez les hommes, ce qui fait de l’obésité un marqueur d’inégalités. Les personnes souffrant d’une maladie chronique liée à l’obésité, sinon plusieurs, voient leurs chances d’avoir un emploi l’année suivante réduites de 8 %. Lorsqu’elles travaillent, leur probabilité d’être absentes ou moins productives est jusqu’à 3.4 % plus importante.

« Il est économiquement et socialement justifié d’accroître de toute urgence les investissements dédiés aux mesures de lutte contre l’obésité et de promotion de modes de vie sains », a déclaré le Secrétaire général de l’OCDE, Angel Gurría. « À la lecture de ce rapport, il est manifeste que nous avons besoin de meilleures politiques sociales, économiques et éducatives pour rendre la vie meilleure. En consacrant des moyens à la prévention, les responsables publics peuvent enrayer la progression de l’obésité parmi les générations futures, et faire du bien à l’économie. Il n’y a plus d’excuse à l’inaction ».

Les pays de l’OCDE consacrent déjà 8.4 % de leur budget de santé au traitement des maladies associées à l’obésité. Cela équivaut à près de 311 milliards USD, ou 209 USD par habitant et par an. L’obésité est responsable de 70 % de l’ensemble des dépenses engagées pour soigner le diabète, 23 % dans le cas des maladies cardiovasculaires et 9 % en ce qui concerne le cancer.

Il ressort des nouvelles analyses de l’OCDE présentées dans le rapport que consacrer des moyens, par exemple, à un meilleur étiquetage des produits alimentaires en magasin ou à l’encadrement des messages publicitaires faisant la promotion, auprès des enfants, d’aliments nocifs pour la santé peut être un investissement générateur d’économies substantielles. Chaque dollar investi dans la prévention de l’obésité amènerait jusqu’à six dollars de retombées économiques si l’on en croit les auteurs du rapport.

Réduire de 20 % la teneur en calories des aliments trop riches, comme les chips et les confiseries, pourrait éviter chaque année plus d’un million de cas de maladies chroniques, et notamment de maladies cardiaques. Les initiatives de portée universelle, comme l’affichage d’informations nutritionnelles sur les emballages et les menus ou les campagnes dans les médias, généreraient quant à elles un gain évalué entre 51 000 et 115 000 années de vie dans les 36 pays étudiés, par an d’ici 2050. Pour prendre une comparaison, cela équivaudrait à une élimination totale de la mortalité routière à l’échelle des 28 pays de l’UE dans le premier cas et à celle de l’OCDE dans le second. Les gains seraient significatifs sur le plan économique également : la présence d’informations nutritionnelles sur les menus ferait économiser, à elle seule, jusqu’à 13 milliards USD entre 2020 et 2050.

Le rapport (disponible qu’en version anglaise), ainsi que des notes par pays pour l’Allemagne, l’Australie, le Canada, l’Espagne, la France, l’Italie, le Mexique et le Royaume-Uni, sont disponibles à https://www.oecd.org/fr/sante/the-heavy-burden-of-obesity-67450d67-en.htm.

Participer activement aux soins de santé : aussi pour les enfants et en santé mentale !

Le 30 Déc 20

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Un élément essentiel pour la qualité des soins

La participation et l’implication des enfants dans les décisions qui les concernent est un droit fondamental, inscrit dans plusieurs textes législatifs (droits de l’enfant, droits des personnes handicapées, lignes directrices du Conseil de l’Europe, droits du patient, Constitution et Décrets des Communautés). En plus d’être une fin en soi, c’est aussi un excellent moyen d’améliorer l’accessibilité, la qualité et l’efficacité des soins en rendant ceux-ci plus adaptés aux besoins.

Mais la participation des enfants dans le domaine de la santé mentale est à l’heure actuelle quasi inexistante en Belgique. Alors que les problèmes de santé mentale constituent une part importante de la morbidité chez les enfants et les adolescents, il n’y a pas de groupe organisé qui représente leur voix dans ce domaine et il n’existe pas de cadre suffisant pour mettre en place un processus de participation.

Créer un cadre pour un processus de participation

Le CSS propose donc de définir un tel cadre et identifie les facteurs importants dont il faut tenir compte pour garantir le droit à la participation des enfants et des jeunes dans les soins de santé mentale au niveau de l’aide individuelle, de l’organisation des services et de la politique gouvernementale. Pour cela, il s’est appuyé sur la connaissance et l’expérience d’un certain nombre d’initiatives innovantes dans d’autres domaines et a examiné la littérature disponible.

Comment favoriser la participation en Belgique ?

Le CSS émet également des recommandations afin de favoriser la participation des enfants et des jeunes dans les soins de santé mentale en Belgique. Au niveau de l’aide individuelle, il recommande notamment de communiquer en utilisant un langage compréhensible et d’impliquer les enfants et adolescents dans l’élaboration et l’évaluation de leur programme d’aide. Le Conseil recommande aussi de former les professionnels de la santé mentale à la participation et de stimuler la recherche à ce sujet. Il est important que les méthodologies facilitant la participation soient adaptées aux circonstances et au développement du groupe cible et que cela soit fait de manière scientifique afin d’éviter les pièges de la participation (fictive). Au niveau de l’organisation des services, il recommande de mettre en place, dans les institutions et les réseaux, des comités qui permettent la prise de parole des enfants, des adolescents et de leurs parents. En outre, il faut prévoir des procédures pour garantir que leurs contributions soient prises en compte par les services concernés. Le CSS souligne enfin l’importance de la formation à cet égard. Au niveau de la politique gouvernementale, le Conseil recommande de mettre en place un projet pour soutenir la participation des enfants, des adolescents et de leurs parents à la nouvelle politique de santé mentale.

L’avis, dans son intégralité, (CSS_9458) se trouve sur le site internet du Conseil Supérieur de la Santé.
Le site du Conseil Supérieur de la Santé : www.css-hgr.be.

A propos du Conseil Supérieur de la Santé (CSS)

Le Conseil Supérieur de la Santé est l’organe d’avis scientifique du SPF Santé publique, Sécurité de la Chaîne alimentaire et Environnement. Dans le but de garantir et d’améliorer la santé publique, le Conseil formule des avis scientifiques afin de guider les décideurs politiques et les professionnels de la santé. Grâce à son réseau d’experts et ses collaborateurs internes, le Conseil se base sur une évaluation multidisciplinaire de l’état actuel de la science pour émettre des avis impartiaux et indépendants. Ainsi, le CSS applique un système de gestion des conflits d’intérêts potentiels. Le Conseil élabore ses avis sur demande de la Ministre ou de sa propre initiative et les publie.

Tous les avis publics et brochures sont disponibles sur le site : www.css-hgr.be

Premiers pas vers un plan d’action belge de littératie en santé

Le 30 Déc 20

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Par « littératie en santé », on désigne la capacité d’une personne à comprendre les informations relatives à la santé de manière à pouvoir maintenir ou améliorer sa santé et sa qualité de vie. En Belgique, le niveau de littératie en santé semble problématique pour 30 à 45% de la population. De nombreux pays ont mis en œuvre des plans d’action destinés à améliorer la littératie en santé de leur population. Le Centre Fédéral d’Expertise des Soins de Santé (KCE) a été chargé de les analyser afin d’en tirer des enseignements pour un éventuel plan au niveau belge.

Premiers pas vers un plan d’action belge de littératie en santé

Idéalement, la mobilisation devrait concerner tous les secteurs de la société (enseignement, emploi…), mais certainement en premier lieu l’ensemble des professionnels et des organisations de santé. Nous disposons déjà de beaucoup d’expertise mais il est nécessaire de mieux coordonner ce qui se fait actuellement.

Un terme mystérieux pour une réalité bien connue

La littératie en santé est un terme que peu d’entre nous connaissent, mais qui recouvre une notion sans doute plus familière : la capacité d’une personne à comprendre et à assimiler les informations relatives à la santé, de manière à pouvoir ensuite poser des choix appropriés pour maintenir ou améliorer sa santé et sa qualité de vie. C’est un concept très important en santé publique, car une littératie en santé insuffisante – parfois qualifiée d’« analphabétisme en santé » – va de pair avec des maladies chroniques plus fréquentes, un moindre recours aux mesures de prévention et, en fin de compte, une qualité de vie moindre et une espérance de vie plus courte.

Entre 30 et 45% de la population belge

Les personnes qui ont un faible niveau de littératie en santé ont des difficultés à interagir correctement avec les professionnels de la santé, à comprendre le comment et le pourquoi d’une maladie, à discuter avec les professionnels des mesures à prendre, à comprendre les notices de médicaments ou à suivre correctement leurs traitements. La liste des exemples est longue. En Belgique, cela concernerait entre 30 et 45% de la population, ce qui est légèrement mieux que la moyenne européenne. Le niveau d’instruction, le statut socio-économique et l’environnement culturel et social y jouent assurément un rôle prépondérant.

Un partage des responsabilités

Ces dernières années, l’approche de la littératie en santé a évolué. Au départ, il s’agissait surtout d’améliorer les capacités des individus à comprendre l’information au sujet de leur santé et à en faire « bon usage ». Mais il est ensuite apparu que la façon dont l’information sur la santé est conçue et dont les soins de santé sont organisés devaient également être prises en compte. En effet, plus le système de santé est complexe, plus il est difficile pour ses utilisateurs d’interagir avec lui en tant que personnes « compétentes ». Un tournant s’est alors opéré dans les esprits, la littératie en santé devenant une responsabilité partagée entre les individus et le système de santé dans lequel ils évoluent.

Une étude portant sur six pays

De nombreux pays ont lancé des plans d’action visant à améliorer la littératie en santé au sein de leur population. En Belgique, beaucoup d’initiatives isolées sont actives sur le terrain (associations locales, mutualités, ONG…) mais aucune politique générale n’est mise en place. C’est pourquoi il a été demandé au Centre fédéral d’Expertise des Soins de Santé (KCE) d’analyser quelques plans d’actions étrangers, afin d’en tirer des enseignements en vue d’un éventuel plan au niveau belge.Six pays ont été sélectionnés pour cette analyse. Dans quatre d’entre eux (Australie, Autriche, Portugal, Écosse), des plans d’action spécifiques ont été mis en place par les gouvernements. Dans les deux autres (Pays-Bas, Irlande), il n’y a pas de plan d’action à proprement parler, mais une activité intense émanant de la société civile (secteur associatif).

Agir au niveau des citoyens, mais aussi des professionnels de santé

Quelle que soit la politique menée, on peut distinguer trois niveaux d’action. Le premier correspond à l’interaction individuelle entre le citoyen/patient et les professionnels de santé. À ce niveau, l’effort vise classiquement à fournir des informations fiables, accessibles et de qualité, et à motiver tout un chacun à s’engager pleinement dans la prévention et l'(auto)gestion de sa santé. Pour être efficaces, ces actions doivent prendre en compte les particularités des publics auxquels elles s’adressent, et mettre l’accent sur les populations les plus vulnérables. Cela implique aussi, à notre époque digitale, de combler d’abord pour certains la « fracture numérique ».Mais ce niveau suppose également des actions au niveau des professionnels de la santé, dont on attend qu’ils prennent conscience du rôle primordial qu’ils ont à tenir et qu’ils développent leurs capacités à communiquer. Certains pays font appel à un « principe de précaution universel » qui part de l’hypothèse que chaque interaction entre patient et soignant peut donner lieu à des difficultés de compréhension et à des malentendus. Des techniques de communication spécifiques existent à cet effet ; elles pourraient être intégrées dans la formation de tous les futurs professionnels.

Un système de soins plus « convivial »

Le niveau d’action intermédiaire vise les organisations liées à la santé (hôpitaux, mutualités…), qui doivent créer une culture interne favorable à la littératie en santé. La formation de l’ensemble du personnel (soignant et non soignant, comme p.ex. le personnel d’accueil) est d’une importance capitale à cet égard mais de nombreuses études montrent que l’évolution n’est possible que si le sommet de la pyramide de management est lui-même mobilisé et donne l’impulsion.Il peut s’agir, par exemple, de faciliter l’emploi du système de rendez-vous, de revoir la signalisation d’orientation dans les hôpitaux, de repenser l’intelligibilité du matériel d’information distribué, etc. L’implication des associations de patients est une garantie supplémentaire que les mesures mises en place correspondront aux besoins des usagers.

Une action politique qui transcende les secteurs et les niveaux de compétences

Enfin, le troisième niveau concerne les autorités politiques, dont on attend qu’elles mettent en place le cadre général pour que le système de soins – voire la société dans son ensemble – soit propice à l’amélioration de la littératie en santé. Idéalement, cette action devrait être transversale à tous les secteurs, bien au-delà des seuls soins de santé. On pense bien sûr à l’enseignement, mais aussi à l’emploi, aux affaires sociales, à la culture, aux sports, etc. En tous ces lieux, des actions sont possibles pour rendre la population plus compétente et proactive en ce qui concerne sa santé. C’est le principe désigné par l’Organisation Mondiale de la Santé par la formule « Santé dans toutes les politiques » (Health in All Policies).Mais de façon plus pragmatique, il est également possible de prendre des mesures politiques limitées au système de santé, comme par exemple intégrer le souci de la littératie en santé dans les normes de qualité, les mécanismes de financement, ou encore l’accréditation des professionnels de santé. Le problème au niveau belge est que, pour être efficace, une véritable politique de littératie en santé doit toucher différentes compétences aujourd’hui réparties à des niveaux différents à la suite des réformes de l’état. Le KCE recommande donc de préparer et de convoquer une conférence interministérielle sur le sujet.

Unir toutes les forces et les bonnes volontés !

La comparaison internationale menée par le KCE a montré que, si les plans d’action initiés par les gouvernements ont une portée symbolique indéniable, certains pays se débrouillent très bien sans. Quelle que soit l’option choisie, la condition essentielle semble être, dans tous les cas, de réussir à mobiliser l’ensemble des acteurs concernés et d’assurer une coordination efficace du travail réalisé.Notre pays peut déjà compter sur une grande expertise en matière de littératie en santé et sur beaucoup d’acteurs sensibilisés à la problématique, et ce à tous les niveaux et dans tous les secteurs. Recenser les forces vives, évaluer les actions en cours et réfléchir ensemble à optimaliser les efforts à l’avenir, voilà en quelques mots l’essentiel des pistes proposées.

Retrouvez le dossier ici.

L’intimidation en milieu scolaire augmente le risque de développer des problèmes de santé mentale et vice versa

Le 30 Déc 20

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Article paru sur So Epidemio, le 05/02/2020.

Une nouvelle étude publiée dans Journal of Adolescent Health suggère qu’il existe une relation à double sens entre la perpétration de l’intimidation en milieu scolaire (aussi appelée harcèlement scolaire) et les problèmes de santé mentale chez les jeunes. La perpétration d’intimidation augmenterait le risque de développer des problèmes de comportement intériorisés – tel que la dépression, l’anxiété, le retrait social – et présenter ces problèmes augmenterait la probabilité d’intimider les autres. Alors que les précédentes recherches se sont concentrées sur les causes et les conséquences pour les victimes d’intimidation, il s’agit de la première étude à explorer de manière approfondie la séquence temporelle entre la perpétration de l’intimidation et les problèmes de santé mentale.

L’intimidation en milieu scolaire, ou harcèlement scolaire, est définie comme un comportement agressif intentionnel et répété, associé à une intention négative, qui est utilisé par un enfant ou groupe d’enfants pour maintenir son pouvoir sur un autre enfant ou groupe [1]. Aux États-Unis, il a été estimé qu’entre 18% et 31% des jeunes âgés de 10 à 18 ans sont impliqués dans l’intimidation en tant que victime ou bourreau [2]. En France, l’enquête Health Behaviour in School-aged Children (HBSC) de 2013-2014 estime que 45% des adolescents de 11, 13 et 15 ans sont impliqués dans le harcèlement scolaire [3]. Concernant la santé mentale des adolescents, une enquête américaine de 2016 rapporte que 6% des adolescents âgés de 12 à 17 ans souffrent de dépression, 11% d’anxiété et 8% ont des troubles du comportement [4]. En France, le rapport de l’Inserm sur les troubles mentaux, dépistage et prévention chez l’enfant et l’adolescent [5], estime que 12% des enfants et adolescents souffrent de troubles émotionnels (troubles anxieux et de l’humeur) et comportementaux. Alors que l’association entre le fait d’être victime d’intimidation et la survenue de problèmes de santé mentale immédiats comme à plus long terme est bien documentée, la littérature sur les causes et les conséquences de la pratique d’intimidation sont beaucoup plus éparses. À ce jour, aucune étude n’a investigué l’hypothèse selon laquelle la relation entre la pratique d’intimidation et les problèmes de santé mentale pourrait être bidirectionnelle.

Afin d’étudier l’existence possible d’une association bidirectionnelle entre l’intimidation et les problèmes de comportement intériorisés, nous avons analysé les données de 13 200 adolescents âgés de 12 à 17 ans provenant des vagues 1 (2013-2014) et 2 (2014-2015) de l’enquête longitudinale américaine Population Assessment of Tobacco And Health (PATH) [6]. PATH est une étude de cohorte longitudinale représentative de la population américaine qui avait pour but premier d’étudier les comportements, attitudes et croyances en matière de tabagisme et leur impact sur la santé. Parmi les adolescents interrogés, 79% ont déclaré n’avoir jamais intimidé d’autres jeunes, 11% ont déclaré avoir intimidé d’autres jeunes il y a plus d’un an et 10% ont déclaré avoir intimidé d’autres jeunes au cours des 12 derniers mois précédant le début de l’enquête. Lorsque la pratique d’intimidation a été considérée uniquement dans le mois précédant le début de l’enquête, 16% ont déclaré avoir intimidé d’autres personnes il y a plus d’un mois et 5% ont déclaré avoir intimidé d’autres personnes au cours du mois.

Lors de l’analyse de la relation entre la perpétration de l’intimidation et les problèmes de comportement intériorisés, nous avons observé que les jeunes ayant déclaré être auteurs d’intimidation étaient plus à risque de développer des problèmes de santé mentale niveaux modérés à élevés comparés aux jeunes ayant déclaré ne pas avoir pratiqué d’intimidation. Nous avons également constaté que les adolescents qui présentaient des problèmes de comportement intériorisés de niveaux modérés à élevés avaient un risque accru d’intimider d’autres personnes par rapport à ceux déclarant pas ou peu de problèmes de comportement intériorisés.

Notre étude [7] a permis de montrer que l’association entre la pratique d’intimidation et les problèmes de comportement intériorisés est probablement bidirectionnelle : intimider augmenterait le risque de développer des problèmes de santé mentale et présenter des problèmes de santé mentale augmenterait la probabilité d’intimider les autres. Cependant, il est important de souligner que les méthodes de recueil des données – incluant les définitions utilisées, la formulation des questions et l’auto-administration des questionnaires – pourraient surestimer ou sous-estimer la prévalence de l’intimidation dans notre étude et, par conséquent, influencer la force de l’association entre la perpétration de l’intimidation et les problèmes de comportement intériorisés. Nos résultats fournissent une extension importante à la littérature existante et suggèrent que les stratégies de prévention et d’intervention des comportements d’intimidation chez les jeunes devraient considérer le moyen de prendre en compte et gérer les sentiments négatifs et les problèmes de santé mentale.

Références

  1. Gladden RM, Vivolo-Kantor AM, Hamburger ME, Lumpkin CD. Bullying Surveillance Among Youths: Uniform Definitions for Public Health and Recommended Data Elements, Version 1.0. Atlanta, GA: National Center for Injury Prevention and Control, Centers for Disease Control and Prevention and U.S. Department of Education; 2014.
  2. Committee on the Biological and Psychosocial Effects of Peer Victimization: Lessons for Bullying Prevention, Board on Children, Youth, and Families, Committee on Law and Justice, Division of Behavioral and Social Sciences and Education, Health and Medicine Division, National Academies of Sciences, Engineering, and Medicine. Preventing Bullying Through Science, Policy, and Practice [Internet]. Rivara F, Le Menestrel S, editors. Washington (DC): National Academies Press (US); 2016 [cited 2018 Aug 24]. Available from: https://www.ncbi.nlm.nih.gov/books/NBK390413/
  3. Inchley J, Currie D, Young T, Samdal O, Torsheim T, Augustson L, et al., editors. Growing up unequal: gender and socioeconomic differences in young people’s health and well-being: Health Behaviour in School-Aged Children (HBSC) Study: international report from the 2013/2014 survey. Copenhagen, Denmark: World Health Organization Regional Office for Europe; 2016.
  4. Ghandour RM, Sherman LJ, Vladutiu CJ, Ali MM, Lynch SE, Bitsko RH, et al. Prevalence and Treatment of Depression, Anxiety, and Conduct Problems in US Children. The Journal of Pediatrics. 2019;206:256-267.e3.
  5. médicale (Inserm) I national de la santé et de la recherche. Troubles mentaux : Dépistage et prévention chez l’enfant et l’adolescent [Internet]. Les éditions Inserm; 2002 [cited 2020 Jan 27]. Available from: https://www.ipubli.inserm.fr/handle/10608/165
  6. United States Department Of Health And Human Services. National Institutes Of Health. National Institute On Drug Abuse. Population Assessment of Tobacco and Health (PATH) Study [United States] Public-Use Files: User Guide. 2016 [cited 2019 Oct 31]; Available from: https://www.icpsr.umich.edu/cgi-bin/file?comp=none&study=36498&ds=0&file_id=1239402&path=NAHDAP
  7. Azevedo Da Silva M, Gonzalez JC, Person GL, Martins SS. Bidirectional Association Between Bullying Perpetration and Internalizing Problems Among Youth. J Adolesc Health. 2019.

Santé publique : cédera ou cédera pas sous le poids des données massives ?

Le 30 Déc 20

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La santé publique, comme tant d’autres secteurs, est percutée de plein fouet par le phénomène Big data en tous genres qu’il charrie. La médecine, l’épidémiologie ou encore la prévention intègrent bon an mal an ce nouvel outil, la santé publique pourrait bien être en train de changer de visage. Mais alors, est-il possible que nous ne la reconnaissions plus ?

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La santé publique, comme tant d’autres secteurs, est percutée de plein fouet par le phénomène Big data en tous genres qu’il charrie. La médecine, l’épidémiologie ou encore la prévention intègrent bon an mal an ce nouvel outil, la santé publique pourrait bien être en train de changer de visage. Mais alors, est-il possible que nous ne la reconnaissions plus ? Cette question était au cœur d’une journée d’échanges organisée par le groupe de recherche DataSanté le 26 avril dernier à Nantes (France), au cours de laquelle sont intervenus une dizaine de chercheurs québécois et français.

Le Big data désigne les quantités faramineuses de données générées par nos activités numériques. Tellement nombreuses qu’on n’essaie même plus de les compter. A ce stade, il importe plus de savoir quoi en faire. Combien parmi elles sont susceptibles d’être exploitées à des fins sanitaires ? Beaucoup assurément, toutes peut-être. Certaines semblent pouvoir servir à mieux dépister une maladie génétique ou à prévoir l’évolution d’une épidémie, d’autres à suivre les effets d’une campagne de prévention ou à influencer les comportements plus ou moins favorables à la santé.

Cela n’a pas échappé aux organisateurs de la journée de réflexion intitulée « Données massives et santé publique », membres du programme scientifique DataSanté (voir encadré), qui écrivent : « Les discours favorables des acteurs publics projettent l’élaboration de nouveaux plans de prévention en santé, des traitements mieux ciblés pour les patients et l’ouverture de voies de recherche insoupçonnées en santé publique ». Certes, mais cela ne risque-t-il pas d’ébranler les murs de la santé publique ? Si tel est le cas, quel sera son nouveau socle ? Ses méthodes et ses pratiques devront-elles être reconfigurées ?

Contre les épidémies

Une cinquantaine de personnes sont réunies dans l’amphithéâtre violet et rouge. Lara Khoury, de l’Université McGill, vient de présenter le système québécois de collecte de données des infections liées aux soins de santé et de divulgation des informations à la population. C’est au tour du Dr Paul Véron de prendre le micro pour montrer comment le Big data participe à la lutte contre les épidémies. « Jusqu’ici, dit-il, les dispositifs mis en place – obligations vaccinales, mises en quarantaine, messages de prévention, système de déclaration obligatoire de certaines maladies – émanaient de la puissance publique. »

Mais alors que des données issues des requêtes des internautes concernant la grippe, des discussions sur les réseaux sociaux ou du trafic aérien sont générées en grand nombre, ceux qui les possèdent commencent à investir ce champ en élaborant des outils d’analyse pour identifier la naissance d’un foyer épidémique ou détecter de nouvelles souches virales en circulation. Le service Google Flu, imaginé par le géant de la Silicon Valley en 2008, ne cache pas son ambition de participer au contrôle des épidémies, et plus si affinité (avec les fabricants de vaccins notamment). C’était sans compter les critiques sur son algorithme jugé peu fiable, qui a finalement sonné le glas du service en 2015. Mais la boîte de Pandore est ouverte et il va de soi que d’autres outils du même genre sont soit déjà opérationnels, soit sur les rails.

La médecine prédictive, recto-verso

Avec la mise au point du séquençage haut-débit, la prévention des maladies génétiques, en particulier celles dites rares en raison de leur faible prévalence (moins d’une personne sur 2000), connaît depuis quelques années des avancées considérables. La composition de tout ou partie du génome devenant accessible, il est désormais possible de rechercher toute une série de variants génétiques et, ce faisant, de mettre à jour pour chaque individu des prédispositions vis-à-vis de cancers, de maladies cardiovasculaires, etc. Est-ce pourtant souhaitable en toutes circonstances ? Rien n’est moins sûr. Le Dr Sandra Mercier, généticienne médicale, rappelle qu’une variation génétique peut être bénigne, voire protectrice.

Qui plus est, l’interprétation clinique des données génomiques évolue rapidement et il est certain que les résultats des tests de certains patients changeront avec le temps. Mieux vaut donc appréhender ces tests (pré-conceptionnels ou récréatifs) pour ce qu’ils sont, c’est-à-dire des outils de médecine prédictive à manier avec prudence et éthique, loin de tout « déterminisme génétique », tout en préservant l’autonomie des individus et en respectant le droit de ne pas savoir.

Questions de droit

Sans nier les avancées considérables permises par ces technologies en matière de dépistage et de connaissance des risques, Emmanuelle Rial-Sebbag, directrice de recherche à l’Inserm*, a tenu à souligner la difficile intégration, en France, de la génomique dans le champ de la santé publique. De fait, si l’utilisation de ces données à des fins de dépistage ciblé est autorisée dans ce pays, elle ne l’est pas (encore) pour le dépistage de masse, preuve que les résistances à l’égard des données massives sont fortes, et les représentations quant à leur potentiel de nuisance à l’égard des politiques de santé publique bien vivaces. Pour Ma’n H. Zawati, qui dirige le Centre de génomique et de politiques de l’Université MacGill, la convergence de bases de données génomiques, de réseaux et d’intelligence artificielle devrait bientôt permettre aux médecins de recontacter leurs patients en cas de changement de signification d’un test génétique. « Un devoir de recontacter le patient pourrait exister dans le futur », prévoit-il. Avec quelles conséquences sur la relation médecin-patient et la vie de la personne concernée … ? Voilà la question sur laquelle est restée l’assemblée à la fin de la matinée.

Montrez voir votre panier…

La seconde partie de la journée était consacrée à discuter les nouvelles frontières de la santé publique et plus particulièrement le renouvellement des champs de la nutrition et de l’éducation alimentaire. David Buckeridge, épidémiologiste à l’Université MacGill, a rapporté les résultats d’un travail visant à affiner la connaissance des habitudes de consommation alimentaire de la population à l’échelle d’un bassin de vie à partir des données issues du scan des aliments achetés en magasin et des cartes de fidélité des clients. « La plupart des causes de décès prématurés sont liées à la nutrition, or nous manquons cruellement de données sur ce sujet », a-t-il justifié. Par exemple, les données extraites permettent d’étudier quels produits remplacent les sodas après une campagne de prévention incitant à en consommer moins. Et de conclure que le facteur limitant pour ce genre d’étude n’est pas de collecter les données, généralement existantes et accessibles (moyennant finances éventuelles), mais bien de posséder les méthodes d’analyse qui souvent manquent encore.

Nouvelle norme ?

L’exposé suivant par Marine Friant-Perrot, juriste à l’Université de Nantes, remettait en cause l’idée selon laquelle les grandes quantités de données disponibles concernant la composition des aliments mais aussi les comportements alimentaires des individus, représentent systématiquement un gain pour la santé et une aide à la décision. Et de relever, d’une part « une surresponsabilité des personnes dans la gestion de leur alimentation et de leur mode de vie, alors que 90% de ce que nous mangeons est déterminé par l’environnement alimentaire », d’autre part « une captation par le secteur marchand du discours nutritionnel et de prévention de l’obésité et du surpoids », avec à la clé la création d’une nouvelle norme alimentaire née dans le giron du Big data.

Un constat partagé par Margo Bernelin, juriste elle aussi, dont les travaux sur les textes de loi en lien avec la santé publique indiquent que la collecte de données est devenue une finalité en soi, et non plus un outil au service de la santé publique, et que de grandes entreprises investies dans l’hébergement de données sont entrées dans un rôle d’acteurs normatifs. Pour sûr, la santé publique n’a pas fini de trembler.

DataSanté, kesako ?

Initié en 2017 pour une durée de cinq ans, DataSanté est un programme de recherche visant à étudier les questions – éthiques, juridiques, médicales, mathématiques – soulevées par l’utilisation des données massives dans le champ de la santé et l’émergence de la médecine personnalisée. Soutenu par l’Université de Nantes et la Région des Pays de la Loire, il s’appuie sur un réseau interdisciplinaire d’une cinquantaine d’experts en recherche biomédicale (juristes, philosophes, médecins, bio-informaticiens, etc.)

De la construction des données aux transformations de la médecine en passant par la mise au point des algorithmes, leurs travaux couvrent tout le spectre de la transformation à l’oeuvre. Colloques et ateliers sont régulièrement organisés pour partager et faire avancer les réflexions.

Leurs contenus, ainsi qu’une série de vidéos à caractère pédagogique, sont consultables en ligne : https://www.data-sante.fr/portail-video/

Guy At The Psychologist

Participation en santé mentale et Réforme 107 : où en sommes-nous ?

Le 30 Déc 20

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Le 26 février dernier, Similes Wallonie et Psytoyens ont tenu, à Namur, un colloque sur la participation en santé mentale. Tout au long de la journée, le point sur les pratiques participatives et leur évolution a pu être fait devant 150 professionnels et acteurs de la réforme des soins de santé mentale. Il y a lieu de se réjouir devant les progrès réalisés : la participation des usagers et des proches a bien commencé. Des obstacles doivent cependant encore être levés, les plus tenaces semblant venir des professionnels de la santé. Rien d’étonnant à cela si l’on regarde l’évolution des mentalités qu’exige une telle participation…

Participation en santé mentale et Réforme 107 : où en sommes-nous ?

La participation des usagers et des proches en santé mentale est donc bien devenue réalité, même s’il reste du chemin à faire pour qu’elle soit parfaitement intégrée dans les mentalités. Un bref parcours de l’histoire de la folie, guidé par Christiane Bontemps, directrice du Centre de Référenceen Santé Mentale (CRéSaM), montre qu’il n’a pas été évident du tout d’en arriver là où nous sommes aujourd’hui, à savoir considérer le patient et ses proches comme des partenaires de soins.

Ainsi, durant le Moyen-Âge et jusqu’au 15ème siècle, la folie relevait de la pensée philosophique et de pratiques magiques, mais pas de la médecine. En vertu de « l’Edit royal du Grand renfermement », les « fous » furent ensuite mis sur le même pied que les criminels et enfermés dans un même lieu. Les malades mentaux étaient davantage maltraités que les criminels et réduits à des conditions pires que celles des animaux.

Avec la naissance de la psychiatrie au 19ème siècle, qui considérait la folie comme une maladie mentale nécessitant un traitement propre et particularisé, le malade est devenu un sujet social.

L’arrivée des médicaments au milieu du 20ème siècle a radicalement bouleversé l’univers des soins au profit des traitements ambulatoires et de la remise en question de l’asile.

Mai 68 fut marqué par les mouvements antipsychiatriques et par une résistance à l’aspect répressif de la psychiatrie. Cela a donné lieu à une diversification des soins : une place fut ainsi faite aux enfants et à la prévention. Les soins ambulatoires ont fait leur apparition avec la création de centres de santé mentale, de maisons d’habitations protégées, de centres de jours, etc. Des associations d’usagers et de familles ont vu le jour.

La place et la participation des usagers ainsi que de leurs proches est progressivement devenue une réalité au cours du 21ème siècle. Cette belle évolution a demandé la création d’espaces de dialogue et d’écoute réciproque tant au niveau de la relation de soins et des institutions que sur le plan politique.

Citons l’exemple de l’Institut wallon pour la santé mentale – devenu le Centre de Référence en Santé Mentale (CRéSaM) – qui lors d’une réunion de l’ensemble des acteurs de santé mentale de la Région, en 2003, a souhaité faire une place aux usagers et aux familles. Similes, qui représentait les familles, fut invité. Comme rien n’existait encore dans la Région au niveau des usagers, Psytoyens a vu le jour. C’est ainsi que, depuis 15 ans, Psytoyens et Similes sont assis à la table des acteurs wallons de santé mentale.

La participation des usagers et des familles a franchi un nouveau cap lors du dernier renouvellement du conseil d’administration du CréSam en juin 2018, avec, pour la première fois,Similes Wallonie et Psytoyens, représentés non pas par leur coordinatrice mais bien par un usager et un proche.

D’autres associations et services ont également ouvert leurs portes aux associations d’usagers et de familles, même si les initiatives restaient encore très locales et relativement isolées.

La solidarité entre pairs, le soutien procuré au sein des associations et la formation ont permis aux représentants d’usagers et de proches de se faire petit à petit leur place et, avec les autres acteurs, de porter leurs messages à l’attention de la population, des institutions et des organes politiques.

Enfin, au niveau fédéral, en 2007, le SPF déclarait officiellement son soutien au « Projet participation des représentations des usagers et de leurs familles » qui a débuté avec les projets thérapeutiques. L’objectif était d’améliorer la représentation des familles et des usagers à l’organisation des soins de santé mentale et d’accroître cette représentation au niveau politique.

La Réforme 107

A partir de 2010, le « projet participation » s’est poursuivi dans le cadre de la réforme des soins en santé mentale, appelée Réforme 107. En cours depuis 2011, la réforme cible actuellement la prise en charge de la personne malade dans son milieu de vie, quel qu’il soit, et veille à la continuité des soins par un travail en réseau des différents acteurs concernés, y compris le malade et son entourage. La famille est désormais envisagée comme un partenaire de soin indispensable et complémentaire aux soignants.

Quatre associations de proches et d’usagers sont mandatées par le SPF Santé publique pour participer à la Réforme 107 : Similes Wallonie (en concertation avec Similes Bruxelles), Similes Vlaanderen, Psytoyens et UilenSpiegel. Ces quatre associations sont aidées par deux partenaires scientifiques : le Centre de recherche et de consultation en soins de santé (LUCAS, KU Leuven) et l’Agence interrégionale de guidance et de soins (AIGS).

Dans le cadre de ce mandat, les quatre associations de proches et d’usagers donnent chaque année leurs recommandations pour améliorer la prise en charge des usagers et des proches au sein des différents réseaux créés dans la cadre de la Réforme 107.

Même s’il y a encore du pain sur la planche, on le voit, la participation se traduit plus concrètement dans les faits. Il reste aux professionnels à partager davantage sur leur savoir et à communiquer dans un langage accessible à tous.

Similes, du côté des prochesClaire Van Craesbeeck, psychologue et responsable de projet chez Similes Wallonie, le confirme : la réforme des soins en santé mentale est une avancée de taille pour les usagers, les proches et les associations qui les soutiennent. « La reconnaissance de la famille comme partenaire de soins est au cœur de ce que nous défendons chez Similes et que nous essayons de faire essaimer dans les réseaux sous différentes formes. Dans le cadre de la réforme, Similes s’est vu octroyer un mandat pour former des représentants de familles. Ceux-ci sont désormais aux côtés des professionnels pour discuter de l’organisation des soins dans les réseaux. »

Tout n’est pas pour autant facile depuis la réforme. « Entre l’esprit de la réforme, la manière dont elle s’organise et les avancées sur le terrain, certaines choses vont moins bien. Comme la réforme a été instituée en haut et que les progrès doivent prendre forme en redescendant sur le terrain, des changements prennent du temps pour se réaliser. Ainsi, si certaines familles sont associées pleinement aux soins envers leur proche, d’autres souffrent encore parfois de ne pas être suffisamment reconnues comme partenaires de soins, voire d’être exclues du soin ou écartées de leur proche malade. Des familles se disent associées mais de manière maladroite. »

Or, les familles peuvent apporter beaucoup, notamment en termes d’efficacité. Pour cela, elles ont besoin d’être suffisamment informées sur la pathologie, le traitement, l’évolution et les rechutes possibles, les comportements à adopter ou à éviter. Elles apportent également des informationsutiles , notamment sur la situation vécue en famille et sur les effets des médicaments. « Si on ne les associe pas, elles ne pourront pas être efficientes sur le terrain », déplore Claire Van Craesbeeck.

Il semble que les associations d’usagers et de familles ne soient pas toujours sur la même longueur d’onde. « Par exemple, il arrive qu’une association d’usagers revendique le droit des usagers à s’opposer à la participation de leur entourage. Bien sûr, mais il n’est pas pour autant nécessaire de juger ni de bannir la famille. Des explications peuvent être données aux proches, ou relayées vers des associations de familles qui se chargeront de les accompagner dans leurs difficultés. »

Par ailleurs, il n’est pas évident pour Similes de recruter des proches qui deviendront des représentants au sein de la réforme. « Ils vont être amenés à défendre le point de vue de tous les proches et pas leur seule opinion. Par ailleurs, ils sont souvent déjà bien occupés par leur vie professionnelle. Et prendre soin d’une personne malade au sein de la famille est très prenant. Il leur est donc difficile de trouver du temps pour s’investir dans une association comme Similes. »

Psytoyens, du côté des usagers

Même son de cloche du côté de Psytoyens : « La réforme constitue un grand progrès, même si on se rend compte qu’il reste encore beaucoup de travail, explique Angélique Vrancken, coordinatrice et chargée de projet chez Psytoyens. Le fait que les usagers de la santé mentale participent à des réunions aux côtés de professionnels et sont donc davantage entendus qu’auparavant, c’est une grosse évolution. Un changement dans les mentalités s’amorce. Par rapport à une dizaine d’années auparavant, l’amélioration est même assez importante. » Le ressenti des usagers sur le terrain diffère néanmoins selon les régions.

« Des institutions et comités de réseaux sont plus avant-gardistes que d’autres et ont plus facilement donné la place aux usagers de la santé mentale. Mais on ressent encore de la réticence dans certains lieux. »Les blocages quant à la participation des usagers dans les soins semblentdûs à la peur et à la stigmatisation de la maladie mentale. « Des retours de terrain indiquent que certaines pathologies, notamment les psychoses, font peur car il est difficile de comprendre de quoi il s’agit, d’autant plus qu’il n’y a pas vraiment de signes physiques », témoigne encore Angélique Vrancken.

D’autre part, il n’est pas évident pour tous les professionnels d’accepter un tel changement de mentalité. « Le fait de dire aux professionnels que les usagers et proches ont droit à la parole peut être vécu comme une remise en cause de leur pratique médicale. Cela peut donner le sentiment que l’on va venir leur dire comment faire leur travail. L’histoire de la psychiatrie montre combien ce domaine est compliqué, à quel point les stéréotypes sont importants et ont la vie dure. Cela explique pourquoi l’évolution est aussi lente. Un gros travail de sensibilisation reste à faire. Heureusement, des représentants de Psytoyens sont souvent invités dans des écoles pour sensibiliser les futurs assistants sociaux et éducateurs à la participation des usagers dans les soins. On voit bien que ce travail porte ses fruits auprès des jeunes diplômés ces dernières années. Ils montrent moins d’a priori et de craintes. ça facilite l’amorce du changement. »

En route vers la pair-aidance

L’accent est également mis sur la pair-aidance, qui peut constituer un facteur de progrès important, car elle est caractérisée par la participation de tous : usagers, proches et professionnels, cela au profit de tous.Du côté des patients, le principe de la pair-aidance repose sur l’entraide entre personnes en souffrance ou ayant souffert d’une même maladie. Le partage du vécu de la maladie et du parcours de rétablissement constitue les principes fondamentaux de la pair-aidance. Il s’agit d’une valeur sûre du rétablissement dans le domaine de la santé mentale, de la précarité et des addictions.

La pair-aidance entre proches permet également le partage d’expériences et de connaissances, tout comme la sensibilisation des professionnels à la problématique des proches. Elle encourage les pratiques plus collaboratives. La pair-aidance entre proches peut par ailleurs mener à des interpellations au niveau politique.

Enfin, pour les professionnels, la pair-aidance apporte un point de vue complémentaire et relève de la reconnaissance du savoir expérientiel à côté du savoir académique. Dans l’esprit de la Réforme 107, la pair-aidance encourage les professionnels à voir le patient comme un partenaire. Cette pratique devrait donc les aider à faire un pas de plus vers la participation. Un pas très attendu par les usagers et les proches…

Informations supplémentaires : Le compte-rendu du colloque peut être consulté sur le site de Similes, onglet « Participation ».Contacts : Similes WallonieRue Lairesse 154020 LiègeTél. : 04/344 45 45Similes BruxellesRue Malibran 491050 BruxellesTél. : 02/511.06.19Site internet pour Similes Wallonie et Bruxelles : www.similes.orgPsytoyensChaussée des Prés 42-444020 LiègeTél. : 0491/89 17 84Site internet : www.psytoyens.beCRéSamBoulevard de Merckem 75000 NAMURTél. : 081/25 31 40Site internet : www.cresam.beLigue des usagers des services de santé (LUSS)Site internet : www.luss.beLUSS BruxellesRue Victor Oudart 71030 SCHARRBEEKTél. : 02/734 13 30LUSS LiègeRue de la Sation 484032 CHENEETél. : 04/247 30 57

Livre blanc

Georges Legros, membre de Similes Wallonie et représentant de Similes au Réseau 107 de Namur, rappelle qu’en 2004, un livre blanc a été édité par Similes. Consacré au vécu de familles de personnes atteintes de troubles psychiques entre 1982 et 2001, cet ouvrage, qui entendait prôner la participation des proches aux soins, montrait à quel point on était encore loin du compte.Malgré d’heureuses évolutions çà et là, l’accueil, la communication et les rencontres dans le milieu hospitalier s’avéraient insatisfaisants. Les proches ne se sentaient ni reconnus ni soutenus dans leur désarroi et leur souffrance, ainsi que dans leur rôle d’acteur auprès du patient, et donc de partenaire potentiel des soins. Au contraire, la famille, considérée comme toxique, était soupçonnée d’être la source du mal avec une responsabilité particulière attribuée à la mère.Au niveau collectif et institutionnel, où se joue l’élaboration d’une politique des soins, la participation des proches était pratiquement nulle. Aucun lieu n’était prévu à cet effet, que ce soit dans les hôpitaux ou au Ministère de la santé. Si les soignants et les proches visaient le même objectif, celui du rétablissement du patient, de grands obstacles empêchaient la participation des proches : côté soignant, la formation n’accordait pas de place au malade en tant que partenaire, ni à son entourage. Le médecin avait davantage affaire à des maladies qu’à des malades. Ainsi, on parlait de « patients » et non pas d’usagers. Certaines lois et règles déontologiques – comme le secret professionnel, les droits du patient oula protection du colloque singulier – pesaient plus en santé mentale qu’ailleurs. Des obstacles existaient également du côté du patient : la culture générale de la société était plus orientée vers la soumission aux autorités et aux compétences qu’à la revendication d’une participation égalitaire. D’autre part, les familles étaient souvent paralysées par un grand sentiment d’isolement et d’impuissance, voire de culpabilité devant des pathologies mal connues et lourdement stigmatisées. Autres difficultés : certaines spécificités de la maladie mentale qui modifient profondément les liens ordinaires avec l’usager, un déni fréquent de la pathologie et un refus des soins, une vision perturbée du réel, des reproches ou accusations adressés à l’entourage de sorte que le dialogue et la collaboration deviennent difficiles même avec le premier intéressé. Tous ces éléments contribuaient à installer ou à conforter chez beaucoup de proches une tendance à passer le relais aux professionnels compétents.Une évolution favorable a, fort heureusement, pu se faire grâce à deux facteurs. D’une part, la création de certaines associationspour les proches, comme Similesa permis de faire entendre la voix des familles aux soignants et aux responsables politiques. Ces associations ont aussi permis aux familles de sortir de l’isolement, d’échanger entre elles, de recevoir des informations et des formations en psychoéducation. D’autre part, les autorités publiques ont décidé d’associer d’emblée des usagers et des proches à leur Réforme 107 en donnant un mandat explicite à leurs associations représentatives, de sorte que, comme le montrera la suite, c’est paradoxalement par le niveau collectif et institutionnel qu’a commencé à s’inscrire dans les faits un partenariat qui avait été souhaité d’abord dans les pratiques de soins.

L’internement, une mesure inhumaine

Le colloque a été l’occasion de rappeler combien le sort des personnes hospitalisées dans le cadre de la loi de défense sociale donne à penser qu’il relève de pratiques inhumaines. Un usager, Johan, est venu témoigner de son internement qui l’a fortement marqué sur le plan psychologique. Il a pu se reconstruire grâce à la participation. « Je me suis retrouvé interné à Lantin, stabilisé grâce au traitement en annexe psychiatrique, raconte Johan. Quand on y entre, on comprend vite qu’il faut s’en sortir car on n’est plus personne. Le système carcéral gomme toute marque de singularité, de personnalité. J’avais beaucoup de colère en moi. Heureusement, ma famille et mes amis m’ont apporté un grand soutien. Mes proches ont suivi le module de psychoéducation Profamille, qui fournit des outils pour les aider et m’aider également. Cela leur a permis de moins culpabiliser, ils étaient plus armés à vivre cette situation très compliquée. J’ai construit mon projet de sortie avec un avocat spécialisé. Le fait que je sois stabilisé m’a aidé dans mes démarches. J’ai été libéré à l’essai mais pas encore de façon définitive. J’ai encore une épée de Damoclès au-dessus de la tête… J’ai eu la chance de retrouver mon ancien emploi. Je me reconstruis mais la lourdeur administrative est toujours là. Je dois me présenter devant la Commission de défense sociale tous les six mois. Aujourd’hui, si je pouvais effacer mon casier judiciaire, je serais l’homme le plus heureux sur terre. »

Web1

Une question sur la vaccination ? Un réflexe, www.vaccination-info.be

Le 30 Déc 20

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Le nouveau site de référence belge francophone en matière de vaccination

Bruxelles, le 15 avril 2019 – Le 24 avril 2019, à l’occasion de la Semaine européenne de la vaccination, l’asbl Question Santé, en collaboration avec l’Agence pour une Vie de Qualité, l’Office de la Naissance et de l’Enfance et le Service public bruxellois francophone, lancera la nouvelle version du site de référence francophone en matière de vaccination.

Une question sur la vaccination ? Un réflexe, www.vaccination-info.be Le nouveau site de référence belge francophone en matière de vaccination

En janvier 2019, l’Organisation mondiale de la Santé pointait l’hésitation vaccinale comme l’une des 10 plus grandes menaces pour la santé de l’humanité. Cette menace trouve notamment un terrain propice sur internet et sur les réseaux sociaux, où des croyances et de multiples théories d’origines douteuses – maintes fois démenties par le monde scientifique – continuent de revenir sur le devant de la scène.

La vaccination serait-elle victime de son succès ?

Aujourd’hui, nombreux sont ceux qui se posent des questions quant à l’utilité de la vaccination : « Pourquoi vacciner contre des maladies qu’on ne voit plus ? Ne court-on pas plus de risques d’avoir des effets indésirables suite à une vaccination que d’être un jour confronté à la maladie et à ses conséquences ? »La généralisation de la vaccination a permis à la population de se protéger contre de nombreuses maladies en les éradiquant ou en diminuant fortement leur incidence. Le revers de la médaille réside en ce que le public, n’étant plus – ou très peu – confronté à ces maladies et à leurs conséquences potentiellement graves, croit qu’elles ont disparu et se vaccine moins, ce qui permet à ces maladies de ressurgir. La rougeole en est un très bon exemple. Entre janvier et mars 2019, on recensait 54 cas en Wallonie et 80 cas à Bruxelles[1].

Un site web francophone belge de référence

Dans un contexte où circulent de multiples messages provenant de sources parfois peu crédibles, comment faire la part des choses entre les informations farfelues et celles scientifiquement validées ? Soucieux de fournir à la population des informations rigoureuses et scientifiques, exprimées dans un langage clair et compréhensible par le plus grand nombre, l’AVIQ s’est associée à la Cocof et à l’ONE pour soutenir la création d’une nouvelle version du site www.vaccination-info.be.Les contenus proposés se basent sur :

  • les recommandations officielles de santé publique du Conseil Supérieur de la Santé ;
  • le Programme de vaccination de la Fédération Wallonie-Bruxelles ;
  • des avis scientifiques et publications reconnues.

Ceux-ci ont fait l’objet d’une relecture scientifique par les institutions partenaires et ne répercutent pas d’informations basées sur des expériences ou opinions personnelles. Le site développe l’information suivant différents niveaux de lecture afin d’en favoriser l’accessibilité. D’abord succinctes, les informations sont ensuite complétées par des références et liens vers des documents scientifiques validés.

Coordonné par l’asbl Question Santé et indépendant de tout intérêt commercial, le site www.vaccination-info.be poursuit l’ambition d’être la référence belge francophone en matière de vaccination. Il est destiné à tous ceux qui s’interrogent sur la vaccination et les vaccins et apporte des réponses aux questions les plus communément posées, telles que : « A quoi ça sert de se faire vacciner ? Mon enfant est enrhumé, peut-il se faire vacciner ? Pourquoi vacciner contre plusieurs maladies en même temps ? Pourquoi y a-t-il de l’aluminium dans les vaccins ? Le vaccin contre la rougeole, la rubéole et les oreillons cause-t-il l’autisme ? L’industrie pharmaceutique ne pousse-t-elle pas à ce que tout le monde se fasse vacciner ? ».

On trouve également sur www.vaccination-info.be :

  • Des informations sur chaque maladie contre laquelle une vaccination existe : descriptif de la maladie, symptômes, vaccins recommandés, contre-indications…
  • Les aspects pratiques de la vaccination : Qui vaccine ? Où se faire vacciner ? A quel moment de la vie se faire vacciner ? Les recommandations vaccinales suivant les contextes de vie (voyage, travail, fréquentation d’une collectivité, etc.)…
  • Un regard sur la vaccination au travers de ses grands principes, de son histoire ou encore du contexte institutionnel dans lequel elle s’imbrique.

A propos de Question Santé

L’asbl Question Santé met en débat les enjeux individuels et collectifs de la santé et les traduit en projets et outils, accessibles à des publics variés. L’asbl Question Santé offre un service de référence en matière de communication en promotion de la santé et assure une expertise, des accompagnements méthodologiques et des ateliers de mise en pratique pour les professionnels qui désirent traduire leurs actions et outils en projets de communication. Question Santé réalise des outils méthodologiques, d’information et de sensibilisation à destination des professionnels et du grand public. Également active dans le champ de l’Education Permanente, l’asbl Question Santé met en débat les questions de société sur diverses thématiques liées aux déterminants de la santé. En résulte chaque année une série d’outils, déclinés en animations, véritables lieux de débat et de participation citoyenne.

Plus d’informations sur les activités de l’asbl

https://www.questionsante.org

A propos de l’Agence pour une Vie de Qualité

Assurer la santé et le bien-être des Wallons : une compétence de l’AVIQL’AVIQ est le service public compétent pour les questions relatives au bien-être et à la santé de tous en région wallonne. L’AVIQ a pour ambition de proposer à chaque Wallon des réponses adaptées à ses besoins en matière d’aide, d’accompagnement, de bien-être et de santé pour lui permettre de mener une vie de qualité, tout en simplifiant ses démarches et en veillant à l’amélioration constante de la qualité de ses services.L’Agence pour une Vie de Qualité assure de nombreuses missions pour accompagner les Wallons à chaque étape de leur vie : informations, écoute, conseils, travail en réseau, agréments, octrois de subsides, démarche « qualité » avec ses différents services : services conseil en aménagements, logements individuels ou collectifs, établissements d’hébergement, achat de matériel spécifique, formations professionnelles adaptées…

Plus d’informations sur les missions de l’AVIQ :

https://www.aviq.be

A propos du Service public bruxellois francophone

Le service de la Santé du Service public bruxellois francophone (SPFB-COCOF) est chargé de l’agrément et du suivi des services ambulatoires, et met œuvre la politique de Promotion de la santé à Bruxelles (hors PSE). Formalisée au sein du Plan stratégique de Promotion de la santé, cette matière est portée concrètement par des opérateurs (acteurs, réseaux et services piliers) financés pour des projets de trois à cinq ans. Leurs priorités d’action comprennent, entre autres : la promotion des environnements favorables en matière d’alimentation, d’activité physique, de consommation de tabac ou d’alcool ; la prévention des IST et la promotion de la santé sexuelle ; la réduction des risques en matière d’usage de drogues licites et illicites ; la promotion de la santé des personnes en situation de vulnérabilité, etc. Les opérateurs désignés doivent également contribuer aux programmes de médecine préventive du dispositif de promotion de la santé bruxellois : dépistages des cancers du sein et colorectal, dépistage de la tuberculose.

Plus d’informations sur l’organisation, les acteurs et les enjeux de la promotion de la santé à Bruxelles, voir la rubrique bien-être et santé sur :

https://www.spfb.brussels/

A propos de l’Office de la Naissance et de l’Enfance

L’Office de la Naissance et de l’Enfance est l’organisme de référence de la Fédération Wallonie-Bruxelles pour toutes les questions relatives à l’enfance. Cela concerne aussi bien l’organisation d’un accompagnement de l’enfant, dans et en relation avec son milieu familial et son environnement social, que celui de l’accueil de l’enfant en dehors de son milieu familial. L’ONE a également pour mission de mener des actions de soutien à la parentalité et de promotion de la santé, par le biais de l’organisation de consultations prénatales et pour enfants, de l’organisation des visites à domicile, et des services de promotion de la santé à l’école. Parallèlement aux missions de base d’accompagnement de l’enfant dans son environnement familial et d’accueil du jeune enfant, l’ONE développe des missions transversales communes à ses deux grands secteurs.

En plus du soutien à la parentalité et l’information des parents, la promotion de la santé et l’éducation de celle-ci, il s’agit de la promotion de la formation continue des acteurs des politiques de l’enfance, la réalisation de recherches, l’évaluation des besoins et des expériences innovantes.

Plus d’informations sur les missions de l’ONE :

https://www.one.be


[1] Chiffres non exhaustifs au 5 avril 2019. 68,52% en Wallonie et 80% à Bruxelles des suspicions de cas de rougeole ont été confirmées par un laboratoire. 11,11% en Wallonie et 6,25% à Bruxelles des suspicions sont des cas probables de rougeole, c’est-à-dire qu’ils présentent une clinique compatible à celle de la rougeole ainsi qu’un lien clairement établi avec une personne qui a présenté une rougeole avérée endéans la période d’incubation.

Pour une meilleure qualité de vie en Régions wallonne et bruxelloise : place à la santé dans toutes les politiques !

Le 30 Déc 20

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Pour une meilleure qualité de vie en Régions wallonne et bruxelloise : place à la santé dans toutes les politiques !

Carte blanche

Notre société actuelle est marquée par des transformations sociales rapides. Les structures familiales se diversifient, l’accès à un revenu décent se fragilise et la population vieillit.Nous, professionnel.le.s de la promotion de la santé qui œuvrons dans les domaines de la santé publique, de l’éducation pour la santé, de la santé communautaire, de la prévention des conduites à risques,…, sommes convaincu.e.s qu’accorder une place à la santé dans toutes les politiques est déterminant pour faire face à ces nouveaux défis.En effet, la santé ne dépend pas uniquement des aptitudes individuelles à rester en bonne santé, mais relève très largement d’autres conditions : l’accès à un logement de qualité, la proximité des services de santé, de transports en commun et d’infrastructures sportives, des environnements scolaires et de travail sains, la cohésion sociale, etc.Le combat pour promouvoir la santé globale et positive est à l’heure actuelle encore très peu connu et trop peu soutenu par les instances politiques. Nous considérons que nos élu.e.s communaux.ales doivent prendre leurs responsabilités en ce sens.

Des chiffres inquiétants !

  • Environ 18% de la population wallonne vit sous le seuil de pauvreté, cela concerne plus particulièrement les familles monoparentales, les enfants, et les pensionnésNote bas de page.

  • 22% des ménages bruxellois évoquent au moins un des problèmes suivant concernant leur logement : surpeuplement, incapacité à chauffer convenablement, problèmes d’humidité ou de moisissuresNote bas de page.

  • Un tiers des 18-24 ans en Wallonie (27,9 %) qui ne sont pas scolarisés ou en formation sont au chômageNote bas de page.

  • ¼ des ménages bruxellois (22,5%) déclarent avoir reporté des soins de santé pour des raisons financièresNote bas de page.

Nous sommes tou.te.s susceptibles d’être confronté.e.s à des facteurs de vulnérabilité (chômage, frais médicaux, endettement, etc.). Cependant, les personnes socio-économiquement défavorisées ont davantage de risque de développer des problèmes de santé, pourtant évitables.Selon une recherche canadienne de 2012, le système de santé ne contribuerait qu’à hauteur de 25% dans ce qui fait la santéNote bas de page. Il est grand temps d’investir dans des stratégies visant les autres déterminants de la santé, comme l’évoquait récemment la Ministre wallonne de la santé, Alda GréoliNote bas de page. C’est là que se situe le cœur du travail en promotion de la santé : créer des environnements de vie et de travail favorables à la santé, renforcer l’action communautaire, développer les connaissances et compétences individuelles et collectives sont quelques-unes des stratégies que nous mettons en œuvre au quotidien dans notre travail. Reconnues par la communauté internationaleNote bas de page, elles ont un réel impact sur la santé des citoyen.ne.s.

Les communes : autant de leviers locaux pour agir pour, et sur, la santé et la qualité de vie de tous les habitants.

Durant ces dernières années, des programmes ont été mis en place au sein de nombreuses communes à Bruxelles et en Wallonie.Certains projets sont décrits sur les sites internet de nos fédérations : www.fwpsante.be et www.fbpsante.brussels.La promotion de la santé renforce la capacité des populations à faire face aux défis nouveaux en matière de santé tout en visant à atténuer les inégalités sociales. La finalité de la promotion de la santé est de leur donner une prise sur les conditions de leur santé et leur bien-être, tout au long de leur vie. Cependant, la volonté de nos responsables d’élaborer des politiques publiques saines ou de créer des environnements davantage favorables à la santé est encore trop faible.En Wallonie, cela fait plus de quatre ans que nous attendons un nouveau cadre décrétal. Sans celui-ci, nous ne pouvons agir dans une perspective à long terme. De son côté, Bruxelles s’est récemment dotée d’un dispositif pour organiser la promotion de la santé : un décret et un budget ont été adoptés. Malgré ces mouvements, la promotion de la santé fait toujours figure de parent pauvre des politiques de santé en Wallonie, comme à Bruxelles. Nous constatons également que l’impact sur la santé des décisions prises dans de nombreux domaines (éducation, emploi, mobilité, environnement, logement, citoyenneté, etc.) n’est que trop rarement pris en compte.

Accorder une place à la promotion de la santé, cela passe aussi par les urnes.

À la veille des élections communales du 14 octobre prochain, nous, acteurs du terrain, estimions nécessaire de faire un état de la situation et de réclamer plus de place pour la promotion de la santé au niveau local. Actions de promotion de la santé et politiques communales se jouent dans la proximité et constituent d’importants leviers pour développer des environnements favorables à la santé des citoyen.ne.s.Accorder cette place à la promotion de la santé, c’est aussi s’appuyer sur l’expertise d’un réseau d’acteurs publics et du non-marchandNote bas de page pour une meilleure qualité de vie en Régions wallonne et bruxelloise.Nous lançons donc cet appel à nos futur.e.s élu.e.s mais également à celles et ceux qui leur font confiance, car la santé, c’est notre affaire à tou.te.s !

Signataires :Les membres de la Fédération Wallonne de Promotion de la Santé et de la Fédération Bruxelloise de Promotion de la Santé :Alias ; Alliance Nationale des Mutualités chrétiennes – Revue Education Santé ; Association de Recherche Action en faveur des personnes handicapées ; Centre Bruxellois de Promotion de la Santé ; Centre Communautaire de Référence pour le dépistage des cancers ; Citadelle – Projet périscope ; CLPS de Charleroi-Thuin ; CLPS de Huy-Waremme ; CLPS de Liège ; CLPS de Verviers ; CLPS des Arrondissements de Mons-Soignies ; CLPS du Brabant wallon ; CLPS du Hainaut Occidental ; CLPS du Luxembourg ; CLPS en province de Namur ; Comme chez nous ; Coordination Education & Santé ; Cultures et Santé ; De Bouche à Oreille – Li Cramignon ; Educa Santé ; Entr’Aide des Marolles ; Espace P… ; Eurotox ; Ex æquo ; Fédération des centres pluralistes de Planning Familial ; Fédération Laïque des Centres de Planning Familial ; Fédération des maisons médicales et collectifs de santé francophones ; Femmes et Santé ; Fonds des Affections Respiratoires ; Forest-Quartiers Santé ; Groupe pour l’abolition des mutilations sexuelles Belgique ; I Care ; Icar Wallonie ; Infor-Drogues ; Le Méridien ; Le Pélican ; Les Pissenlits ; Ligue des Usagers des Services de Santé ; Médecins du Monde ; Modus Vivendi ; Nadja ; Observatoire du Sida et des Sexualités ; Plate-forme prévention Sida ; Point Culture ; Promo Santé & Médecine Générale ; Prospective Jeunesse ; Question Santé ; Repères ; Réseau Santé Diabète ; Santé-Communauté-Participation ; Service de Santé Mentale ALFA ; Service de santé mentale de Verviers – A.V.A.T. ; Service d’Information Promotion Education Santé ; Service Education pour la Santé-Promotion santé en milieu carcéral ; Service Universitaire de Promotion de la Santé de l’UCL/IRSS-RESO ; Sida IST Charleroi Mons ; Sida Sol ; Sida SOS ; Solidaris Pipsa ; Union Nationale des Mutualités Socialistes ; Univers Santé ; Université de Liège-APES ; Ville de Mons – Service de prévention et de réduction des risques liés aux usages de drogues

Personnes de contact :Pour la FBPSanté, www.fbpsante.be:Bruno Vankelegom, président, bruno.vankelegom@f-q-s.beCaroline Rasson, vice-présidente, caroline.rasson@fares.bePour la FWPSanté, www.fwpsante.be:Chantal Leva, présidente, chantal.leva@clps.beYves Gosselain, vice-président, yves.gosselain@fmm.be

L’Institut wallon de l’évaluation, de la prospective et de la statistique (IWEPS), Données sur les niveaux et conditions de vie, disponible sur https://www.iweps.be/indicateurs-statistiques/?fwp_is_categories=niveaux-et-conditions-de-vie, consulté le 30-05-2018

L’Institut wallon de l’évaluation, de la prospective et de la statistique (IWEPS), Données sur les niveaux et conditions de vie, disponible sur https://www.iweps.be/indicateurs-statistiques/?fwp_is_categories=niveaux-et-conditions-de-vie, consulté le 30-05-2018

L’Observatoire de la Santé et du Social de Bruxelles-Capitale (2017). Baromètre social 2017. Bruxelles : Commission communautaire commune.

L’Observatoire de la Santé et du Social de Bruxelles-Capitale (2017). Baromètre social 2017. Bruxelles : Commission communautaire commune.

Marmot M., Allen J.J. (2014) « Social determinants of health equity », American Journal of Public Health, vol. 104, S4, p.S517-S519 cité dans Breton E., et al., (2017) « La promotion de la santé – comprendre pour agir dans le monde francophone », Presses de l’EHESP.

Charte d’Ottawa, OMS 1986.

La réduction des risques pour les usagers de drogues, une stratégie complémentaire en promotion de la santé

Le 30 Déc 20

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La réduction des risques pour les usagers de drogues, une stratégie complémentaire en promotion de la santé

Le sujet revient régulièrement au cœur de l’actualité : les salles de consommations à moindre risque font de plus en plus parler d’elles et divisent l’opinion. La Belgique se dotera-t-elle de ce dispositif à l’instar de nos voisins (France, Allemagne, Luxembourg, Pays-Bas pour ne citer qu’eux). Une étude BELSPO réalisée avec l’Université de Gand et l’Université Catholique de Louvain  sur la faisabilité de leur installation en Belgique vient de paraître, le débat enflamme le politique et la sphère publique. Il s’agit là d’une des voies parmi d’autres pour développer une approche de réduction des risques. Au travers de cet article, nous souhaitons revenir sur les origines, l’explication et les objectifs de cette approche encore parfois méconnue, ce « troisième pilier » dans la prise en charge de la question des drogues. En guise d’introduction, avant de vous plonger vous aussi dans le débat…

Réduc… quoi ?

On ne parle pas de tous les usages mais bien des usages « à risques », c’est-à-dire qui peuvent entraîner un dommage (qu’il soit physique, psychique ou social). Les usages à risques ne se limitent pas uniquement aux situations de dépendance ou aux usages nocifs, mais à toute consommation qui comporte un risque.

Mettre en place une approche de Réduction des Risques (RdR) signifie développer un ensemble de stratégies différentes et complémentaires de santé publique qui ont pour objectif premier de limiter les risques et les dommages sanitaires et psycho-sociaux liés à l’usage de drogues. Comme nous le verrons par la suite, les objectifs de cette approche vont s’élargir avec le temps, au même titre que la notion de drogue.

Il s’agit d’une approche complémentaire (on la désigne comme « le troisième pilier ») dans la politique globale contre les drogues. Les autres piliers sont en général la prévention (pour réduire l’incidence des usages dans la population), la thérapie (les traitements pour opérer un changement sanitaire et/ou psycho-social auprès de la personne), et par ailleurs la répression (le volet sécuritaire).

Mais comment cette approche s’est-elle développée ?

Émergence dans l’urgence

Avant les années ’80, une personne usagère de drogue n’avait accès à des soins spécifiques qu’à la condition d’être prête à arrêter de consommer. L’abstinence était une clé pour l’accès aux soins. Cela avait des conséquences terribles pour les usagers qui ne voulaient ou ne pouvaient arrêter, exclues des systèmes de soins ‘classiques’, avec tout la spirale d’exclusion que cela peut engendrer. Un constat d’échec récurrent était la donne. Mais pire encore : une aggravation des risques et des dommages auprès de ce public-là, de leur entourage, des nuisances dans l’espace public… Quelques voix s’élèvent toutefois, comme le Dr. Claude Olievenstein en France, pour faire avancer les mentalités. Celui-ci met l’accent, par exemple, sur la personnalité de l’usager et l’importance de son contexte de vie.

Il faudra attendre une urgence sanitaire majeure pour faire un pas de géant dans l’évolution des mentalités et des pratiques, et pour que le monde politique prenne enfin en compte ce public mis au ban de la société. Au tournant des années ’80, les ravages du Sida mais aussi la prévalence des hépatites auprès du public des ‘injecteurs’ particulièrement touché, pousse les intervenants et les politiques à réagir. Il faut absolument mettre en place une politique de santé publique qui permette aux usagers de se prémunir des risques infectieux en ciblant leurs besoins immédiats. Ainsi, un tournant majeur s’opère : l’usager de drogues est à nouveau considéré comme faisant partie de la société, comme citoyen. Outre les distributions massives de préservatifs, une mesure phare de cette époque a été la mise à disposition de matériel stérile d’injection. L’approche de la Réduction des Risques (RdR) auprès des usagers de drogues est née et prend de l’essor.

Progressivement, dès les années ’90, le champ de la RdR va s’élargir : ce n’est plus la problématique seule des risques d’infection qui est prise en compte mais tous les risques physiques, psychologiques et sociaux liés à la consommation. Parallèlement, le public-cible des ‘injecteurs’ s’élargit à toutes les personnes qui consomment des drogues, que celles-ci soient légales ou non, et que l’usage soit occasionnel, régulier, que la personne soit dépendante ou non. L’addictologie est une discipline qui s’est installée, on ne fait plus de distinction aussi tranchée qu’avant entre les drogues légales ou illégales. Tous les publics sont concernés. D’un outil hygiéniste, on évolue rapidement vers la prise en compte de l’usager comme expert de son vécu, vers la rencontre entre celui-ci et le soignant, dans une démarche d’ empowerment plus que d’assistance passive. L’importance de la rencontre et du lien avec la personne devient centrale. On voit par exemple des lieux d’accueil ‘à bas seuil’ se développer.

Les résultats de toutes ces initiatives RdR ont été étudiés et documentés au fil des ans : une diminution des overdoses et des contaminations, une (re)prise de contact avec un public marginalisé et un meilleur accès aux soins, mais également des effets positifs dans l’environnement et les espaces publics, etc.

Les postulats de départ

Penser une approche de réduction des risques pour les usages de drogues implique d’accepter au départ certains postulats tels qu’un monde sans drogues n’existe pas, tout comme le risque zéro n’existe pas non plus. La prise de risque fait partie du reste de l’existence humaine. Ensuite, les risques sont maximisés dans un contexte de prohibition des drogues : les réseaux se criminalisent, les usagers sont amenés à se cacher et à consommer de manière plus risquée, cela pousse aussi à la marginalisation et à le perte de liens, etc.

Les intervenants du secteur prônent aussi qu’une information objective ou la mise à disposition de moyens pour un usage à moindre risque ne sont pas des incitateurs à la consommation. Du reste, une approche RdR s’adresse spécifiquement aux personnes en situation de consommation.

Des objectifs et des champs élargis

Au vu de son évolution, l’approche de la RdR s’inscrit davantage dans une approche de santé globale de la personne, mais de son environnement également. Les objectifs sont les suivants :

  • réduire la morbidité et les comorbidités ;
  • améliorer l’état de santé des usagers ;
  • favoriser l’accès aux soins, à l’accompagnement et aux droits des usagers ;
  • favoriser la réinsertion sociale ;
  • réduire les nuisances publiques.

A tout niveau et où que se trouve la personne dans son parcours de consommation, aller à la rencontre de la personne (plutôt qu’attendre une demande), le dialogue, l’établissement d’un lien de confiance, l’accueil, sans jugement moral, sont des valeurs et une condition sine qua non.

Les initiatives en RdR dans le milieu considèrent l’usager comme un partenaire, il est amené à mobiliser ses ressources tant pour sa santé que celle des autres, par exemple via des programmes d’information par les paires. Mais bien au-delà parfois avec un projet entièrement pensé par les usagers, géré par les usagers.

Comme nous l’avons vu, le champs de la RdR pour les usagers de drogues s’est considérablement élargi. Certains milieux sont désignés comme prioritaires vu la prévalence importante de consommation ou d’exposition aux risques, comme le milieu festif ou le milieu carcéral.

Quelques exemples d’actions

Sans être exhaustif, voici quelques exemples de projets ou de programmes inscrits dans une politique de RdR liés aux consommations de drogues :

  • La distribution de matériel stérile d’injection via des comptoirs d’échange de seringues
  • La distribution de préservatifs
  • Les salles de consommation à moindre risque (SCMR)
  • Le testing de substances dans un lieu festif tel qu’un festival
  • Les tests de dépistage rapide
  • L’information en milieu festif

Pour en savoir plus : https://reductiondesrisques.be/